Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône
Zoom nouveauté : "Grand central" de Rebecca Zlotowski (à l'affiche aux Toiles de Saint-Gratien)
L'histoire
De petits boulots en petits boulots, Gary est embauché dans une centrale nucléaire. Là, au plus près des réacteurs, où les doses radioactives sont les plus fortes, il tombe amoureux de Karole, la femme de Toni. L’amour interdit et les radiations contaminent lentement Gary. Chaque jour devient une menace.
Un film de Rebecca Zlotowski avec Tahar Rahim, Léa Seydoux, Olivier Gourmet, Denis Menochet…
Bonus : propos de Rebecca Zlotowski, réalisatrice du film
Quelle est l’origine du projet de Grand Central ?
C’est ma scénariste, Gaëlle Macé, qui a eu l’idée du film. Elle avait lu le roman d’Elisabeth Filhol, "La Centrale", où l’auteur décrivait avec une grande rigueur documentaire un monde dont personne jusque là ne m’avait parlé, qui est celui des sous-traitants du nucléaire, bien avant que la catastrophe de Fukushima ne jette un coup de projecteur qui éclaire autant qu’il éblouit sur cette réalité.J’ai lu le roman dans la nuit et sans penser pour autant à l’adapter - il s’agissait d’une histoire difficilement transposable au cinéma, qui n’appartenait pour moi qu’à la littérature - nous avons décidé comme une évidence d’ancrer une histoire d’amour parmi ces travailleurs, dans cette réalité-là, et de remercier l’auteur pour son inspiration. Nous avons ensuite très vite rencontré Claude Dubout, un ouvrier du nucléaire qui avait publié à compte d’auteur un récit autobiographique passionnant, "Je suis décontamineur dans le nucléaire", et qui est devenu notre premier interlocuteur, puis le conseiller technique du film, à toutes les étapes de la préparation et du tournage.
Pourquoi avoir choisi le milieu du nucléaire?
C’était un territoire de fiction absolu. Ces campings aux abords des centrales au bout de bretelles d’autoroute qu’on n’emprunte jamais et dans lesquels les travailleurs vivent en mobile home pour quelques mois avant de reprendre la route. Un territoire inconnu, où pouvaient s’épanouir des passions inouïes comme partout où on frôle le danger et la mort quotidiennement. J’avais l’ambition d’y ancrer des sentiments forts, nobles, de prêter un grand destin à ceux auxquels on ne prête pas grand-chose. C’était vraiment le projet du film.
Le milieu du nucléaire n’était pas seulement un papier peint, mais s’est imposé pour son mystère autant que par la grande analogie amoureuse qu’il portait : comme le sentiment amoureux, une centrale est un lieu dangereux qui distille une contamination lente mais certaine, incolore et inodore, et s’organise, comme nous, autour d’un cœur difficilement contrôlable dès lors qu’il est mis en marche. On voit avec Fukushima combien c’est difficile de le maîtriser, de l’éteindre. Un dragon à affronter, avec les armes modestes des prolétaires qui s’y enrôlent, qui me permettait de dévoiler des figures vraiment héroïques, prêtes à s’incliner devant l’amour. Nous travaillions au film depuis quelques mois quand la catastrophe de Fukushima est arrivée. J’étais sur la Côte Ouest des États-Unis, au-dessus de laquelle le nuage radioactif devait passer, annoncé par des bulletins d’informations alarmistes. Des amis quittaient la ville, c’était surréaliste et inquiétant. Soudain j’étais au cœur du sujet, des dizaines d’articles affluaient dans la presse, documentaient le quotidien de travailleurs du nucléaire sacrifiés, là-bas comme en France, et cette tragique coïncidence nous a donné la certitude que nous avions raison d’écrire le film.
Aviez-vous envie de filmer une bande d’hommes, après avoir tracé le portrait d’une jeune femme dans "Belle épine" ?
Oui. J’avais souffert de devoir mettre un peu de côté les figures masculines dans "Belle épine", au profit d’un portrait très intime de jeune fille. Du fait du point de vue très tranché dans le film, on n’avait pas la possibilité d’avoir accès au cœur de ces motards trompe-la mort, qui tournaient de nuit sur des circuits illégaux, suicidaires et courageux. J’aurais eu envie de passer plus de temps avec eux, de les comprendre, de leur donner une voix. J’avais donc le sentiment d’une injustice et d’une certaine manière de la réparer en suivant ces travailleurs du nucléaire sacrifiés, qui défient le danger comme des enrôlés au début d’une guerre dont on ne sait rien. Créer une équipe d’hommes qui posait la question du sacrifice et du courage me tenait à cœur.
Qu’est ce qui a déterminé vos choix pour créer cette équipe ?
J’ai tout de suite pensé à Tahar Rahim, que j’ai rencontré alors que le scénario n’existait pas encore. Il a accepté d’être le héros du film sans scénario, et cette intrépidité a donné sa couleur au personnage, au film.
Tahar était au cœur de l’échafaudage du film et autour de lui l’équipe devait se construire. Johan Libereau, Olivier Gourmet, Nahuel Perez Biscayart et Denis Ménochet se sont chacun imposés tour à tour, selon l’idée que les acteurs, comme le dit le critique Alain Bergala, sont des « corps conducteurs », qui créent des échos, des passages souterrains entre plusieurs films. Tahar a émergé au cinéma dans un univers carcéral, puis dans une grande sensualité quand il a été filmé par Lou Ye, pour "Love and Bruises" qui m’avait impressionnée. J’aimais l’idée de jouer avec toutes ces pellicules de personnages déjà joués et de m’en servir pour construire Gary, en dépassant toute origine ethnique, tout horizon social, m’allier simplement à un grand acteur. Olivier Gourmet portait pour moi la mémoire des grands films des frères Dardenne avec lesquels on pouvait composer à présent une autre idée de la virilité, du prolétariat, en faire bouger les lignes, comme le rôle que Pierre Schoeller lui avait confié aussi, celui d’un chef d’équipe ministérielle. Tout ça est pris en compte quand on sollicite un acteur qui a déjà joué des rôles marquants. (…)
Quant à léa Seydoux, elle n’a jamais été aussi franchement érotique et voluptueuse : elle rappelle l’Isabelle Adjani d’un "Été meurtrier" ou encore la Marilyn Monroe du "Démon s’éveille la nuit" (Clash by Night), dans lequel elle incarnait une ouvrière dans une conserverie de poisson.
"Clash by Night "de Lang est à ajouter aux films qui mettent en scène une femme tiraillée entre deux hommes, au comportement ambigu, particulièrement moderne pour l’époque. J’avais d’ailleurs demandé à Léa, dans une scène finalement coupée au montage, de rejouer un passage du film où Marilyn Monroe sort de l’eau et est secouée par les pieds par son amant pour se déboucher les oreilles. J’adorais cette scène. Non seulement parce qu’on y voyait Léa dans toute sa sensualité, mais aussi parce qu’elle était très juste sur le personnage, qui se prend au piège de son propre jeu érotique. Concernant Léa Seydoux, il n’y a à peu près rien à faire pour la « rendre » érotique : elle l’est absolument, de la tête aux pieds, même si elle est très différente dans "Belle épine" où nous avions précisément joué une forme de féminité en devenir. Ce serait l’inverse qui prendrait du temps, je pense : la « désérotiser » doit être un job à plein temps. Ici, Léa avait les cheveux courts - c’est Abdellatif Kechiche qui lui avait demandé de les couper et j’ai « hérité » de cette coupe de cheveux - et je n’avais pas envie de lui demander d’en avoir une autre ou de mettre une perruque : l’idée du costume hypersexuel que m’a proposé Chattoune, la créatrice des costumes, est sans doute venue en contrepartie de cette coupe courte, pour la féminiser au maximum. Short en jean et body sans soutien gorge. Une pure bombe sensuelle. C’était aussi un certain rapport à la vie de camping à la belle fille du camping qui n’a pas peur d’assumer sa libido, et qui est au cœur du film. Plus elle était ouvertement sexuelle et sexuée, plus le sentiment amoureux qui allait la submerger après était troublant pour moi. Le sexe n’était pas le sujet du film, c’était la possibilité d’aimer. C’était comme évacuer une chose en la donnant d’emblée. Il y a, dans "Grand Central", une rencontre, peut-être une lutte, entre le western et la romance, entre l’individu et le collectif, entre le social et l’antisocial. On sent de l’hétérogène.
Comment avez-vous appréhendé l’esprit de ce lieu très méconnu ? Avez-vous tourné dans une vraie centrale nucléaire ?
C’était la grande inconnue du film au début. Construire un décor était trop coûteux, mais les possibilités de tournage dans une vraie centrale étaient minimes, du fait de la radioactivité, et des cadences infernales de travail qui ne leur laissent aucun jour de répit. On a cherché des centrales désaffectées et on a eu la chance de tomber sur un lieu unique, en Autriche, dans la banlieue de Vienne, à Zwentendorf, où existait une centrale parfaitement construite et complète, mais qui n’avait jamais été mise en activité. Ce jour-là, j’ai su qu’on allait faire le film.
Quelques jours avant sa mise en service, il avait du y avoir un incident minime aux États-Unis qui avait fait parler des dangers du nucléaire et l’État autrichien, devant l’inquiétude populaire, avait fait voter par référendum le refus ou non du nucléaire dans le pays. Ça a été « non », et cette centrale, où tout était prêt à l’usage, s’est retrouvée inutile et trop chère à démonter. Elle est toujours là, un peu maudite, déserte, veillée par un gardien qui ne parle pas un mot d’anglais et qui vit là en ermite, et sert autant à des formateurs de l’industrie nucléaire qu’à des ressortissants des ONG écolos qui viennent s’y informer pour mieux lutter contre. Personne n’y avait encore rien tourné pour le cinéma et ça nous a donné la possibilité d’ancrer le film dans un décor spectaculaire et concret, parfois aux confins du fantastique. Même si d’un lieu parfaitement inconnu on pouvait tout faire - qui allait nous dire que ça n’était pas comme ça, à l’intérieur, une centrale nucléaire ? - il me tenait à cœur de reproduire cet inconnu, cette excitation dans une vraie centrale. La centrale, c’était aussi son extérieur, une région entière tournée vers elle, avec ses eaux chaudes qui permettent à proximité des cultures étranges et luxuriantes. Une nature un peu hallucinée, très verte, très riche, dans laquelle peut s’épanouir la passion, la pulsion.
(extrait dossier de presse)
Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône
Zoom nouveauté : "Grand central" de Rebecca Zlotowski (à l'affiche aux Toiles de Saint-Gratien)
L'histoire
De petits boulots en petits boulots, Gary est embauché dans une centrale nucléaire. Là, au plus près des réacteurs, où les doses radioactives sont les plus fortes, il tombe amoureux de Karole, la femme de Toni. L’amour interdit et les radiations contaminent lentement Gary. Chaque jour devient une menace.
Un film de Rebecca Zlotowski avec Tahar Rahim, Léa Seydoux, Olivier Gourmet, Denis Menochet…
Bonus : propos de Rebecca Zlotowski, réalisatrice du film
Quelle est l’origine du projet de Grand Central ?
C’est ma scénariste, Gaëlle Macé, qui a eu l’idée du film. Elle avait lu le roman d’Elisabeth Filhol, "La Centrale", où l’auteur décrivait avec une grande rigueur documentaire un monde dont personne jusque là ne m’avait parlé, qui est celui des sous-traitants du nucléaire, bien avant que la catastrophe de Fukushima ne jette un coup de projecteur qui éclaire autant qu’il éblouit sur cette réalité.J’ai lu le roman dans la nuit et sans penser pour autant à l’adapter - il s’agissait d’une histoire difficilement transposable au cinéma, qui n’appartenait pour moi qu’à la littérature - nous avons décidé comme une évidence d’ancrer une histoire d’amour parmi ces travailleurs, dans cette réalité-là, et de remercier l’auteur pour son inspiration. Nous avons ensuite très vite rencontré Claude Dubout, un ouvrier du nucléaire qui avait publié à compte d’auteur un récit autobiographique passionnant, "Je suis décontamineur dans le nucléaire", et qui est devenu notre premier interlocuteur, puis le conseiller technique du film, à toutes les étapes de la préparation et du tournage.
Pourquoi avoir choisi le milieu du nucléaire?
C’était un territoire de fiction absolu. Ces campings aux abords des centrales au bout de bretelles d’autoroute qu’on n’emprunte jamais et dans lesquels les travailleurs vivent en mobile home pour quelques mois avant de reprendre la route. Un territoire inconnu, où pouvaient s’épanouir des passions inouïes comme partout où on frôle le danger et la mort quotidiennement. J’avais l’ambition d’y ancrer des sentiments forts, nobles, de prêter un grand destin à ceux auxquels on ne prête pas grand-chose. C’était vraiment le projet du film.
Le milieu du nucléaire n’était pas seulement un papier peint, mais s’est imposé pour son mystère autant que par la grande analogie amoureuse qu’il portait : comme le sentiment amoureux, une centrale est un lieu dangereux qui distille une contamination lente mais certaine, incolore et inodore, et s’organise, comme nous, autour d’un cœur difficilement contrôlable dès lors qu’il est mis en marche. On voit avec Fukushima combien c’est difficile de le maîtriser, de l’éteindre. Un dragon à affronter, avec les armes modestes des prolétaires qui s’y enrôlent, qui me permettait de dévoiler des figures vraiment héroïques, prêtes à s’incliner devant l’amour. Nous travaillions au film depuis quelques mois quand la catastrophe de Fukushima est arrivée. J’étais sur la Côte Ouest des États-Unis, au-dessus de laquelle le nuage radioactif devait passer, annoncé par des bulletins d’informations alarmistes. Des amis quittaient la ville, c’était surréaliste et inquiétant. Soudain j’étais au cœur du sujet, des dizaines d’articles affluaient dans la presse, documentaient le quotidien de travailleurs du nucléaire sacrifiés, là-bas comme en France, et cette tragique coïncidence nous a donné la certitude que nous avions raison d’écrire le film.
Aviez-vous envie de filmer une bande d’hommes, après avoir tracé le portrait d’une jeune femme dans "Belle épine" ?
Oui. J’avais souffert de devoir mettre un peu de côté les figures masculines dans "Belle épine", au profit d’un portrait très intime de jeune fille. Du fait du point de vue très tranché dans le film, on n’avait pas la possibilité d’avoir accès au cœur de ces motards trompe-la mort, qui tournaient de nuit sur des circuits illégaux, suicidaires et courageux. J’aurais eu envie de passer plus de temps avec eux, de les comprendre, de leur donner une voix. J’avais donc le sentiment d’une injustice et d’une certaine manière de la réparer en suivant ces travailleurs du nucléaire sacrifiés, qui défient le danger comme des enrôlés au début d’une guerre dont on ne sait rien. Créer une équipe d’hommes qui posait la question du sacrifice et du courage me tenait à cœur.
Qu’est ce qui a déterminé vos choix pour créer cette équipe ?
J’ai tout de suite pensé à Tahar Rahim, que j’ai rencontré alors que le scénario n’existait pas encore. Il a accepté d’être le héros du film sans scénario, et cette intrépidité a donné sa couleur au personnage, au film.
Tahar était au cœur de l’échafaudage du film et autour de lui l’équipe devait se construire. Johan Libereau, Olivier Gourmet, Nahuel Perez Biscayart et Denis Ménochet se sont chacun imposés tour à tour, selon l’idée que les acteurs, comme le dit le critique Alain Bergala, sont des « corps conducteurs », qui créent des échos, des passages souterrains entre plusieurs films. Tahar a émergé au cinéma dans un univers carcéral, puis dans une grande sensualité quand il a été filmé par Lou Ye, pour "Love and Bruises" qui m’avait impressionnée. J’aimais l’idée de jouer avec toutes ces pellicules de personnages déjà joués et de m’en servir pour construire Gary, en dépassant toute origine ethnique, tout horizon social, m’allier simplement à un grand acteur. Olivier Gourmet portait pour moi la mémoire des grands films des frères Dardenne avec lesquels on pouvait composer à présent une autre idée de la virilité, du prolétariat, en faire bouger les lignes, comme le rôle que Pierre Schoeller lui avait confié aussi, celui d’un chef d’équipe ministérielle. Tout ça est pris en compte quand on sollicite un acteur qui a déjà joué des rôles marquants. (…)
Quant à léa Seydoux, elle n’a jamais été aussi franchement érotique et voluptueuse : elle rappelle l’Isabelle Adjani d’un "Été meurtrier" ou encore la Marilyn Monroe du "Démon s’éveille la nuit" (Clash by Night), dans lequel elle incarnait une ouvrière dans une conserverie de poisson.
"Clash by Night "de Lang est à ajouter aux films qui mettent en scène une femme tiraillée entre deux hommes, au comportement ambigu, particulièrement moderne pour l’époque. J’avais d’ailleurs demandé à Léa, dans une scène finalement coupée au montage, de rejouer un passage du film où Marilyn Monroe sort de l’eau et est secouée par les pieds par son amant pour se déboucher les oreilles. J’adorais cette scène. Non seulement parce qu’on y voyait Léa dans toute sa sensualité, mais aussi parce qu’elle était très juste sur le personnage, qui se prend au piège de son propre jeu érotique. Concernant Léa Seydoux, il n’y a à peu près rien à faire pour la « rendre » érotique : elle l’est absolument, de la tête aux pieds, même si elle est très différente dans "Belle épine" où nous avions précisément joué une forme de féminité en devenir. Ce serait l’inverse qui prendrait du temps, je pense : la « désérotiser » doit être un job à plein temps. Ici, Léa avait les cheveux courts - c’est Abdellatif Kechiche qui lui avait demandé de les couper et j’ai « hérité » de cette coupe de cheveux - et je n’avais pas envie de lui demander d’en avoir une autre ou de mettre une perruque : l’idée du costume hypersexuel que m’a proposé Chattoune, la créatrice des costumes, est sans doute venue en contrepartie de cette coupe courte, pour la féminiser au maximum. Short en jean et body sans soutien gorge. Une pure bombe sensuelle. C’était aussi un certain rapport à la vie de camping à la belle fille du camping qui n’a pas peur d’assumer sa libido, et qui est au cœur du film. Plus elle était ouvertement sexuelle et sexuée, plus le sentiment amoureux qui allait la submerger après était troublant pour moi. Le sexe n’était pas le sujet du film, c’était la possibilité d’aimer. C’était comme évacuer une chose en la donnant d’emblée. Il y a, dans "Grand Central", une rencontre, peut-être une lutte, entre le western et la romance, entre l’individu et le collectif, entre le social et l’antisocial. On sent de l’hétérogène.
Comment avez-vous appréhendé l’esprit de ce lieu très méconnu ? Avez-vous tourné dans une vraie centrale nucléaire ?
C’était la grande inconnue du film au début. Construire un décor était trop coûteux, mais les possibilités de tournage dans une vraie centrale étaient minimes, du fait de la radioactivité, et des cadences infernales de travail qui ne leur laissent aucun jour de répit. On a cherché des centrales désaffectées et on a eu la chance de tomber sur un lieu unique, en Autriche, dans la banlieue de Vienne, à Zwentendorf, où existait une centrale parfaitement construite et complète, mais qui n’avait jamais été mise en activité. Ce jour-là, j’ai su qu’on allait faire le film.
Quelques jours avant sa mise en service, il avait du y avoir un incident minime aux États-Unis qui avait fait parler des dangers du nucléaire et l’État autrichien, devant l’inquiétude populaire, avait fait voter par référendum le refus ou non du nucléaire dans le pays. Ça a été « non », et cette centrale, où tout était prêt à l’usage, s’est retrouvée inutile et trop chère à démonter. Elle est toujours là, un peu maudite, déserte, veillée par un gardien qui ne parle pas un mot d’anglais et qui vit là en ermite, et sert autant à des formateurs de l’industrie nucléaire qu’à des ressortissants des ONG écolos qui viennent s’y informer pour mieux lutter contre. Personne n’y avait encore rien tourné pour le cinéma et ça nous a donné la possibilité d’ancrer le film dans un décor spectaculaire et concret, parfois aux confins du fantastique. Même si d’un lieu parfaitement inconnu on pouvait tout faire - qui allait nous dire que ça n’était pas comme ça, à l’intérieur, une centrale nucléaire ? - il me tenait à cœur de reproduire cet inconnu, cette excitation dans une vraie centrale. La centrale, c’était aussi son extérieur, une région entière tournée vers elle, avec ses eaux chaudes qui permettent à proximité des cultures étranges et luxuriantes. Une nature un peu hallucinée, très verte, très riche, dans laquelle peut s’épanouir la passion, la pulsion.
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