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Mercredi cinéma : "Une bouteille à la mer" de Thierry Binisti avec Agathe Bonitzer, Mahmoud Shalaby

Publié le : 08-02-2012

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

Zoom cinéma : "Une bouteille à la mer" de Thierry Binisti

L'histoire
Tal est une jeune française installée à Jérusalem avec sa famille. A dix-sept ans, elle a l’âge des premières fois : premier amour, première cigarette, premier piercing. Et premier attentat, aussi.
Après l’explosion d’un kamikaze dans un café de son quartier, elle écrit une lettre à un Palestinien imaginaire où elle exprime ses interrogations et son refus d’admettre que seule la haine peut régner entre les deux peuples.
Elle glisse la lettre dans une bouteille qu’elle confie à son frère pour qu’il la jette à la mer, près de Gaza, où il fait son service militaire.
Quelques semaines plus tard, Tal reçoit une réponse d’un mystérieux « Gazaman »…..
Un film de Thierry Binisti avec Agathe Bonitzer, Mahmoud Shalaby, Hiam Abbass

 

Bonus : propos croisés de Valérie Zenatti scénariste et Thierry Binisti réalisateur du film

D’abord une question à l’auteur : quelle est l’origine du livre dont est tiré le film ? Fait-il écho à votre histoire personnelle ou est-ce pure fiction ?
Valérie Zenatti : Mes parents ayant quitté la France pour s’installer en Israël, j’ai vécu là-bas entre 13 et 21 ans au cours des années 80. Ce sont pour moi des années riches de questionnements sur Israël, sur son histoire… une période où je me suis également éveillée à une conscience politique. Revenue en France en 1991, j’ai continué à me rendre en Israël très souvent. J’étais journaliste à l’époque, ce qui m’a permis de suivre les débuts du processus de paix israélo-palestinien en 1993.
Quand la seconde Intifada a éclaté au début des années 2000, j’ai été très éprouvée par les images de cette violence qui se déchaînait, plus radicale que lors de la première Intifada… Et j’ai été ébranlée par les échos que ce conflit pouvait avoir ici.

Vous avez écrit, au cours de cette période, un premier roman très proche de votre propre vécu…
Valérie Zenatti : J’ai publié en 2002 “Quand j’étais soldate”, un roman autobiographique sur ma période de service militaire… Le livre a été bien accueilli, mais on me renvoyait souvent à la question de savoir quel était le camp que je choisissais. Et moi je répondais : « Les deux ! », parce que je ne renonçais pas à soutenir les deux légitimités, les deux histoires, même si elles se heurtent dans la douleur. Et puis, le 9 septembre 2003, il y eu un attentat au café Hillel à Jérusalem. C’était dans un quartier que je connaissais bien, j’avais une amie qui travaillait là-bas et que j’ai eue au téléphone le soir même ; une jeune fille qui devait se marier le lendemain était morte avec son père… Et c’était, jour pour jour, dix ans après la signature de la reconnaissance réciproque entre Israéliens et Palestiniens.
En dix ans, on était passé de l’espoir au découragement, et je me suis sentie pleine de colère, de tristesse. J’ai compris que la seule façon de donner sens aux sentiments contradictoires qui m’habitaient était la fiction, sous la forme d’un dialogue : c’était le seul espace où je pouvais exprimer ce qui m’importe, c’est à dire le constat d’une réalité humaine. Car derrière ces mots, “les Israéliens”, “les Palestiniens”, il y a des personnes, des êtres vivants. Cette affirmation relève en apparence de la banalité. Mais je suis bien placée pour savoir que, des deux côtés, il y a des gens qui voient l’autre uniquement comme une entité hostile, barbare, indifférenciée. J’ai eu envie de dire non à cette négation des individus. Et pendant les neuf mois d’écriture du livre, j’ai été tour à tour Tal et Naïm, en empathie avec chacun d’eux.

Et vous, Thierry Binisti, qu’est-ce qui vous a conduit à vouloir adapter ce roman pour le grand écran ?
Thierry Binisti : J’avais fait part à un ami, il y a quelques années, de mon intention d’aller en Israël. Il m’avait alors demandé ce que je pouvais bien aller faire en vacances sous les bombes. J’ai pris conscience que, pour énormément de gens, la vision d’Israël se réduisait à cela : un pays en guerre.
Or la vie quotidienne est tout autre. En Israël ou en Cisjordanie, il n’y a pas que la préoccupation politique, même si elle est très présente. Vivre, tomber amoureux, accéder à ses désirs… J’avais envie de montrer cela.
Puis quand j’ai découvert le livre, j’ai eu la sensation d’être en présence d’un texte qui exprimait un état, un regard très proches des miens, avec cette volonté d’être des deux côtés à la fois, de donner la parole à des personnages qui n’ont jamais véritablement la possibilité de se parler ni de se comprendre. Cette possibilité de ressentir les deux émotions en même temps m’a touché. Le film est né de ce désir.

A une fidélité “littérale” au roman, vous avez préféré une transposition très libre, en proposant une histoire qui, par certains aspects, est assez différente, même si l’esprit demeure…
Thierry Binisti : Le livre a une forme épistolaire et c’était la principale difficulté en vue d’une adaptation. Comment fait-on pour passer d’une narration par mails à des images ?
Le recours à la voix-off a bien sûr permis de relayer l’écriture. L’essentiel était de donner aux personnages une vie propre ; qu’ils ne soient plus seulement portés par le contexte politique mais aussi par leur vie quotidienne. Le film nous montre ce qu’ils vivent à l’école, en famille, au café, avec leurs copains...

Valérie Zenatti : Il y avait dans le livre une volonté didactique, moins présente à l’écran, où le parti-pris est de s’intéresser à leur vie, sans la ramener en permanence au conflit.
J’ajoute que le livre a été écrit dans le contexte de la deuxième Intifada – où les violences étaient quotidiennes, et avec mes représentations de l’époque, forgées par mon vécu sur place quelques années plus tôt, forcément partiel côté palestinien puisque je n’avais plus mis les pieds dans les territoires depuis 90 ou 91 pour des raisons de sécurité.
Quand on a préparé le film, on est entré directement en contact avec des gens de Gaza, on est allé à Ramallah, en Cisjordanie, et on a pu faire émerger une réalité dont je n’étais pas aussi consciente en écrivant le livre. La nécessité d’incarner cette histoire avec des images et non plus uniquement avec des mots nous a obligés à faire des choix très concrets pour aller vers encore plus de réalisme. Comment sont habillés nos personnages ? Où vivent-ils ? Que mangent-ils ? Qu’est-ce que le monde qui les entoure nous raconte d’eux ?
Lors du travail avec Thierry, puis avec les producteurs et les comédiens, j’ai senti que l’adaptation ne serait pas la transposition ou l’incarnation du livre à l’écran, mais un prolongement de celui-ci. Comme la fin est ouverte, il y avait une interrogation des lecteurs sur ce qui se passe “après”. Même si le film n’est pas la suite du roman, il va un peu plus loin que lui et répond partiellement à cette question. Je crois que le léger décalage qui existe entre les deux fins illustre bien le sens du travail d’adaptation.

Votre collaboration sur l’adaptation du roman et sur le film lui-même a été, semble-t-il, très étroite.
Valérie Zenatti : On a presque tout fait ensemble, dans une grande complicité : l’écriture, les repérages, le choix des comédiens… J’étais présente sur le tournage, et j’ai participé au montage, au mixage…

Thierry Binisti : Il était important pour moi de prolonger la collaboration engagée sur le scénario, pour que le film ait toute l’authenticité nécessaire. Ce n’est pas si simple d’aller tourner dans un autre pays que le sien. Mille détails peuvent nous trahir. Le fait que Valérie m’accompagne dans tout un processus de choix a été particulièrement précieux.

Vous mettez l’accent sur cette relation impossible entre les personnages, et sur une certaine ambiguïté de celle-ci. Mais peut-on pour autant parler d’une histoire d’amour inaboutie ?
Valérie Zenatti : A mon sens, ce n’est pas une histoire d’amour, même si on peut l’interpréter de cette manière. C’est une relation a priori impossible, qui se noue, se tend, se déchire et se renoue. Avec, à certains moments, un trouble de part et d’autre, mais suscité par l’éloignement, l’empêchement… qui permettent les projections et les fantasmes.

Thierry Binisti : Ces deux personnages qui, malgré l’éloignement, vont vivre une vraie rencontre, ont conscience du trouble qu’elle provoque chez eux. Mais la question est de savoir ce qu’ils s’autorisent ou pas. Là où Roméo et Juliette se laissent porter par leur histoire d’amour, nos personnages, eux, ont conscience de devoir construire leur propre vie en tant qu’individus libres. Par certains aspects, Tal et Naïm sont comme une incarnation des relations israélo-palestiniennes, entre attirance et rejet, proximité et distance…

Valérie Zenatti : On peut en effet voir cette relation comme une métaphore, avec cette fin qui remet à plus tard le “vrai” rendez-vous. Tal et Naïm n’ont jamais été aussi proches et pourtant ils ne se rencontrent pas réellement ! Et c’est précisément ce que ressentent les populations sur place : leur rendez-vous avec eux-mêmes et avec l’histoire est toujours remis à plus tard.

Entre le début du film, quand la bouteille est jetée à la mer, et la fin, où Naïm quitte Gaza au point de passage d’Erez, il n’y a géographiquement que 3 ou 4 kilomètres ! Mais quel chemin parcouru par chacun d’entre eux…
Thierry Binisti : Le film n’est pas pessimiste pour autant. Quelque chose s’est passé, quelque chose a été dit, et ils vont pouvoir continuer à construire leur vie à partir de cela.
On ne pouvait pas clore le film avec une rencontre “physique”, la réalité nous l’interdit. Il nous fallait être au plus près de la façon dont les choses peuvent réellement se passer. Mais, à partir de l’image finale, chacun peut nourrir un espoir, et tout orienter vers cet espoir, en se disant que l’avenir apportera les fruits de cette volonté.

Comment le film a-t-il été produit ? On imagine les réserves que peut susciter une histoire dont l’arrière-plan est le conflit israélo-palestinien…
Thierry Binisti : Ce conflit semble tellement énorme qu’on a du mal à imaginer que cela va pouvoir entrer dans un film. La question de la légitimité se pose également : qu’est-ce qu’on y connaît, au fond ? Il était essentiel que le conflit reste en arrière plan, le film reflète avant tout mon point de vue en tant que réalisateur français. Le personnage de Tal étant d’origine française et récemment installée en Israël, je me sens très proche d’elle, je comprends ses interrogations, ses incompréhensions, ses doutes par rapport à une situation avec laquelle elle n’a pas grandi, dans un pays auquel elle est attachée mais dont elle n’a pas tous les codes. Par ailleurs, le seul pays étranger présent à Gaza avec un centre culturel est la France, il m’a semblé juste que la langue qui unisse les deux protagonistes soit le Français.
Certains producteurs m’ont fortement déconseillé de me lancer. Mais Miléna Poylo et Gilles Sacuto, nos producteurs français, qui ont compris très vite les ambitions du projet, nous ont suivis puis magnifiquement accompagnés, en s’investissant totalement.

Valérie Zenatti : Le cinéma israélien n’est pas vierge de cette histoire, pas plus que le cinéma palestinien… Mais nous y avons intégré notre “regard français”, qui nous a permis d’introduire en quelque sorte un tiers (via la langue française, qui est presque un personnage du film) dans cette situation où trouver les mots acceptables par l’un et l’autre est un vrai défi. L’un des obstacles auquel se heurtent les Israéliens et Palestiniens est souvent la qualification des lieux et des faits. Par exemple, là où les Israéliens parlent d’ « attentat » ou de « terroristes » à Jérusalem, les Palestiniens évoquent une « attaque » et des « combattants » à Al-Quds. Trouver un langage neutre est extrêmement difficile dans les langues d’origine. Une langue moins chargée émotionnellement, tel le français, permet de sortir du cercle d’incompréhension mutuelle et de rejet.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Elles" de Malgoska Szumowska
"Sport de filles" de Patricia Mazuy
"Et si on vivait tous ensemble ?" de Stéphane Robelin
"Parlez-moi de vous" de Pierre Pinaud
"Une nuit" de Philippe Lefebvre
"Une vie meilleure" de Cédric Kahn
"La délicatesse" de David et Stéphane Foenkinos
"Polisse" de Maïwenn 

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

Zoom cinéma : "Une bouteille à la mer" de Thierry Binisti

L'histoire
Tal est une jeune française installée à Jérusalem avec sa famille. A dix-sept ans, elle a l’âge des premières fois : premier amour, première cigarette, premier piercing. Et premier attentat, aussi.
Après l’explosion d’un kamikaze dans un café de son quartier, elle écrit une lettre à un Palestinien imaginaire où elle exprime ses interrogations et son refus d’admettre que seule la haine peut régner entre les deux peuples.
Elle glisse la lettre dans une bouteille qu’elle confie à son frère pour qu’il la jette à la mer, près de Gaza, où il fait son service militaire.
Quelques semaines plus tard, Tal reçoit une réponse d’un mystérieux « Gazaman »…..
Un film de Thierry Binisti avec Agathe Bonitzer, Mahmoud Shalaby, Hiam Abbass

 

Bonus : propos croisés de Valérie Zenatti scénariste et Thierry Binisti réalisateur du film

D’abord une question à l’auteur : quelle est l’origine du livre dont est tiré le film ? Fait-il écho à votre histoire personnelle ou est-ce pure fiction ?
Valérie Zenatti : Mes parents ayant quitté la France pour s’installer en Israël, j’ai vécu là-bas entre 13 et 21 ans au cours des années 80. Ce sont pour moi des années riches de questionnements sur Israël, sur son histoire… une période où je me suis également éveillée à une conscience politique. Revenue en France en 1991, j’ai continué à me rendre en Israël très souvent. J’étais journaliste à l’époque, ce qui m’a permis de suivre les débuts du processus de paix israélo-palestinien en 1993.
Quand la seconde Intifada a éclaté au début des années 2000, j’ai été très éprouvée par les images de cette violence qui se déchaînait, plus radicale que lors de la première Intifada… Et j’ai été ébranlée par les échos que ce conflit pouvait avoir ici.

Vous avez écrit, au cours de cette période, un premier roman très proche de votre propre vécu…
Valérie Zenatti : J’ai publié en 2002 “Quand j’étais soldate”, un roman autobiographique sur ma période de service militaire… Le livre a été bien accueilli, mais on me renvoyait souvent à la question de savoir quel était le camp que je choisissais. Et moi je répondais : « Les deux ! », parce que je ne renonçais pas à soutenir les deux légitimités, les deux histoires, même si elles se heurtent dans la douleur. Et puis, le 9 septembre 2003, il y eu un attentat au café Hillel à Jérusalem. C’était dans un quartier que je connaissais bien, j’avais une amie qui travaillait là-bas et que j’ai eue au téléphone le soir même ; une jeune fille qui devait se marier le lendemain était morte avec son père… Et c’était, jour pour jour, dix ans après la signature de la reconnaissance réciproque entre Israéliens et Palestiniens.
En dix ans, on était passé de l’espoir au découragement, et je me suis sentie pleine de colère, de tristesse. J’ai compris que la seule façon de donner sens aux sentiments contradictoires qui m’habitaient était la fiction, sous la forme d’un dialogue : c’était le seul espace où je pouvais exprimer ce qui m’importe, c’est à dire le constat d’une réalité humaine. Car derrière ces mots, “les Israéliens”, “les Palestiniens”, il y a des personnes, des êtres vivants. Cette affirmation relève en apparence de la banalité. Mais je suis bien placée pour savoir que, des deux côtés, il y a des gens qui voient l’autre uniquement comme une entité hostile, barbare, indifférenciée. J’ai eu envie de dire non à cette négation des individus. Et pendant les neuf mois d’écriture du livre, j’ai été tour à tour Tal et Naïm, en empathie avec chacun d’eux.

Et vous, Thierry Binisti, qu’est-ce qui vous a conduit à vouloir adapter ce roman pour le grand écran ?
Thierry Binisti : J’avais fait part à un ami, il y a quelques années, de mon intention d’aller en Israël. Il m’avait alors demandé ce que je pouvais bien aller faire en vacances sous les bombes. J’ai pris conscience que, pour énormément de gens, la vision d’Israël se réduisait à cela : un pays en guerre.
Or la vie quotidienne est tout autre. En Israël ou en Cisjordanie, il n’y a pas que la préoccupation politique, même si elle est très présente. Vivre, tomber amoureux, accéder à ses désirs… J’avais envie de montrer cela.
Puis quand j’ai découvert le livre, j’ai eu la sensation d’être en présence d’un texte qui exprimait un état, un regard très proches des miens, avec cette volonté d’être des deux côtés à la fois, de donner la parole à des personnages qui n’ont jamais véritablement la possibilité de se parler ni de se comprendre. Cette possibilité de ressentir les deux émotions en même temps m’a touché. Le film est né de ce désir.

A une fidélité “littérale” au roman, vous avez préféré une transposition très libre, en proposant une histoire qui, par certains aspects, est assez différente, même si l’esprit demeure…
Thierry Binisti : Le livre a une forme épistolaire et c’était la principale difficulté en vue d’une adaptation. Comment fait-on pour passer d’une narration par mails à des images ?
Le recours à la voix-off a bien sûr permis de relayer l’écriture. L’essentiel était de donner aux personnages une vie propre ; qu’ils ne soient plus seulement portés par le contexte politique mais aussi par leur vie quotidienne. Le film nous montre ce qu’ils vivent à l’école, en famille, au café, avec leurs copains...

Valérie Zenatti : Il y avait dans le livre une volonté didactique, moins présente à l’écran, où le parti-pris est de s’intéresser à leur vie, sans la ramener en permanence au conflit.
J’ajoute que le livre a été écrit dans le contexte de la deuxième Intifada – où les violences étaient quotidiennes, et avec mes représentations de l’époque, forgées par mon vécu sur place quelques années plus tôt, forcément partiel côté palestinien puisque je n’avais plus mis les pieds dans les territoires depuis 90 ou 91 pour des raisons de sécurité.
Quand on a préparé le film, on est entré directement en contact avec des gens de Gaza, on est allé à Ramallah, en Cisjordanie, et on a pu faire émerger une réalité dont je n’étais pas aussi consciente en écrivant le livre. La nécessité d’incarner cette histoire avec des images et non plus uniquement avec des mots nous a obligés à faire des choix très concrets pour aller vers encore plus de réalisme. Comment sont habillés nos personnages ? Où vivent-ils ? Que mangent-ils ? Qu’est-ce que le monde qui les entoure nous raconte d’eux ?
Lors du travail avec Thierry, puis avec les producteurs et les comédiens, j’ai senti que l’adaptation ne serait pas la transposition ou l’incarnation du livre à l’écran, mais un prolongement de celui-ci. Comme la fin est ouverte, il y avait une interrogation des lecteurs sur ce qui se passe “après”. Même si le film n’est pas la suite du roman, il va un peu plus loin que lui et répond partiellement à cette question. Je crois que le léger décalage qui existe entre les deux fins illustre bien le sens du travail d’adaptation.

Votre collaboration sur l’adaptation du roman et sur le film lui-même a été, semble-t-il, très étroite.
Valérie Zenatti : On a presque tout fait ensemble, dans une grande complicité : l’écriture, les repérages, le choix des comédiens… J’étais présente sur le tournage, et j’ai participé au montage, au mixage…

Thierry Binisti : Il était important pour moi de prolonger la collaboration engagée sur le scénario, pour que le film ait toute l’authenticité nécessaire. Ce n’est pas si simple d’aller tourner dans un autre pays que le sien. Mille détails peuvent nous trahir. Le fait que Valérie m’accompagne dans tout un processus de choix a été particulièrement précieux.

Vous mettez l’accent sur cette relation impossible entre les personnages, et sur une certaine ambiguïté de celle-ci. Mais peut-on pour autant parler d’une histoire d’amour inaboutie ?
Valérie Zenatti : A mon sens, ce n’est pas une histoire d’amour, même si on peut l’interpréter de cette manière. C’est une relation a priori impossible, qui se noue, se tend, se déchire et se renoue. Avec, à certains moments, un trouble de part et d’autre, mais suscité par l’éloignement, l’empêchement… qui permettent les projections et les fantasmes.

Thierry Binisti : Ces deux personnages qui, malgré l’éloignement, vont vivre une vraie rencontre, ont conscience du trouble qu’elle provoque chez eux. Mais la question est de savoir ce qu’ils s’autorisent ou pas. Là où Roméo et Juliette se laissent porter par leur histoire d’amour, nos personnages, eux, ont conscience de devoir construire leur propre vie en tant qu’individus libres. Par certains aspects, Tal et Naïm sont comme une incarnation des relations israélo-palestiniennes, entre attirance et rejet, proximité et distance…

Valérie Zenatti : On peut en effet voir cette relation comme une métaphore, avec cette fin qui remet à plus tard le “vrai” rendez-vous. Tal et Naïm n’ont jamais été aussi proches et pourtant ils ne se rencontrent pas réellement ! Et c’est précisément ce que ressentent les populations sur place : leur rendez-vous avec eux-mêmes et avec l’histoire est toujours remis à plus tard.

Entre le début du film, quand la bouteille est jetée à la mer, et la fin, où Naïm quitte Gaza au point de passage d’Erez, il n’y a géographiquement que 3 ou 4 kilomètres ! Mais quel chemin parcouru par chacun d’entre eux…
Thierry Binisti : Le film n’est pas pessimiste pour autant. Quelque chose s’est passé, quelque chose a été dit, et ils vont pouvoir continuer à construire leur vie à partir de cela.
On ne pouvait pas clore le film avec une rencontre “physique”, la réalité nous l’interdit. Il nous fallait être au plus près de la façon dont les choses peuvent réellement se passer. Mais, à partir de l’image finale, chacun peut nourrir un espoir, et tout orienter vers cet espoir, en se disant que l’avenir apportera les fruits de cette volonté.

Comment le film a-t-il été produit ? On imagine les réserves que peut susciter une histoire dont l’arrière-plan est le conflit israélo-palestinien…
Thierry Binisti : Ce conflit semble tellement énorme qu’on a du mal à imaginer que cela va pouvoir entrer dans un film. La question de la légitimité se pose également : qu’est-ce qu’on y connaît, au fond ? Il était essentiel que le conflit reste en arrière plan, le film reflète avant tout mon point de vue en tant que réalisateur français. Le personnage de Tal étant d’origine française et récemment installée en Israël, je me sens très proche d’elle, je comprends ses interrogations, ses incompréhensions, ses doutes par rapport à une situation avec laquelle elle n’a pas grandi, dans un pays auquel elle est attachée mais dont elle n’a pas tous les codes. Par ailleurs, le seul pays étranger présent à Gaza avec un centre culturel est la France, il m’a semblé juste que la langue qui unisse les deux protagonistes soit le Français.
Certains producteurs m’ont fortement déconseillé de me lancer. Mais Miléna Poylo et Gilles Sacuto, nos producteurs français, qui ont compris très vite les ambitions du projet, nous ont suivis puis magnifiquement accompagnés, en s’investissant totalement.

Valérie Zenatti : Le cinéma israélien n’est pas vierge de cette histoire, pas plus que le cinéma palestinien… Mais nous y avons intégré notre “regard français”, qui nous a permis d’introduire en quelque sorte un tiers (via la langue française, qui est presque un personnage du film) dans cette situation où trouver les mots acceptables par l’un et l’autre est un vrai défi. L’un des obstacles auquel se heurtent les Israéliens et Palestiniens est souvent la qualification des lieux et des faits. Par exemple, là où les Israéliens parlent d’ « attentat » ou de « terroristes » à Jérusalem, les Palestiniens évoquent une « attaque » et des « combattants » à Al-Quds. Trouver un langage neutre est extrêmement difficile dans les langues d’origine. Une langue moins chargée émotionnellement, tel le français, permet de sortir du cercle d’incompréhension mutuelle et de rejet.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Elles" de Malgoska Szumowska
"Sport de filles" de Patricia Mazuy
"Et si on vivait tous ensemble ?" de Stéphane Robelin
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