Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien (ugc) - Enghien (centre des arts), Franconville - Montmorency - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mardi et mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône
Zoom nouveauté : "L'art de la fugue" de Brice Cauvin
L'histoire
Antoine vit avec Adar, mais il rêve d’Alexis... Louis est amoureux de Mathilde alors il va épouser Julie... Gérard, qui n’aime qu’Hélène, tombera-t-il dans les bras d’Ariel ?
Trois frères en pleine confusion... Comment, dès lors, retrouver un droit chemin ou... échapper à ses responsabilités ? C’est là tout L’Art de la Fugue...
Un film de Brice Cauvin avec Laurent Lafitte, Agnès Jaoui, Benjamin Biolay, Nicolas Bedos, Marie Christine Barrault, Guy Marchand, Bruno Putzulu, Arthur Igual, Élodie Frégé…
Bonus : propos de Brice Cauvin, réalisateur du film
Pourquoi avez-vous eu le désir d’adapter le livre de Stephen Mc Cauley ?
Je connais Agnès Jaoui depuis longtemps et nous échangeons souvent nos lectures. Nous connaissions et aimions tous les deux les romans de Stephen McCauley et particulièrement "L’Art de la fugue". Je trouvais qu’il y avait en plus, un rôle formidable pour Agnès, mais nous n’en avons pas parlé tout de suite. L’éditrice de Stephen McCauley, Cynthia Liebow (Baker Street) nous a aidés pour les droits. Puis, j’ai travaillé avec Raphaëlle Desplechin-Valbrune. Adapter un roman étranger n’est pas simple. Nous nous sommes rendus compte à quel point le travail avait une nécessité d’adaptation culturelle : les Français ne s’expriment pas du tout comme les Américains. Alors on a refermé le livre et nous sommes partis de ce qui nous a intéressé : les personnalités de ces trois frères. Nous nous sommes escrimés à faire de cette matière, un scénario très français, ce qui signifie une totale réécriture des dialogues et des situations. On a tout de même relu le roman à la toute fin pour vérifier qu’on n’avait pas oublié de scènes savoureuses…
Et comment s’est passé le travail de consultante au scénario d’Agnès Jaoui ?
Agnès a été notre script doctor : lorsque nous arrivions à une version qui nous satisfaisait, nous la consultions. Elle traquait aussi les américanismes restants !
Comment avez-vous travaillé pour que chaque personnage ait sa trajectoire ?
On a construit ce scénario à partir de chacun des personnages : on passait une semaine entière avec le personnage de Gérard. Nous parlions comme lui. La semaine suivante, c’était au tour du personnage d’Antoine, puis de Louis… Je suis linguiste de formation et j’aime penser à la part d’inconscient que contiennent les mots alors j’ai mis beaucoup de soin à travailler les dialogues mais aussi la manière dont s’exprime chacun. Antoine cherche beaucoup ses mots par exemple mais uniquement quand il parle de lui-même. Il a fallu aussi franciser la façon de s’exprimer : les Américains aiment dire ce qu’ils sont, où ils en sont dans leur vie… Dans le roman, le personnage d’Ariel se plaint beaucoup de sa vie, elle dit : «I want to change my life !». Un Français dit rarement les choses aussi directement, chez nous c’est la litote qui fonctionne ; On dira plutôt «j’en ai marre de mon boulot!» et l’interlocuteur devra comprendre les conséquences...
Le film évoque les choses mélancoliques de la vie mais vous avez choisi d’en parler avec une certaine légèreté…
Les personnages de "L’Art de la fugue" sont incapables d’avancer dans leur quotidien, ce qui – j’espère - les rend drôles et crée, une certaine empathie. Au festival de San Francisco, un spectateur m’a dit : il y avait "Hannah et ses sœurs" (de Woody Allen), désormais il y aura "Antoine et ses frères" … Cela m’a réjoui !
Antoine (Laurent Lafitte) est le cœur battant de ce film car il semble le seul à être lucide, il nomme les choses, accepte de dire que tout va mal. Il prend en charge les problèmes de ses frères et de ses parents. Pourtant il porte en lui une blessure qu’il refuse de voir, et c’est ce déni qui le rend mélancolique. C’est tout le trajet du film pour Antoine : accepter de prendre conscience de sa situation.
Fidèle au titre, le film virevolte, les personnages se font écho…
J’ai essayé d’écrire le scénario comme une partition de musique, chaque personnage est un instrument, jouant une musique propre. Antoine est un instrument à vent, une flûte ou un basson, Gérard, plutôt une contrebasse, Louis une trompette et Ariel un piano…Au début du film, on commence avec Gérard. C’est lui qui nous conduit à la scène du petit-déjeuner, il nous emmène vers le quatuor. Pourtant, petit à petit, ce sera la musique d’Antoine qui se détachera de ce portrait familial, mais presque à notre insu. J’écris avec de la musique, elle m’inspire. J’écoute 10 ou 20 fois un morceau, voilà comment je me plonge dans l‘humeur d’une scène… Sur le tournage, je cherche à créer des ambiguïtés : un lento peut commencer par un allegro ! J’aime créer de l’équivocité : les personnages peuvent dire une chose mais leur corps en raconter une autre… La musique nous fait ressentir des choses complexes, elle est polysémique. J’ai essayé de travailler de la même façon avec les comédiens.
Cette mélodie s’est-elle aussi construite au montage ?
C’est en effet au montage que je me suis rendu compte que j’avais surtout envie de construire cette « fugue » à partir du personnage d’Antoine. On a beaucoup modifié l’ordre des scènes. Le flashback par exemple, n‘existait pas mais j’ai eu envie de commencer le film avec lui, que le spectateur s’interroge sur cet homme qui arrive en vélo et soudain pleure… Se poser des questions sur un personnage, c’est une manière d’entrer dans son intimité.
Comment s’est élaboré le casting ?
Pour jouer Antoine, j’avais envie d’un comédien qui puisse montrer cette part de clairvoyance. Je trouve que les comiques ont cette capacité de regarder les choses avec distance, de se moquer des autres et d’eux-mêmes. Et puis, la lucidité, c’est un très bon outil pour montrer la mélancolie… Laurent a en plus une part de mystère qui le rend très attirant pour un metteur en scène…
Agnès Jaoui était là depuis le début…
Je voulais montrer une Agnès Jaoui différente. Mais j’ai vraiment écrit le rôle pour elle. Pendant l’écriture, nous n’en parlions jamais ; je voulais qu’elle ait la possibilité de refuser alors quand le scénario fût définitif, je lui ai fait une proposition en bonne et due forme et j’ai été heureux qu’elle accepte. J’ai adoré diriger Agnès ; nous nous comprenons bien : comme moi, elle aime chercher, explorer. On garde et on jette, mais on essaie ! Avec elle j’ai l’impression que tout est possible : dans les mèches bleues et rouges, les vêtements improbables mais surtout dans son jeu d’actrice. Elle aime le risque !
Et Benjamin Biolay ?
Au début, il avait fait des essais pour Antoine mais ça ne marchait pas, il était trop loin du personnage. Lui-même m’avait dit: «De toutes façons celui qui me plait, moi, c’est Gérard!». À l’époque il y avait un autre acteur pour le rôle, mais lorsque le film est entré en production, l’acteur pressenti n’était plus disponible, j’ai rappelé Benjamin. Malgré son emploi du temps, il a dit oui tout de suite. C’est comme s’il l’avait attendu: je crois que le rôle lui faisait tellement envie ! Benjamin n’a peur de rien et s’est glissé dans son personnage sans complexe. Les cernes sous les yeux, les cheveux gras, ce pull jacquard improbable… C’est un comédien très subtil, très réactif. J’adore travailler avec les comédiens-musiciens. Ils comprennent immédiatement l’importance de la modulation dans le jeu.
Et Nicolas Bedos ?
A l’origine le petit frère était footballeur. Un autre comédien devait jouer le rôle mais il y avait des dates qui coinçaient dans le plan de travail. Le directeur de casting, Nicolas Ronchi, m’a suggéré Nicolas. Je l’ai imaginé très bien dans cette fratrie mais j’ai changé la musique du personnage. Il est passé du football… à HEC ! J’accorde une certaine importance aux ressemblances : Louis ressemble à son père avec les yeux de sa mère, Antoine à sa mère, Gérard à son père.
Et pourquoi Marie Christine Barrault et Guy Marchand ?
Avec Marie Christine Barrault nous avions travaillé ensemble au théâtre. Je sais à quel point elle peut être généreuse et n’a peur de rien. Elle est merveilleuse. Elle insuffle aussi énormément de contradictions, de vie. Quant à Guy Marchand, ce qui lui a plu, c’est que le statut de son personnage restait indécidable : vraiment malade ou chantage affectif ? Il aimait cette matière ambiguë. Sur le tournage Guy adorait ses trois fils de cinéma. Je me suis régalé à le voir lui et Marie Christine. Ils ont occupé cette boutique comme s’ils y avaient toujours vécu: s’engueulant en buvant du thé et du whisky : j’étais bluffé !
(extrait dossier de presse - Propos recueillis par Claire Vassé)
Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien (ugc) - Enghien (centre des arts), Franconville - Montmorency - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mardi et mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône
Zoom nouveauté : "L'art de la fugue" de Brice Cauvin
L'histoire
Antoine vit avec Adar, mais il rêve d’Alexis... Louis est amoureux de Mathilde alors il va épouser Julie... Gérard, qui n’aime qu’Hélène, tombera-t-il dans les bras d’Ariel ?
Trois frères en pleine confusion... Comment, dès lors, retrouver un droit chemin ou... échapper à ses responsabilités ? C’est là tout L’Art de la Fugue...
Un film de Brice Cauvin avec Laurent Lafitte, Agnès Jaoui, Benjamin Biolay, Nicolas Bedos, Marie Christine Barrault, Guy Marchand, Bruno Putzulu, Arthur Igual, Élodie Frégé…
Bonus : propos de Brice Cauvin, réalisateur du film
Pourquoi avez-vous eu le désir d’adapter le livre de Stephen Mc Cauley ?
Je connais Agnès Jaoui depuis longtemps et nous échangeons souvent nos lectures. Nous connaissions et aimions tous les deux les romans de Stephen McCauley et particulièrement "L’Art de la fugue". Je trouvais qu’il y avait en plus, un rôle formidable pour Agnès, mais nous n’en avons pas parlé tout de suite. L’éditrice de Stephen McCauley, Cynthia Liebow (Baker Street) nous a aidés pour les droits. Puis, j’ai travaillé avec Raphaëlle Desplechin-Valbrune. Adapter un roman étranger n’est pas simple. Nous nous sommes rendus compte à quel point le travail avait une nécessité d’adaptation culturelle : les Français ne s’expriment pas du tout comme les Américains. Alors on a refermé le livre et nous sommes partis de ce qui nous a intéressé : les personnalités de ces trois frères. Nous nous sommes escrimés à faire de cette matière, un scénario très français, ce qui signifie une totale réécriture des dialogues et des situations. On a tout de même relu le roman à la toute fin pour vérifier qu’on n’avait pas oublié de scènes savoureuses…
Et comment s’est passé le travail de consultante au scénario d’Agnès Jaoui ?
Agnès a été notre script doctor : lorsque nous arrivions à une version qui nous satisfaisait, nous la consultions. Elle traquait aussi les américanismes restants !
Comment avez-vous travaillé pour que chaque personnage ait sa trajectoire ?
On a construit ce scénario à partir de chacun des personnages : on passait une semaine entière avec le personnage de Gérard. Nous parlions comme lui. La semaine suivante, c’était au tour du personnage d’Antoine, puis de Louis… Je suis linguiste de formation et j’aime penser à la part d’inconscient que contiennent les mots alors j’ai mis beaucoup de soin à travailler les dialogues mais aussi la manière dont s’exprime chacun. Antoine cherche beaucoup ses mots par exemple mais uniquement quand il parle de lui-même. Il a fallu aussi franciser la façon de s’exprimer : les Américains aiment dire ce qu’ils sont, où ils en sont dans leur vie… Dans le roman, le personnage d’Ariel se plaint beaucoup de sa vie, elle dit : «I want to change my life !». Un Français dit rarement les choses aussi directement, chez nous c’est la litote qui fonctionne ; On dira plutôt «j’en ai marre de mon boulot!» et l’interlocuteur devra comprendre les conséquences...
Le film évoque les choses mélancoliques de la vie mais vous avez choisi d’en parler avec une certaine légèreté…
Les personnages de "L’Art de la fugue" sont incapables d’avancer dans leur quotidien, ce qui – j’espère - les rend drôles et crée, une certaine empathie. Au festival de San Francisco, un spectateur m’a dit : il y avait "Hannah et ses sœurs" (de Woody Allen), désormais il y aura "Antoine et ses frères" … Cela m’a réjoui !
Antoine (Laurent Lafitte) est le cœur battant de ce film car il semble le seul à être lucide, il nomme les choses, accepte de dire que tout va mal. Il prend en charge les problèmes de ses frères et de ses parents. Pourtant il porte en lui une blessure qu’il refuse de voir, et c’est ce déni qui le rend mélancolique. C’est tout le trajet du film pour Antoine : accepter de prendre conscience de sa situation.
Fidèle au titre, le film virevolte, les personnages se font écho…
J’ai essayé d’écrire le scénario comme une partition de musique, chaque personnage est un instrument, jouant une musique propre. Antoine est un instrument à vent, une flûte ou un basson, Gérard, plutôt une contrebasse, Louis une trompette et Ariel un piano…Au début du film, on commence avec Gérard. C’est lui qui nous conduit à la scène du petit-déjeuner, il nous emmène vers le quatuor. Pourtant, petit à petit, ce sera la musique d’Antoine qui se détachera de ce portrait familial, mais presque à notre insu. J’écris avec de la musique, elle m’inspire. J’écoute 10 ou 20 fois un morceau, voilà comment je me plonge dans l‘humeur d’une scène… Sur le tournage, je cherche à créer des ambiguïtés : un lento peut commencer par un allegro ! J’aime créer de l’équivocité : les personnages peuvent dire une chose mais leur corps en raconter une autre… La musique nous fait ressentir des choses complexes, elle est polysémique. J’ai essayé de travailler de la même façon avec les comédiens.
Cette mélodie s’est-elle aussi construite au montage ?
C’est en effet au montage que je me suis rendu compte que j’avais surtout envie de construire cette « fugue » à partir du personnage d’Antoine. On a beaucoup modifié l’ordre des scènes. Le flashback par exemple, n‘existait pas mais j’ai eu envie de commencer le film avec lui, que le spectateur s’interroge sur cet homme qui arrive en vélo et soudain pleure… Se poser des questions sur un personnage, c’est une manière d’entrer dans son intimité.
Comment s’est élaboré le casting ?
Pour jouer Antoine, j’avais envie d’un comédien qui puisse montrer cette part de clairvoyance. Je trouve que les comiques ont cette capacité de regarder les choses avec distance, de se moquer des autres et d’eux-mêmes. Et puis, la lucidité, c’est un très bon outil pour montrer la mélancolie… Laurent a en plus une part de mystère qui le rend très attirant pour un metteur en scène…
Agnès Jaoui était là depuis le début…
Je voulais montrer une Agnès Jaoui différente. Mais j’ai vraiment écrit le rôle pour elle. Pendant l’écriture, nous n’en parlions jamais ; je voulais qu’elle ait la possibilité de refuser alors quand le scénario fût définitif, je lui ai fait une proposition en bonne et due forme et j’ai été heureux qu’elle accepte. J’ai adoré diriger Agnès ; nous nous comprenons bien : comme moi, elle aime chercher, explorer. On garde et on jette, mais on essaie ! Avec elle j’ai l’impression que tout est possible : dans les mèches bleues et rouges, les vêtements improbables mais surtout dans son jeu d’actrice. Elle aime le risque !
Et Benjamin Biolay ?
Au début, il avait fait des essais pour Antoine mais ça ne marchait pas, il était trop loin du personnage. Lui-même m’avait dit: «De toutes façons celui qui me plait, moi, c’est Gérard!». À l’époque il y avait un autre acteur pour le rôle, mais lorsque le film est entré en production, l’acteur pressenti n’était plus disponible, j’ai rappelé Benjamin. Malgré son emploi du temps, il a dit oui tout de suite. C’est comme s’il l’avait attendu: je crois que le rôle lui faisait tellement envie ! Benjamin n’a peur de rien et s’est glissé dans son personnage sans complexe. Les cernes sous les yeux, les cheveux gras, ce pull jacquard improbable… C’est un comédien très subtil, très réactif. J’adore travailler avec les comédiens-musiciens. Ils comprennent immédiatement l’importance de la modulation dans le jeu.
Et Nicolas Bedos ?
A l’origine le petit frère était footballeur. Un autre comédien devait jouer le rôle mais il y avait des dates qui coinçaient dans le plan de travail. Le directeur de casting, Nicolas Ronchi, m’a suggéré Nicolas. Je l’ai imaginé très bien dans cette fratrie mais j’ai changé la musique du personnage. Il est passé du football… à HEC ! J’accorde une certaine importance aux ressemblances : Louis ressemble à son père avec les yeux de sa mère, Antoine à sa mère, Gérard à son père.
Et pourquoi Marie Christine Barrault et Guy Marchand ?
Avec Marie Christine Barrault nous avions travaillé ensemble au théâtre. Je sais à quel point elle peut être généreuse et n’a peur de rien. Elle est merveilleuse. Elle insuffle aussi énormément de contradictions, de vie. Quant à Guy Marchand, ce qui lui a plu, c’est que le statut de son personnage restait indécidable : vraiment malade ou chantage affectif ? Il aimait cette matière ambiguë. Sur le tournage Guy adorait ses trois fils de cinéma. Je me suis régalé à le voir lui et Marie Christine. Ils ont occupé cette boutique comme s’ils y avaient toujours vécu: s’engueulant en buvant du thé et du whisky : j’étais bluffé !
(extrait dossier de presse - Propos recueillis par Claire Vassé)
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