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Mercredi cinéma : "Pourquoi tu pleures ?" de Katia Lewkowicz avec Benjamin Biolay, Emmanuelle Devos, Nicole Garcia...

Publié le : 15-06-2011

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

Pourquoi tu pleures ? de Katia LewkowiczZoom nouveauté : "Pourquoi tu pleures ?" de Katia Lewkowicz

L'histoire
A quelques jours de son mariage, un jeune homme qui n’en a pas l’habitude se retrouve confronté à des décisions cruciales.
Face à sa fiancée qui a disparu, face à la fille qu’il vient de rencontrer, face à sa belle-famille dont il ne comprend pas la langue, face à sa mère, sa soeur, ses potes et même aux ouvriers sur le chantier de son futur appartement, il doit trancher.
Mariage ou passion, passé familial ou futur conjugal, pétales ou dragées, tout va y passer.
Un film de Katia Lewkowicz avec Benjamin Biolay, Emmanuelle Devos, Nicole Garcia, Valérie Donzelli, Sarah Adler et Eric Lartigau.

Bonus : propos de Katia Lewkowicz, réalisatrice du film

Comment en êtes-vous arrivée à mettre en scène ?
J’aime raconter des histoires. Mais je ne trouvais pas de « sujet » qui puisse me passionner. Je sais le temps et l’implication qu’exige une réalisation – il faut des années pour porter un film à l’écran alors qu’en tant que comédienne, on s’embarque aux côtés de quelqu’un pendant quelques mois. La première étincelle est venue d’une rencontre avec Benjamin Biolay. J’ai été surprise par le décalage entre sa personnalité et l’image que l’on peut avoir de lui.
Peu de temps après, Canal + a lancé un appel d’offres pour des courts métrages sur le thème « Écrire pour un chanteur ». Benjamin figurait dans la liste des artistes et j’ai eu envie d’écrire pour lui. Son image est tellement forte qu’il est très facile d’en jouer. J’ai imaginé « C’est pour quand ? », l’histoire d’un homme qui, en arrivant à un goûter d’anniversaire d’enfants, rencontre une jeune femme – Valérie Donzelli, déjà – pour qui il a le coup de foudre. Malgré son désir, il ne partira pas avec elle, parce qu’il a vu à travers cette fête très animée à quoi un simple baiser pourrait les conduire. L’envie de comédie, l’idée d’aborder des choses sérieuses avec légèreté étaient déjà là. Ce court a été bien accueilli et Jean-Baptiste Dupont m’a proposé de développer un long dans le même esprit.
Je ne connaissais pas grand-chose à la technique, c’était une grosse pression pour moi, mais la tentation de continuer à travailler sur les thèmes que nous avions commencé à mettre en place avec Benjamin était là. J’avais envie de le voir jouer ce garçon que l’on découvre à quelques jours de son mariage et que l’on suit, en le voyant se révéler peu à peu à travers ses rapports avec ses proches, face aux passages obligés et aux doutes. C’est l’histoire d’un homme qui n’a jamais vraiment décidé de sa vie, et qui est à la veille de son plus grand engagement. Je voulais utiliser tous les codes de la comédie romantique américaine, avec l’idée de maintenir le doute sur l’issue, en sachant que, comme dans la réalité, à chaque moment, on peut passer à côté de sa vie...

Nicole Garcia, Benjamin Biolay et Emmanuelle DevosLa vie quelques jours avant le mariage, c’est un sujet très souvent traité et pourtant, vous réussissez à le réinventer complètement. Quel a été votre angle d’approche ?
J’ai décidé d’utiliser une histoire « vieille comme le monde » pour que le spectateur puisse toujours être en phase avec ce que le jeune homme ressent. Et qu’il puisse s’interroger en même temps que lui. J’avais envie de jouer avec cette base de données sensorielles collective. À travers la comédie, je souhaitais qu’à un moment ou un autre, chacun puisse se dire : « j’ai connu ça », « j’ai murmuré ces phrases », « je comprends cette colère ». Envie de raconter des histoires qui fassent écho. Je savais qu’avec ce sujet, tout le monde avait des références, ne serait-ce que par les films. Puis je me suis appuyée sur des « clichés » – la belle-famille d’une autre culture, la robe de mariée, les copains, les choix qui sont aussi des renoncements – je souhaitais ainsi, en m’acharnant à trouver un point de vue personnel à chaque fois, mettre en place le point de vue du futur marié. Le film parle aussi de ces traditions que l’on respecte finalement tous plus ou moins suivant nos cultures, sans se demander vraiment pourquoi. On a tous la sensation d’avoir une opinion personnelle et construite sur notre vie. On est quand même très nombreux à penser que la fidélité, c’est bien ; qu’une demande en mariage est une preuve d’amour ; qu’il faut faire une fête pour enterrer sa vie de jeune fille ou de jeune homme, et qu’il ne faut surtout pas que le marié voie la robe de sa femme avant le mariage.
Toutes les certitudes que l’on se construit peuvent être balayées. C’est pourquoi le film contient une proposition et son contraire. Quel que soit le sujet, il n’y a pas de vérité, uniquement des points de vue.

Comment avez-vous construit votre histoire ?
Je savais où je voulais amener le héros et j’ai fait intervenir les personnages uniquement pour faire avancer son état. Pour structurer l’histoire, j’ai commencé par faire des listes – liste des choses à faire quand on organise un mariage, liste de tout ce qui énerve dans le quotidien, liste des angoisses possibles, liste des personnages, les copains, la mère, la sœur… J’ai ainsi accumulé toute une matière, puis je me suis mise à écrire, en déroulant le fil, en essayant de construire une espèce de musique, en alternant les ambiances, les instruments, une scène de groupe, une scène où il marche seul dans la rue ou un duo parlant d’amour. Tout devait être vu à travers le personnage de Benjamin, comme si le spectateur regardait tout par-dessus son épaule.
Sur cette première base narrative, j’ai retravaillé par passages successifs, par sentiments, jusqu’à être uniquement dans le ressenti. En relisant mes notes du début, je me suis rendu compte que j’avais tout intégré naturellement.

Emmanuelle Devos et Eric LartigauVos dialogues sont très écrits…
J’adore l’écrit, c’est même une des principales raisons pour lesquelles je fais ce métier. Je travaille depuis deux ans sur les œuvres d’un auteur de théâtre – Jean-Luc Lagarce – dont l’écriture est extrêmement précise tout en donnant une véritable impression de naturalisme. Je voulais une langue contemporaine. En première écriture, mes dialogues sont assez difficiles parce que j’écris toutes les hésitations que je gomme par la suite. Je voulais que le rythme soit rapide, que les personnages puissent dire les choses les plus énormes, un peu comme dans ces tragédies grecques où l’on peut dire à son père qu’on va le tuer. J’aime cette puissance. Il faut simplement adapter le degré pour permettre au spectateur d’y croire. Je passais mon temps à dire aux acteurs de jouer vite et simple. Ne pas convaincre que ce qu’on dit est vrai. Juste le dire – il faut que ça glisse.

Pourquoi vos personnages n’ont-ils pas de prénom ?
À mon sens, leur caractérisation ne devait pas passer par là. Je voulais rester sur le ressenti, au-delà de tout artifice, pour que le spectateur se forge aussi lui-même l’image de chaque personnage. Les trois piliers de l’histoire sont le frère, la sœur et la mère, trois typologies. Tous les autres devaient être esquissés ou quasi inconnus, comme le restent d’ailleurs souvent les invités d’un mariage. Je m’appuie aussi sur ce qu’apportent les comédiens. Lorsque Benjamin arrive à l’écran, c’est aussi vrai d’Emmanuelle et de Nicole, leur image publique se mêle au rôle qu’ils interprètent et c’est une donnée dont je tiens compte et sur laquelle je joue.

Votre mise en scène est au plus près des personnages, on ne les quitte jamais. Pas de plan fixe, pas de caméra posée…
En prépa, nous nous étions mis d’accord pour que tout soit perpétuellement basé sur le point de vue de Benjamin. À partir de là, on est toujours avec lui, on ne voit rien qu’il ne puisse voir, on n’a jamais une information que lui-même n’a pas. Tout est filmé en caméra à l’épaule. Nous avons tourné en 35, j’étais au combo. Quand il rentre, on rentre avec lui. Je voulais que l’on puisse potentiellement regarder à 360°, ne pas mettre les choses trop en place mais au contraire mettre en scène partout, même dans les couloirs, pour qu’il y ait toujours du mouvement. C’était un grand bordel très pensé. Après, je souhaitais bon courage à mon chef opérateur, Laurent Brunet, et il suivait Benjamin.

Benjamin BiolayCe n’est pas de l’improvisation pour autant…
Non. Tout était écrit et calibré. Benjamin s’appuyait sur le texte et sur l’action convenue, mais il avait malgré tout une grande liberté – à condition de ne jamais se poser car son personnage n’en a pas le temps. C’est aussi vrai des autres comédiens ; tout doit être toujours en mouvement autour de lui. Lorsqu’ils étaient deux comédiens et que la caméra ne bougeait pas trop, c’était à eux de bouger. Les protagonistes sont en mouvement permanent, pour que tout avance vers ce mariage, en suivant Benjamin. J’avais aussi le parti pris que lorsqu’ils sont à deux, ils doivent être tout le temps ensemble, sans aucun champ/contrechamp. Les intermèdes amoureux, par contre, devaient constituer des respirations, des moments plus doux que l’on tournait en continu. Je ne fais pas plus de cinq ou six prises et finalement, je choisis quasiment toujours les premières.
Pour certaines scènes par contre, sur le texte, je n’avais pas fait de répétition afin de laisser les choses naître spontanément au tournage. Par exemple, lorsque les futurs mariés racontent la demande en mariage, je voulais qu’ils éprouvent un certain embarras. Nous n’avons même pas fait d’italienne. Le texte écrit s’est mis en place dans l’improvisation du jeu et des réactions.

(...) Après cette expérience, vous sentez-vous davantage comédienne ou réalisatrice ? Une orientation plus exclusive se dessine-t-elle ?
Aujourd’hui, je crois avoir plus envie de mettre en scène. Si j’ai envie de jouer, ce serait plutôt au théâtre. Le jeu est une façon d’approcher la mise en scène. Je ne m’étais jamais formulé un désir de mettre en scène. Je suis partie d’une anecdote, devenue ensuite mon essentiel. C’est souvent comme cela dans ma vie. Même lorsque j’ai commencé à faire du théâtre, c’était parce que j’avais une sœur timide et que j’ai dû débuter les cours avec elle. Au fur et à mesure, j’ai été passionnée et je me suis battue pour que les choses adviennent. Mais je n’ai jamais l’impression que les points de départ proviennent d’une décision de ma part.

Quel aspect de la réalisation préférez-vous ?
En fait, je n’ai rien aimé dans la réalisation ! Valérie Donzelli, elle-même en train de réaliser un film, trouvait tout génial. Je pensais qu’elle avait énormément de chance car, de mon côté, j’éprouvais une grande solitude à écrire – c’est d’ailleurs quelque chose que j’ai envie de retrouver même si les choses me semblaient ardues lorsque j’écrivais. Puis, pendant la prépa, toutes ces décisions étaient difficiles à prendre, mais en même temps j’adorais car tout était encore possible ! J’ai retrouvé de vraies sensations de travail au montage car j’avais enfin à faire avec de la matière concrète.
L’aspect humain est celui qui me paraît le plus satisfaisant. Faire partie d’une équipe, rencontrer, échanger, partager dans le rythme d’un film, c’est quelque chose de très fort.

Qu’avez-vous envie d’apporter au public avec ce film ?
D’abord, proposer cette forme de récit qui intègre en permanence le spectateur. Ensuite, j’espère le moment où chacun se dira qu’il connaît ces mots, qu’il les a déjà murmurés. J’espère ces retrouvailles entre une pensée qui fait la moitié du chemin et celui qui vient la rencontrer en faisant l’autre moitié. J’essaie de mettre des mots sur ce que chacun sait être sa vérité secrète. Aujourd’hui, lorsque des gens me parlent de ce film, je retrouve ce que j’avais rêvé d’y mettre. C’est comme un petit miracle. Qui a nécessité énormément de travail.
(extrait dossier de presse)

Autres films toujours à l'affiche :

"Une séparation", un film d'Asghar Farhadi
"Un baiser papillon" de Karine Silla Pérez
"Le complexe du castor" de et avec Jodie Foster
"Le gamin au vélo" de Jean-Pierre et Luc Dardenne
"L’œil invisible" de Diego Lerman
"La ballade de l'impossible" de Tran Anh Hung
"Et soudain tout le monde me manque" de Jennifer Devoldère

Je souhaite que, vous aussi, vous partagiez vos émotions et vos coups de cœur ciné. Envoyez vos critiques de films par mail (contact@journaldefrancois.fr ). Elles seront publiées dans le Journal !
Mercredi cinéma, c’est votre rendez-vous !

Vous appréciez le Journal de François ? Soutenez-le ! Merci.

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Pourquoi tu pleures ? de Katia LewkowiczZoom nouveauté : "Pourquoi tu pleures ?" de Katia Lewkowicz

L'histoire
A quelques jours de son mariage, un jeune homme qui n’en a pas l’habitude se retrouve confronté à des décisions cruciales.
Face à sa fiancée qui a disparu, face à la fille qu’il vient de rencontrer, face à sa belle-famille dont il ne comprend pas la langue, face à sa mère, sa soeur, ses potes et même aux ouvriers sur le chantier de son futur appartement, il doit trancher.
Mariage ou passion, passé familial ou futur conjugal, pétales ou dragées, tout va y passer.
Un film de Katia Lewkowicz avec Benjamin Biolay, Emmanuelle Devos, Nicole Garcia, Valérie Donzelli, Sarah Adler et Eric Lartigau.

Bonus : propos de Katia Lewkowicz, réalisatrice du film

Comment en êtes-vous arrivée à mettre en scène ?
J’aime raconter des histoires. Mais je ne trouvais pas de « sujet » qui puisse me passionner. Je sais le temps et l’implication qu’exige une réalisation – il faut des années pour porter un film à l’écran alors qu’en tant que comédienne, on s’embarque aux côtés de quelqu’un pendant quelques mois. La première étincelle est venue d’une rencontre avec Benjamin Biolay. J’ai été surprise par le décalage entre sa personnalité et l’image que l’on peut avoir de lui.
Peu de temps après, Canal + a lancé un appel d’offres pour des courts métrages sur le thème « Écrire pour un chanteur ». Benjamin figurait dans la liste des artistes et j’ai eu envie d’écrire pour lui. Son image est tellement forte qu’il est très facile d’en jouer. J’ai imaginé « C’est pour quand ? », l’histoire d’un homme qui, en arrivant à un goûter d’anniversaire d’enfants, rencontre une jeune femme – Valérie Donzelli, déjà – pour qui il a le coup de foudre. Malgré son désir, il ne partira pas avec elle, parce qu’il a vu à travers cette fête très animée à quoi un simple baiser pourrait les conduire. L’envie de comédie, l’idée d’aborder des choses sérieuses avec légèreté étaient déjà là. Ce court a été bien accueilli et Jean-Baptiste Dupont m’a proposé de développer un long dans le même esprit.
Je ne connaissais pas grand-chose à la technique, c’était une grosse pression pour moi, mais la tentation de continuer à travailler sur les thèmes que nous avions commencé à mettre en place avec Benjamin était là. J’avais envie de le voir jouer ce garçon que l’on découvre à quelques jours de son mariage et que l’on suit, en le voyant se révéler peu à peu à travers ses rapports avec ses proches, face aux passages obligés et aux doutes. C’est l’histoire d’un homme qui n’a jamais vraiment décidé de sa vie, et qui est à la veille de son plus grand engagement. Je voulais utiliser tous les codes de la comédie romantique américaine, avec l’idée de maintenir le doute sur l’issue, en sachant que, comme dans la réalité, à chaque moment, on peut passer à côté de sa vie...

Nicole Garcia, Benjamin Biolay et Emmanuelle DevosLa vie quelques jours avant le mariage, c’est un sujet très souvent traité et pourtant, vous réussissez à le réinventer complètement. Quel a été votre angle d’approche ?
J’ai décidé d’utiliser une histoire « vieille comme le monde » pour que le spectateur puisse toujours être en phase avec ce que le jeune homme ressent. Et qu’il puisse s’interroger en même temps que lui. J’avais envie de jouer avec cette base de données sensorielles collective. À travers la comédie, je souhaitais qu’à un moment ou un autre, chacun puisse se dire : « j’ai connu ça », « j’ai murmuré ces phrases », « je comprends cette colère ». Envie de raconter des histoires qui fassent écho. Je savais qu’avec ce sujet, tout le monde avait des références, ne serait-ce que par les films. Puis je me suis appuyée sur des « clichés » – la belle-famille d’une autre culture, la robe de mariée, les copains, les choix qui sont aussi des renoncements – je souhaitais ainsi, en m’acharnant à trouver un point de vue personnel à chaque fois, mettre en place le point de vue du futur marié. Le film parle aussi de ces traditions que l’on respecte finalement tous plus ou moins suivant nos cultures, sans se demander vraiment pourquoi. On a tous la sensation d’avoir une opinion personnelle et construite sur notre vie. On est quand même très nombreux à penser que la fidélité, c’est bien ; qu’une demande en mariage est une preuve d’amour ; qu’il faut faire une fête pour enterrer sa vie de jeune fille ou de jeune homme, et qu’il ne faut surtout pas que le marié voie la robe de sa femme avant le mariage.
Toutes les certitudes que l’on se construit peuvent être balayées. C’est pourquoi le film contient une proposition et son contraire. Quel que soit le sujet, il n’y a pas de vérité, uniquement des points de vue.

Comment avez-vous construit votre histoire ?
Je savais où je voulais amener le héros et j’ai fait intervenir les personnages uniquement pour faire avancer son état. Pour structurer l’histoire, j’ai commencé par faire des listes – liste des choses à faire quand on organise un mariage, liste de tout ce qui énerve dans le quotidien, liste des angoisses possibles, liste des personnages, les copains, la mère, la sœur… J’ai ainsi accumulé toute une matière, puis je me suis mise à écrire, en déroulant le fil, en essayant de construire une espèce de musique, en alternant les ambiances, les instruments, une scène de groupe, une scène où il marche seul dans la rue ou un duo parlant d’amour. Tout devait être vu à travers le personnage de Benjamin, comme si le spectateur regardait tout par-dessus son épaule.
Sur cette première base narrative, j’ai retravaillé par passages successifs, par sentiments, jusqu’à être uniquement dans le ressenti. En relisant mes notes du début, je me suis rendu compte que j’avais tout intégré naturellement.

Emmanuelle Devos et Eric LartigauVos dialogues sont très écrits…
J’adore l’écrit, c’est même une des principales raisons pour lesquelles je fais ce métier. Je travaille depuis deux ans sur les œuvres d’un auteur de théâtre – Jean-Luc Lagarce – dont l’écriture est extrêmement précise tout en donnant une véritable impression de naturalisme. Je voulais une langue contemporaine. En première écriture, mes dialogues sont assez difficiles parce que j’écris toutes les hésitations que je gomme par la suite. Je voulais que le rythme soit rapide, que les personnages puissent dire les choses les plus énormes, un peu comme dans ces tragédies grecques où l’on peut dire à son père qu’on va le tuer. J’aime cette puissance. Il faut simplement adapter le degré pour permettre au spectateur d’y croire. Je passais mon temps à dire aux acteurs de jouer vite et simple. Ne pas convaincre que ce qu’on dit est vrai. Juste le dire – il faut que ça glisse.

Pourquoi vos personnages n’ont-ils pas de prénom ?
À mon sens, leur caractérisation ne devait pas passer par là. Je voulais rester sur le ressenti, au-delà de tout artifice, pour que le spectateur se forge aussi lui-même l’image de chaque personnage. Les trois piliers de l’histoire sont le frère, la sœur et la mère, trois typologies. Tous les autres devaient être esquissés ou quasi inconnus, comme le restent d’ailleurs souvent les invités d’un mariage. Je m’appuie aussi sur ce qu’apportent les comédiens. Lorsque Benjamin arrive à l’écran, c’est aussi vrai d’Emmanuelle et de Nicole, leur image publique se mêle au rôle qu’ils interprètent et c’est une donnée dont je tiens compte et sur laquelle je joue.

Votre mise en scène est au plus près des personnages, on ne les quitte jamais. Pas de plan fixe, pas de caméra posée…
En prépa, nous nous étions mis d’accord pour que tout soit perpétuellement basé sur le point de vue de Benjamin. À partir de là, on est toujours avec lui, on ne voit rien qu’il ne puisse voir, on n’a jamais une information que lui-même n’a pas. Tout est filmé en caméra à l’épaule. Nous avons tourné en 35, j’étais au combo. Quand il rentre, on rentre avec lui. Je voulais que l’on puisse potentiellement regarder à 360°, ne pas mettre les choses trop en place mais au contraire mettre en scène partout, même dans les couloirs, pour qu’il y ait toujours du mouvement. C’était un grand bordel très pensé. Après, je souhaitais bon courage à mon chef opérateur, Laurent Brunet, et il suivait Benjamin.

Benjamin BiolayCe n’est pas de l’improvisation pour autant…
Non. Tout était écrit et calibré. Benjamin s’appuyait sur le texte et sur l’action convenue, mais il avait malgré tout une grande liberté – à condition de ne jamais se poser car son personnage n’en a pas le temps. C’est aussi vrai des autres comédiens ; tout doit être toujours en mouvement autour de lui. Lorsqu’ils étaient deux comédiens et que la caméra ne bougeait pas trop, c’était à eux de bouger. Les protagonistes sont en mouvement permanent, pour que tout avance vers ce mariage, en suivant Benjamin. J’avais aussi le parti pris que lorsqu’ils sont à deux, ils doivent être tout le temps ensemble, sans aucun champ/contrechamp. Les intermèdes amoureux, par contre, devaient constituer des respirations, des moments plus doux que l’on tournait en continu. Je ne fais pas plus de cinq ou six prises et finalement, je choisis quasiment toujours les premières.
Pour certaines scènes par contre, sur le texte, je n’avais pas fait de répétition afin de laisser les choses naître spontanément au tournage. Par exemple, lorsque les futurs mariés racontent la demande en mariage, je voulais qu’ils éprouvent un certain embarras. Nous n’avons même pas fait d’italienne. Le texte écrit s’est mis en place dans l’improvisation du jeu et des réactions.

(...) Après cette expérience, vous sentez-vous davantage comédienne ou réalisatrice ? Une orientation plus exclusive se dessine-t-elle ?
Aujourd’hui, je crois avoir plus envie de mettre en scène. Si j’ai envie de jouer, ce serait plutôt au théâtre. Le jeu est une façon d’approcher la mise en scène. Je ne m’étais jamais formulé un désir de mettre en scène. Je suis partie d’une anecdote, devenue ensuite mon essentiel. C’est souvent comme cela dans ma vie. Même lorsque j’ai commencé à faire du théâtre, c’était parce que j’avais une sœur timide et que j’ai dû débuter les cours avec elle. Au fur et à mesure, j’ai été passionnée et je me suis battue pour que les choses adviennent. Mais je n’ai jamais l’impression que les points de départ proviennent d’une décision de ma part.

Quel aspect de la réalisation préférez-vous ?
En fait, je n’ai rien aimé dans la réalisation ! Valérie Donzelli, elle-même en train de réaliser un film, trouvait tout génial. Je pensais qu’elle avait énormément de chance car, de mon côté, j’éprouvais une grande solitude à écrire – c’est d’ailleurs quelque chose que j’ai envie de retrouver même si les choses me semblaient ardues lorsque j’écrivais. Puis, pendant la prépa, toutes ces décisions étaient difficiles à prendre, mais en même temps j’adorais car tout était encore possible ! J’ai retrouvé de vraies sensations de travail au montage car j’avais enfin à faire avec de la matière concrète.
L’aspect humain est celui qui me paraît le plus satisfaisant. Faire partie d’une équipe, rencontrer, échanger, partager dans le rythme d’un film, c’est quelque chose de très fort.

Qu’avez-vous envie d’apporter au public avec ce film ?
D’abord, proposer cette forme de récit qui intègre en permanence le spectateur. Ensuite, j’espère le moment où chacun se dira qu’il connaît ces mots, qu’il les a déjà murmurés. J’espère ces retrouvailles entre une pensée qui fait la moitié du chemin et celui qui vient la rencontrer en faisant l’autre moitié. J’essaie de mettre des mots sur ce que chacun sait être sa vérité secrète. Aujourd’hui, lorsque des gens me parlent de ce film, je retrouve ce que j’avais rêvé d’y mettre. C’est comme un petit miracle. Qui a nécessité énormément de travail.
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"Une séparation", un film d'Asghar Farhadi
"Un baiser papillon" de Karine Silla Pérez
"Le complexe du castor" de et avec Jodie Foster
"Le gamin au vélo" de Jean-Pierre et Luc Dardenne
"L’œil invisible" de Diego Lerman
"La ballade de l'impossible" de Tran Anh Hung
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