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Mercredi cinéma : "The Lady" de Luc Besson avec Michelle Yeoh, David Thewlis…

Publié le : 30-11-2011

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

The Lady de Luc BessonZoom nouveauté : "The Lady" de Luc Besson

L'histoire
"The Lady" est une histoire d’amour hors du commun, celle d’un homme, Michael Aris, et surtout d’une femme d’exception, Aung San Suu Kyi, qui sacrifiera son bonheur personnel pour celui de son peuple. Rien pourtant ne fera vaciller l’amour infini qui lie ces deux êtres, pas même la séparation, l’absence, l’isolement et l’inhumanité d’une junte politique toujours en place en Birmanie. "Tje lady" est aussi l’histoire d’une femme devenue l’un des symboles contemporains de la lutte pour la démocratie.
Un film de Luc Besson avec Michelle Yeoh, David Thewlis…

 

Bonus : propos de Luc Besson, réalisateur du film

Comment êtes-vous arrivé sur le projet de "The Lady" ?
Michelle est venue me voir un jour pour me demander de l’aider. Elle avait un scénario formidable sur Aung San Suu Kyi et cherchait un producteur, en me disant que si j'étais libre pour le réaliser, ce serait formidable. J'ai commencé par lui dire que je n'étais pas disponible. Puis j'ai lu le script qui m’a bouleversé ! J'ai été très ému par l'histoire de cette femme dont je me suis rendu compte que je ne connaissais presque rien, si ce n'est la partie émergée de l'iceberg dont parlent les journaux. J'ai tout de suite dit à Michelle que je voulais soutenir le projet et que si elle ne trouvait pas de metteur en scène, je me portais candidat. Elle était ravie. Virginie a lu à son tour et a été très emballée. Michelle nous a ensuite présentés au producteur anglais Andy Harries qui avait développé le scénario avec sa société Left Bank Pictures, et on s'est embarqué dans l'aventure.

Comment vous êtes-vous approprié le scénario ?
Le script était très bien écrit, même s'il était un peu trop documentaire par moments. On l'a donc retravaillé pendant plusieurs mois pour lui donner un côté plus ample et plus "cinématographique". Je voulais trouver le bon équilibre entre l'histoire du combat politique de cette femme pour la démocratie et la part de fiction et de rêve qu'incarne son parcours. Pour crédibiliser et rendre plus passionnante encore son histoire, il me manquait aussi la présence d'un "méchant". Il fallait donc qu'on montre les généraux et la junte birmane qui tiennent le pays d'une main de fer depuis 60 ans, et qu'on observe les rapports entre Suu Kyi et les militaires.

The Lady de Luc BessonSachant que vous ne pouviez pas rencontrer Aung San Suu Kyi en personne, quelles libertés avez-vous prises ?
C'est toujours frustrant de raconter l'histoire de quelqu'un de vivant qu'on ne peut pas rencontrer : on a peur de trahir la vérité ou, au contraire, de trop l'accentuer. D'autant que personne n'est en mesure de vous guider : on s'est donc plongé dans les trois ou quatre livres qui lui ont été consacrés, ce qui nous a permis de mieux comprendre son incroyable destin. L’histoire et le destin de Aung San Suu Kyi remontant à son père, le général Aung San : il a été le grand instigateur de la révolution en Birmanie qui a libéré le pays dans les années 40. Mais il a été assassiné avec ses ministres quand elle avait 2 ans. Lorsque Suu Kyi a repris le flambeau de la révolution trente ans plus tard, elle a immédiatement bénéficié de l'aura de son père. Comme le personnage du "Choix de Sophie", qui a dû choisir entre ses deux enfants pendant la guerre, Suu Kyi a dû choisir entre son pays et sa famille. Au-delà de la part historique, ce sont des proches qui nous ont aidés et qui nous ont parlé d’elle avec une infinie pudeur : ils nous ont guidés sur ce qui était plausible ou pas. Et puis, il y a eu aussi beaucoup de recherches et de documentation sur des personnes de son entourage, comme l'écrivain U Win Tin, qui a été emprisonné pendant 25 ans, ou encore Zargana, l'unique acteur comique de Birmanie qui a écopé de 45 ans de prison pour avoir ironisé sur les militaires lors de ses spectacles.

Qu'en était-il des généraux ?
C'était encore pire puisqu'on n'a presque aucune photo d'eux et qu'il n'existe aucun livre sur eux. Nous nous sommes servis des rapports extrêmement documentés d'Amnesty International sur ces centaines de milliers de Birmans emprisonnés, puis libérés au bout de plusieurs années, et qui ont pu raconter leur histoire, leur calvaire et la manière dont les militaires les traitaient. Mais je tiens à préciser que le film est très édulcoré concernant les généraux, car je pense que certaines histoires qu'on a entendues sont d'une telle monstruosité qu'elles en auraient perdu toute crédibilité.

The Lady de Luc BessonD'entrée de jeu, vous saviez que Michelle Yeoh allait incarner Aung San Suu Kyi avec une telle force ?
Avant même le tournage, quand on voit à quel point Michelle est habitée par le personnage, on sait qu'elle va faire un travail exceptionnel. Elle était possédée par le rôle. Et non seulement Michelle a l'âge du personnage au moment des faits qu'on relate, mais elle lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Quand elle arrivait le matin sur le plateau, il y avait un silence de mort parmi les deux cents Birmans autour d'elle qui se demandaient si c'était elle ou pas. Pour s'approprier le rôle, Michelle avait environ 200 heures de rushes de Suu Kyi à sa disposition qui lui ont permis d'acquérir la gestuelle et l'accent de son modèle. Et quand j'ai rencontré Suu Kyi six mois plus tard, j'ai eu l'impression d'avoir Michelle en face de moi avec vingt ans de plus.

Elle a même dû apprendre le birman pour les besoins du film…
Le birman est sûrement la langue la plus difficile à apprendre qui soit. Au départ, je pensais que le fait qu'elle parle plusieurs langues, comme le mandarin et le malaisien, pourrait l'aider, mais elle m'a expliqué que ce n'était pas du tout le cas et que les consonances étaient très différentes. Elle a passé six mois à apprendre tous ses textes en birman. Elle avait notamment l'original du discours de Shwedagon, ce qui lui a permis de comprendre les intentions de Suu Kyi. Elle s'est beaucoup exercée et il est parfois difficile de distinguer la comédienne de la véritable Suu Kyi. Je lui tire vraiment mon chapeau pour cette scène du discours particulièrement difficile : elle s'est montrée d'une grande exigence avec elle-même car elle tenait à parler un birman impeccable qui donne le sentiment d'être sa langue maternelle.

David Thewlis, dans un étonnant double rôle, est aussi crédible en Michael Aris qu'en Anthony.
Il fait partie de cette école d'acteurs anglais magnifiques, entraînés au théâtre. Il m'a dit qu'il n'avait pas pleuré comme ça en lisant un script depuis longtemps. À partir du moment où il a donné son accord, cela n'a été que du bonheur, de la bonne humeur, de l'amitié, et de la générosité. En plus, lui et Michelle s'entendaient très bien.

Et les enfants ?
J'ai vu pas mal d'enfants à Londres. Le premier critère était celui de la ressemblance. On a ensuite choisi les comédiens les plus motivés, qui avaient vraiment envie de faire le film.

The Lady de Luc BessonComment avez-vous reconstitué la maison de la protagoniste ?
Sa maison était un élément très important : il faut bien voir qu'elle y a passé 14 ans, coupée du monde, sans accès ni au téléphone, ni à la presse, ni à la télévision. Nous avons recherché de nombreuses photos de la maison, notamment pour les intérieurs, et on est même allé sur Google Earth pour en prendre les dimensions exactes. On a ensuite reconstruit la maison parfaitement à l'identique, au détail près : par exemple, le piano est de la même marque que celui de Suu Kyi et les cadres des photos de ses parents sont les mêmes. C'était très troublant pour certaines personnes, qui avaient eu l’occasion de se rendre dans sa maison auparavant et qui avaient l'impression d'entrer dans la vraie.

La scène de remise du Prix Nobel était-elle particulièrement complexe à tourner ?
Pour cette séquence, sans doute la plus forte du film, on disposait d'images réelles puisque la cérémonie a été filmée par plusieurs caméras du monde entier. C'était très intéressant pour les acteurs, et notamment David Thewlis et les enfants, car ils ont pu se nourrir de petits détails qui les ont guidés. En revanche, on n'avait pas d'images de Suu Kyi en train de suivre la cérémonie à la radio, et c'est donc la première fois qu'on verra ces deux moments concomitants : la remise du Nobel devant deux mille personnes et cette femme, seule, qui écoute chez elle sa petite radio.

La scène du barrage militaire s'inspire-t-elle entièrement de la réalité ?
Cette scène a vraiment eu lieu à Danubyu, à quelques centaines de kilomètres de Rangoon : Suu Kyi a franchi toute seule une barrière de militaires pour aller parler au capitaine en demandant à ses partisans de l'attendre. Les soldats n'ont pas osé lui tirer dessus. Mais au moment du tournage, elle était encore assignée à résidence, et on n'a donc pas pu lui demander comment cela s'était passé. Mon problème majeur, c'est l'absence de photo de Danubyu. On ne sait pas du tout à quoi cela ressemblait et j'aurais préféré m'appuyer sur des décors similaires. J'ai entendu des Birmans qui connaissaient quelqu'un qui s'y était rendu, mais je n'ai pas pu recueillir de témoignages directs de personnes qui se trouvaient à Danubyu au moment des faits : ils sont sans doute morts ou emprisonnés aujourd'hui. Cette scène reste donc du domaine de la fiction car je l'ai filmée telle que je pensais qu'elle s'était déroulée. Je n'ai pas fait du cinéma : Suu Kyi a vraiment traversé, seule, ce mur de militaires armés.

The Lady de Luc BessonLe discours d'Aung San Suu Kyi à Shwedagon est bouleversant.
À côté de Michelle, sur le podium, il y avait une quinzaine de personnes du parti de Suu Kyi, le NLD (National League for Democracy) : un des figurants âgé d'une soixantaine d'années qui se tient près d'elle se tenait 20 ans plus tôt parmi la foule à Rangoon pour écouter son discours. Et il a passé sa journée à pleurer, car il se retrouvait sur ce podium à revivre la scène qui était d'une grande force émotionnelle pour lui. Une autre jeune actrice birmane, très douée, m'a raconté qu'elle était née le jour du discours. Ses parents se sont toujours un peu moqués d'elle, en lui disant que c'était à cause d'elle qu'ils n'avaient pas assisté au discours !

Bien entendu, il était inenvisageable de tourner en Birmanie…
On savait qu’aucune autorisation de tournage ne nous serait accordée vu la nature de notre sujet (sur aucun autre sujet d’ailleurs !). On a donc essentiellement tourné nos quinze heures de rushes en Thaïlande non loin de la frontière birmane, dans un paysage qui ressemble vraiment à la Birmanie. En revanche, on a filmé sous tous les angles le temple de Shwedagon, qui se trouve en plein Rangoon, et on a par ailleurs filmé les acteurs sur des fonds verts qu’on a pu incruster ensuite devant le temple. On a aussi filmé en plein Rangoon (en caméra cachée) et cela donne le sentiment que le film se passe entièrement en Birmanie, même si au final, on n'y a tourné qu'une trentaine de plans.

Comment s'est déroulé le tournage en Thaïlande ?
C'était un vrai plaisir car, contrairement à ce qu'on pense en Europe, de nombreux films y sont tournés chaque année : les équipes sont très professionnelles, réactives et souriantes, et font un travail remarquable. Le plus compliqué – outre la chaleur et l'humidité souvent incommodantes – était surtout lié à la communication puisqu'on traduisait mes demandes en anglais, qui elles-mêmes étaient traduites en thaï puis pour les acteurs en birman. Mais la directrice de casting thaïlandaise a été formidable et j'avais un très bon premier assistant, qui avait un excellent sens de l'organisation. J'ai donc pu aller à mon rythme, avec des journées intenses, et des temps de pause réduits. Je pense que cette énergie bénéficie à la fois au film et aux acteurs.

Comment s'est passée votre collaboration avec le compositeur Eric Serra ?
J'ai rencontré Eric à 17 ans, et il a fait la musique de mon premier court métrage. J'ai donc un rapport très amical et affectueux avec lui, même si son rythme de travail est à l'opposé du mien : j'aime bien tout prévoir et tout préparer à l'avance, alors que lui préfère réfléchir, observer, et prendre son temps. Et quand il n'a plus que onze semaines pour faire son travail – ce qui est impossible ! –, il panique, il ne mange plus, il ne respire plus, il travaille. Il n'arrive à créer que sous une pression extrême. C'est très douloureux pour lui. Quand il a fini, il dort pendant vingt jours. Cela fait sûrement partie de son talent : il a besoin de cette pression car il vit avec sa musique.

Luc Besson et Michelle YeohLa libération d'Aung San Suu Kyi en novembre 2010 a dû être un choc.
On n'y croyait plus car elle avait été enfermée pendant plus de dix ans consécutifs. D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles on a fait le film : on voulait dire qu'on n'oubliait pas cette femme, ni son combat. Elle a finalement été libérée au moment où on était en plein tournage en Thaïlande, alors que sa libération aurait dû intervenir beaucoup plus tôt. On a d'abord été très heureux, puis déstabilisés, car on faisait ce film pour contribuer à sa libération – et on apprenait qu'elle était libérée avant la fin du tournage. Ce matin de novembre 2010, j'ai tourné sa première libération en 1995 : elle franchit un portail en bois, puis monte un escalier et salue la foule qui l'attend. Le soir, en rentrant à l'hôtel, on a allumé la télé et on a vu le même portail et Suu Kyi, habillée quasiment de la même façon, avec les mêmes fleurs dans les cheveux, qui monte et fait les mêmes gestes…

Quel a été votre sentiment à ce moment-là ?
On a eu l'impression que quelqu'un nous avait volé les images tournées le matin même. Pendant un court instant, je me suis demandé ce qui se passait et si cela avait du sens de faire le film. Mais on a très vite compris les restrictions qui entouraient la libération de Suu Kyi : elle n’était en réalité pas plus libre que lorsqu'elle était assignée à résidence. Si elle quitte son pays, elle ne pourra plus y revenir. Son parti politique n'a plus d’existence officielle. Elle n'a plus le droit de s'exprimer, ni d'organiser des réunions. Ses libertés fondamentales sont donc bafouées, même si elle est libérée. De ce fait, le film garde tout son sens. Suu Kyi nous a communiqué cette phrase par voie de presse : "Usez de votre liberté pour promouvoir la nôtre". C'est un appel qu'elle a lancé à tous les artistes.

Pensez-vous que le film puisse contribuer à éveiller les consciences ?
Au-delà de la Birmanie et de l'histoire de cette femme, ce qui m'intéresse avec ce film, c'est la résonance qu'il peut avoir dans tous les pays démocratiques : cela nous fait prendre conscience de la liberté dont on jouit en France – où on ne va pas en prison pour avoir lu un journal –, tout en nous montrant à quel point la démocratie est fragile. En Birmanie, la majorité des sièges du Parlement sont réservés à des militaires : on n'est déjà plus dans une démocratie. De plus, 95% des 50% restants sont occupés par d'anciens militaires : il s'agit d'une bouffonnerie et d'un pays qui tente de s'acheter une image de démocratie pour pouvoir faire du commerce et du tourisme. Il y a vingt ans, un vote clair s'est exprimé : le parti de Suu Kyi, le NLD, a obtenu 392 sièges, et les militaires en ont eu 7, mais les résultats de l'élection n'ont jamais été respectés. On a donc le devoir de surveiller nos démocraties et de rester vigilant au respect des libertés d'expression, des droits de l'homme et de la constitution.

Comment s'est passée votre rencontre avec Aung San Suu Kyi ?
Tout d'abord, avant même de la rencontrer, je tenais à ce qu'elle soit au courant du projet : on a réussi à lui transmettre le message au bout de trois mois d'efforts. Quand j'ai fini par la rencontrer en personne, j'ai eu l'impression d'avoir Gandhi en face de moi. On se sent tout petit et bête devant cette femme dont il émane une bonté, une gentillesse et une simplicité extraordinaires. Elle n'a peur de rien, et pas même 60 ans de prison ne changeraient quoi que ce soit pour elle. Ce qui l'intéresse, c'est que son peuple puisse disposer des richesses de son pays en toute liberté. Elle ne veut rien en retirer pour elle personnellement. C'est une leçon d'humilité : après l'avoir rencontrée on n'ose plus se plaindre pendant les cinq ans qui suivent ! On a envie de ne s'intéresser qu'à elle et elle ne vous parle que de vous. Elle est curieuse et n'a même pas envie de faire un livre sur sa vie. C'est une personne admirable.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"L'art d'aimer" d'Emmanuel Mouret
"L'ordre et la morale" de Mathieu Kassovitz
"Toutes nos envies" de Philippe Lioret
"La source des femmes" de Radu Mihaileanu
"L'exercice de l'Etat" de Pierre Schoeller
"Polisse" de Maïwenn
 "The artist" de Michel Hazanavicius

Je souhaite que, vous aussi, vous partagiez vos émotions et vos coups de cœur ciné. Envoyez vos critiques de films par mail (contact@journaldefrancois.fr ). Elles seront publiées dans le Journal !
Mercredi cinéma, c’est votre rendez-vous !
 

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

The Lady de Luc BessonZoom nouveauté : "The Lady" de Luc Besson

L'histoire
"The Lady" est une histoire d’amour hors du commun, celle d’un homme, Michael Aris, et surtout d’une femme d’exception, Aung San Suu Kyi, qui sacrifiera son bonheur personnel pour celui de son peuple. Rien pourtant ne fera vaciller l’amour infini qui lie ces deux êtres, pas même la séparation, l’absence, l’isolement et l’inhumanité d’une junte politique toujours en place en Birmanie. "Tje lady" est aussi l’histoire d’une femme devenue l’un des symboles contemporains de la lutte pour la démocratie.
Un film de Luc Besson avec Michelle Yeoh, David Thewlis…

 

Bonus : propos de Luc Besson, réalisateur du film

Comment êtes-vous arrivé sur le projet de "The Lady" ?
Michelle est venue me voir un jour pour me demander de l’aider. Elle avait un scénario formidable sur Aung San Suu Kyi et cherchait un producteur, en me disant que si j'étais libre pour le réaliser, ce serait formidable. J'ai commencé par lui dire que je n'étais pas disponible. Puis j'ai lu le script qui m’a bouleversé ! J'ai été très ému par l'histoire de cette femme dont je me suis rendu compte que je ne connaissais presque rien, si ce n'est la partie émergée de l'iceberg dont parlent les journaux. J'ai tout de suite dit à Michelle que je voulais soutenir le projet et que si elle ne trouvait pas de metteur en scène, je me portais candidat. Elle était ravie. Virginie a lu à son tour et a été très emballée. Michelle nous a ensuite présentés au producteur anglais Andy Harries qui avait développé le scénario avec sa société Left Bank Pictures, et on s'est embarqué dans l'aventure.

Comment vous êtes-vous approprié le scénario ?
Le script était très bien écrit, même s'il était un peu trop documentaire par moments. On l'a donc retravaillé pendant plusieurs mois pour lui donner un côté plus ample et plus "cinématographique". Je voulais trouver le bon équilibre entre l'histoire du combat politique de cette femme pour la démocratie et la part de fiction et de rêve qu'incarne son parcours. Pour crédibiliser et rendre plus passionnante encore son histoire, il me manquait aussi la présence d'un "méchant". Il fallait donc qu'on montre les généraux et la junte birmane qui tiennent le pays d'une main de fer depuis 60 ans, et qu'on observe les rapports entre Suu Kyi et les militaires.

The Lady de Luc BessonSachant que vous ne pouviez pas rencontrer Aung San Suu Kyi en personne, quelles libertés avez-vous prises ?
C'est toujours frustrant de raconter l'histoire de quelqu'un de vivant qu'on ne peut pas rencontrer : on a peur de trahir la vérité ou, au contraire, de trop l'accentuer. D'autant que personne n'est en mesure de vous guider : on s'est donc plongé dans les trois ou quatre livres qui lui ont été consacrés, ce qui nous a permis de mieux comprendre son incroyable destin. L’histoire et le destin de Aung San Suu Kyi remontant à son père, le général Aung San : il a été le grand instigateur de la révolution en Birmanie qui a libéré le pays dans les années 40. Mais il a été assassiné avec ses ministres quand elle avait 2 ans. Lorsque Suu Kyi a repris le flambeau de la révolution trente ans plus tard, elle a immédiatement bénéficié de l'aura de son père. Comme le personnage du "Choix de Sophie", qui a dû choisir entre ses deux enfants pendant la guerre, Suu Kyi a dû choisir entre son pays et sa famille. Au-delà de la part historique, ce sont des proches qui nous ont aidés et qui nous ont parlé d’elle avec une infinie pudeur : ils nous ont guidés sur ce qui était plausible ou pas. Et puis, il y a eu aussi beaucoup de recherches et de documentation sur des personnes de son entourage, comme l'écrivain U Win Tin, qui a été emprisonné pendant 25 ans, ou encore Zargana, l'unique acteur comique de Birmanie qui a écopé de 45 ans de prison pour avoir ironisé sur les militaires lors de ses spectacles.

Qu'en était-il des généraux ?
C'était encore pire puisqu'on n'a presque aucune photo d'eux et qu'il n'existe aucun livre sur eux. Nous nous sommes servis des rapports extrêmement documentés d'Amnesty International sur ces centaines de milliers de Birmans emprisonnés, puis libérés au bout de plusieurs années, et qui ont pu raconter leur histoire, leur calvaire et la manière dont les militaires les traitaient. Mais je tiens à préciser que le film est très édulcoré concernant les généraux, car je pense que certaines histoires qu'on a entendues sont d'une telle monstruosité qu'elles en auraient perdu toute crédibilité.

The Lady de Luc BessonD'entrée de jeu, vous saviez que Michelle Yeoh allait incarner Aung San Suu Kyi avec une telle force ?
Avant même le tournage, quand on voit à quel point Michelle est habitée par le personnage, on sait qu'elle va faire un travail exceptionnel. Elle était possédée par le rôle. Et non seulement Michelle a l'âge du personnage au moment des faits qu'on relate, mais elle lui ressemble comme deux gouttes d'eau. Quand elle arrivait le matin sur le plateau, il y avait un silence de mort parmi les deux cents Birmans autour d'elle qui se demandaient si c'était elle ou pas. Pour s'approprier le rôle, Michelle avait environ 200 heures de rushes de Suu Kyi à sa disposition qui lui ont permis d'acquérir la gestuelle et l'accent de son modèle. Et quand j'ai rencontré Suu Kyi six mois plus tard, j'ai eu l'impression d'avoir Michelle en face de moi avec vingt ans de plus.

Elle a même dû apprendre le birman pour les besoins du film…
Le birman est sûrement la langue la plus difficile à apprendre qui soit. Au départ, je pensais que le fait qu'elle parle plusieurs langues, comme le mandarin et le malaisien, pourrait l'aider, mais elle m'a expliqué que ce n'était pas du tout le cas et que les consonances étaient très différentes. Elle a passé six mois à apprendre tous ses textes en birman. Elle avait notamment l'original du discours de Shwedagon, ce qui lui a permis de comprendre les intentions de Suu Kyi. Elle s'est beaucoup exercée et il est parfois difficile de distinguer la comédienne de la véritable Suu Kyi. Je lui tire vraiment mon chapeau pour cette scène du discours particulièrement difficile : elle s'est montrée d'une grande exigence avec elle-même car elle tenait à parler un birman impeccable qui donne le sentiment d'être sa langue maternelle.

David Thewlis, dans un étonnant double rôle, est aussi crédible en Michael Aris qu'en Anthony.
Il fait partie de cette école d'acteurs anglais magnifiques, entraînés au théâtre. Il m'a dit qu'il n'avait pas pleuré comme ça en lisant un script depuis longtemps. À partir du moment où il a donné son accord, cela n'a été que du bonheur, de la bonne humeur, de l'amitié, et de la générosité. En plus, lui et Michelle s'entendaient très bien.

Et les enfants ?
J'ai vu pas mal d'enfants à Londres. Le premier critère était celui de la ressemblance. On a ensuite choisi les comédiens les plus motivés, qui avaient vraiment envie de faire le film.

The Lady de Luc BessonComment avez-vous reconstitué la maison de la protagoniste ?
Sa maison était un élément très important : il faut bien voir qu'elle y a passé 14 ans, coupée du monde, sans accès ni au téléphone, ni à la presse, ni à la télévision. Nous avons recherché de nombreuses photos de la maison, notamment pour les intérieurs, et on est même allé sur Google Earth pour en prendre les dimensions exactes. On a ensuite reconstruit la maison parfaitement à l'identique, au détail près : par exemple, le piano est de la même marque que celui de Suu Kyi et les cadres des photos de ses parents sont les mêmes. C'était très troublant pour certaines personnes, qui avaient eu l’occasion de se rendre dans sa maison auparavant et qui avaient l'impression d'entrer dans la vraie.

La scène de remise du Prix Nobel était-elle particulièrement complexe à tourner ?
Pour cette séquence, sans doute la plus forte du film, on disposait d'images réelles puisque la cérémonie a été filmée par plusieurs caméras du monde entier. C'était très intéressant pour les acteurs, et notamment David Thewlis et les enfants, car ils ont pu se nourrir de petits détails qui les ont guidés. En revanche, on n'avait pas d'images de Suu Kyi en train de suivre la cérémonie à la radio, et c'est donc la première fois qu'on verra ces deux moments concomitants : la remise du Nobel devant deux mille personnes et cette femme, seule, qui écoute chez elle sa petite radio.

La scène du barrage militaire s'inspire-t-elle entièrement de la réalité ?
Cette scène a vraiment eu lieu à Danubyu, à quelques centaines de kilomètres de Rangoon : Suu Kyi a franchi toute seule une barrière de militaires pour aller parler au capitaine en demandant à ses partisans de l'attendre. Les soldats n'ont pas osé lui tirer dessus. Mais au moment du tournage, elle était encore assignée à résidence, et on n'a donc pas pu lui demander comment cela s'était passé. Mon problème majeur, c'est l'absence de photo de Danubyu. On ne sait pas du tout à quoi cela ressemblait et j'aurais préféré m'appuyer sur des décors similaires. J'ai entendu des Birmans qui connaissaient quelqu'un qui s'y était rendu, mais je n'ai pas pu recueillir de témoignages directs de personnes qui se trouvaient à Danubyu au moment des faits : ils sont sans doute morts ou emprisonnés aujourd'hui. Cette scène reste donc du domaine de la fiction car je l'ai filmée telle que je pensais qu'elle s'était déroulée. Je n'ai pas fait du cinéma : Suu Kyi a vraiment traversé, seule, ce mur de militaires armés.

The Lady de Luc BessonLe discours d'Aung San Suu Kyi à Shwedagon est bouleversant.
À côté de Michelle, sur le podium, il y avait une quinzaine de personnes du parti de Suu Kyi, le NLD (National League for Democracy) : un des figurants âgé d'une soixantaine d'années qui se tient près d'elle se tenait 20 ans plus tôt parmi la foule à Rangoon pour écouter son discours. Et il a passé sa journée à pleurer, car il se retrouvait sur ce podium à revivre la scène qui était d'une grande force émotionnelle pour lui. Une autre jeune actrice birmane, très douée, m'a raconté qu'elle était née le jour du discours. Ses parents se sont toujours un peu moqués d'elle, en lui disant que c'était à cause d'elle qu'ils n'avaient pas assisté au discours !

Bien entendu, il était inenvisageable de tourner en Birmanie…
On savait qu’aucune autorisation de tournage ne nous serait accordée vu la nature de notre sujet (sur aucun autre sujet d’ailleurs !). On a donc essentiellement tourné nos quinze heures de rushes en Thaïlande non loin de la frontière birmane, dans un paysage qui ressemble vraiment à la Birmanie. En revanche, on a filmé sous tous les angles le temple de Shwedagon, qui se trouve en plein Rangoon, et on a par ailleurs filmé les acteurs sur des fonds verts qu’on a pu incruster ensuite devant le temple. On a aussi filmé en plein Rangoon (en caméra cachée) et cela donne le sentiment que le film se passe entièrement en Birmanie, même si au final, on n'y a tourné qu'une trentaine de plans.

Comment s'est déroulé le tournage en Thaïlande ?
C'était un vrai plaisir car, contrairement à ce qu'on pense en Europe, de nombreux films y sont tournés chaque année : les équipes sont très professionnelles, réactives et souriantes, et font un travail remarquable. Le plus compliqué – outre la chaleur et l'humidité souvent incommodantes – était surtout lié à la communication puisqu'on traduisait mes demandes en anglais, qui elles-mêmes étaient traduites en thaï puis pour les acteurs en birman. Mais la directrice de casting thaïlandaise a été formidable et j'avais un très bon premier assistant, qui avait un excellent sens de l'organisation. J'ai donc pu aller à mon rythme, avec des journées intenses, et des temps de pause réduits. Je pense que cette énergie bénéficie à la fois au film et aux acteurs.

Comment s'est passée votre collaboration avec le compositeur Eric Serra ?
J'ai rencontré Eric à 17 ans, et il a fait la musique de mon premier court métrage. J'ai donc un rapport très amical et affectueux avec lui, même si son rythme de travail est à l'opposé du mien : j'aime bien tout prévoir et tout préparer à l'avance, alors que lui préfère réfléchir, observer, et prendre son temps. Et quand il n'a plus que onze semaines pour faire son travail – ce qui est impossible ! –, il panique, il ne mange plus, il ne respire plus, il travaille. Il n'arrive à créer que sous une pression extrême. C'est très douloureux pour lui. Quand il a fini, il dort pendant vingt jours. Cela fait sûrement partie de son talent : il a besoin de cette pression car il vit avec sa musique.

Luc Besson et Michelle YeohLa libération d'Aung San Suu Kyi en novembre 2010 a dû être un choc.
On n'y croyait plus car elle avait été enfermée pendant plus de dix ans consécutifs. D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles on a fait le film : on voulait dire qu'on n'oubliait pas cette femme, ni son combat. Elle a finalement été libérée au moment où on était en plein tournage en Thaïlande, alors que sa libération aurait dû intervenir beaucoup plus tôt. On a d'abord été très heureux, puis déstabilisés, car on faisait ce film pour contribuer à sa libération – et on apprenait qu'elle était libérée avant la fin du tournage. Ce matin de novembre 2010, j'ai tourné sa première libération en 1995 : elle franchit un portail en bois, puis monte un escalier et salue la foule qui l'attend. Le soir, en rentrant à l'hôtel, on a allumé la télé et on a vu le même portail et Suu Kyi, habillée quasiment de la même façon, avec les mêmes fleurs dans les cheveux, qui monte et fait les mêmes gestes…

Quel a été votre sentiment à ce moment-là ?
On a eu l'impression que quelqu'un nous avait volé les images tournées le matin même. Pendant un court instant, je me suis demandé ce qui se passait et si cela avait du sens de faire le film. Mais on a très vite compris les restrictions qui entouraient la libération de Suu Kyi : elle n’était en réalité pas plus libre que lorsqu'elle était assignée à résidence. Si elle quitte son pays, elle ne pourra plus y revenir. Son parti politique n'a plus d’existence officielle. Elle n'a plus le droit de s'exprimer, ni d'organiser des réunions. Ses libertés fondamentales sont donc bafouées, même si elle est libérée. De ce fait, le film garde tout son sens. Suu Kyi nous a communiqué cette phrase par voie de presse : "Usez de votre liberté pour promouvoir la nôtre". C'est un appel qu'elle a lancé à tous les artistes.

Pensez-vous que le film puisse contribuer à éveiller les consciences ?
Au-delà de la Birmanie et de l'histoire de cette femme, ce qui m'intéresse avec ce film, c'est la résonance qu'il peut avoir dans tous les pays démocratiques : cela nous fait prendre conscience de la liberté dont on jouit en France – où on ne va pas en prison pour avoir lu un journal –, tout en nous montrant à quel point la démocratie est fragile. En Birmanie, la majorité des sièges du Parlement sont réservés à des militaires : on n'est déjà plus dans une démocratie. De plus, 95% des 50% restants sont occupés par d'anciens militaires : il s'agit d'une bouffonnerie et d'un pays qui tente de s'acheter une image de démocratie pour pouvoir faire du commerce et du tourisme. Il y a vingt ans, un vote clair s'est exprimé : le parti de Suu Kyi, le NLD, a obtenu 392 sièges, et les militaires en ont eu 7, mais les résultats de l'élection n'ont jamais été respectés. On a donc le devoir de surveiller nos démocraties et de rester vigilant au respect des libertés d'expression, des droits de l'homme et de la constitution.

Comment s'est passée votre rencontre avec Aung San Suu Kyi ?
Tout d'abord, avant même de la rencontrer, je tenais à ce qu'elle soit au courant du projet : on a réussi à lui transmettre le message au bout de trois mois d'efforts. Quand j'ai fini par la rencontrer en personne, j'ai eu l'impression d'avoir Gandhi en face de moi. On se sent tout petit et bête devant cette femme dont il émane une bonté, une gentillesse et une simplicité extraordinaires. Elle n'a peur de rien, et pas même 60 ans de prison ne changeraient quoi que ce soit pour elle. Ce qui l'intéresse, c'est que son peuple puisse disposer des richesses de son pays en toute liberté. Elle ne veut rien en retirer pour elle personnellement. C'est une leçon d'humilité : après l'avoir rencontrée on n'ose plus se plaindre pendant les cinq ans qui suivent ! On a envie de ne s'intéresser qu'à elle et elle ne vous parle que de vous. Elle est curieuse et n'a même pas envie de faire un livre sur sa vie. C'est une personne admirable.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"L'art d'aimer" d'Emmanuel Mouret
"L'ordre et la morale" de Mathieu Kassovitz
"Toutes nos envies" de Philippe Lioret
"La source des femmes" de Radu Mihaileanu
"L'exercice de l'Etat" de Pierre Schoeller
"Polisse" de Maïwenn
 "The artist" de Michel Hazanavicius

Je souhaite que, vous aussi, vous partagiez vos émotions et vos coups de cœur ciné. Envoyez vos critiques de films par mail (contact@journaldefrancois.fr ). Elles seront publiées dans le Journal !
Mercredi cinéma, c’est votre rendez-vous !
 

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