Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône
Zoom nouveauté : "Un heureux événement" de Rémi Bezançon avec Louise Bourgoin et Pio Marmaï.
L'histoire
« Elle m’a poussée dans mes retranchements, m’a fait dépasser toutes mes limites, m’a confrontée à l’absolu : de l’amour, du sacrifice, de la tendresse, de l’abandon. Elle m’a disloquée, transformée. Pourquoi personne ne m’a rien dit ? Pourquoi on n’en parle pas ? ».
Un heureux événement ou la vision intime d’une maternité, sincère et sans tabous.
Un film de Rémi Bezançon avec Louise Bourgoin, Pio Marmaï, Josiane Balasko, Thierry Frémont, Gabrielle Lazure. D'après le roman d'Eliette Abecassis "Un heureux événement" (éditions Albin Michel)
Bonus : dialogue entre Louise Bourgoin, héroïne du film et Rémi Bezançon, le réalisateur.
Rémi Bezançon : Louise, qu’est-ce que tu as pensé à la première lecture du scénario ?
Louise Bourgoin : Je me suis dit que c’était un projet que je ne pouvais pas laisser passer. C’est un vrai grand rôle, un portrait de femme comme il en existe peu au cinéma. Barbara, ce n’est pas un personnage statique : elle évolue, elle se transforme, elle vit même une véritable métamorphose. En devenant mère, cette intellectuelle lunaire se retrouve obligée de changer son regard sur la vie, elle passe de la métaphysique à la matérialité, elle devient plus pragmatique, plus responsable. L’expérience de la maternité va la sortir de sa zone de confort habituelle et de ses concepts philosophiques pour la confronter à la vérité crue de la vie. Et lui faire prendre conscience de sa propre mortalité.
Du point de vue du jeu, c’était un défi à relever. En plus c’est totalement un rôle de composition !
Rémi Bezançon : Le fait que tu n’aies pas encore d’enfant était un plus pour moi. En écrivant le scénario, je me suis servi de l’expérience d’Éliette Abécassis, et ce qu’elle raconte dans son livre était suffisamment riche. Je pense qu’un témoignage supplémentaire n’était pas nécessaire, il y aurait eu risque de télescopage. Moi je n’ai pas encore d’enfant non plus et j’ai apprécié de fantasmer là-dessus plutôt que de témoigner de mon vécu. Et puis Barbara est une primipare, elle n’a aucune expérience en tant que mère, tout ce qu’elle vit avec son bébé est de l’ordre de la première fois. Il fallait réussir à jouer ça. La peur de l’inconnu, en fait.
Louise Bourgoin : Je n’ai jamais été enceinte et effectivement j’ai eu à la fois très envie de le jouer et très peur aussi. La peur ne m’a pas lâchée durant tout le tournage.
Rémi Bezançon : La peur peut parfois être un moteur, c’était intéressant de t’en servir pour ton personnage.
Louise Bourgoin : Je doutais tellement à cause de mon inexpérience en la matière que quand je croisais une femme enceinte, je la harcelais de questions. J’ai dû rendre complètement chèvre Sandrine (la maquilleuse, enceinte de sept mois au moment du tournage) ! Les prothèses de ventre m’ont aidée aussi. Plus je suis travestie, déguisée, changée, plus j’arrive à construire un personnage différent de ce que je suis, c’est une évidence. Et puis le temps d’installation des faux ventres était un temps que je pouvais pleinement consacrer à entrer dans la peau de mon personnage, très concrètement. Je me levais aux aurores pour qu’on me colle les prothèses sur tout le bassin et la poitrine, et qu’on les colore en y projetant de la peinture afin de leur donner cet aspect de carnation humaine. Je devais rester debout pendant cinq heures d’affilée, si je m’asseyais je risquais de créer des plis sur le latex. Du coup je commençais la journée déjà fatiguée, et un peu shootée aussi par tous les solvants bizarroïdes du maquillage-SFX, ça collait bien avec l’état d’une femme enceinte, épuisée par les changements hormonaux et le ventre lourd, c’était parfait.
Rémi Bezançon : Tu m’as aussi dit avoir très peu été en contact avec des nourrissons dans ta vie. Tu croyais que ce serait un handicap pour le rôle alors que c’était franchement un atout : c’était important que le monde des bébés soit une totale découverte pour Barbara.
Louise Bourgoin : J’étais tout aussi dépassée que mon personnage. Au début, j’ai cru qu’on n’allait jamais y arriver, c’était difficile de s’abandonner dans le jeu alors que le bébé que je tenais dans les bras me balançait sa main dans la figure ou racontait sa vie en onomatopées. Et petit à petit on s’est apprivoisés. Entre les scènes, je restais avec les bébés pour qu’ils s’habituent à moi, je jouais avec eux, je les rassurais, je suis même allée passer quelques dimanches avec eux chez leurs parents.
Rémi Bezançon : Oui, il fallait s’adapter aux bébés, c’est exactement ça. Ils étaient prioritaires. C’était assez cocasse de voir une équipe de 50 personnes suivre un plan de travail calqué sur des horaires de siestes et de biberons.
Louise Bourgoin : Il y a eu des moments magiques. Comme les scènes d’allaitement, où j’ai senti sur mon sein les mouvements de succion du bébé. Je n’ai pas eu besoin de jouer la comédie à ce moment-là, j’étais tremblante d’émotion.
Rémi Bezançon : Quand on écrit un scénario on ne se rend pas immédiatement compte de l’impact qu’auront nos mots. Et ces deux-là : « Barbara allaite », en les écrivant je ne savais pas encore à quel point ça allait être délicat. Surtout que je voulais quelque chose de très réaliste, que ce soit pour les scènes d’allaitement comme pour celle de l’accouchement. L’équipe des effets spéciaux a fait des miracles.
Louise Bourgoin : Un accouchement c’est toujours risqué dans un film, ça peut vite être un peu grotesque. Là, c’était LA scène. Si on la ratait, le film serait raté parce qu’on n’y croirait plus.
Rémi Bezançon : On avait bien conscience de l’enjeu donc on s’est préparés un maximum avant le tournage. Avec mon chef opérateur, on est allés filmer de véritables accouchements avec l’autorisation des futurs parents. On voulait s’imprégner de la réalité, fixer les émotions, travailler nos cadres. C’était très impressionnant, et ça nous a été d’une aide précieuse quand on a tourné l’accouchement du film. Toi aussi d’ailleurs tu avais préparé cette scène très en amont.
Louise Bourgoin : Oui, j’ai pris des cours de pré-accouchement avec des femmes enceintes pour apprendre à respirer pendant les contractions. J’ai également suivi une sage-femme dans une clinique parisienne, elle m’a permis d’assister à une dizaine d’accouchements. C’était très marquant. Le sang, les sécrétions, le placenta... On vit dans une société assez aseptisée, on n’a pas l’habitude de voir ça, pourtant c’est quelque chose de naturel. N’empêche, je me demande si je ne préfèrerais pas accoucher sans mon compagnon quand même, j’aurais trop peur que ça le dégoute de moi à vie ! Je me souviens que dans son livre, Éliette décrivait Nicolas comme ça : « il était aussi épouvanté que s’il venait de sortir d’un film d’horreur avec pour actrice principale... sa femme ».
Rémi Bezançon : Le fait que cette sage-femme soit présente sur le plateau en tant que consultante, et que le rôle de l’obstétricien qui t’accouche soit joué par un véritable obstétricien, ça a dû aussi t’aider, non ?
Louise Bourgoin : Oui, leurs conseils, leurs gestes et leur regard m’ont rassurée. Ce qui était important pour moi c’était de savoir comment on crie, comment on souffle, comment on souffre. Parce qu’à chaque centimètre de dilatation du col de l’utérus, on souffre différemment. Le tournage de la scène d’accouchement a duré deux jours. Deux jours vraiment intenses, allongée sur la table de travail, les pieds dans les étriers, harnachée à la prothèse, au tensiomètre, au boitier de mon micro HF, une fausse perfusion dans le bras, les projecteurs dans le visage, cette ambiance fermée de studio avec tout le monde autour... J’avais chaud, j’étouffais et à force de souffler pendant des heures, je me suis mise en état d’hyperventilation et j’ai fini par tomber dans les pommes. Accoucher d’une émotion.
Rémi Bezançon : J’ai laissé ce plan dans le film. Tu es toute blanche et tu dis : je vais tomber dans les pommes... et effectivement, tu tombes vraiment dans les pommes. Tu m’as fait passer pour un tortionnaire ce jour-là.
Louise Bourgoin : Mais non ! Je tiens à rassurer tout le monde : aucun comédien n’a été maltraité durant le tournage. En fait, tu es même tout le contraire d’un tortionnaire, tu diriges plutôt dans la douceur, dans la confiance. Tu ne me noyais pas d’indications, tu ne me disais jamais : tu devrais jouer comme ci ou comme ça, tu me parlais plutôt d’autre chose, quelque chose qui me touchait et me permettait d’avoir l’émotion requise au bon moment. Avec une phrase, ou même un seul mot. C’était inspirant. Et toutes ces femmes qui ont accouché sous mes yeux m’ont inspirées aussi. Les observer m’a permis de jouer certaines choses que je n’aurais jamais osées sinon. Tout était dans leur regard car, malgré leur souffrance, elles gardaient toutes une certaine dignité face à l’équipe médicale, aux gens qu’elles ne connaissaient pas. Je m’en suis servie en jouant. J’ai aussi pensé à elles quand on a posé le bébé sur ma poitrine après l’accouchement. Je m’attendais à ce qu’elles soient dans un débordement d’émotion, pas du tout : déjà elles étaient épuisées, et leur regard était plutôt comme un radar détaillant leur bébé, elles l’observaient en se demandant s’il allait bien, s’il avait ses dix doigts. J’ai joué ce que j’ai vu, je trouvais ça plus intéressant que les pleurs et l’étalage de grands sentiments.
Rémi Bezançon : Mais à un moment donné tu as fini par verser une larme, tu te souviens ?
Louise Bourgoin : Oui, quand je me suis tournée vers Pio et que j’ai vu qu’il était en larmes, ça m’a fait pleurer immédiatement. Au fond ça m’a beaucoup touchée, j’ai trouvé ça très beau.
Rémi Bezançon : On avait proposé à Pio aussi d’assister à des accouchements, mais il n’a pas voulu, il préférait préserver la virginité de son regard, il voulait avoir l’air de vivre ce moment comme si c’était la première fois.
Louise Bourgoin : Pio c’est un acteur instinctif, physique, avec une grande maîtrise de l’espace, de son corps et de son jeu. Il fait beaucoup de sport, c’est quelqu’un de très sain, de solide et de rassurant. Il m’a appris plein de trucs. Par exemple, pour la scène où je devais être complètement saoule, juste avant la prise il m’a fait tourner sur moi-même jusqu’à ce que je ne marche plus droit du tout.
Rémi Bezançon : C’est pour ça que tu t’es pris le mur quand j’ai dit « moteur » ?
Louise Bourgoin : Euh... oui. Mais j’avais l’air vraiment bourrée, t’es d’accord.
Rémi Bezançon : Oui, très crédible.
Louise Bourgoin : Il m’a donné plein d’astuces de ce genre, je lui suis reconnaissante. Quand on a su qu’on allait jouer ensemble, on s’est beaucoup vus avant le tournage pour répéter, s’exercer avec des bébés et apprendre à se connaître. On allait avoir des scènes très intimes à partager, des scènes de baisers, d’amour, de sexe. Donc on a préparé cette intimité. Du coup, on est devenus très proches. Et aujourd’hui, Pio c’est comme mon frangin.
(Extrait dossier de presse)
Autres films toujours à l'affiche :
"L'apollonide" de René Bonello
"Et maintenant on va où ?" de Nadine Labaki
"Habemus papam" de Nanni Moretti
"La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli
"Tu seras mon fils" de Gilles Legrand
"Melancholia" de Lars von Trier
Je souhaite que, vous aussi, vous partagiez vos émotions et vos coups de cœur ciné. Envoyez vos critiques de films par mail (contact@journaldefrancois.fr ). Elles seront publiées dans le Journal !
Mercredi cinéma, c’est votre rendez-vous !
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Zoom nouveauté : "Un heureux événement" de Rémi Bezançon avec Louise Bourgoin et Pio Marmaï.
L'histoire
« Elle m’a poussée dans mes retranchements, m’a fait dépasser toutes mes limites, m’a confrontée à l’absolu : de l’amour, du sacrifice, de la tendresse, de l’abandon. Elle m’a disloquée, transformée. Pourquoi personne ne m’a rien dit ? Pourquoi on n’en parle pas ? ».
Un heureux événement ou la vision intime d’une maternité, sincère et sans tabous.
Un film de Rémi Bezançon avec Louise Bourgoin, Pio Marmaï, Josiane Balasko, Thierry Frémont, Gabrielle Lazure. D'après le roman d'Eliette Abecassis "Un heureux événement" (éditions Albin Michel)
Bonus : dialogue entre Louise Bourgoin, héroïne du film et Rémi Bezançon, le réalisateur.
Rémi Bezançon : Louise, qu’est-ce que tu as pensé à la première lecture du scénario ?
Louise Bourgoin : Je me suis dit que c’était un projet que je ne pouvais pas laisser passer. C’est un vrai grand rôle, un portrait de femme comme il en existe peu au cinéma. Barbara, ce n’est pas un personnage statique : elle évolue, elle se transforme, elle vit même une véritable métamorphose. En devenant mère, cette intellectuelle lunaire se retrouve obligée de changer son regard sur la vie, elle passe de la métaphysique à la matérialité, elle devient plus pragmatique, plus responsable. L’expérience de la maternité va la sortir de sa zone de confort habituelle et de ses concepts philosophiques pour la confronter à la vérité crue de la vie. Et lui faire prendre conscience de sa propre mortalité.
Du point de vue du jeu, c’était un défi à relever. En plus c’est totalement un rôle de composition !
Rémi Bezançon : Le fait que tu n’aies pas encore d’enfant était un plus pour moi. En écrivant le scénario, je me suis servi de l’expérience d’Éliette Abécassis, et ce qu’elle raconte dans son livre était suffisamment riche. Je pense qu’un témoignage supplémentaire n’était pas nécessaire, il y aurait eu risque de télescopage. Moi je n’ai pas encore d’enfant non plus et j’ai apprécié de fantasmer là-dessus plutôt que de témoigner de mon vécu. Et puis Barbara est une primipare, elle n’a aucune expérience en tant que mère, tout ce qu’elle vit avec son bébé est de l’ordre de la première fois. Il fallait réussir à jouer ça. La peur de l’inconnu, en fait.
Louise Bourgoin : Je n’ai jamais été enceinte et effectivement j’ai eu à la fois très envie de le jouer et très peur aussi. La peur ne m’a pas lâchée durant tout le tournage.
Rémi Bezançon : La peur peut parfois être un moteur, c’était intéressant de t’en servir pour ton personnage.
Louise Bourgoin : Je doutais tellement à cause de mon inexpérience en la matière que quand je croisais une femme enceinte, je la harcelais de questions. J’ai dû rendre complètement chèvre Sandrine (la maquilleuse, enceinte de sept mois au moment du tournage) ! Les prothèses de ventre m’ont aidée aussi. Plus je suis travestie, déguisée, changée, plus j’arrive à construire un personnage différent de ce que je suis, c’est une évidence. Et puis le temps d’installation des faux ventres était un temps que je pouvais pleinement consacrer à entrer dans la peau de mon personnage, très concrètement. Je me levais aux aurores pour qu’on me colle les prothèses sur tout le bassin et la poitrine, et qu’on les colore en y projetant de la peinture afin de leur donner cet aspect de carnation humaine. Je devais rester debout pendant cinq heures d’affilée, si je m’asseyais je risquais de créer des plis sur le latex. Du coup je commençais la journée déjà fatiguée, et un peu shootée aussi par tous les solvants bizarroïdes du maquillage-SFX, ça collait bien avec l’état d’une femme enceinte, épuisée par les changements hormonaux et le ventre lourd, c’était parfait.
Rémi Bezançon : Tu m’as aussi dit avoir très peu été en contact avec des nourrissons dans ta vie. Tu croyais que ce serait un handicap pour le rôle alors que c’était franchement un atout : c’était important que le monde des bébés soit une totale découverte pour Barbara.
Louise Bourgoin : J’étais tout aussi dépassée que mon personnage. Au début, j’ai cru qu’on n’allait jamais y arriver, c’était difficile de s’abandonner dans le jeu alors que le bébé que je tenais dans les bras me balançait sa main dans la figure ou racontait sa vie en onomatopées. Et petit à petit on s’est apprivoisés. Entre les scènes, je restais avec les bébés pour qu’ils s’habituent à moi, je jouais avec eux, je les rassurais, je suis même allée passer quelques dimanches avec eux chez leurs parents.
Rémi Bezançon : Oui, il fallait s’adapter aux bébés, c’est exactement ça. Ils étaient prioritaires. C’était assez cocasse de voir une équipe de 50 personnes suivre un plan de travail calqué sur des horaires de siestes et de biberons.
Louise Bourgoin : Il y a eu des moments magiques. Comme les scènes d’allaitement, où j’ai senti sur mon sein les mouvements de succion du bébé. Je n’ai pas eu besoin de jouer la comédie à ce moment-là, j’étais tremblante d’émotion.
Rémi Bezançon : Quand on écrit un scénario on ne se rend pas immédiatement compte de l’impact qu’auront nos mots. Et ces deux-là : « Barbara allaite », en les écrivant je ne savais pas encore à quel point ça allait être délicat. Surtout que je voulais quelque chose de très réaliste, que ce soit pour les scènes d’allaitement comme pour celle de l’accouchement. L’équipe des effets spéciaux a fait des miracles.
Louise Bourgoin : Un accouchement c’est toujours risqué dans un film, ça peut vite être un peu grotesque. Là, c’était LA scène. Si on la ratait, le film serait raté parce qu’on n’y croirait plus.
Rémi Bezançon : On avait bien conscience de l’enjeu donc on s’est préparés un maximum avant le tournage. Avec mon chef opérateur, on est allés filmer de véritables accouchements avec l’autorisation des futurs parents. On voulait s’imprégner de la réalité, fixer les émotions, travailler nos cadres. C’était très impressionnant, et ça nous a été d’une aide précieuse quand on a tourné l’accouchement du film. Toi aussi d’ailleurs tu avais préparé cette scène très en amont.
Louise Bourgoin : Oui, j’ai pris des cours de pré-accouchement avec des femmes enceintes pour apprendre à respirer pendant les contractions. J’ai également suivi une sage-femme dans une clinique parisienne, elle m’a permis d’assister à une dizaine d’accouchements. C’était très marquant. Le sang, les sécrétions, le placenta... On vit dans une société assez aseptisée, on n’a pas l’habitude de voir ça, pourtant c’est quelque chose de naturel. N’empêche, je me demande si je ne préfèrerais pas accoucher sans mon compagnon quand même, j’aurais trop peur que ça le dégoute de moi à vie ! Je me souviens que dans son livre, Éliette décrivait Nicolas comme ça : « il était aussi épouvanté que s’il venait de sortir d’un film d’horreur avec pour actrice principale... sa femme ».
Rémi Bezançon : Le fait que cette sage-femme soit présente sur le plateau en tant que consultante, et que le rôle de l’obstétricien qui t’accouche soit joué par un véritable obstétricien, ça a dû aussi t’aider, non ?
Louise Bourgoin : Oui, leurs conseils, leurs gestes et leur regard m’ont rassurée. Ce qui était important pour moi c’était de savoir comment on crie, comment on souffle, comment on souffre. Parce qu’à chaque centimètre de dilatation du col de l’utérus, on souffre différemment. Le tournage de la scène d’accouchement a duré deux jours. Deux jours vraiment intenses, allongée sur la table de travail, les pieds dans les étriers, harnachée à la prothèse, au tensiomètre, au boitier de mon micro HF, une fausse perfusion dans le bras, les projecteurs dans le visage, cette ambiance fermée de studio avec tout le monde autour... J’avais chaud, j’étouffais et à force de souffler pendant des heures, je me suis mise en état d’hyperventilation et j’ai fini par tomber dans les pommes. Accoucher d’une émotion.
Rémi Bezançon : J’ai laissé ce plan dans le film. Tu es toute blanche et tu dis : je vais tomber dans les pommes... et effectivement, tu tombes vraiment dans les pommes. Tu m’as fait passer pour un tortionnaire ce jour-là.
Louise Bourgoin : Mais non ! Je tiens à rassurer tout le monde : aucun comédien n’a été maltraité durant le tournage. En fait, tu es même tout le contraire d’un tortionnaire, tu diriges plutôt dans la douceur, dans la confiance. Tu ne me noyais pas d’indications, tu ne me disais jamais : tu devrais jouer comme ci ou comme ça, tu me parlais plutôt d’autre chose, quelque chose qui me touchait et me permettait d’avoir l’émotion requise au bon moment. Avec une phrase, ou même un seul mot. C’était inspirant. Et toutes ces femmes qui ont accouché sous mes yeux m’ont inspirées aussi. Les observer m’a permis de jouer certaines choses que je n’aurais jamais osées sinon. Tout était dans leur regard car, malgré leur souffrance, elles gardaient toutes une certaine dignité face à l’équipe médicale, aux gens qu’elles ne connaissaient pas. Je m’en suis servie en jouant. J’ai aussi pensé à elles quand on a posé le bébé sur ma poitrine après l’accouchement. Je m’attendais à ce qu’elles soient dans un débordement d’émotion, pas du tout : déjà elles étaient épuisées, et leur regard était plutôt comme un radar détaillant leur bébé, elles l’observaient en se demandant s’il allait bien, s’il avait ses dix doigts. J’ai joué ce que j’ai vu, je trouvais ça plus intéressant que les pleurs et l’étalage de grands sentiments.
Rémi Bezançon : Mais à un moment donné tu as fini par verser une larme, tu te souviens ?
Louise Bourgoin : Oui, quand je me suis tournée vers Pio et que j’ai vu qu’il était en larmes, ça m’a fait pleurer immédiatement. Au fond ça m’a beaucoup touchée, j’ai trouvé ça très beau.
Rémi Bezançon : On avait proposé à Pio aussi d’assister à des accouchements, mais il n’a pas voulu, il préférait préserver la virginité de son regard, il voulait avoir l’air de vivre ce moment comme si c’était la première fois.
Louise Bourgoin : Pio c’est un acteur instinctif, physique, avec une grande maîtrise de l’espace, de son corps et de son jeu. Il fait beaucoup de sport, c’est quelqu’un de très sain, de solide et de rassurant. Il m’a appris plein de trucs. Par exemple, pour la scène où je devais être complètement saoule, juste avant la prise il m’a fait tourner sur moi-même jusqu’à ce que je ne marche plus droit du tout.
Rémi Bezançon : C’est pour ça que tu t’es pris le mur quand j’ai dit « moteur » ?
Louise Bourgoin : Euh... oui. Mais j’avais l’air vraiment bourrée, t’es d’accord.
Rémi Bezançon : Oui, très crédible.
Louise Bourgoin : Il m’a donné plein d’astuces de ce genre, je lui suis reconnaissante. Quand on a su qu’on allait jouer ensemble, on s’est beaucoup vus avant le tournage pour répéter, s’exercer avec des bébés et apprendre à se connaître. On allait avoir des scènes très intimes à partager, des scènes de baisers, d’amour, de sexe. Donc on a préparé cette intimité. Du coup, on est devenus très proches. Et aujourd’hui, Pio c’est comme mon frangin.
(Extrait dossier de presse)
Autres films toujours à l'affiche :
"L'apollonide" de René Bonello
"Et maintenant on va où ?" de Nadine Labaki
"Habemus papam" de Nanni Moretti
"La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli
"Tu seras mon fils" de Gilles Legrand
"Melancholia" de Lars von Trier
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