Mercredi cinéma : "Le premier homme" de Gianni Amelio avec Jacques Gamblin, Denis Podalydès

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
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Zoom nouveauté : "Le premier homme" de Gianni Amelio

L'histoire
Août 1957. Un écrivain célèbre d’une quarantaine d’années, Jacques Cormery, rend visite à sa mère qui demeure à Alger. La ville est en état de guerre. Il se souvient de ses années d’écolier, de ses amis européens et algériens et de M. Bernard, cet instituteur qui l’a projeté vers une vie inconcevable pour un enfant né dans une famille pauvre et analphabète.
Fidèle à son passé, que peut-il faire pour réconcilier ceux qui comme lui, pieds-noirs et algériens, sont nés sur le même sol, mais que le mouvement de l’histoire a transformés en ennemis héréditaires ?
Un film de Gianni Amelio avec Jacques Gamblin, Denis Podalydès, Catherine Sola, Maya Sansa…

Bonus : contexte autour du roman inachevé d'Albert Camus

Le 4 janvier 1960, une voiture de sport dérape sur la chaussée glissante et tamponne un platane. L'accident fait plusieurs victimes parmi lesquelles Albert Camus, romancier, essayiste, dramaturge, journaliste, prix Nobel de littérature. Dans les débris, on retrouve une serviette en cuir. Elle contient le manuscrit, inachevé, du "Premier homme", un roman autobiographique sur lequel il travaillait depuis presque deux ans. Albert Camus avait pensé ce livre comme la première partie d'une trilogie qu’il avait en tête lorsqu'il fut victime de cet accident.
"Le Premier homme" consistait en 144 pages écrites à la main. Le texte manquait par endroit de signes de ponctuation et des notes débordaient dans les marges. Pour rendre publiable le manuscrit de son père, Catherine Camus s'est appliquée au travail difficile de le dactylographier. C'est en 1994 que les Éditions Gallimard ont publié le manuscrit d'Albert Camus "Le Premier homme", soit 34 ans après la disparition de l'écrivain.

A propos d'Alvert Camus, enfant.
Albert Camus né le 7 décembre 1913 à Mondovi, petit village du Constantinois, près de Bône (Annaba en Algérie). Son père Lucien Camus, ouvrier caviste, blessé lors de la bataille de la Marne, meurt en octobre 1914. De son père, Albert Camus ne connaîtra qu'une photographie. Elevé par sa mère analphabète mais surtout par une grand-mère autoritaire, et par un oncle boucher, il apprend la misère dans le quartier populaire de Belcourt, à Alger où ils ont émigrés. A l'école communale, au CM2, un instituteur, Louis Germain distingue l'enfant et convainc sa famille de présenter le jeune écolier au concours des bourses qui allait lui permettre d'aller au lycée. Reçu, Camus entre au lycée Bugeaud d'Alger en 1924.
Lorsqu'Albert Camus recevra le Prix Nobel de littérature en 1957, son discours sera dédié à son instituteur Louis Germain.

Propos de Denis Podalydès et Jacques Gamblin à propos du 'Premier homme"

Denis Podalydès : J'ai découvert "Le Premier homme" lors de sa réédition : j'ai trouvé le texte magnifique et la manière dont Camus dépeint son rapport à ses parents m'a beaucoup touché. J'aime aussi "La Chute" ainsi que "L'Etranger", que j'avais lu en classe de 3e. Et puis, j'ai desaimé Camus comme beaucoup de gens de ma génération.
Dans les années 80, les profs de philo rejetaient à la fois Camus et Sartre, à cause du structuralisme, de la philosophie analytique et du « Nouveau roman ». Le fait d'être à la fois philosophe et romancier était porté à leur discrédit ! Camus était considéré comme un romantique, loin de la pensée pure, et l'on ironisait volontiers sur ses écrits sans bien les connaître. Il y avait envers son œuvre un mépris injustifié.
Tourner "Le Premier homme" a été l'occasion de partir sur les traces d'Albert Camus, que mes parents aimaient tous les deux. Dans le roman, il est clair que Jacques est attaché à l'Algérie par amour envers sa mère et qu'il déteste toute forme de violence. Camus voulait surtout témoigner pour ses parents, mettre en valeur l'humain. A l'inverse, Sartre justifiait à l'époque la violence comme seul arme révolutionnaire possible pour les colonisés. Sur la question de l'Algérie française, mon père et ma mère étaient en opposition, et comme l'on a souvent accusé Camus d'ambivalence, cela permettait de préserver une certaine entente familiale sur son nom !

Jacques Gamblin : Je veux tout de suite être très clair, je ne suis ni un historien ni un Khâgneux et je n'ai pas lu toute l’œuvre d'Albert Camus pour jouer ce rôle. Il ne fait aucun doute que "Le Premier homme" est un roman très autobiographique, mais sans doute pas seulement. Le film n'est pas un biopic et le personnage s'appelle Jacques Cormery. Bien évidemment, la question s'est très vite posée de savoir comment représenter ce personnage, lié par le sang, si on peut dire, à Albert Camus.
Gianni Amelio ne cherchait pas ce réalisme ni cette mémoire-là, il s'est approprié le roman, l'a adapté, pour parler sans doute aussi de sa propre enfance et réaliser une œuvre aux accents universels. Ce que je vois en premier lieu dans ce film, c'est le lien indéfectible avec son lieu de naissance : Gianni Amelio traite de cela avec puissance et simplicité.
Les opinions et les engagements de Camus ont été forcément nourris de cette enfance. Sans entrer dans la polémique, il a juste exprimé son ressenti d'être Algérois et Français ; il a revendiqué cette double appartenance. C'est une position humaniste et "géographique", de par son enfance et sa cohabitation avec les Arabes. Je trouve cela plus viscéral et organique que politique. Même si bien sûr, dans le contexte de guerre, d'indépendance, et de par la notoriété et la reconnaissance de l'écrivain Camus, ça l'est devenu. Il y a ce qui s'est dit dans les milieux intellectuels et politiques à Paris et ce qu'Albert Camus a vécu.
(extrait dossier de presse)