Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône
Zoom nouveauté : "Superstar" de Xavier Giannoli
L'histoire
Un anonyme devient soudain célèbre, sans savoir pourquoi.
Un film de Xavier Giannoli avec Kad Merad, Cécile de France, Louis-Do de Lencquesaing Ben, Alberto Sorbelli…
Bonus : propos de Xavier Giannoli, réalisateur du film
Comment est né ce film ?
En 2005, j’ai lu dans un journal le très court résumé d’un roman qui s’intitulait "L’idole", écrit par Serge Joncour et publié chez Flammarion : l’histoire d’un homme qui, du jour au lendemain, devient célèbre sans savoir pourquoi… Je l’ai lu un peu comme un fait-divers qui m’a troublé, mais j’ai très vite eu l’intuition que le livre serait pour moi un point de départ. J’ai rencontré l’auteur, avec qui je me suis très bien entendu, et il m’a encouragé à me sentir libre de m’approprier cette idée, ce que j’ai fait avec l’aide précieuse de ma complice Marcia Romano. Nous avons donc imaginé une autre histoire, des personnages, des scènes, un ton et surtout une énergie cinématographique.
En 2009, nous achetons les droits du roman et notre travail d’écriture peut commencer.
Quelle a été votre première intuition pour développer cette idée ?
J’ai pensé à un homme poursuivi par une situation à la fois absurde et bien réelle, comme chez Hitchcock ou Kafka. Un anonyme qui se retrouve dépossédé de lui-même par une aventure qui le dépasse. Je retrouvais aussi un peu de ce qui m’avait séduit dans le fait divers qui a librement inspiré "Á l’Origine" : cet homme qui va se découvrir parce qu’on l’a pris pour quelqu’un d’autre. Je ne sais pas pourquoi, mais je me retrouve très souvent à travailler sur ces thèmes du malentendu, de l’imposture ou de l’illusion. Je suis attiré par ce précipice entre la vérité humaine et le malentendu social, parce que je sens que nos vies s’évaluent dans cette tension, au-dessus du vide.Le thème de la célébrité vous intéressait-t-il ?
Il m’intéresse comme signe d’un état du monde, c’est tout. Je trouve ringardes et démodées les histoires de gens obsédés par la célébrité. J’ai d’ailleurs raconté exactement le contraire car Martin ne veut surtout pas être célèbre et que c’est justement ce refus qui va faire de lui une icône contemporaine. La célébrité embraye simplement sur des questions plus vastes.
C’est surtout ce qui fait « événement » qui m’intéresse. On aime, on lynche, on célèbre, on oublie, on discute, on interrompt, on explique et on ignore dans des débats où on finit parfois par se demander si le débat n’est pas le vrai sujet du débat. Le personnage de Louis-Do finit même par dire à Cécile : « C’est toi qui a tout inventé à force de vouloir donner du sens. » Même l’intelligence finit par être prise au piège de cette culture de l’événement. On n’est jamais plus un acteur du spectacle que quand on le critique. C’est une vrille sans fin. Martin n’est pas poursuivi dans la rue parce qu’il est célèbre, mais célèbre parce qu’il est poursuivi dans la rue. De la même façon, avant on pouvait se retrouver accusé d’être coupable, mais désormais on est d’abord coupable d’être accusé.
Alors, bien au-delà de la simple célébrité, c’est la question du « sens » dans le monde d’aujourd’hui que j’ai aussi voulu poser. Martin et Fleur essayent simplement de protéger leur dignité dans ce chaos qui va les obliger à aller au bout d’eux-mêmes.
Et comment avez-vous abordé la situation ?
Avec Marcia, nous nous sommes donc demandé comment avoir un regard à la fois moderne et anticonformiste sur tout cela. Et ce qui nous a paru amusant, notre axe, c’est que pour la première fois un brave type va refuser cette célébrité et sa vulgarité, son imposture et son hystérie événementielle. Et c’est justement parce qu’il refuse cette vulgarité qu’il va avoir du succès et devenir encore plus célèbre. Comme Bartelby chez Melville, il dit : « J’aimerais mieux pas. » et on lui répond : « C’est pour cela qu’on vous aime », comme dans la scène du supermarché. Cette situation du refus impossible est au fond très angoissante. On n’a même plus cette liberté fondamentale de rester « en dehors » du système. On s’y perd en croyant le fuir.
On pense à « l’absurde »…
Martin se réveille transformé en célébrité comme Grégoire Samsa en insecte dans "La Métamorphose". Cette mystérieuse mutation et ses conséquences sociales s’ouvrent sur un vertige existentiel et une peur fondamentale : qu’est-ce que le monde a fait de moi et que puis-je faire de lui ? Il y a l’ombre d’une angoisse aveugle et sans doute paranoïaque, la peur des autres et de soi-même. La peur du gouffre où résonne un rire absurde, sans cela ce ne serait pas drôle. Oui, je trouve le monde dans lequel on vit très angoissant alors j’essaye d’en rire. Les rapports humains ne m’ont jamais paru si incohérents et violents, sacrifiés à des trahisons, des mensonges et des arrangements avec des valeurs humaines auxquelles je suis attaché avec l’enthousiasme d’un ancien scout.
Pourquoi ce titre « Superstar » ?
C’est le titre d’une chanson des Carpenters que j’aime beaucoup, reprise par Sonic Youth. Mais dans la chanson, il s’agissait d’un amour fou pour une vraie star. Justement. Aujourd’hui, on nous vend n’importe quel inconnu, simple vedette ou égérie publicitaire comme une « superstar ». La « star » a été comme vidée de sa substance magique, de son aura d’un talent singulier. Elle est devenue comme une marque de luxe qui ne proposerait plus que des produits bas de gamme, une mélodie qu’on abîme avec des paroles gênantes. En fait, on spécule sur ces célébrités ou ces événements comme sur certaines valeurs à la bourse. Il était prévisible que cette logique du « tout événement » devienne aussi folle que celle de la finance car ils ont au fond le même but : le profit, la part de marché.
Il n’est pas démodé de dire que le capitalisme est en train de soumettre toutes nos valeurs à ses intérêts. C’est une dynamique humainement régressive qui nous livre à des pulsions que les publicitaires et les médias savent très bien hystériser. C’est la lutte de tout le monde contre tout le monde, le règne de l’irrationnel et de l’aléatoire où on ne sait plus qui décide de quoi. J’ai voulu que cette panique traverse le film, le mette sous tension. C’est une force noire et inquiétante, un trou noir idéologique qui s’enroule sur lui-même un peu comme un vortex caché au fond de mon histoire et qui aspire tous mes personnages. Vers quoi ? Peut-être vers un tweet et c’est tout.
(extrait dossier de presse)
Autres films toujours à l'affiche :
"Associés contre le crime..." de Pascal Thomas
"Cornouaille", un film de Anne Le Ny
"Au cas où je n’aurais pas la Palme d’Or" de Renaud Cohen
"A cœur ouvert" de Marion Laine
"360" de Fernando Meirelles
'Bowling' de Marie-Castille Mention-Schaar
"Ma bonne étoile" d'Anne Fassio
"Paradis perdu" d'Eve Deboise
"Un bonheur n'arrive jamais seul" de James Huth
"Quand je serai petit" de Jean-Paul Rouve
Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône
Zoom nouveauté : "Superstar" de Xavier Giannoli
L'histoire
Un anonyme devient soudain célèbre, sans savoir pourquoi.
Un film de Xavier Giannoli avec Kad Merad, Cécile de France, Louis-Do de Lencquesaing Ben, Alberto Sorbelli…
Bonus : propos de Xavier Giannoli, réalisateur du film
Comment est né ce film ?
En 2005, j’ai lu dans un journal le très court résumé d’un roman qui s’intitulait "L’idole", écrit par Serge Joncour et publié chez Flammarion : l’histoire d’un homme qui, du jour au lendemain, devient célèbre sans savoir pourquoi… Je l’ai lu un peu comme un fait-divers qui m’a troublé, mais j’ai très vite eu l’intuition que le livre serait pour moi un point de départ. J’ai rencontré l’auteur, avec qui je me suis très bien entendu, et il m’a encouragé à me sentir libre de m’approprier cette idée, ce que j’ai fait avec l’aide précieuse de ma complice Marcia Romano. Nous avons donc imaginé une autre histoire, des personnages, des scènes, un ton et surtout une énergie cinématographique.
En 2009, nous achetons les droits du roman et notre travail d’écriture peut commencer.
Quelle a été votre première intuition pour développer cette idée ?
J’ai pensé à un homme poursuivi par une situation à la fois absurde et bien réelle, comme chez Hitchcock ou Kafka. Un anonyme qui se retrouve dépossédé de lui-même par une aventure qui le dépasse. Je retrouvais aussi un peu de ce qui m’avait séduit dans le fait divers qui a librement inspiré "Á l’Origine" : cet homme qui va se découvrir parce qu’on l’a pris pour quelqu’un d’autre. Je ne sais pas pourquoi, mais je me retrouve très souvent à travailler sur ces thèmes du malentendu, de l’imposture ou de l’illusion. Je suis attiré par ce précipice entre la vérité humaine et le malentendu social, parce que je sens que nos vies s’évaluent dans cette tension, au-dessus du vide.Le thème de la célébrité vous intéressait-t-il ?
Il m’intéresse comme signe d’un état du monde, c’est tout. Je trouve ringardes et démodées les histoires de gens obsédés par la célébrité. J’ai d’ailleurs raconté exactement le contraire car Martin ne veut surtout pas être célèbre et que c’est justement ce refus qui va faire de lui une icône contemporaine. La célébrité embraye simplement sur des questions plus vastes.
C’est surtout ce qui fait « événement » qui m’intéresse. On aime, on lynche, on célèbre, on oublie, on discute, on interrompt, on explique et on ignore dans des débats où on finit parfois par se demander si le débat n’est pas le vrai sujet du débat. Le personnage de Louis-Do finit même par dire à Cécile : « C’est toi qui a tout inventé à force de vouloir donner du sens. » Même l’intelligence finit par être prise au piège de cette culture de l’événement. On n’est jamais plus un acteur du spectacle que quand on le critique. C’est une vrille sans fin. Martin n’est pas poursuivi dans la rue parce qu’il est célèbre, mais célèbre parce qu’il est poursuivi dans la rue. De la même façon, avant on pouvait se retrouver accusé d’être coupable, mais désormais on est d’abord coupable d’être accusé.
Alors, bien au-delà de la simple célébrité, c’est la question du « sens » dans le monde d’aujourd’hui que j’ai aussi voulu poser. Martin et Fleur essayent simplement de protéger leur dignité dans ce chaos qui va les obliger à aller au bout d’eux-mêmes.
Et comment avez-vous abordé la situation ?
Avec Marcia, nous nous sommes donc demandé comment avoir un regard à la fois moderne et anticonformiste sur tout cela. Et ce qui nous a paru amusant, notre axe, c’est que pour la première fois un brave type va refuser cette célébrité et sa vulgarité, son imposture et son hystérie événementielle. Et c’est justement parce qu’il refuse cette vulgarité qu’il va avoir du succès et devenir encore plus célèbre. Comme Bartelby chez Melville, il dit : « J’aimerais mieux pas. » et on lui répond : « C’est pour cela qu’on vous aime », comme dans la scène du supermarché. Cette situation du refus impossible est au fond très angoissante. On n’a même plus cette liberté fondamentale de rester « en dehors » du système. On s’y perd en croyant le fuir.
On pense à « l’absurde »…
Martin se réveille transformé en célébrité comme Grégoire Samsa en insecte dans "La Métamorphose". Cette mystérieuse mutation et ses conséquences sociales s’ouvrent sur un vertige existentiel et une peur fondamentale : qu’est-ce que le monde a fait de moi et que puis-je faire de lui ? Il y a l’ombre d’une angoisse aveugle et sans doute paranoïaque, la peur des autres et de soi-même. La peur du gouffre où résonne un rire absurde, sans cela ce ne serait pas drôle. Oui, je trouve le monde dans lequel on vit très angoissant alors j’essaye d’en rire. Les rapports humains ne m’ont jamais paru si incohérents et violents, sacrifiés à des trahisons, des mensonges et des arrangements avec des valeurs humaines auxquelles je suis attaché avec l’enthousiasme d’un ancien scout.
Pourquoi ce titre « Superstar » ?
C’est le titre d’une chanson des Carpenters que j’aime beaucoup, reprise par Sonic Youth. Mais dans la chanson, il s’agissait d’un amour fou pour une vraie star. Justement. Aujourd’hui, on nous vend n’importe quel inconnu, simple vedette ou égérie publicitaire comme une « superstar ». La « star » a été comme vidée de sa substance magique, de son aura d’un talent singulier. Elle est devenue comme une marque de luxe qui ne proposerait plus que des produits bas de gamme, une mélodie qu’on abîme avec des paroles gênantes. En fait, on spécule sur ces célébrités ou ces événements comme sur certaines valeurs à la bourse. Il était prévisible que cette logique du « tout événement » devienne aussi folle que celle de la finance car ils ont au fond le même but : le profit, la part de marché.
Il n’est pas démodé de dire que le capitalisme est en train de soumettre toutes nos valeurs à ses intérêts. C’est une dynamique humainement régressive qui nous livre à des pulsions que les publicitaires et les médias savent très bien hystériser. C’est la lutte de tout le monde contre tout le monde, le règne de l’irrationnel et de l’aléatoire où on ne sait plus qui décide de quoi. J’ai voulu que cette panique traverse le film, le mette sous tension. C’est une force noire et inquiétante, un trou noir idéologique qui s’enroule sur lui-même un peu comme un vortex caché au fond de mon histoire et qui aspire tous mes personnages. Vers quoi ? Peut-être vers un tweet et c’est tout.
(extrait dossier de presse)
Autres films toujours à l'affiche :
"Associés contre le crime..." de Pascal Thomas
"Cornouaille", un film de Anne Le Ny
"Au cas où je n’aurais pas la Palme d’Or" de Renaud Cohen
"A cœur ouvert" de Marion Laine
"360" de Fernando Meirelles
'Bowling' de Marie-Castille Mention-Schaar
"Ma bonne étoile" d'Anne Fassio
"Paradis perdu" d'Eve Deboise
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