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Mercredi cinéma : "Sous le figuier" d'Anne-Marie Etienne avec Gisèle Casadesus, Anne Consigny, Jonathan Zaccaï

Publié le : 20-03-2013

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneZoom nouveauté : "Sous le figuier" d'Anne-Marie Etienne

L'histoire
Nathalie, Christophe et Joëlle sont en pleine crise existentielle. Ils vont se retrouver réunis autour de Selma, 95 printemps et gravement malade, pour passer des vacances d’été mémorables au bord de la Moselle où ils comprendront que celle qu’ils pensaient aider à mourir, va les aider à vivre.
Un film d'Anne-Marie Etienne avec Gisèle Casadesus, Anne Consigny, Jonathan Zaccaï, Marie Kremer..

 

Bonus : propos d'Anne-Marie Etienne, réalisatrice du film

Avec "Sous le figuier", vous signez un véritable hymne à la vie.
Oui, un petit hymne à la vie en parlant de la mort. C’était en tout cas mon ambition : dire qu’il est possible de bien finir son existence, que la vieillesse n’est pas fatalement un naufrage.
C’est ce que j’appelle la "reliance".

Selma, la vieille dame de « Sous le figuier », qu’interprète Gisèle Casadesus, est un modèle du genre.
Jusqu’à la dernière minute, elle est complètement dans la vie,  « reliée » et entourée. Elle garde les yeux grands ouverts. C’est important de bien vieillir : il est relativement courant d’avoir une jeunesse flamboyante et une maturité qui s’installe bien; vieillir est plus compliqué. Cela dépend bien sûr de la façon dont on a vécu -et le film le dit un peu en filigrane. Cela repose surtout sur l’ouverture aux autres. Sans elle, même avec une très belle maison, même avec de l’argent, une vie intérieure et intellectuelle riche, la vieillesse, c’est la solitude ; la pire chose au monde.

SOUS LE FIGUIER de Anne-Marie Etienne"Sous le figuier" est aussi un film sur la transmission. C’est en accompagnant les derniers jours de la vielle dame que Christophe, Nathalie et Joëlle (qu’interprètent Jonathan Zaccaï, Anne Consigny et Marie Kremer), jusque-là plutôt mal dans leur peau, réussissent à se trouver.
Oui. Le pitch du film pourrait être : « Ils pensaient l’aider à partir; elle va les aider à vivre. ». Jonathan, Nathalie et Joëlle ont tous les trois perdu de vu leurs priorités, ils vivent à toute allure. Jonathan s’épuise entre son boulot, ses trois filles à élever, et la quête de l’âme sœur. Nathalie met toute son énergie à lutter contre un patron qui veut imposer la nouvelle cuisine dans son restaurant et, après plusieurs échecs amoureux, par peur de souffrir, ne veut plus prendre le risque d’aimer à nouveau. Quant à Joëlle, plutôt que de s’intéresser aux siens, elle préfère aller visiter des petits vieux dans les maisons de retraite, quitte à oublier sa fille chez le boucher. Aucun n’a le temps de se poser les questions essentielles : de quoi ai-je vraiment besoin ? Qu’est-ce qui est vraiment important dans ma vie ? Mais pour y parvenir, il faut savoir s’arrêter un peu. Et c’est ce que Selma leur enseigne : apprendre à se poser et à regarder.
Il y a quand même une forme de solitude très particulière à l’époque. Les solutions de fuite sont innombrables : on peut vraiment se mettre entre parenthèses du matin au soir et ne jamais avoir de moment de reliance avec soi-même.
Il est frappant de voir qu’aucun des personnages de "Sous le  figuier" n’est uni par un lien familial : ils se sont choisis. Il était important pour moi que Selma, dont on devine qu’elle a eu une vie de couple magnifique mais qui n’a pas d’enfant, donc plus de famille, ait réussi à s’en faire une. Je crois beaucoup aux familles qu’on se choisit – il y a tellement de gens qui ne voient plus leurs enfants et d’enfants qui ne voient plus leurs parents ! Le lien le plus solidaire n’est pas toujours celui du sang même s’il arrive parfois, qu’on se re-choisisse. Ma fille m’a dit un jour : » Si je te rencontrais, j’aimerais que tu sois ma maman ». C’est merveilleux !

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneCe n’est pas le cas de celle du personnage de Nathalie, que joue Anne Consigny.
On comprend qu’elle n’a guère eu de temps pour elle. Elle dit : « Pendant des années, je n’ai vu ma fille qu’en pyjama le matin. » Entre elles, le lien est trop ténu pour que son départ pour Shanghai ne soit pas lourd de conséquences.

Il y a un caractère incroyablement tactile dans la relation qui unit Selma à ses jeunes amis ; presque sensuel.
Ma mère me disait souvent : « Ce qui est très dur, quand on est âgé, c’est que plus personne ne vous prend dans ses bras. » Aux yeux des autres, vous n’êtes plus un être désirant, vous n’êtes plus dans la séduction. C’est pour cette raison qu’il me semblait capital que le personnage de Christophe ne se comporte pas avec Selma comme avec une vieille dame. Il la complimente, s’enquiert de ses désirs, lui offre un chapeau, la prend dans ses bras. Quand nous tournions, je disais à Jonathan : « Fais comme si Selma avait trente ans… » Je pensais à cette phrase de Cyrano de Bergerac qui m’a toujours beaucoup émue: « Grâce à vous, dit-il à Roxane, une robe sera passée dans ma vie. » Grâce à Jonathan, un homme sera de nouveau passé dans celle de Selma. Ce n’est pas parce qu’on a 80 ans qu’on n’éprouve plus le besoin de poser sa tête sur l’épaule d’un homme. C’était vraiment une chance d’avoir Gisèle Casadesus sur le plateau : malgré ses 98 ans – elle en avait 97 lorsque nous tournions-, elle est restée si féminine et séduisante qu’il n’est pas difficile d’imaginer qu’un homme lui fasse des compliments. Elle est vraiment la lumière dont j’avais besoin pour le film. Or, la lumière ne se joue pas : on l’a ou on ne l’a pas.

Pensiez-vous déjà à elle lorsque vous écriviez le scénario ?
Non, C’est toujours une fois l’étape de l’écriture terminée que je commence à me poser la question des acteurs. Mais dès qu’il s’est agi de choisir Selma, j’ai repensé à "La Tête en friche", de Jean Becker, et il était évident que Gisèle s’imposait pour le rôle. Sans elle, je n’aurais pas pu atteindre un tel niveau de luminosité. Je lui ai envoyé le scénario et, le soir même, elle acceptait d’être Selma. Elle aurait pu reculer, être impressionnée par le sujet– c’est tout de même l’histoire d’une vieille femme qui va mourir. Mais, non, elle n’a pas hésité une seconde.

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneLes personnages qu’ils interprètent ont une attitude très différente face à la mort prochaine de Selma. Nathalie (Anne Consigny) reconnaît s’y préparer en parlant de la vieille dame au passé. Christophe (Jonathan Zaccaï) est littéralement terrorisé par cette perspective – au point de ne plus oser monter dans sa chambre. Et paradoxalement, alors qu’elle fréquente assidûment les maisons de retraite, Joëlle (Marie Kremer) est dans la révolte.
Christophe, Nathalie et Joëlle n’ont évidemment pas la même approche - je ne voulais surtout pas être manichéenne. A la fin du film, pourtant, lorsqu’ils s’assoient sur le banc, sous le figuier, on sent qu’ils sont prêts : ils commencent à parler de Selma, ils acceptent l’inéluctable. Et ils se sont posés. C’était un scénario très délicat à écrire. Il fallait éviter les pièges ; ne pas être didactique ou donneur de leçon- c’est Selma qui leur donne les clés.
L’autre défi était de réussir à parler de la fin d’une vie sans qu’à aucun moment on ne soit dans la tristesse. J’ai l’impression de l’avoir relevé. "Sous le figuier" a été montré dans de nombreux festivals et j’ai eu le bonheur de voir des spectateurs pleurer de joie. Ils me disaient : « Nous allons envoyer nos enfants le voir. Grâce à vous, ils auront moins peur de notre mort. » Si mon film pouvait apporter ce réconfort à quelques personnes, j’aurais le sentiment d’avoir fait mon travail.

D’ "Un été après l’autre", votre premier long métrage, à  "Tôt ou tard", dans lequel Anny Duperey lutte contre un cancer, tous vos films évoquent les cycles du temps, les combats que la vie oblige chacun de nous à affronter, et l’indispensable solidarité entre les êtres qui permet de les surmonter.
Je suis passionnée par les forces insoupçonnées que les gens portent en eux. On le voit très bien lorsqu’ils sont confrontés à une épreuve. Ils déploient une énergie vitale qu’eux-mêmes ne soupçonnaient pas, tout simplement parce qu’ils n’ont pas confiance en leur propre puissance, parce qu’on ne la leur a pas apprise et peut-être même aussi parce qu’ils en ont peur. S’ils en étaient plus conscients, leur vie serait démultipliée. Elle serait plus riche et plus épanouie.
Pour en revenir à la question, je pense qu’on creuse toujours le même sillon. Il y a toujours dans mes films cette idée de main tendue vers l’autre. En matière de cinéma, les Américains appellent ce genre de films des "Good Feeling Films", des films dont on sort heureux et qui font du bien.

Vous évoquiez plus haut le caractère choral de "Sous le figuier". Comment réussit-on à faire entrer tant de personnages dans le cadre ?
Mon « la » sur ce film était la fluidité. Je voulais que la vie circule entre eux, que ce soit rond – pas un plus un plus un. J’aime ce que Claude Sautet, à qui je voue un culte, appelait « l’écho d’une scène ». Un personnage vit quelque chose et la caméra en rend l’écho. C’est le fameux plan dans « Vincent, François, Paul et les autres » : les quatre garçons sont de dos et attendent au feu rouge, ils ne se parlent pas, il ne se passe rien. C’est juste l’écho de la scène précédente. Ne pas filmer juste l’émotion, mais son écho, est un de mes crédos.

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneIl y a beaucoup de pudeur dans la mise en scène du film.
Cette scène, par exemple, au cours de laquelle Christophe, Nathalie et Joëlle arrivent avec un gâteau d’anniversaire et du champagne dans la chambre où Selma est hospitalisée. Je l’ai voulue en un seul plan et sans dialogues, comme un tableau. Il ne fallait surtout pas que ce soit larmoyant. Donc, pas de gros plan et aucun apitoiement.
 
On a parfois le sentiment que la pratique du théâtre déteint sur votre manière de faire du cinéma : les dialogues sont particulièrement travaillés, et la direction d’acteurs est toujours particulièrement subtile.
On me le dit souvent mais je ne saurais pas mesurer l’influence d’une discipline sur l’autre. Je ne le veux pas, d’ailleurs. J’aime alterner les deux, c’est ma seule certitude. Et si je me suis un peu éloignée du théâtre, ces dernières années, c’est uniquement parce que j’ai du mal à monter ma dernière pièce. Elle traite d’un thème tabou – l’abandon d’un enfant-, et je peine à trouver la comédienne.

Le fait d’avoir été vous-même comédienne vous aide-t-il à diriger vos acteurs ?
Les comédiens le disent. Il suffit parfois d’une indication pour aider un acteur à trouver le ton juste. J’avais interdit à Marie Kremer de sourire par exemple, Je lui disais : « Tu ne souris pas, tu restes fermée. » Sauf à la fin du film, lorsque, enfin, elle s’ouvre aux autres : elle est alors ravissante.

Faites-vous beaucoup de prises ?
J’ai la chance de savoir exactement ce que je veux. Ça ne me pose aucun problème de n’en faire que deux lorsque j’ai obtenu ce que je voulais. Par contre, tant que je ne l’ai pas, je continue.

Il y a beaucoup d’enfants dans "Sous le figuier". Une difficulté supplémentaire ?
Les enfants au cinéma, c’est un faux débat. Il y en avait une quinzaine sur le tournage d "Un été après l’autre" dont quatre rôles importants, et je n’ai SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie Etiennejamais rencontré de problèmes avec eux. La difficulté est de trouver des bons comédiens et, après, qu’ils ne soient pas capricieux et qu’on ait la chance qu’ils aient des parents sympathiques.

Vous avez tourné  "Sous le figuier" en Belgique et au Luxembourg ? Un retour à vos racines – vous êtes Belge - ?  Des conditions financières plus avantageuses ?

Les deux. Il y a davantage de simplicité en Belgique, la hiérarchie dans les équipes est moins flagrante, le stress moins important. Mais la plus grande partie du film, toutes les scènes qui se déroulent dans la maison, se déroule en fait dans la Moselle Luxembourgeoise, un endroit moins convenu à l’image que la Provence mais tout aussi solaire. Je la trouve très tchékhovienne, cette maison.

Lorsqu’on s’attarde sur les génériques de vos films, on s’aperçoit qu’à côté de gens plus connus comme Carole Bouquet, Marc Lavoine, ou, ici, Jonathan Zaccaï, Anne Consigny et Marie Kremer, vous avez fait tourner des comédiens qu’on voit peu au cinéma- Annie Cordy, Paul Crauchet, Anny Duperey. Ce sont des choix peu convenus.

J’essaie toujours d’être au plus près des personnages, quitte à ce que mes films soient plus difficiles à monter. C’est une question de cohérence ; une notion fondamentale à mes yeux qui vaut pour tous les films.

Toujours l’influence du théâtre ?

C’est une école du courage. Peut-être y puise- t-on la force de dire non à un nom bankable au risque de se priver du financement d’une chaîne. D’une manière plus générale, je pense que si l’on calcule, alors, on doit le faire dès le début. Si je m’y mettais maintenant, j’aurais perdu vingt ans de ma vie. Je creuse mon sillon, j’essaie d’être une artiste, de répondre à la nécessité de quelque chose que j’ai besoin de dire.
(extrait dossier de presse)

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneZoom nouveauté : "Sous le figuier" d'Anne-Marie Etienne

L'histoire
Nathalie, Christophe et Joëlle sont en pleine crise existentielle. Ils vont se retrouver réunis autour de Selma, 95 printemps et gravement malade, pour passer des vacances d’été mémorables au bord de la Moselle où ils comprendront que celle qu’ils pensaient aider à mourir, va les aider à vivre.
Un film d'Anne-Marie Etienne avec Gisèle Casadesus, Anne Consigny, Jonathan Zaccaï, Marie Kremer..

 

Bonus : propos d'Anne-Marie Etienne, réalisatrice du film

Avec "Sous le figuier", vous signez un véritable hymne à la vie.
Oui, un petit hymne à la vie en parlant de la mort. C’était en tout cas mon ambition : dire qu’il est possible de bien finir son existence, que la vieillesse n’est pas fatalement un naufrage.
C’est ce que j’appelle la "reliance".

Selma, la vieille dame de « Sous le figuier », qu’interprète Gisèle Casadesus, est un modèle du genre.
Jusqu’à la dernière minute, elle est complètement dans la vie,  « reliée » et entourée. Elle garde les yeux grands ouverts. C’est important de bien vieillir : il est relativement courant d’avoir une jeunesse flamboyante et une maturité qui s’installe bien; vieillir est plus compliqué. Cela dépend bien sûr de la façon dont on a vécu -et le film le dit un peu en filigrane. Cela repose surtout sur l’ouverture aux autres. Sans elle, même avec une très belle maison, même avec de l’argent, une vie intérieure et intellectuelle riche, la vieillesse, c’est la solitude ; la pire chose au monde.

SOUS LE FIGUIER de Anne-Marie Etienne"Sous le figuier" est aussi un film sur la transmission. C’est en accompagnant les derniers jours de la vielle dame que Christophe, Nathalie et Joëlle (qu’interprètent Jonathan Zaccaï, Anne Consigny et Marie Kremer), jusque-là plutôt mal dans leur peau, réussissent à se trouver.
Oui. Le pitch du film pourrait être : « Ils pensaient l’aider à partir; elle va les aider à vivre. ». Jonathan, Nathalie et Joëlle ont tous les trois perdu de vu leurs priorités, ils vivent à toute allure. Jonathan s’épuise entre son boulot, ses trois filles à élever, et la quête de l’âme sœur. Nathalie met toute son énergie à lutter contre un patron qui veut imposer la nouvelle cuisine dans son restaurant et, après plusieurs échecs amoureux, par peur de souffrir, ne veut plus prendre le risque d’aimer à nouveau. Quant à Joëlle, plutôt que de s’intéresser aux siens, elle préfère aller visiter des petits vieux dans les maisons de retraite, quitte à oublier sa fille chez le boucher. Aucun n’a le temps de se poser les questions essentielles : de quoi ai-je vraiment besoin ? Qu’est-ce qui est vraiment important dans ma vie ? Mais pour y parvenir, il faut savoir s’arrêter un peu. Et c’est ce que Selma leur enseigne : apprendre à se poser et à regarder.
Il y a quand même une forme de solitude très particulière à l’époque. Les solutions de fuite sont innombrables : on peut vraiment se mettre entre parenthèses du matin au soir et ne jamais avoir de moment de reliance avec soi-même.
Il est frappant de voir qu’aucun des personnages de "Sous le  figuier" n’est uni par un lien familial : ils se sont choisis. Il était important pour moi que Selma, dont on devine qu’elle a eu une vie de couple magnifique mais qui n’a pas d’enfant, donc plus de famille, ait réussi à s’en faire une. Je crois beaucoup aux familles qu’on se choisit – il y a tellement de gens qui ne voient plus leurs enfants et d’enfants qui ne voient plus leurs parents ! Le lien le plus solidaire n’est pas toujours celui du sang même s’il arrive parfois, qu’on se re-choisisse. Ma fille m’a dit un jour : » Si je te rencontrais, j’aimerais que tu sois ma maman ». C’est merveilleux !

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneCe n’est pas le cas de celle du personnage de Nathalie, que joue Anne Consigny.
On comprend qu’elle n’a guère eu de temps pour elle. Elle dit : « Pendant des années, je n’ai vu ma fille qu’en pyjama le matin. » Entre elles, le lien est trop ténu pour que son départ pour Shanghai ne soit pas lourd de conséquences.

Il y a un caractère incroyablement tactile dans la relation qui unit Selma à ses jeunes amis ; presque sensuel.
Ma mère me disait souvent : « Ce qui est très dur, quand on est âgé, c’est que plus personne ne vous prend dans ses bras. » Aux yeux des autres, vous n’êtes plus un être désirant, vous n’êtes plus dans la séduction. C’est pour cette raison qu’il me semblait capital que le personnage de Christophe ne se comporte pas avec Selma comme avec une vieille dame. Il la complimente, s’enquiert de ses désirs, lui offre un chapeau, la prend dans ses bras. Quand nous tournions, je disais à Jonathan : « Fais comme si Selma avait trente ans… » Je pensais à cette phrase de Cyrano de Bergerac qui m’a toujours beaucoup émue: « Grâce à vous, dit-il à Roxane, une robe sera passée dans ma vie. » Grâce à Jonathan, un homme sera de nouveau passé dans celle de Selma. Ce n’est pas parce qu’on a 80 ans qu’on n’éprouve plus le besoin de poser sa tête sur l’épaule d’un homme. C’était vraiment une chance d’avoir Gisèle Casadesus sur le plateau : malgré ses 98 ans – elle en avait 97 lorsque nous tournions-, elle est restée si féminine et séduisante qu’il n’est pas difficile d’imaginer qu’un homme lui fasse des compliments. Elle est vraiment la lumière dont j’avais besoin pour le film. Or, la lumière ne se joue pas : on l’a ou on ne l’a pas.

Pensiez-vous déjà à elle lorsque vous écriviez le scénario ?
Non, C’est toujours une fois l’étape de l’écriture terminée que je commence à me poser la question des acteurs. Mais dès qu’il s’est agi de choisir Selma, j’ai repensé à "La Tête en friche", de Jean Becker, et il était évident que Gisèle s’imposait pour le rôle. Sans elle, je n’aurais pas pu atteindre un tel niveau de luminosité. Je lui ai envoyé le scénario et, le soir même, elle acceptait d’être Selma. Elle aurait pu reculer, être impressionnée par le sujet– c’est tout de même l’histoire d’une vieille femme qui va mourir. Mais, non, elle n’a pas hésité une seconde.

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneLes personnages qu’ils interprètent ont une attitude très différente face à la mort prochaine de Selma. Nathalie (Anne Consigny) reconnaît s’y préparer en parlant de la vieille dame au passé. Christophe (Jonathan Zaccaï) est littéralement terrorisé par cette perspective – au point de ne plus oser monter dans sa chambre. Et paradoxalement, alors qu’elle fréquente assidûment les maisons de retraite, Joëlle (Marie Kremer) est dans la révolte.
Christophe, Nathalie et Joëlle n’ont évidemment pas la même approche - je ne voulais surtout pas être manichéenne. A la fin du film, pourtant, lorsqu’ils s’assoient sur le banc, sous le figuier, on sent qu’ils sont prêts : ils commencent à parler de Selma, ils acceptent l’inéluctable. Et ils se sont posés. C’était un scénario très délicat à écrire. Il fallait éviter les pièges ; ne pas être didactique ou donneur de leçon- c’est Selma qui leur donne les clés.
L’autre défi était de réussir à parler de la fin d’une vie sans qu’à aucun moment on ne soit dans la tristesse. J’ai l’impression de l’avoir relevé. "Sous le figuier" a été montré dans de nombreux festivals et j’ai eu le bonheur de voir des spectateurs pleurer de joie. Ils me disaient : « Nous allons envoyer nos enfants le voir. Grâce à vous, ils auront moins peur de notre mort. » Si mon film pouvait apporter ce réconfort à quelques personnes, j’aurais le sentiment d’avoir fait mon travail.

D’ "Un été après l’autre", votre premier long métrage, à  "Tôt ou tard", dans lequel Anny Duperey lutte contre un cancer, tous vos films évoquent les cycles du temps, les combats que la vie oblige chacun de nous à affronter, et l’indispensable solidarité entre les êtres qui permet de les surmonter.
Je suis passionnée par les forces insoupçonnées que les gens portent en eux. On le voit très bien lorsqu’ils sont confrontés à une épreuve. Ils déploient une énergie vitale qu’eux-mêmes ne soupçonnaient pas, tout simplement parce qu’ils n’ont pas confiance en leur propre puissance, parce qu’on ne la leur a pas apprise et peut-être même aussi parce qu’ils en ont peur. S’ils en étaient plus conscients, leur vie serait démultipliée. Elle serait plus riche et plus épanouie.
Pour en revenir à la question, je pense qu’on creuse toujours le même sillon. Il y a toujours dans mes films cette idée de main tendue vers l’autre. En matière de cinéma, les Américains appellent ce genre de films des "Good Feeling Films", des films dont on sort heureux et qui font du bien.

Vous évoquiez plus haut le caractère choral de "Sous le figuier". Comment réussit-on à faire entrer tant de personnages dans le cadre ?
Mon « la » sur ce film était la fluidité. Je voulais que la vie circule entre eux, que ce soit rond – pas un plus un plus un. J’aime ce que Claude Sautet, à qui je voue un culte, appelait « l’écho d’une scène ». Un personnage vit quelque chose et la caméra en rend l’écho. C’est le fameux plan dans « Vincent, François, Paul et les autres » : les quatre garçons sont de dos et attendent au feu rouge, ils ne se parlent pas, il ne se passe rien. C’est juste l’écho de la scène précédente. Ne pas filmer juste l’émotion, mais son écho, est un de mes crédos.

SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie EtienneIl y a beaucoup de pudeur dans la mise en scène du film.
Cette scène, par exemple, au cours de laquelle Christophe, Nathalie et Joëlle arrivent avec un gâteau d’anniversaire et du champagne dans la chambre où Selma est hospitalisée. Je l’ai voulue en un seul plan et sans dialogues, comme un tableau. Il ne fallait surtout pas que ce soit larmoyant. Donc, pas de gros plan et aucun apitoiement.
 
On a parfois le sentiment que la pratique du théâtre déteint sur votre manière de faire du cinéma : les dialogues sont particulièrement travaillés, et la direction d’acteurs est toujours particulièrement subtile.
On me le dit souvent mais je ne saurais pas mesurer l’influence d’une discipline sur l’autre. Je ne le veux pas, d’ailleurs. J’aime alterner les deux, c’est ma seule certitude. Et si je me suis un peu éloignée du théâtre, ces dernières années, c’est uniquement parce que j’ai du mal à monter ma dernière pièce. Elle traite d’un thème tabou – l’abandon d’un enfant-, et je peine à trouver la comédienne.

Le fait d’avoir été vous-même comédienne vous aide-t-il à diriger vos acteurs ?
Les comédiens le disent. Il suffit parfois d’une indication pour aider un acteur à trouver le ton juste. J’avais interdit à Marie Kremer de sourire par exemple, Je lui disais : « Tu ne souris pas, tu restes fermée. » Sauf à la fin du film, lorsque, enfin, elle s’ouvre aux autres : elle est alors ravissante.

Faites-vous beaucoup de prises ?
J’ai la chance de savoir exactement ce que je veux. Ça ne me pose aucun problème de n’en faire que deux lorsque j’ai obtenu ce que je voulais. Par contre, tant que je ne l’ai pas, je continue.

Il y a beaucoup d’enfants dans "Sous le figuier". Une difficulté supplémentaire ?
Les enfants au cinéma, c’est un faux débat. Il y en avait une quinzaine sur le tournage d "Un été après l’autre" dont quatre rôles importants, et je n’ai SOUS LE FIGUIER d'Anne-Marie Etiennejamais rencontré de problèmes avec eux. La difficulté est de trouver des bons comédiens et, après, qu’ils ne soient pas capricieux et qu’on ait la chance qu’ils aient des parents sympathiques.

Vous avez tourné  "Sous le figuier" en Belgique et au Luxembourg ? Un retour à vos racines – vous êtes Belge - ?  Des conditions financières plus avantageuses ?

Les deux. Il y a davantage de simplicité en Belgique, la hiérarchie dans les équipes est moins flagrante, le stress moins important. Mais la plus grande partie du film, toutes les scènes qui se déroulent dans la maison, se déroule en fait dans la Moselle Luxembourgeoise, un endroit moins convenu à l’image que la Provence mais tout aussi solaire. Je la trouve très tchékhovienne, cette maison.

Lorsqu’on s’attarde sur les génériques de vos films, on s’aperçoit qu’à côté de gens plus connus comme Carole Bouquet, Marc Lavoine, ou, ici, Jonathan Zaccaï, Anne Consigny et Marie Kremer, vous avez fait tourner des comédiens qu’on voit peu au cinéma- Annie Cordy, Paul Crauchet, Anny Duperey. Ce sont des choix peu convenus.

J’essaie toujours d’être au plus près des personnages, quitte à ce que mes films soient plus difficiles à monter. C’est une question de cohérence ; une notion fondamentale à mes yeux qui vaut pour tous les films.

Toujours l’influence du théâtre ?

C’est une école du courage. Peut-être y puise- t-on la force de dire non à un nom bankable au risque de se priver du financement d’une chaîne. D’une manière plus générale, je pense que si l’on calcule, alors, on doit le faire dès le début. Si je m’y mettais maintenant, j’aurais perdu vingt ans de ma vie. Je creuse mon sillon, j’essaie d’être une artiste, de répondre à la nécessité de quelque chose que j’ai besoin de dire.
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