Après avoir découvert le fabuleux parcours de Jean-Luc Pouteau (1ère partie de l'interview), partons aujourd'hui avec lui au Japon et en Chine et évoquons aussi la place du vin dans notre société actuelle. Notre meilleur sommelier du monde, habitant Franconville, nous livre des anecdotes savoureuses. A déguster sans modération.
Quelle sont vos missions au Japon et en Chine ?
J'ai des contrats avec deux négociants de Bordeaux chez qui j'ai fait des sélections de vin. Et au Japon, mon distributeur qui travaille avec ces deux négociants, propose ces vins en exclusivité. Pour ma part, j'y vais deux fois par an pour rencontrer leurs clients, voir les responsables d'hôtels et restaurants et, évidemment, animer des diners qui marient cuisine japonaise et vins français.
Avant mes voyages, les Japonais m'envoient leurs menus et je choisis les vins qui peuvent aller avec le plat et, en principe, lorsque j'arrive dans le restaurant, je goûte les plats avant le diner pour voir si cela convient ou non. Un jour, les Japonais m'ont même organisé deux diners dans la même soirée : quand on sait qu'il faut goûter les plats, parler des vins servis et cela dans deux endroits différents, c'est difficile. Ils n'ont pas recommencé !
Faut-il connaître la cuisine japonaise pour bien conseiller les vins ?
Oui, même si dans de nombreux établissements, c'est plutôt une cuisine "européenne" qui est préparée, mais parfois, ce sont des repas typiquement japonais. La dernière fois que je me suis rendu au Japon, j'ai participé à une émission de télévision où l'on me demandait quels vins pouvaient accompagner tel ou tel plat local. C'est pourquoi j'essaie de manger et donc de connaître le maximum de plats japonais. Quand je les découvre, je pense aussitôt à quel type de vin je vais proposer en sachant que les Japonais boivent plutôt du vin rouge alors qu'ils mangent du poisson et des coquillages. En effet, il n'est pas facile de les convaincre de boire du vin blanc !
En Chine c'est le même engouement pour le vin français ?
Oui, j'ai un contrat avec un distributeur basé à Shanghai et les Chinois aiment nos vins français.
Je vais vous raconter une anecdote : le maire du Plessis Bouchard en visite en Chine a découvert ma bouille affichée sur les panneaux de 10m sur 6m sur les bords d'autoroute ! Et un autre copain m'a appelé pour me dire qu'il m'avait vu dans le métro où un film sur ma "personne" passe en boucle !
Vous êtes médiatisés alors que vous êtes plutôt d'une nature discrète me semble-t-il ?
C'est vrai, je fais mon travail et c'est tout. Mais, de par ma profession, je côtoie parfois des gens assez connus.
Cela me fait penser à une petite anecdote : mon petit-fils est tombé sur quelques photos, et sur l'une d'elles, j'étais en compagnie de Gérard Depardieu qui m'invite souvent pour goûter ses vins. Mon petit-fils a pris rapidement la photo et s'est écrié : « Papy, Papy, tu connais Obélix !! »
Il y a d'autres pays qui vous invitent ?
Je vais généralement en Russie pour le lancement du Beaujolais, mais pas cette année, en raison des événements.
En Chine, au Japon, tout est organisé : l'avion, les correspondances intérieures, les divers diners et rendez-vous. Vous êtes en tournée comme un artiste ?
Non, je suis simplement un sommelier passionné du vin. Je suis déjà allé au Japon cinquante fois depuis 1984 et j'ai un ambassadeur de choix ! En effet, j'ai donné des cours à l'Académie du vin à Paris et j'ai eu comme élève un certain Shinya Tasaki devenu meilleur sommelier du monde en 1995 ! Il a fait beaucoup pour faire connaître le vin au Japon mais, à chaque interview, il raconte : « Mon maître, c'est Jean-Luc Pouteau ! ». Là-bas, Shinya Tasaki c'est un dieu et moi je suis le professeur du dieu. Vous imaginez !! Cela me fait rire !
Question plus large : la place du vin dans la société française a évolué. Vous parliez des années soixante-dix où très peu de revues parlaient du vin… Aujourd'hui on en parle partout.
Il y a actuellement un petit décalage : le public a plus de connaissance et boit moins de vin. Dans les années 1987-88, il y a eu les premiers contrôles d'alcoolémie et, à partir de ce moment-là, la consommation de vin a diminué et nous avons moins bu de vin ordinaire. D'autre part, à la même période, il y a eu de plus en plus d'articles dans les revues, les consommateurs se sont déplacés, ont visité les vignobles. A ce propos, certains consommateurs connaissent mieux le vin que beaucoup de sommeliers ! En effet, des particuliers connaissent très bien un ou deux ou trois domaines (ils y vont plusieurs fois par an) alors qu'un sommelier connaît un petit peu de tout sur tout mais de façon moins approfondie.
Bref, je pense que c'est à ce moment-là, fin des années 80 que cela a changé : nous buvons "moins mais meilleur" ! Et c'est très bien ainsi.
Comment la consommation de vin a-t-elle évolué ? Le rosé semble trouver sa place ?
Aujourd'hui, la consommation de rosé est en forte hausse. Toutes les appellations font du rosé. Pourquoi ? Le rosé a un côté féminin, c'est un vin synonyme de fête. De plus, il n'est pas trop cher et cela va avec tout ! Le côté pratique l'emporte : quand on reçoit des invités, le rosé peut aller avec l'entrée, la viande ou le poisson. Et jetez un œil sur la Côte d'Azur : dans les soirées du show-biz, avant c'était du champagne et puis maintenant c'est du rosé. Ca coûte moins cher et l'on s'enivre pareil !
Votre métier nécessite d'être toujours en forme? Lorsque vous tombé malade ou enrhumé, cela doit vous poser problème.
C'est ça, mon problème ! Il ne faut pas être enrhumé, ni fatigué. Je reçois de la part des mes deux négociants des échantillons toutes les semaines. Donc, je les goûte mais, si je suis fatigué ou malade, je préfère attendre un jour ou deux. Pour moi le rhume c'est la catastrophe.
Savez-vous que le nez, c'est l'organisme le plus important de la dégustation ? Contrairement à ce que l'on pense, ce n'est pas la bouche !
Faites l'expérience : pincez vous les narines, mettez du vin dans votre bouche, essayez de trouver les arômes. Impossible. Puis, lâchez les narines, vous allez retrouver aussitôt les arômes ! Pour les plus anciens, c'était une méthode qui servait pour avaler l'huile de foie de morue : on se pinçait le nez pour la boire !
La fatigue joue aussi un rôle important ainsi que l'environnement, le bruit… Je ne peux pas goûter si je ne peux pas me concentrer. C'est pourquoi, sur les salons, il est très difficile de déguster les vins car il y a trop de bruit. Trouvez les arômes avec du bruit ce n'est pas possible.
Quand on va à la rencontre de son caviste, que doit-on lui donner comme information pour effectuer un bon choix ?
Vous pouvez lui donner le plat que vous pensez préparer puis votre goût personnel sans oublier votre budget.
Un exemple : si vous venez en me disant : « je prépare un bœuf bourguignon», ce ne sera pas forcément du Bourgogne car il va être cher. Vous pouvez trouver des vins de la Vallée du Rhône, du Languedoc qui peuvent être très bons.Si vous prenez un Corbières et un Saint Emilion ce sont des goûts complètement différents. Si vous optez pour du Cahors, ce sera plus rustique, tannique.
Enfin mettez en carafe votre vin (pour certains 1h avant, pour d'autres 4h), cela accélère le phénomène de vieillissement et cela apporte de grandes nuances bénéfiques. A noter que dans l'histoire, on utilisait la carafe pour séparer le vin clair du dépôt. Sur la table avec vos invités, apportez la carafe et la bouteille vide !
Pour finir, parlons de votre nouvelle passion qui vous prend beaucoup de temps ?
En effet, j'ai l'habitude de dire que j'ai une maîtresse qui me prend beaucoup de mon temps ! Avant, j'allais à la pêche, je m'occupais de mon jardin mais aujourd'hui je suis devenu placomusophile ! En effet, je collectionne les capsules de champagne. Et ca me prend un temps fou ! Il existe plus de 60 000 capsules de champagne et j'en ai actuellement 14 000 que je classe. Je fais appel à tout le monde, je fais les vide-greniers, surtout en Champagne évidemment. C'est vraiment une nouvelle passion dévorante mais qui m'amuse !
Grand merci à Jean-Luc pour cette formidable rencontre et ses anecdotes savoureuses.
Après avoir découvert le fabuleux parcours de Jean-Luc Pouteau (1ère partie de l'interview), partons aujourd'hui avec lui au Japon et en Chine et évoquons aussi la place du vin dans notre société actuelle. Notre meilleur sommelier du monde, habitant Franconville, nous livre des anecdotes savoureuses. A déguster sans modération.
Quelle sont vos missions au Japon et en Chine ?
J'ai des contrats avec deux négociants de Bordeaux chez qui j'ai fait des sélections de vin. Et au Japon, mon distributeur qui travaille avec ces deux négociants, propose ces vins en exclusivité. Pour ma part, j'y vais deux fois par an pour rencontrer leurs clients, voir les responsables d'hôtels et restaurants et, évidemment, animer des diners qui marient cuisine japonaise et vins français.
Avant mes voyages, les Japonais m'envoient leurs menus et je choisis les vins qui peuvent aller avec le plat et, en principe, lorsque j'arrive dans le restaurant, je goûte les plats avant le diner pour voir si cela convient ou non. Un jour, les Japonais m'ont même organisé deux diners dans la même soirée : quand on sait qu'il faut goûter les plats, parler des vins servis et cela dans deux endroits différents, c'est difficile. Ils n'ont pas recommencé !
Faut-il connaître la cuisine japonaise pour bien conseiller les vins ?
Oui, même si dans de nombreux établissements, c'est plutôt une cuisine "européenne" qui est préparée, mais parfois, ce sont des repas typiquement japonais. La dernière fois que je me suis rendu au Japon, j'ai participé à une émission de télévision où l'on me demandait quels vins pouvaient accompagner tel ou tel plat local. C'est pourquoi j'essaie de manger et donc de connaître le maximum de plats japonais. Quand je les découvre, je pense aussitôt à quel type de vin je vais proposer en sachant que les Japonais boivent plutôt du vin rouge alors qu'ils mangent du poisson et des coquillages. En effet, il n'est pas facile de les convaincre de boire du vin blanc !
En Chine c'est le même engouement pour le vin français ?
Oui, j'ai un contrat avec un distributeur basé à Shanghai et les Chinois aiment nos vins français.
Je vais vous raconter une anecdote : le maire du Plessis Bouchard en visite en Chine a découvert ma bouille affichée sur les panneaux de 10m sur 6m sur les bords d'autoroute ! Et un autre copain m'a appelé pour me dire qu'il m'avait vu dans le métro où un film sur ma "personne" passe en boucle !
Vous êtes médiatisés alors que vous êtes plutôt d'une nature discrète me semble-t-il ?
C'est vrai, je fais mon travail et c'est tout. Mais, de par ma profession, je côtoie parfois des gens assez connus.
Cela me fait penser à une petite anecdote : mon petit-fils est tombé sur quelques photos, et sur l'une d'elles, j'étais en compagnie de Gérard Depardieu qui m'invite souvent pour goûter ses vins. Mon petit-fils a pris rapidement la photo et s'est écrié : « Papy, Papy, tu connais Obélix !! »
Il y a d'autres pays qui vous invitent ?
Je vais généralement en Russie pour le lancement du Beaujolais, mais pas cette année, en raison des événements.
En Chine, au Japon, tout est organisé : l'avion, les correspondances intérieures, les divers diners et rendez-vous. Vous êtes en tournée comme un artiste ?
Non, je suis simplement un sommelier passionné du vin. Je suis déjà allé au Japon cinquante fois depuis 1984 et j'ai un ambassadeur de choix ! En effet, j'ai donné des cours à l'Académie du vin à Paris et j'ai eu comme élève un certain Shinya Tasaki devenu meilleur sommelier du monde en 1995 ! Il a fait beaucoup pour faire connaître le vin au Japon mais, à chaque interview, il raconte : « Mon maître, c'est Jean-Luc Pouteau ! ». Là-bas, Shinya Tasaki c'est un dieu et moi je suis le professeur du dieu. Vous imaginez !! Cela me fait rire !
Question plus large : la place du vin dans la société française a évolué. Vous parliez des années soixante-dix où très peu de revues parlaient du vin… Aujourd'hui on en parle partout.
Il y a actuellement un petit décalage : le public a plus de connaissance et boit moins de vin. Dans les années 1987-88, il y a eu les premiers contrôles d'alcoolémie et, à partir de ce moment-là, la consommation de vin a diminué et nous avons moins bu de vin ordinaire. D'autre part, à la même période, il y a eu de plus en plus d'articles dans les revues, les consommateurs se sont déplacés, ont visité les vignobles. A ce propos, certains consommateurs connaissent mieux le vin que beaucoup de sommeliers ! En effet, des particuliers connaissent très bien un ou deux ou trois domaines (ils y vont plusieurs fois par an) alors qu'un sommelier connaît un petit peu de tout sur tout mais de façon moins approfondie.
Bref, je pense que c'est à ce moment-là, fin des années 80 que cela a changé : nous buvons "moins mais meilleur" ! Et c'est très bien ainsi.
Comment la consommation de vin a-t-elle évolué ? Le rosé semble trouver sa place ?
Aujourd'hui, la consommation de rosé est en forte hausse. Toutes les appellations font du rosé. Pourquoi ? Le rosé a un côté féminin, c'est un vin synonyme de fête. De plus, il n'est pas trop cher et cela va avec tout ! Le côté pratique l'emporte : quand on reçoit des invités, le rosé peut aller avec l'entrée, la viande ou le poisson. Et jetez un œil sur la Côte d'Azur : dans les soirées du show-biz, avant c'était du champagne et puis maintenant c'est du rosé. Ca coûte moins cher et l'on s'enivre pareil !
Votre métier nécessite d'être toujours en forme? Lorsque vous tombé malade ou enrhumé, cela doit vous poser problème.
C'est ça, mon problème ! Il ne faut pas être enrhumé, ni fatigué. Je reçois de la part des mes deux négociants des échantillons toutes les semaines. Donc, je les goûte mais, si je suis fatigué ou malade, je préfère attendre un jour ou deux. Pour moi le rhume c'est la catastrophe.
Savez-vous que le nez, c'est l'organisme le plus important de la dégustation ? Contrairement à ce que l'on pense, ce n'est pas la bouche !
Faites l'expérience : pincez vous les narines, mettez du vin dans votre bouche, essayez de trouver les arômes. Impossible. Puis, lâchez les narines, vous allez retrouver aussitôt les arômes ! Pour les plus anciens, c'était une méthode qui servait pour avaler l'huile de foie de morue : on se pinçait le nez pour la boire !
La fatigue joue aussi un rôle important ainsi que l'environnement, le bruit… Je ne peux pas goûter si je ne peux pas me concentrer. C'est pourquoi, sur les salons, il est très difficile de déguster les vins car il y a trop de bruit. Trouvez les arômes avec du bruit ce n'est pas possible.
Quand on va à la rencontre de son caviste, que doit-on lui donner comme information pour effectuer un bon choix ?
Vous pouvez lui donner le plat que vous pensez préparer puis votre goût personnel sans oublier votre budget.
Un exemple : si vous venez en me disant : « je prépare un bœuf bourguignon», ce ne sera pas forcément du Bourgogne car il va être cher. Vous pouvez trouver des vins de la Vallée du Rhône, du Languedoc qui peuvent être très bons.Si vous prenez un Corbières et un Saint Emilion ce sont des goûts complètement différents. Si vous optez pour du Cahors, ce sera plus rustique, tannique.
Enfin mettez en carafe votre vin (pour certains 1h avant, pour d'autres 4h), cela accélère le phénomène de vieillissement et cela apporte de grandes nuances bénéfiques. A noter que dans l'histoire, on utilisait la carafe pour séparer le vin clair du dépôt. Sur la table avec vos invités, apportez la carafe et la bouteille vide !
Pour finir, parlons de votre nouvelle passion qui vous prend beaucoup de temps ?
En effet, j'ai l'habitude de dire que j'ai une maîtresse qui me prend beaucoup de mon temps ! Avant, j'allais à la pêche, je m'occupais de mon jardin mais aujourd'hui je suis devenu placomusophile ! En effet, je collectionne les capsules de champagne. Et ca me prend un temps fou ! Il existe plus de 60 000 capsules de champagne et j'en ai actuellement 14 000 que je classe. Je fais appel à tout le monde, je fais les vide-greniers, surtout en Champagne évidemment. C'est vraiment une nouvelle passion dévorante mais qui m'amuse !
Grand merci à Jean-Luc pour cette formidable rencontre et ses anecdotes savoureuses.
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