Accueil > Culture > Cinéma > Mercredi cinéma : "Télé Gaucho" de Michel Leclerc avec Félix Moati, Eric Elmosnino, Sara Forestier, Maïwenn…
Restez informés
Inscrivez-vous
aux newsletters du Journal !
Je m'inscris

Mercredi cinéma : "Télé Gaucho" de Michel Leclerc avec Félix Moati, Eric Elmosnino, Sara Forestier, Maïwenn…

Publié le : 12-12-2012

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

TELE GAUCHO de Michel LeclercZoom nouveauté : "Télé Gaucho" de Michel Leclerc

L'histoire
Tout a commencé lorsque les caméscopes ont remplacé les caméras. Faire de la télé devenait alors à la portée de tous.
Jean-Lou, Yasmina, Victor, Clara, Adonis et les autres ne voulaient pas seulement créer leur propre chaîne de télé, ils voulaient surtout faire la révolution. Ainsi naquit Télé Gaucho, aussi anarchiste et provocatrice que les grandes chaînes étaient jugées conformistes et réactionnaires. Cinq années de grands foutoirs, de manifs musclées en émetteur pirate, de soirées de beuveries en amours contrariées...
Et ce fut ma parenthèse enchantée.
Un film de Michel Leclerc avec Félix Moati, Eric Elmosnino, Sara Forestier, Maïwenn, Emmanuelle Béart, Zinedine Soualem...

 

Bonus: propos de Michel Leclerc, réalisateur du film

Après le succès du "Nom des gens", quelle était votre envie ?
L'envie de réaliser "Télé gaucho" date de l'époque où je faisais partie de Télé Bocal, dont s'inspire le film, entre 1995 et 2000. Pour moi, cette chaîne de télé associative représentait la quintessence de toutes les expériences de groupe. J'ai toujours été fasciné par les films de groupe, comme "Le péril jeune" ou "Nous nous sommes tant aimés", qui racontent l'histoire de trois ou quatre copains sur plusieurs années et qui mêlent la politique, la passion amoureuse et le passage à l'âge adulte.
Dans "Télé gaucho", Victor, le personnage principal a du mal à admettre qu'il appartient totalement au groupe, tout en ne supportant pas l'idée de ne pas être dedans.

TELE GAUCHO de Michel LeclercOn retrouve dans le film des rubriques que vous aviez imaginées pour Télé Bocal…
La plupart sont des rubriques que je réalisais, comme "Avant, moi je croyais…" ou "Les objets qui nous font chier". Un jour, Nagui a vu "Avant, moi je croyais…" et il m'a proposé  d'en acheter une centaine de modules pour être diffusés sur Canal Plus, dans l'émission Nulle Part Ailleurs. J'ai accepté, contrairement à Victor dans le film, plus "pur" que moi. Mais pour soulager ma conscience de "social-traître", j’ai négocié auprès de Nagui le fait que tout soit tourné à Télé Bocal et que celle-ci bénéficie des retombées financières de la production. Et pourtant, cela m'a quand même valu d'être traité comme un "vendu au système". Dans ce milieu gauchiste ultra politisé, il est très difficile de revendiquer le statut d’auteur, c'est faire preuve d'égoïsme puisque cela revient à revendiquer "c'est moi qui l'ai fait".

Votre court métrage "Le poteau rose" semblait déjà tracer les contours de "Télé gaucho".
Oui, on peut vraiment dire que "Télé gaucho" est une sorte de gros making-of du "Poteau rose" ! Mais quand j'étais à Télé Bocal, contrairement à Victor, je n'étais pas ce jeune garçon qui sortait de chez ses parents : je travaillais déjà comme monteur pour la télé. J'ai passé cinq ans en tout à Télé Bocal et, vers la fin, j'ai réalisé ce court métrage à partir d'archives personnelles et familiales, et de rubriques tournées pour Télé Bocal. C'était une sorte de journal intime. Et miraculeusement, ce film tourné et monté en une semaine, dans une sorte d’inconscience, a touché les gens et a tout changé pour moi. J'avais déjà réalisé six ou sept courts métrages très classiques dans la forme et la narration, et il n'y a que "Le poteau rose" – sorte d'autofiction – qui ait vraiment eu du succès ! J’ai été troublé car j’étais persuadé qu’il s'agissait moins d'un film que d'un montage personnel, et je me méfiais des démarches complaisantes et égocentrées. Et pourtant, c'est ce court qui a touché les autres ! A partir de là, mon approche du cinéma a changé : j'ai compris qu'il fallait que je fouille davantage l'intime, tout en gardant la distance que l’on prend avec ses propres névroses, et pour moi, l’humour permet de trouver cette distance.

Comment s'est passée l'écriture ?
Au tout début, j'avais l'intention de réaliser un documentaire sur Télé Bocal. Et puis, de cette idée est née une histoire : un film choral, sans narration véritable, suivant le fil des événements les plus marquants que j'avais moi-même vécus. Au bout d’une vingtaine de pages, j’ai sollicité l'aide de Thomas TELE GAUCHO de Michel LeclercLilti, un ami proche qui avait réalisé "Les yeux bandés". Grâce à lui, j'ai eu un déclic : il m'a poussé à comprendre que ce que je voulais raconter, c'était l'histoire de Victor, jeune homme qui monte à Paris pour devenir adulte. Ma pudeur m'avait poussé vers une histoire collective où je ne mettais pas un personnage en avant plus qu'un autre. Et Thomas m'a expliqué que c'était justement cela qui était intéressant : certes le film décrivait une ambiance libertaire et « anar », mais il s'agissait avant tout du récit d'un jeune homme confronté à ses idéaux, à ses ambitions artistiques, à ses premiers amours, à la paternité et qui, à l'arrivée, n'est plus le même qu'au départ.

Comment avez-vous imaginé les protagonistes ?

Le mot-clé pour moi, c'est la contradiction ou l'ambiguïté chez chacun. Si on s'attache à Jean-Lou, le leader, c'est parce que c’est un personnage charismatique autour duquel les autres se soudent : sans lui, le groupe n'existerait pas. Mais c'est aussi un escroc aux petits pieds qui aime tellement l'escroquerie qu’il ne résiste pas au plaisir de s’escroquer lui-même : on ne lui en veut jamais de ne pas être totalement honnête. Il règne sur quelques pâtés de maison et il a un côté très colérique, mais en même temps, il fédère et il impulse le mouvement. A un moment donné, il se retrouve confronté à un succès de mode et il ne le supporte pas. Il veut maîtriser son petit monde, sans jamais s'en éloigner. Il est exalté et irresponsable comme un enfant qui sabote ses propres jouets. Par peur de réussir, il préfère rater.
Yasmina est la plus sincèrement engagée. Elle a probablement des raisons personnelles de se révolter et elle prend totalement au sérieux l'expérience de Télé Gaucho : pour elle, c'est un moyen de toucher les gens et de faire de la télé militante citoyenne. Mais elle manque de recul et d’autodérision. Avec Jean-Lou, elle forme un couple infernal : lui a une religion du bordel et de l'anarchie, alors qu'elle cherche à être utile aux autres. Du coup, son sérieux provoque de l'ironie chez son entourage.

Et Victor ?
Le spectateur voit le film à travers son regard car il incarne une forme de normalité, le clown blanc. Pendant toute une partie, il en prend plein la gueule, on se moque de sa naïveté. Mais au fond, c'est un ambitieux : il a envie de réussir et, en rencontrant ces gens avec qui il se sent en communion, il voit un moyen de parvenir à ses fins. Il TELE GAUCHO de Michel Leclercest donc empêtré dans ses contradictions puisqu'il travaille pour une chaîne commerciale, tout en appartenant à Télé Gaucho. A travers lui, le film pose la question de savoir comment concilier idéalisme et ambition : Jusqu’à quel point faut-il renoncer à ses idéaux sans pour autant devenir un cynique ? C'est toute la trajectoire de ce personnage qui devient adulte, mais qui perd sans doute une certaine pureté en route. De même, dans ses relations amoureuses, il subit un dépucelage violent. Il s'embarque plein d'enthousiasme dans une histoire d'amour qui va le plomber assez vite. Pourtant, c'est sans doute le personnage qui a le plus la tête sur les épaules, qui sait où il veut aller, et qui parvient à ses fins puisqu’à la fin de l’histoire, il a trouvé la réponse à la question qu’il se posait : « comment fait-on un film ? »

Clara est un personnage plus ambigu qu'il n'y paraît au départ…
Clara incarne une autre facette de Baya du "Nom des gens", comme si, dans "Télé gaucho", Baya se divisait en Yasmina et Clara : dès le début, on sent qu'elle a un grain. Mais elle a une folie solaire et attirante, une liberté qui séduit Victor. Progressivement, on s'aperçoit que sa folie n'est pas aussi solaire que ça : c’est un personnage déstructuré pour qui la frontière entre réalité et fiction est très mince. Elle a des enthousiasmes successifs – pour le cirque, pour la politique etc. – mais elle ne se donne jamais les moyens de ses passions, si bien que toute sa vie est vouée à l'échec. Elle en souffre mais elle n'essaie pas de lutter contre cette tendance. Elle devient donc un personnage très noir, mortifère – elle travaille d'ailleurs dans un magasin de pompes funèbres – et elle est très décourageante pour les autres. Personne ne peut compter sur elle, et elle la première. Dès que Victor découvre cela, il comprend qu’elle peut l’entraîner vers le fond.

TELE GAUCHO de Michel LeclercEtienne est, lui aussi, englué dans ses paradoxes.
On a tous connu ce genre de personnage qui se veut plus pur que les autres. Il a le bagage culturel politisé et il possède la dialectique, ce qui lui permet de juger les autres en permanence. Ces donneurs de leçons sont fréquents dans les milieux alternatifs. Dans un groupe, il y a toujours des petits « Torquemada ». C'est pour cela que j'ai aimé en faire un personnage pas aussi gauchiste qu'il en a l'air : c'est un fils de bourgeois qui vit à Auteuil, ce qui, dans ce milieu-là, est très mal vu et qu'il faut absolument cacher.

Patricia Gabriel est clairement l'ennemie à abattre …
Oui, parce qu'elle fait de la télé trash et qu'elle incarne des valeurs aux antipodes de Télé Gaucho. Sauf que Victor est confronté à la personne réelle, et non plus à l'image qu'elle dégage. Et la personne réelle, comme souvent, est plus complexe et Victor n'est plus aussi sûr e vouloir lui nuire.

C'est clairement un film engagé, mais qui n'assène pas de message…

Un dialogue dans le film met en garde contre les tentations dogmatiques : Yasmina explique que peu importe que Patricia Gabriel soit sympa ou pas, elle représente l'ennemie, et il faut donc l'abattre. À l'inverse, Victor dit qu'elle risque de se faire virer. J'aime le militantisme et l'engagement politique, mais il y a des limites à la désignation de l'ennemi et je reste toujours sur mes gardes dans ces cas-là. On a le sentiment qu'en 1995-96, où se déroule le film, il y a encore la possibilité de "réenchanter" le monde…. Je pense que c’est un des premiers films qui décrit cette période comme du passé. En 1995, les gens commencent à s'équiper en petites caméras et caméscopes, mais on ne peut pas encore diffuser les images sur Internet, comme aujourd’hui. Le film se passe dans cette "fenêtre technique", où tout le monde pouvait filmer et monter, mais où personne ne savait comment montrer ce que qui avait été tourné. C'est ce que raconte "Télé gaucho" : on réinventait, en quelque sorte, les débuts du cinéma en organisant des projections publiques où on diffusait ce que l’on avait filmé dans la journée, et où on s'exposait en direct aux réactions du public. Il y a là une dimension foraine : d'où l'impression de parenthèse enchantée. L’ambiance de "Télé gaucho" est proche des années 70 : l’amour, la politique, la liberté… à la différence près que dans les années 90, l’ennemi à abattre n’était plus vraiment le pouvoir politique, mais la télé commerciale qui, à partir de ces années-là, commençait à incarner le pouvoir absolu.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Le noir (te) vous va si bien" de Jacques Bral
"Populaire" de Régis Roinsard
"Thérèse Desqueyrous" de Claude Miller
"Après mai" d'Olivier Assayas
"Augustine" d'Alice Winocour
"Une famille respectable" de Massoud Bakhshi
"Stars 80" de Thomas Langmann
"Au galop" de Louis-Do de Lencquesaing
"Dans la maison" de François Ozon
"Reality" de Matteo Garrone

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

TELE GAUCHO de Michel LeclercZoom nouveauté : "Télé Gaucho" de Michel Leclerc

L'histoire
Tout a commencé lorsque les caméscopes ont remplacé les caméras. Faire de la télé devenait alors à la portée de tous.
Jean-Lou, Yasmina, Victor, Clara, Adonis et les autres ne voulaient pas seulement créer leur propre chaîne de télé, ils voulaient surtout faire la révolution. Ainsi naquit Télé Gaucho, aussi anarchiste et provocatrice que les grandes chaînes étaient jugées conformistes et réactionnaires. Cinq années de grands foutoirs, de manifs musclées en émetteur pirate, de soirées de beuveries en amours contrariées...
Et ce fut ma parenthèse enchantée.
Un film de Michel Leclerc avec Félix Moati, Eric Elmosnino, Sara Forestier, Maïwenn, Emmanuelle Béart, Zinedine Soualem...

 

Bonus: propos de Michel Leclerc, réalisateur du film

Après le succès du "Nom des gens", quelle était votre envie ?
L'envie de réaliser "Télé gaucho" date de l'époque où je faisais partie de Télé Bocal, dont s'inspire le film, entre 1995 et 2000. Pour moi, cette chaîne de télé associative représentait la quintessence de toutes les expériences de groupe. J'ai toujours été fasciné par les films de groupe, comme "Le péril jeune" ou "Nous nous sommes tant aimés", qui racontent l'histoire de trois ou quatre copains sur plusieurs années et qui mêlent la politique, la passion amoureuse et le passage à l'âge adulte.
Dans "Télé gaucho", Victor, le personnage principal a du mal à admettre qu'il appartient totalement au groupe, tout en ne supportant pas l'idée de ne pas être dedans.

TELE GAUCHO de Michel LeclercOn retrouve dans le film des rubriques que vous aviez imaginées pour Télé Bocal…
La plupart sont des rubriques que je réalisais, comme "Avant, moi je croyais…" ou "Les objets qui nous font chier". Un jour, Nagui a vu "Avant, moi je croyais…" et il m'a proposé  d'en acheter une centaine de modules pour être diffusés sur Canal Plus, dans l'émission Nulle Part Ailleurs. J'ai accepté, contrairement à Victor dans le film, plus "pur" que moi. Mais pour soulager ma conscience de "social-traître", j’ai négocié auprès de Nagui le fait que tout soit tourné à Télé Bocal et que celle-ci bénéficie des retombées financières de la production. Et pourtant, cela m'a quand même valu d'être traité comme un "vendu au système". Dans ce milieu gauchiste ultra politisé, il est très difficile de revendiquer le statut d’auteur, c'est faire preuve d'égoïsme puisque cela revient à revendiquer "c'est moi qui l'ai fait".

Votre court métrage "Le poteau rose" semblait déjà tracer les contours de "Télé gaucho".
Oui, on peut vraiment dire que "Télé gaucho" est une sorte de gros making-of du "Poteau rose" ! Mais quand j'étais à Télé Bocal, contrairement à Victor, je n'étais pas ce jeune garçon qui sortait de chez ses parents : je travaillais déjà comme monteur pour la télé. J'ai passé cinq ans en tout à Télé Bocal et, vers la fin, j'ai réalisé ce court métrage à partir d'archives personnelles et familiales, et de rubriques tournées pour Télé Bocal. C'était une sorte de journal intime. Et miraculeusement, ce film tourné et monté en une semaine, dans une sorte d’inconscience, a touché les gens et a tout changé pour moi. J'avais déjà réalisé six ou sept courts métrages très classiques dans la forme et la narration, et il n'y a que "Le poteau rose" – sorte d'autofiction – qui ait vraiment eu du succès ! J’ai été troublé car j’étais persuadé qu’il s'agissait moins d'un film que d'un montage personnel, et je me méfiais des démarches complaisantes et égocentrées. Et pourtant, c'est ce court qui a touché les autres ! A partir de là, mon approche du cinéma a changé : j'ai compris qu'il fallait que je fouille davantage l'intime, tout en gardant la distance que l’on prend avec ses propres névroses, et pour moi, l’humour permet de trouver cette distance.

Comment s'est passée l'écriture ?
Au tout début, j'avais l'intention de réaliser un documentaire sur Télé Bocal. Et puis, de cette idée est née une histoire : un film choral, sans narration véritable, suivant le fil des événements les plus marquants que j'avais moi-même vécus. Au bout d’une vingtaine de pages, j’ai sollicité l'aide de Thomas TELE GAUCHO de Michel LeclercLilti, un ami proche qui avait réalisé "Les yeux bandés". Grâce à lui, j'ai eu un déclic : il m'a poussé à comprendre que ce que je voulais raconter, c'était l'histoire de Victor, jeune homme qui monte à Paris pour devenir adulte. Ma pudeur m'avait poussé vers une histoire collective où je ne mettais pas un personnage en avant plus qu'un autre. Et Thomas m'a expliqué que c'était justement cela qui était intéressant : certes le film décrivait une ambiance libertaire et « anar », mais il s'agissait avant tout du récit d'un jeune homme confronté à ses idéaux, à ses ambitions artistiques, à ses premiers amours, à la paternité et qui, à l'arrivée, n'est plus le même qu'au départ.

Comment avez-vous imaginé les protagonistes ?

Le mot-clé pour moi, c'est la contradiction ou l'ambiguïté chez chacun. Si on s'attache à Jean-Lou, le leader, c'est parce que c’est un personnage charismatique autour duquel les autres se soudent : sans lui, le groupe n'existerait pas. Mais c'est aussi un escroc aux petits pieds qui aime tellement l'escroquerie qu’il ne résiste pas au plaisir de s’escroquer lui-même : on ne lui en veut jamais de ne pas être totalement honnête. Il règne sur quelques pâtés de maison et il a un côté très colérique, mais en même temps, il fédère et il impulse le mouvement. A un moment donné, il se retrouve confronté à un succès de mode et il ne le supporte pas. Il veut maîtriser son petit monde, sans jamais s'en éloigner. Il est exalté et irresponsable comme un enfant qui sabote ses propres jouets. Par peur de réussir, il préfère rater.
Yasmina est la plus sincèrement engagée. Elle a probablement des raisons personnelles de se révolter et elle prend totalement au sérieux l'expérience de Télé Gaucho : pour elle, c'est un moyen de toucher les gens et de faire de la télé militante citoyenne. Mais elle manque de recul et d’autodérision. Avec Jean-Lou, elle forme un couple infernal : lui a une religion du bordel et de l'anarchie, alors qu'elle cherche à être utile aux autres. Du coup, son sérieux provoque de l'ironie chez son entourage.

Et Victor ?
Le spectateur voit le film à travers son regard car il incarne une forme de normalité, le clown blanc. Pendant toute une partie, il en prend plein la gueule, on se moque de sa naïveté. Mais au fond, c'est un ambitieux : il a envie de réussir et, en rencontrant ces gens avec qui il se sent en communion, il voit un moyen de parvenir à ses fins. Il TELE GAUCHO de Michel Leclercest donc empêtré dans ses contradictions puisqu'il travaille pour une chaîne commerciale, tout en appartenant à Télé Gaucho. A travers lui, le film pose la question de savoir comment concilier idéalisme et ambition : Jusqu’à quel point faut-il renoncer à ses idéaux sans pour autant devenir un cynique ? C'est toute la trajectoire de ce personnage qui devient adulte, mais qui perd sans doute une certaine pureté en route. De même, dans ses relations amoureuses, il subit un dépucelage violent. Il s'embarque plein d'enthousiasme dans une histoire d'amour qui va le plomber assez vite. Pourtant, c'est sans doute le personnage qui a le plus la tête sur les épaules, qui sait où il veut aller, et qui parvient à ses fins puisqu’à la fin de l’histoire, il a trouvé la réponse à la question qu’il se posait : « comment fait-on un film ? »

Clara est un personnage plus ambigu qu'il n'y paraît au départ…
Clara incarne une autre facette de Baya du "Nom des gens", comme si, dans "Télé gaucho", Baya se divisait en Yasmina et Clara : dès le début, on sent qu'elle a un grain. Mais elle a une folie solaire et attirante, une liberté qui séduit Victor. Progressivement, on s'aperçoit que sa folie n'est pas aussi solaire que ça : c’est un personnage déstructuré pour qui la frontière entre réalité et fiction est très mince. Elle a des enthousiasmes successifs – pour le cirque, pour la politique etc. – mais elle ne se donne jamais les moyens de ses passions, si bien que toute sa vie est vouée à l'échec. Elle en souffre mais elle n'essaie pas de lutter contre cette tendance. Elle devient donc un personnage très noir, mortifère – elle travaille d'ailleurs dans un magasin de pompes funèbres – et elle est très décourageante pour les autres. Personne ne peut compter sur elle, et elle la première. Dès que Victor découvre cela, il comprend qu’elle peut l’entraîner vers le fond.

TELE GAUCHO de Michel LeclercEtienne est, lui aussi, englué dans ses paradoxes.
On a tous connu ce genre de personnage qui se veut plus pur que les autres. Il a le bagage culturel politisé et il possède la dialectique, ce qui lui permet de juger les autres en permanence. Ces donneurs de leçons sont fréquents dans les milieux alternatifs. Dans un groupe, il y a toujours des petits « Torquemada ». C'est pour cela que j'ai aimé en faire un personnage pas aussi gauchiste qu'il en a l'air : c'est un fils de bourgeois qui vit à Auteuil, ce qui, dans ce milieu-là, est très mal vu et qu'il faut absolument cacher.

Patricia Gabriel est clairement l'ennemie à abattre …
Oui, parce qu'elle fait de la télé trash et qu'elle incarne des valeurs aux antipodes de Télé Gaucho. Sauf que Victor est confronté à la personne réelle, et non plus à l'image qu'elle dégage. Et la personne réelle, comme souvent, est plus complexe et Victor n'est plus aussi sûr e vouloir lui nuire.

C'est clairement un film engagé, mais qui n'assène pas de message…

Un dialogue dans le film met en garde contre les tentations dogmatiques : Yasmina explique que peu importe que Patricia Gabriel soit sympa ou pas, elle représente l'ennemie, et il faut donc l'abattre. À l'inverse, Victor dit qu'elle risque de se faire virer. J'aime le militantisme et l'engagement politique, mais il y a des limites à la désignation de l'ennemi et je reste toujours sur mes gardes dans ces cas-là. On a le sentiment qu'en 1995-96, où se déroule le film, il y a encore la possibilité de "réenchanter" le monde…. Je pense que c’est un des premiers films qui décrit cette période comme du passé. En 1995, les gens commencent à s'équiper en petites caméras et caméscopes, mais on ne peut pas encore diffuser les images sur Internet, comme aujourd’hui. Le film se passe dans cette "fenêtre technique", où tout le monde pouvait filmer et monter, mais où personne ne savait comment montrer ce que qui avait été tourné. C'est ce que raconte "Télé gaucho" : on réinventait, en quelque sorte, les débuts du cinéma en organisant des projections publiques où on diffusait ce que l’on avait filmé dans la journée, et où on s'exposait en direct aux réactions du public. Il y a là une dimension foraine : d'où l'impression de parenthèse enchantée. L’ambiance de "Télé gaucho" est proche des années 70 : l’amour, la politique, la liberté… à la différence près que dans les années 90, l’ennemi à abattre n’était plus vraiment le pouvoir politique, mais la télé commerciale qui, à partir de ces années-là, commençait à incarner le pouvoir absolu.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Le noir (te) vous va si bien" de Jacques Bral
"Populaire" de Régis Roinsard
"Thérèse Desqueyrous" de Claude Miller
"Après mai" d'Olivier Assayas
"Augustine" d'Alice Winocour
"Une famille respectable" de Massoud Bakhshi
"Stars 80" de Thomas Langmann
"Au galop" de Louis-Do de Lencquesaing
"Dans la maison" de François Ozon
"Reality" de Matteo Garrone

Partager cette page :

Vous appréciez le Journal de François ? Soutenez-le ! Merci.

Retourner à la page d'accueil - Retourner à la page "Cinéma"

Vous appréciez le Journal de François ? Soutenez-le ! Merci.

Retourner à la page d'accueil Retourner à la page "Cinéma"


Déposer un commentaire
0 commentaire(s)

Filtre anti-spam

Aucun commentaire

Informations Newsletter
  • Inscrivez-vous aux newsletters du Journal :
    "Agenda du week-end" et "Infos de proximité"
Contact
11 allée du Clos Laisnées, 95120 Ermont
06 89 80 56 28