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Mercredi cinéma : "Alceste à bicyclette" de Philippe Le Guay avec Fabrice Luchini, Lambert Wilson.

Publié le : 16-01-2013

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert WilsonZoom nouveauté : "Alceste à bicyclette" de Philippe Le Guay

L'histoire
Au sommet de sa carrière d’acteur, Serge Tanneur a quitté une fois pour toutes le monde du spectacle. Trop de colère, trop de lassitude. La fatigue d’un métier où tout le monde trahit tout le monde.
Désormais, Serge vit en ermite dans une maison délabrée sur l’Île de Ré…
Trois ans plus tard, Gauthier Valence, un acteur de télévision adulé des foules, abonné aux rôles de héros au grand cœur, débarque sur l’île. Il vient retrouver Serge pour lui proposer de jouer "Le Misanthrope" de Molière. Serge n’est-il pas devenu une pure incarnation du personnage d’Alceste ?
Serge refuse tout net et confirme qu’il ne reviendra jamais sur scène. Pourtant, quelque chose en lui ne demande qu’à céder. Il propose à Gauthier de répéter la grande scène 1 de l’Acte 1, entre Philinte et Alceste. Au bout de cinq jours de répétition, il saura s’il a envie de le faire ou non.
Les répétitions commencent : les deux acteurs se mesurent et se défient tour à tour, partagés entre le plaisir de jouer ensemble et l’envie brutale d’en découdre. La bienveillance de Gauthier est souvent mise à l’épreuve par le ressentiment de Serge.
Autour d’eux, il y a le microcosme de l’Île de Ré, figée dans la morte saison : un agent immobilier, la patronne de l’hôtel local, une italienne divorcée venue vendre une maison.
Et l’on peut se prendre à croire que Serge va réellement remonter sur les planches…
Un film de Philippe Le Guay avec Fabrice Luchini, Lambert Wilson, Marya Sansa, Laurie Bordesoules, Camille Japy.

 

Bonus : propos de Fabrice Luchini, acteur principal d'"Alceste à bicyclette"

Quelle est l’origine d’"Alceste à bicyclette" ?
Il y a deux ans, Philippe Le Guay vient me voir à l’Île de Ré pour me proposer le rôle de Jean-Louis Joubert dans "les femmes du 6e étage" Nous partons faire une longue promenade dans les marais, et je fais ce que je fais presque tous les matins, je travaille "Le Misanthrope". L’énigme et l’admiration que ce texte produit en moi font qu’il m’accompagne partout. Je trouve magnifique l’intelligence de Philinte, l’homme de la société qui a fait le deuil de l’adolescence. Philinte a compris qu’un esprit profond n’avance que masqué, il a cette vision du masque au sens nietzschéen du terme, c’est-à-dire qu’il dit à Alceste : «Pauvre couillon, tu crois encore qu’il faut dire la vérité ? La vérité n’est que ton hystérie !». J’aime les façons bêtement sincères d’Alceste, sa richesse. Et j’aime cette confrontation, cette rencontre de la puissance de la langue et ce que cela nous renvoie d’aujourd’hui. Donc, Philippe et moi ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert Wilsonsommes en train de faire cette balade dans la campagne de l’île, et je lui dis le texte, je lui dis les deux personnages que j’aime autant l’un que l’autre, et tout d’un coup, il me confie: «Ce serait formidable d’en faire un film.»

Que s’est-il passé ensuite ?
Nous tournons "Les femmes du 6e étage" et puis, un jour, Le Guay arrive avec un scénario qu’il a écrit, inspiré de mon obsession pour "Le Misanthrope". L’histoire se déroule à l’Île de Ré et Philippe m’offre le rôle de Serge Tanneur. Donc, l’idée est un peu venue de moi et le scénario est totalement de lui. Au lieu de se cantonner à Molière et à un type qui fait cet exercice si étrange de le dire, Le Guay tire l’intrigue vers une comédie dont le personnage est l’Île de Ré. Et il appelle le film "Alceste à Bicyclette" !

Le scénario est effectivement surprenant. On démarre sur un problème de plomberie…
Et ça devient intéressant avec l’arrivée de ce Gauthier Valence. Parce que, pour jouer Molière et «faire un coup», ce comédien archi connu se retrouve obligé d’aller chercher cet acteur qui vit retiré à l’Île de Ré ! Ce qui est admirable, c’est que Molière nourrit le film mais comme en contrebande. Ni de manière cultureuse, ni frontale ou didactique. Le Guay aurait pu faire un film sur le théâtre et on se serait terriblement ennuyé parce que le théâtre au cinéma, c’est chiant. Non, il fait une comédie. Tout d’un coup, on entend le texte de Molière autrement. Ce n’est plus du théâtre, c’est la France par sa langue, celle des gens qui papotent. Et c’est aussi une réconciliation avec le théâtre.

Oui, on a le sentiment qu’en s’articulant de la sorte, le film restitue l’énergie du texte de Molière.
Son énergie ! Exactement. Sinon le texte est mort, l’imprimé est mort. C’est tout le travail des acteurs : rendre vie à ces caractères imprimés.

ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert WilsonIl y a des personnages étranges dans le film : cette Zoé, moitié serveuse et moitié actrice porno, que Serge Tanneur, votre personnage, et Gauthier Valence, que joue Lambert Wilson, invitent à lire une tirade de Célimène…

Oui, on emmène vraiment Molière dans des contrées insolites. C’est complètement Le Guay, ça !

On connaît votre amour des grands textes et votre passion pour l’Île de Ré, votre goût pour la polémique. Jusqu’où va la ressemblance avec ce Serge Tanneur ?
Ce serait mentir de dire que nous n’avons pas de points communs. En même temps, il est assez loin de moi. J’adorerai me retirer sur une île mais je ne le fais pas – c’est un fantasme : je suis quasiment en dépression quand je suis longtemps à l’Île de Ré ! Je ne suis pas Bernarhdien comme l’est mon personnage. Ni Bernarhdien, ni Célinien. Moi, je suis plutôt dans l’échange, la curiosité de la psychologie des autres, je suis quand même très curieux, très espiègle. Mon véritable emploi est plus valet de comédie. D’ailleurs, Philippe Le Guay tenait énormément à installer l’histoire dans une fiction. Il y aurait eu du danger à coller à quelque chose de trop biographique. J’ai envie de citer cette phrase de Deleuze : «La grande littérature, la vraie, disait-il, existe quand ce n’est plus du domaine du privé.» La vie de Céline, on s’en tape. «Le Voyage au bout de la nuit» est immense parce que ce n’est pas sa misère, c’est la misère. Proust est génial, parce que «La Recherche du temps perdu» n’est pas son enfance, c’est l’enfance. Alors, dans de justes proportions, j’insiste sur les justes proportions, le travail de Le Guay était vraiment de s’éloigner du simple reportage même si le rôle de Serge Tanneur est peut-être le plus proche qu’on m’ait jamais donné. Moi, je le vois plus près d’un Jean-Louis Trintignant ; un Trintignant qui aurait beaucoup lu Céline et Thomas Bernarhd.

Cette irritation permanente que Tanneur manifeste à l’égard de son partenaire ; lorsque son portable sonne en pleine répétition, par exemple. C’est tout de même un peu vous…
Ça, c’est du pur Le Guay ! Mais il est vrai que j’ai un problème avec la modernité. Ce n’est pas un hasard si je lis Muray au théâtre. J’aime l’idée d’être un antimoderne.

ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert WilsonCes piques assassines sur le milieu du théâtre et du cinéma.
C’est Le Guay qui transpose Alceste dans le monde d’aujourd’hui. Il reprend sa vérité, sa puissance, son ampleur, son éloquence. C’est stimulant et un peu méchant - dans le bon sens : il y a de l’espièglerie.

Ces rapports que vous entretenez avec le personnage de Maya Sansa qui vous entraîne avec Gauthier Valence dans un trio à la "Jules et Jim"…
Ou à la Marivaux - le rapport entre les deux garçons et cette femme italienne tient du Marivaux. Le Guay, toujours !
Philippe aime travailler les impuissances émotionnelles des gens et c’était très agréable pour moi de jouer ça. "Alceste à bicyclette", c’est Le Guay et moi, c’est l’aboutissement de longues conversations et d’inlassables joutes entre nous. C’est le fruit de notre collaboration et de nos divergences.

Vos divergences ?

Depuis dix-sept ans que nous nous connaissons, Philippe adopte une position qui m’énerve profondément : il met en cause l’immense tradition des grands moralistes français qui, bien avant Freud, ont établi le soupçon sur la nature ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert Wilsonhumaine. Que nous disent Chamfort, La Rochefoucauld, La Bruyère ? Qu’il n’y a pas d’acte héroïque, que dans chaque acte, il y a une organisation du moi : tous ceux que nous commettons n’ont d’autre économie que notre économie. Je crois totalement à cela. Ce n’est pas une conception sinistre, je suis convaincu que nous sommes condamnés à avoir un ego. Cet ego peut prendre toutes les formes possibles mais nous ne nous en libérerons jamais. C’est intolérable pour Philippe qui a une vision dostoïevskienne de l’homme. Il pense que la grâce peut le transformer, peut me transformer. Moi Fabrice, je ne suis pas si noir que je le dis, me répète-t-il. Donc "Alceste à Bicyclette" est la continuité de ce différend qui nous oppose Philippe et moi, lui, très courtois, moi totalement cioranesque. C’est la confrontation de mon pessimisme à sa naïveté. C’est Don Quichotte qui affronterait les mauvais génies de la pensée française que je véhicule à un petit niveau.

Et c’est une histoire d’amour. Il n’y a pas de film sans aventure amoureuse avec le metteur en scène. Philinte, c’est lui ?
Oui. Définitivement.

Revenons au face à face qui oppose Tanneur à Valence. On sent le premier très heureux du processus de répétitions qu’il a instauré quand le second ne pense qu’à regagner Paris après l’avoir convaincu de monter la pièce.
«Tu viens me proposer Alceste et tu veux te barrer tout de suite ?», lui lance Tanneur. Tanneur a cette philosophie : il n’est pas un homme d’affaires comme Valence qui veut un rôle pour avoir la carte. Tanneur ne veut presque pas jouer Alceste, il souhaite de toute son âme que ce matériau d’éternité, ce matériau sublime, ne soit pas vulgarisé - détruit par le «faire». C’est un homme qui n’a pas de demi-mesure. C’est un Glenn Gould. Il préfère répéter pour lui. À un moment de sa vie, Gould n’a plus voulu se produire en concert. Il n’a plus travaillé qu’en musique fabriquée. À un tout petit niveau, mon personnage est une sorte de Glenn Gould.

Il y a une très belle scène où l’on vous voit, Lambert Wilson et vous, dans le jardin, travaillant le texte du "Misanthrope" tout en grimpant et descendant un petit muret. C’est un très joli hommage au travail du comédien.
Ces impros, c’est magnifique ; très ludique et très poétique. On assiste en direct à « comment on répète ». Comment surgit la note. On est dans l’indicible. Du côté de l’énergie humaine dont Molière est le photographe. Philippe a eu l’intelligence de me laisser libre. Il fallait que je sois comme je suis quand je travaille.

Quel genre d’acteur êtes-vous - sur un plateau et particulièrement sur ce film dont vous êtes à l’origine ?
On est un être de comédie, on a une petite science. Je n’ai pas fait ce métier pour n’avoir que des compensations narcissiques, psychologiques ou financières. Il ne m’aurait pas habité ainsi. Je l’ai fait par vocation grâce à la lecture de Jouvet. Je ne suis pas dans une problématique de cinéma, cela ne m’intéresse pas. Je fais ce métier pour travailler mon geste, mon geste de diction, mon geste de respiration ; le passage de Feydeau à Labiche, de Labiche à Molière, de Molière à La Fontaine. Depuis trente ans, j’ai cette obsession de trouver la note juste de ce qui est écrit, cette obsession de restituer la vie d’un imprimé qui était mort. "Alceste à Bicyclette", est la fin de ce parcours. Depuis le film de Le Guay, j’ai l’impression que mon obsession d’acteur travaillant Molière chaque matin comme le faisait Sacha Guitry, et son père avant lui, est un peu apaisée.

Jouvet aurait-il aimé l’idée de répéter Molière à bicyclette ?
Il aurait adoré. Parce que cela revient à trouver la pulsion physique des textes. Jouvet disait des acteurs qu’ils sont des athlètes affectifs.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Comme un lion" de Samuel Collardey
"Renoir" de Gilles Bourdos
"Un enfant de toi" de Jacques Doillon
"Main dans la main" de Valérie Donzelli
"Populaire" de Régis Roinsard
"Thérèse Desqueyrous" de Claude Miller
"Après mai" d'Olivier Assayas
"Dans la maison" de François Ozon

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert WilsonZoom nouveauté : "Alceste à bicyclette" de Philippe Le Guay

L'histoire
Au sommet de sa carrière d’acteur, Serge Tanneur a quitté une fois pour toutes le monde du spectacle. Trop de colère, trop de lassitude. La fatigue d’un métier où tout le monde trahit tout le monde.
Désormais, Serge vit en ermite dans une maison délabrée sur l’Île de Ré…
Trois ans plus tard, Gauthier Valence, un acteur de télévision adulé des foules, abonné aux rôles de héros au grand cœur, débarque sur l’île. Il vient retrouver Serge pour lui proposer de jouer "Le Misanthrope" de Molière. Serge n’est-il pas devenu une pure incarnation du personnage d’Alceste ?
Serge refuse tout net et confirme qu’il ne reviendra jamais sur scène. Pourtant, quelque chose en lui ne demande qu’à céder. Il propose à Gauthier de répéter la grande scène 1 de l’Acte 1, entre Philinte et Alceste. Au bout de cinq jours de répétition, il saura s’il a envie de le faire ou non.
Les répétitions commencent : les deux acteurs se mesurent et se défient tour à tour, partagés entre le plaisir de jouer ensemble et l’envie brutale d’en découdre. La bienveillance de Gauthier est souvent mise à l’épreuve par le ressentiment de Serge.
Autour d’eux, il y a le microcosme de l’Île de Ré, figée dans la morte saison : un agent immobilier, la patronne de l’hôtel local, une italienne divorcée venue vendre une maison.
Et l’on peut se prendre à croire que Serge va réellement remonter sur les planches…
Un film de Philippe Le Guay avec Fabrice Luchini, Lambert Wilson, Marya Sansa, Laurie Bordesoules, Camille Japy.

 

Bonus : propos de Fabrice Luchini, acteur principal d'"Alceste à bicyclette"

Quelle est l’origine d’"Alceste à bicyclette" ?
Il y a deux ans, Philippe Le Guay vient me voir à l’Île de Ré pour me proposer le rôle de Jean-Louis Joubert dans "les femmes du 6e étage" Nous partons faire une longue promenade dans les marais, et je fais ce que je fais presque tous les matins, je travaille "Le Misanthrope". L’énigme et l’admiration que ce texte produit en moi font qu’il m’accompagne partout. Je trouve magnifique l’intelligence de Philinte, l’homme de la société qui a fait le deuil de l’adolescence. Philinte a compris qu’un esprit profond n’avance que masqué, il a cette vision du masque au sens nietzschéen du terme, c’est-à-dire qu’il dit à Alceste : «Pauvre couillon, tu crois encore qu’il faut dire la vérité ? La vérité n’est que ton hystérie !». J’aime les façons bêtement sincères d’Alceste, sa richesse. Et j’aime cette confrontation, cette rencontre de la puissance de la langue et ce que cela nous renvoie d’aujourd’hui. Donc, Philippe et moi ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert Wilsonsommes en train de faire cette balade dans la campagne de l’île, et je lui dis le texte, je lui dis les deux personnages que j’aime autant l’un que l’autre, et tout d’un coup, il me confie: «Ce serait formidable d’en faire un film.»

Que s’est-il passé ensuite ?
Nous tournons "Les femmes du 6e étage" et puis, un jour, Le Guay arrive avec un scénario qu’il a écrit, inspiré de mon obsession pour "Le Misanthrope". L’histoire se déroule à l’Île de Ré et Philippe m’offre le rôle de Serge Tanneur. Donc, l’idée est un peu venue de moi et le scénario est totalement de lui. Au lieu de se cantonner à Molière et à un type qui fait cet exercice si étrange de le dire, Le Guay tire l’intrigue vers une comédie dont le personnage est l’Île de Ré. Et il appelle le film "Alceste à Bicyclette" !

Le scénario est effectivement surprenant. On démarre sur un problème de plomberie…
Et ça devient intéressant avec l’arrivée de ce Gauthier Valence. Parce que, pour jouer Molière et «faire un coup», ce comédien archi connu se retrouve obligé d’aller chercher cet acteur qui vit retiré à l’Île de Ré ! Ce qui est admirable, c’est que Molière nourrit le film mais comme en contrebande. Ni de manière cultureuse, ni frontale ou didactique. Le Guay aurait pu faire un film sur le théâtre et on se serait terriblement ennuyé parce que le théâtre au cinéma, c’est chiant. Non, il fait une comédie. Tout d’un coup, on entend le texte de Molière autrement. Ce n’est plus du théâtre, c’est la France par sa langue, celle des gens qui papotent. Et c’est aussi une réconciliation avec le théâtre.

Oui, on a le sentiment qu’en s’articulant de la sorte, le film restitue l’énergie du texte de Molière.
Son énergie ! Exactement. Sinon le texte est mort, l’imprimé est mort. C’est tout le travail des acteurs : rendre vie à ces caractères imprimés.

ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert WilsonIl y a des personnages étranges dans le film : cette Zoé, moitié serveuse et moitié actrice porno, que Serge Tanneur, votre personnage, et Gauthier Valence, que joue Lambert Wilson, invitent à lire une tirade de Célimène…

Oui, on emmène vraiment Molière dans des contrées insolites. C’est complètement Le Guay, ça !

On connaît votre amour des grands textes et votre passion pour l’Île de Ré, votre goût pour la polémique. Jusqu’où va la ressemblance avec ce Serge Tanneur ?
Ce serait mentir de dire que nous n’avons pas de points communs. En même temps, il est assez loin de moi. J’adorerai me retirer sur une île mais je ne le fais pas – c’est un fantasme : je suis quasiment en dépression quand je suis longtemps à l’Île de Ré ! Je ne suis pas Bernarhdien comme l’est mon personnage. Ni Bernarhdien, ni Célinien. Moi, je suis plutôt dans l’échange, la curiosité de la psychologie des autres, je suis quand même très curieux, très espiègle. Mon véritable emploi est plus valet de comédie. D’ailleurs, Philippe Le Guay tenait énormément à installer l’histoire dans une fiction. Il y aurait eu du danger à coller à quelque chose de trop biographique. J’ai envie de citer cette phrase de Deleuze : «La grande littérature, la vraie, disait-il, existe quand ce n’est plus du domaine du privé.» La vie de Céline, on s’en tape. «Le Voyage au bout de la nuit» est immense parce que ce n’est pas sa misère, c’est la misère. Proust est génial, parce que «La Recherche du temps perdu» n’est pas son enfance, c’est l’enfance. Alors, dans de justes proportions, j’insiste sur les justes proportions, le travail de Le Guay était vraiment de s’éloigner du simple reportage même si le rôle de Serge Tanneur est peut-être le plus proche qu’on m’ait jamais donné. Moi, je le vois plus près d’un Jean-Louis Trintignant ; un Trintignant qui aurait beaucoup lu Céline et Thomas Bernarhd.

Cette irritation permanente que Tanneur manifeste à l’égard de son partenaire ; lorsque son portable sonne en pleine répétition, par exemple. C’est tout de même un peu vous…
Ça, c’est du pur Le Guay ! Mais il est vrai que j’ai un problème avec la modernité. Ce n’est pas un hasard si je lis Muray au théâtre. J’aime l’idée d’être un antimoderne.

ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert WilsonCes piques assassines sur le milieu du théâtre et du cinéma.
C’est Le Guay qui transpose Alceste dans le monde d’aujourd’hui. Il reprend sa vérité, sa puissance, son ampleur, son éloquence. C’est stimulant et un peu méchant - dans le bon sens : il y a de l’espièglerie.

Ces rapports que vous entretenez avec le personnage de Maya Sansa qui vous entraîne avec Gauthier Valence dans un trio à la "Jules et Jim"…
Ou à la Marivaux - le rapport entre les deux garçons et cette femme italienne tient du Marivaux. Le Guay, toujours !
Philippe aime travailler les impuissances émotionnelles des gens et c’était très agréable pour moi de jouer ça. "Alceste à bicyclette", c’est Le Guay et moi, c’est l’aboutissement de longues conversations et d’inlassables joutes entre nous. C’est le fruit de notre collaboration et de nos divergences.

Vos divergences ?

Depuis dix-sept ans que nous nous connaissons, Philippe adopte une position qui m’énerve profondément : il met en cause l’immense tradition des grands moralistes français qui, bien avant Freud, ont établi le soupçon sur la nature ALCESTE A BICYCLETTE avec Fabrice Luchini et Lambert Wilsonhumaine. Que nous disent Chamfort, La Rochefoucauld, La Bruyère ? Qu’il n’y a pas d’acte héroïque, que dans chaque acte, il y a une organisation du moi : tous ceux que nous commettons n’ont d’autre économie que notre économie. Je crois totalement à cela. Ce n’est pas une conception sinistre, je suis convaincu que nous sommes condamnés à avoir un ego. Cet ego peut prendre toutes les formes possibles mais nous ne nous en libérerons jamais. C’est intolérable pour Philippe qui a une vision dostoïevskienne de l’homme. Il pense que la grâce peut le transformer, peut me transformer. Moi Fabrice, je ne suis pas si noir que je le dis, me répète-t-il. Donc "Alceste à Bicyclette" est la continuité de ce différend qui nous oppose Philippe et moi, lui, très courtois, moi totalement cioranesque. C’est la confrontation de mon pessimisme à sa naïveté. C’est Don Quichotte qui affronterait les mauvais génies de la pensée française que je véhicule à un petit niveau.

Et c’est une histoire d’amour. Il n’y a pas de film sans aventure amoureuse avec le metteur en scène. Philinte, c’est lui ?
Oui. Définitivement.

Revenons au face à face qui oppose Tanneur à Valence. On sent le premier très heureux du processus de répétitions qu’il a instauré quand le second ne pense qu’à regagner Paris après l’avoir convaincu de monter la pièce.
«Tu viens me proposer Alceste et tu veux te barrer tout de suite ?», lui lance Tanneur. Tanneur a cette philosophie : il n’est pas un homme d’affaires comme Valence qui veut un rôle pour avoir la carte. Tanneur ne veut presque pas jouer Alceste, il souhaite de toute son âme que ce matériau d’éternité, ce matériau sublime, ne soit pas vulgarisé - détruit par le «faire». C’est un homme qui n’a pas de demi-mesure. C’est un Glenn Gould. Il préfère répéter pour lui. À un moment de sa vie, Gould n’a plus voulu se produire en concert. Il n’a plus travaillé qu’en musique fabriquée. À un tout petit niveau, mon personnage est une sorte de Glenn Gould.

Il y a une très belle scène où l’on vous voit, Lambert Wilson et vous, dans le jardin, travaillant le texte du "Misanthrope" tout en grimpant et descendant un petit muret. C’est un très joli hommage au travail du comédien.
Ces impros, c’est magnifique ; très ludique et très poétique. On assiste en direct à « comment on répète ». Comment surgit la note. On est dans l’indicible. Du côté de l’énergie humaine dont Molière est le photographe. Philippe a eu l’intelligence de me laisser libre. Il fallait que je sois comme je suis quand je travaille.

Quel genre d’acteur êtes-vous - sur un plateau et particulièrement sur ce film dont vous êtes à l’origine ?
On est un être de comédie, on a une petite science. Je n’ai pas fait ce métier pour n’avoir que des compensations narcissiques, psychologiques ou financières. Il ne m’aurait pas habité ainsi. Je l’ai fait par vocation grâce à la lecture de Jouvet. Je ne suis pas dans une problématique de cinéma, cela ne m’intéresse pas. Je fais ce métier pour travailler mon geste, mon geste de diction, mon geste de respiration ; le passage de Feydeau à Labiche, de Labiche à Molière, de Molière à La Fontaine. Depuis trente ans, j’ai cette obsession de trouver la note juste de ce qui est écrit, cette obsession de restituer la vie d’un imprimé qui était mort. "Alceste à Bicyclette", est la fin de ce parcours. Depuis le film de Le Guay, j’ai l’impression que mon obsession d’acteur travaillant Molière chaque matin comme le faisait Sacha Guitry, et son père avant lui, est un peu apaisée.

Jouvet aurait-il aimé l’idée de répéter Molière à bicyclette ?
Il aurait adoré. Parce que cela revient à trouver la pulsion physique des textes. Jouvet disait des acteurs qu’ils sont des athlètes affectifs.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Comme un lion" de Samuel Collardey
"Renoir" de Gilles Bourdos
"Un enfant de toi" de Jacques Doillon
"Main dans la main" de Valérie Donzelli
"Populaire" de Régis Roinsard
"Thérèse Desqueyrous" de Claude Miller
"Après mai" d'Olivier Assayas
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