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Mercredi cinéma : "The artist" de Michel Hazanavicius avece Jean Dujardin et Bérénice Béjo.

Publié le : 12-10-2011

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

The artist de Michel HazanaviciusZoom nouveauté : "The artist" de Michel Hazanavicius

L'histoire

Hollywood 1927. George Valentin est une vedette du cinéma muet à qui tout sourit. L'arrivée des films parlants va le faire sombrer dans l'oubli. Peppy Miller, jeune figurante, va elle, être propulsée au firmament des stars. Ce film raconte l'histoire de leurs destins croisés, ou comment la célébrité, l'orgueil et l'argent peuvent être autant d'obstacles à leur histoire d'amour.
Un film de Michel Hazanavicius avec Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman.

 

Bonus : propso de Michel Hazanavicius, réalisateur du film.

À l’origine, quelle était votre envie ? De faire un film muet ? De faire un film en noir et blanc ? Ou les deux ?
Tout au départ, il y a sept ou huit ans, j’avais le fantasme d’un film muet. Sans doute parce que les grands réalisateurs mythiques que j’admire le plus sont des gens qui viennent du muet… Hitchcock, Lang, Ford, Lubitsch, Murnau, Billy Wilder en tout cas comme scénariste… Mais surtout parce que, en tant que metteur en scène, ça vous met face à vos responsabilités, ça vous impose une manière spéciale de raconter une histoire. Ce n’est plus au scénariste ni aux acteurs de raconter l’histoire, c’est vraiment au metteur en scène. C’est un cinéma où tout passe par l’image, par l’organisation des signes que vous envoyez au spectateur. Et puis c’est un cinéma très émotionnel, sensoriel, le fait de ne pas passer par le texte vous ramène à une manière de raconter très essentielle, qui ne fonctionne que sur les sensations que vous créez. C’est passionnant à travailler. Je me disais que c’était un magnifique défi et que si j’arrivais à faire ça, ce serait forcément  très enrichissant.
Si je dis que c’était un fantasme plus qu’une envie, c’est parce que, à chaque fois que j’en parlais, je voyais bien que ça ne suscitait qu’un écho amusé, jamais vraiment pris au sérieux. Et puis le succès des OSS 117 a fait que la même phrase -« j’aimerais faire un film muet » - n’a plus été tout à fait reçue de la même manière. Et puis surtout, Thomas Langmann n’est pas un producteur qui a les mêmes oreilles que tout le monde et que cette phrase, il l’a non seulement entendue mais prise au sérieux. J’ai vu ses yeux quand je lui parlais, et j’ai compris qu’il y croyait. Grâce à lui c’est devenu un film possible. Ce n’était plus un fantasme mais un projet. Je pouvais commencer à travailler. Je lui ai dit que j’allais chercher une histoire et que si je la trouvais et qu’elle me paraissait fonctionner, je reviendrais le voir…

Jean DujardinÀ quel moment, êtes-vous passé de cette envie d’un film muet à un film muet en noir et blanc qui parle de cinéma ?
Quand j’ai commencé à réfléchir à ce qu’allait être ce film muet, j’avais deux possibilités. Soit faire un film de pur divertissement, complètement ludique, presque gratuit, un film d’espionnage dans la veine du fi lm de Fritz Lang, "Les espions", qui est d’ailleurs à mon avis ce qui a donné à Hergé l’idée de Tintin.
Soit faire un film aux enjeux moins légers, sans doute plus dur à travailler mais qui m’attirait presque plus, parce que, du coup, on s’éloignait vraiment des OSS, d’autant que j’avais envie pour ce film muet de retravailler avec Jean et que je ne voulais pas lui faire refaire les mêmes choses. Je ne voulais pas qu’on puisse prendre ce projet pour un caprice, ou un gadget, j’ai donc cherché à imaginer une histoire qui justifierait en quelque sorte le format. Jean-Claude Grumberg, scénariste et auteur dramatique, mais aussi ami de mes parents, avait raconté qu’un jour, il parlait à un producteur de l’histoire d’un acteur du muet balayé par l’arrivée du parlant et le producteur lui avait répondu : « C’est formidable, mais les années 20 c’est trop cher, est-ce que ça ne pourrait pas se passer dans les années 50 ? » ! Je me suis souvenu de cette histoire et j’ai commencé à travailler dans cette direction, à me pencher sur cet épisode de l’arrivée du parlant. Je ne fais pas des films pour reproduire la réalité, je ne suis pas un cinéaste naturaliste. Ce que j’aime, c’est créer un spectacle et que les gens y prennent du plaisir en ayant conscience justement que c’est un spectacle. C’est la stylisation de la réalité qui m’intéresse, la possibilité de jouer avec des codes. C’est comme ça que s’est dessinée petit à petit cette idée d’un film qui se déroulerait dans le Hollywood de la fi n des années 20 et du début des années 30 et qui serait donc muet et en noir et blanc. J’ai en fait écrit très vite. En quatre mois. Je crois même que je n’ai jamais écrit un scénario aussi vite. Mon point de départ, lié à mon envie de retravailler avec Jean (Dujardin) et Bérénice (Bejo), c’était un acteur du muet qui ne veut pas entendre parler… du parlant. J’ai beaucoup tourné autour de ce personnage mais c’est dès que j’ai eu cette idée de la starlette et des destins croisés que tout s’est mis en place et a pris son sens… y compris les thèmes… L’orgueil, la célébrité, la vanité… Une vision de l’amour très à l’ancienne, très pure… Cela tenait aussi au format. En effet, les films muets qui ont le mieux vieilli à mon sens, ceux qui supportent le mieux et la longueur et la durée, même si je ne veux absolument pas me comparer à eux, ce sont les mélodrames. Ce genre colle parfaitement au format.  Des histoires d’amour très simples, qui sont de grands films, voire des chefs-d'œuvre… D’ailleurs, si ça pouvait donner aux gens l’envie de revoir ces films-là… En tout cas, ils m’ont donné envie de partir dans cette direction-là, tout en étant plus léger, plus optimiste, plus joyeux malgré tout…

Jean Dujardin et Bérénice BéjoÉcrit-on un film muet comme on écrit un film parlant ?
Oui et non. Oui, parce que je n’ai pas modifié ma manière de travailler, la seule différence, c’est que, arrivé à une certaine étape, contrairement à ce que je fais d’habitude, je n’ai pas posé les dialogues. Non, parce que je n’ai cessé, au moment de l’écriture, de me poser de pures questions de metteur en scène : comment raconter cette histoire en sachant qu’il n’est pas possible de mettre des cartons toutes les vingt secondes ? S’il y a trop de rebondissements, trop d’amplitude, trop de personnages, une intrigue trop complexe, visuellement vous ne pouvez pas vous en sortir. C’était ça le plus compliqué. J’ai donc vu et revu beaucoup de films muets pour essayer d’assimiler les règles du format, pour comprendre ce à quoi j’allais être confronté. J’ai très vite remarqué que, dès que l’histoire n’était pas claire, on décrochait. C’est vraiment un format qui ne pardonne pas, surtout aujourd’hui. À l’époque, les gens n’avaient pas trop de références, ils prenaient les films qu’on leur proposait mais aujourd’hui les habitudes ont changé, les codes ont changé. Le plus compliqué a donc été de définir l’aire de jeu, après ça s’est fait de manière assez simple. Ce qui était un peu compliqué aussi, c’était de se dire tout le temps que le projet en valait la peine, qu’il pouvait aller jusqu’au bout. C’est un film tellement à contre-courant, anachronique même. On était en pleine folie Avatar, en pleine explosion de la 3D. J’avais l’impression qu’il n’y avait que des Formule 1 autour de moi et que, moi, je roulais en 4L !

Justement est-ce que ça ne faisait pas aussi partie de votre excitation ?
Si, mais sur le temps, sur un an et demi, vous ne pouvez pas échapper à des moments de doute, à des questionnements… Heureusement, la plupart du temps, ce qui domine, c’est l’excitation de faire quelque chose de spécial, de ne pas faire comme tout le monde, et de voir, au fur et à mesure, que le film devient une éventualité, puis une possibilité, puis une réalité, et les regards amusés se transformer en curiosité…

Bérénice BéjoQuels sont les films qui ont le plus nourri votre imaginaire et votre travail pendant l’écriture de "The artist" ?
Il y a en eu beaucoup… Les films de Murnau et surtout "L'aurore", qui a d’ailleurs été longtemps considéré comme le plus beau fi lm de l’histoire du cinéma, et "city girl", que, pour ma part, j’ai tendance à préférer… Les films de Frank Borzage qui sont un peu dans la même veine même s’ils ont davantage vieilli. Murnau est intemporel, moderne même. D’ailleurs, Borzage comme John Ford avaient été encouragés par leur producteur William Fox, le créateur de la Fox, à venir voir travailler Murnau qu’il avait fait venir en Amérique parce qu’il était « le meilleur réalisateur du monde »… Après cette expérience, Ford a réalisé un film magnifique, "Quatre fils", qui ressemble vraiment à un film de Murnau, comme la réponse d’un réalisateur à un autre. C’est très touchant. Au début, j’ai un peu tout regardé, les Allemands, les Russes, les Américains, les Anglais, les Français, mais finalement c’est le cinéma muet américain qui m’a le plus nourri, parce qu’il me correspondait mieux et que c’est quand même lui qui, tout de suite, a imposé une certaine réalité, une certaine proximité, dans les personnages, dans l’histoire… "La foule" de King Vidor en est un exemple très émouvant. Les films de Chaplin, aussi. Mais Chaplin est tellement au-dessus de tout le monde que je m’en suis méfié, parce que je crois que tout ce qui est vrai pour lui n’est vrai que pour lui. C’est une œuvre absolument à part. Et puis il y a aussi les films de Von Stroheim. Un de mes préférés est un film de Tod Browning, "L'inconnu", avec Lon Chaney. Il y a aussi des Fritz Lang absolument incroyables… Même s’ils n’ont rien à voir avec le film que j’ai fait, ils m’ont beaucoup nourri… Ce sont d’ailleurs ces films-là, les Murnau, les Borzage, "La foule", etc. que j’ai fait voir aux acteurs, à l’équipe, plus comme des références que comme des modèles bien sûr.

De la même manière, vous êtes-vous beaucoup documenté sur le Hollywood des années 20 et 30 ?
Énormément. J’ai lu beaucoup de livres. Des biographies d’acteurs et de réalisateurs mais pas seulement. C’est très important, la documentation. Pas pour être historiquement irréprochable, pas pour être réaliste, parce que ce n’est pas du tout mon propos. Mais comme un tremplin à l’imaginaire, comme on a besoin de fondations pour construire une maison. J’avais besoin de me documenter. Pour nourrir l’histoire, le contexte et les personnages – il y a ainsi dans "The artist" des échos de Douglas Fairbanks, de Gloria Swanson, de Joan Crawford, et aussi de lointains échos de l’histoire de Greta Garbo avec John Gilbert. Et aussi pour savoir de quoi je parlais, pour pouvoir répondre à toutes les questions qu’on n’allait pas manquer de me poser pendant la préparation et le tournage. Quand on est seul devant son ordinateur, c’est à peu près simple mais lorsqu’on se retrouve face à 300 personnes qui posent des centaines de questions, il faut un peu savoir de quoi on parle. Décorateurs, costumiers, accessoiristes, etc., eux aussi, vont se documenter et vont vous interroger. Plus on s’est documenté, et plus on peut jouer avec…
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Le skylab" de Julie Delpy
"Un heureux événement" de Rémy Bezançon
"L'apollonide" de René Bonello
"Et maintenant on va où ?" de Nadine Labaki
"Habemus papam" de Nanni Moretti
"La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli


Je souhaite que, vous aussi, vous partagiez vos émotions et vos coups de cœur ciné. Envoyez vos critiques de films par mail (contact@journaldefrancois.fr ). Elles seront publiées dans le Journal !
Mercredi cinéma, c’est votre rendez-vous !

 

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The artist de Michel HazanaviciusZoom nouveauté : "The artist" de Michel Hazanavicius

L'histoire

Hollywood 1927. George Valentin est une vedette du cinéma muet à qui tout sourit. L'arrivée des films parlants va le faire sombrer dans l'oubli. Peppy Miller, jeune figurante, va elle, être propulsée au firmament des stars. Ce film raconte l'histoire de leurs destins croisés, ou comment la célébrité, l'orgueil et l'argent peuvent être autant d'obstacles à leur histoire d'amour.
Un film de Michel Hazanavicius avec Jean Dujardin, Bérénice Bejo, John Goodman.

 

Bonus : propso de Michel Hazanavicius, réalisateur du film.

À l’origine, quelle était votre envie ? De faire un film muet ? De faire un film en noir et blanc ? Ou les deux ?
Tout au départ, il y a sept ou huit ans, j’avais le fantasme d’un film muet. Sans doute parce que les grands réalisateurs mythiques que j’admire le plus sont des gens qui viennent du muet… Hitchcock, Lang, Ford, Lubitsch, Murnau, Billy Wilder en tout cas comme scénariste… Mais surtout parce que, en tant que metteur en scène, ça vous met face à vos responsabilités, ça vous impose une manière spéciale de raconter une histoire. Ce n’est plus au scénariste ni aux acteurs de raconter l’histoire, c’est vraiment au metteur en scène. C’est un cinéma où tout passe par l’image, par l’organisation des signes que vous envoyez au spectateur. Et puis c’est un cinéma très émotionnel, sensoriel, le fait de ne pas passer par le texte vous ramène à une manière de raconter très essentielle, qui ne fonctionne que sur les sensations que vous créez. C’est passionnant à travailler. Je me disais que c’était un magnifique défi et que si j’arrivais à faire ça, ce serait forcément  très enrichissant.
Si je dis que c’était un fantasme plus qu’une envie, c’est parce que, à chaque fois que j’en parlais, je voyais bien que ça ne suscitait qu’un écho amusé, jamais vraiment pris au sérieux. Et puis le succès des OSS 117 a fait que la même phrase -« j’aimerais faire un film muet » - n’a plus été tout à fait reçue de la même manière. Et puis surtout, Thomas Langmann n’est pas un producteur qui a les mêmes oreilles que tout le monde et que cette phrase, il l’a non seulement entendue mais prise au sérieux. J’ai vu ses yeux quand je lui parlais, et j’ai compris qu’il y croyait. Grâce à lui c’est devenu un film possible. Ce n’était plus un fantasme mais un projet. Je pouvais commencer à travailler. Je lui ai dit que j’allais chercher une histoire et que si je la trouvais et qu’elle me paraissait fonctionner, je reviendrais le voir…

Jean DujardinÀ quel moment, êtes-vous passé de cette envie d’un film muet à un film muet en noir et blanc qui parle de cinéma ?
Quand j’ai commencé à réfléchir à ce qu’allait être ce film muet, j’avais deux possibilités. Soit faire un film de pur divertissement, complètement ludique, presque gratuit, un film d’espionnage dans la veine du fi lm de Fritz Lang, "Les espions", qui est d’ailleurs à mon avis ce qui a donné à Hergé l’idée de Tintin.
Soit faire un film aux enjeux moins légers, sans doute plus dur à travailler mais qui m’attirait presque plus, parce que, du coup, on s’éloignait vraiment des OSS, d’autant que j’avais envie pour ce film muet de retravailler avec Jean et que je ne voulais pas lui faire refaire les mêmes choses. Je ne voulais pas qu’on puisse prendre ce projet pour un caprice, ou un gadget, j’ai donc cherché à imaginer une histoire qui justifierait en quelque sorte le format. Jean-Claude Grumberg, scénariste et auteur dramatique, mais aussi ami de mes parents, avait raconté qu’un jour, il parlait à un producteur de l’histoire d’un acteur du muet balayé par l’arrivée du parlant et le producteur lui avait répondu : « C’est formidable, mais les années 20 c’est trop cher, est-ce que ça ne pourrait pas se passer dans les années 50 ? » ! Je me suis souvenu de cette histoire et j’ai commencé à travailler dans cette direction, à me pencher sur cet épisode de l’arrivée du parlant. Je ne fais pas des films pour reproduire la réalité, je ne suis pas un cinéaste naturaliste. Ce que j’aime, c’est créer un spectacle et que les gens y prennent du plaisir en ayant conscience justement que c’est un spectacle. C’est la stylisation de la réalité qui m’intéresse, la possibilité de jouer avec des codes. C’est comme ça que s’est dessinée petit à petit cette idée d’un film qui se déroulerait dans le Hollywood de la fi n des années 20 et du début des années 30 et qui serait donc muet et en noir et blanc. J’ai en fait écrit très vite. En quatre mois. Je crois même que je n’ai jamais écrit un scénario aussi vite. Mon point de départ, lié à mon envie de retravailler avec Jean (Dujardin) et Bérénice (Bejo), c’était un acteur du muet qui ne veut pas entendre parler… du parlant. J’ai beaucoup tourné autour de ce personnage mais c’est dès que j’ai eu cette idée de la starlette et des destins croisés que tout s’est mis en place et a pris son sens… y compris les thèmes… L’orgueil, la célébrité, la vanité… Une vision de l’amour très à l’ancienne, très pure… Cela tenait aussi au format. En effet, les films muets qui ont le mieux vieilli à mon sens, ceux qui supportent le mieux et la longueur et la durée, même si je ne veux absolument pas me comparer à eux, ce sont les mélodrames. Ce genre colle parfaitement au format.  Des histoires d’amour très simples, qui sont de grands films, voire des chefs-d'œuvre… D’ailleurs, si ça pouvait donner aux gens l’envie de revoir ces films-là… En tout cas, ils m’ont donné envie de partir dans cette direction-là, tout en étant plus léger, plus optimiste, plus joyeux malgré tout…

Jean Dujardin et Bérénice BéjoÉcrit-on un film muet comme on écrit un film parlant ?
Oui et non. Oui, parce que je n’ai pas modifié ma manière de travailler, la seule différence, c’est que, arrivé à une certaine étape, contrairement à ce que je fais d’habitude, je n’ai pas posé les dialogues. Non, parce que je n’ai cessé, au moment de l’écriture, de me poser de pures questions de metteur en scène : comment raconter cette histoire en sachant qu’il n’est pas possible de mettre des cartons toutes les vingt secondes ? S’il y a trop de rebondissements, trop d’amplitude, trop de personnages, une intrigue trop complexe, visuellement vous ne pouvez pas vous en sortir. C’était ça le plus compliqué. J’ai donc vu et revu beaucoup de films muets pour essayer d’assimiler les règles du format, pour comprendre ce à quoi j’allais être confronté. J’ai très vite remarqué que, dès que l’histoire n’était pas claire, on décrochait. C’est vraiment un format qui ne pardonne pas, surtout aujourd’hui. À l’époque, les gens n’avaient pas trop de références, ils prenaient les films qu’on leur proposait mais aujourd’hui les habitudes ont changé, les codes ont changé. Le plus compliqué a donc été de définir l’aire de jeu, après ça s’est fait de manière assez simple. Ce qui était un peu compliqué aussi, c’était de se dire tout le temps que le projet en valait la peine, qu’il pouvait aller jusqu’au bout. C’est un film tellement à contre-courant, anachronique même. On était en pleine folie Avatar, en pleine explosion de la 3D. J’avais l’impression qu’il n’y avait que des Formule 1 autour de moi et que, moi, je roulais en 4L !

Justement est-ce que ça ne faisait pas aussi partie de votre excitation ?
Si, mais sur le temps, sur un an et demi, vous ne pouvez pas échapper à des moments de doute, à des questionnements… Heureusement, la plupart du temps, ce qui domine, c’est l’excitation de faire quelque chose de spécial, de ne pas faire comme tout le monde, et de voir, au fur et à mesure, que le film devient une éventualité, puis une possibilité, puis une réalité, et les regards amusés se transformer en curiosité…

Bérénice BéjoQuels sont les films qui ont le plus nourri votre imaginaire et votre travail pendant l’écriture de "The artist" ?
Il y a en eu beaucoup… Les films de Murnau et surtout "L'aurore", qui a d’ailleurs été longtemps considéré comme le plus beau fi lm de l’histoire du cinéma, et "city girl", que, pour ma part, j’ai tendance à préférer… Les films de Frank Borzage qui sont un peu dans la même veine même s’ils ont davantage vieilli. Murnau est intemporel, moderne même. D’ailleurs, Borzage comme John Ford avaient été encouragés par leur producteur William Fox, le créateur de la Fox, à venir voir travailler Murnau qu’il avait fait venir en Amérique parce qu’il était « le meilleur réalisateur du monde »… Après cette expérience, Ford a réalisé un film magnifique, "Quatre fils", qui ressemble vraiment à un film de Murnau, comme la réponse d’un réalisateur à un autre. C’est très touchant. Au début, j’ai un peu tout regardé, les Allemands, les Russes, les Américains, les Anglais, les Français, mais finalement c’est le cinéma muet américain qui m’a le plus nourri, parce qu’il me correspondait mieux et que c’est quand même lui qui, tout de suite, a imposé une certaine réalité, une certaine proximité, dans les personnages, dans l’histoire… "La foule" de King Vidor en est un exemple très émouvant. Les films de Chaplin, aussi. Mais Chaplin est tellement au-dessus de tout le monde que je m’en suis méfié, parce que je crois que tout ce qui est vrai pour lui n’est vrai que pour lui. C’est une œuvre absolument à part. Et puis il y a aussi les films de Von Stroheim. Un de mes préférés est un film de Tod Browning, "L'inconnu", avec Lon Chaney. Il y a aussi des Fritz Lang absolument incroyables… Même s’ils n’ont rien à voir avec le film que j’ai fait, ils m’ont beaucoup nourri… Ce sont d’ailleurs ces films-là, les Murnau, les Borzage, "La foule", etc. que j’ai fait voir aux acteurs, à l’équipe, plus comme des références que comme des modèles bien sûr.

De la même manière, vous êtes-vous beaucoup documenté sur le Hollywood des années 20 et 30 ?
Énormément. J’ai lu beaucoup de livres. Des biographies d’acteurs et de réalisateurs mais pas seulement. C’est très important, la documentation. Pas pour être historiquement irréprochable, pas pour être réaliste, parce que ce n’est pas du tout mon propos. Mais comme un tremplin à l’imaginaire, comme on a besoin de fondations pour construire une maison. J’avais besoin de me documenter. Pour nourrir l’histoire, le contexte et les personnages – il y a ainsi dans "The artist" des échos de Douglas Fairbanks, de Gloria Swanson, de Joan Crawford, et aussi de lointains échos de l’histoire de Greta Garbo avec John Gilbert. Et aussi pour savoir de quoi je parlais, pour pouvoir répondre à toutes les questions qu’on n’allait pas manquer de me poser pendant la préparation et le tournage. Quand on est seul devant son ordinateur, c’est à peu près simple mais lorsqu’on se retrouve face à 300 personnes qui posent des centaines de questions, il faut un peu savoir de quoi on parle. Décorateurs, costumiers, accessoiristes, etc., eux aussi, vont se documenter et vont vous interroger. Plus on s’est documenté, et plus on peut jouer avec…
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"Le skylab" de Julie Delpy
"Un heureux événement" de Rémy Bezançon
"L'apollonide" de René Bonello
"Et maintenant on va où ?" de Nadine Labaki
"Habemus papam" de Nanni Moretti
"La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli


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