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Mercredi cinéma : "Le passé" d'Asghar Farhadi avec Bérénice Bejo, Tahar Rahim

Publié le : 15-05-2013

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

Le Passé d'Asghar FarhadiZoom nouveauté : "Le passé" d'Asghar Farhadi  (attention : sortie vendredi 17 mai - film présenté au festival de Cannes)

L'histoire
Après quatre années de séparation, Ahmad arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie. Les efforts d’Ahmad pour tenter d’améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé.
Un film d'Asghar Farhadi avec Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa, Pauline Burlet, Elyes Aguis…

 

Bonus : propos de Bérénice Béjo, actrice principale du film


Quelle a été votre première impression en recevant le scénario du "Passé" ?
Je l’ai reçu après un mois d’attente. J’avais rencontré Asghar, j’étais partie en vacances à l’étranger et j’ai attendu de savoir s’il allait me donner ou pas le scénario, me proposer ou pas le rôle. Quand je l’ai reçu, je l’ai pris comme un bijou, un objet inespéré que j’avais beaucoup de chance d’avoir entre les mains. J’ai retrouvé tout ce que j’avais aimé dans ses films précédents. Une atmosphère, des personnages qui ne sont pas d’une seule couleur, qui gardent toujours une part de mystère, une histoire complexe qui ne cesse de faire changer d’avis celui qui en est le témoin. J’ai fini le scénario enchantée.

Le Passé d'Asghar FarhadiComment s’était passée cette première rencontre ?
On s’était vus deux heures avant que je prenne l’avion, et je n’ai jamais fait des essais comme ceux-là ! Asghar essayait de trouver quelque chose dans mon visage, je ne savais pas quoi. Alors il m’a mis des cotons dans la bouche, il m’a foncé le front, il a travaillé sur les commissures de mes lèvres. Au point que je disais à la maquilleuse : « Mais si il veut à ce point changer mon visage, autant qu’il prenne quelqu’un d’autre ».
On s’est à peine parlé, le jour des essais. Un tout petit peu du personnage. Et quand on s’est quitté, je ne savais quasiment rien.

Quand il parlait du personnage, que disait-il ?

« C’est une femme qui a deux enfants, qui est amoureuse d’un homme qui a un enfant et qui doit divorcer d’un autre homme. » Il m‘avait demandé : « Et toi, tu as des enfants ? » « Oui, deux, mon compagnon en a deux aussi ; je suis mère de quatre enfants une semaine sur deux ». C’était une façon de lui dire : « Ce que vous me racontez, je le ressens et je peux peut-être trouver un écho dans ma vie pour que ça fonctionne à l’image. »

Le Passé d'Asghar FarhadiAsghar Farhadi tient beaucoup à organiser des répétitions avant ses tournages. Combien de temps ont-elles duré ?
Deux mois. On se retrouvait environ trois ou quatre fois par semaine, parfois aussi le samedi et on répétait entre quatre et cinq heures. C’est une chose que je n’avais jamais faite, et qui doit s’approcher d’une préparation de comédien de théâtre, un travail de troupe.
Asghar nous faisait faire des exercices pendant une demi-heure, on marchait autour de la salle, on courait, on se détendait, on faisait des abdos ! Et c’était toujours lui qui nous montrait les exercices, c’était bien lui le chef de la troupe. Après on lisait le scénario, on a parfois un peu improvisé autour. Et on était toujours tous là même quand la scène ne nous concernait pas. A la fin j’étais de plus en plus impatiente : j’avais envie de tourner, d’autant que les demandes d’Asghar devenaient de plus en plus précises.

Vous aviez peur de cette précision, en amont du tournage ?
J’avais surtout peur de me fatiguer du texte, de l’histoire... Et quand on a commencé le tournage, j’avais l’impression d’avoir déjà joué le film ! Au cinéma, le tout premier montage que propose le monteur immédiatement après le tournage s’appelle « l’ours ». Et bien, c’est comme si j’avais moi-même fait cet « ours » ! Quand on est comédien, on a peur parfois de manquer de spontanéité, mais je me suis rendue compte que c’est à force de travail qu’on devient le plus spontané. On connaît tellement le personnage que les choses nous échappent.

Le Passé d'Asghar FarhadiDu coup, comment s’est passé le tournage ?
Asghar l’a rendu facile. Je n’ai jamais été en souffrance, j’ai toujours joué Marie comme une évidence parce que je la connaissais par coeur. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas de moments de doute, des moments où l’on refaisait des prises, où l’on cherchait tous ensemble, mais tous les gestes, toutes les scènes, je les ai vécus de l’intérieur. Parfois le soir, je disais : « Je ne comprends pas, j’ai l’impression que c’est venu trop naturellement ». C’est ce que Asghar voulait en fait : que je n’intellectualise jamais le personnage, que je le vive toujours de l’intérieur.

Est-ce que Marie vous ressemble ?

Ah, pas du tout. C’est intéressant, d’ailleurs : je tournais des scènes où Asghar me demandait telle ou telle choses et je me disais « Mais ce n’est tellement pas moi ! » à aucun moment je n’aurais réagi comme Marie réagit. Quel bonheur pour un acteur de jouer si facilement un personnage à l’opposé de lui-même !

Que saviez-vous de Marie au début des répétitions ? Est-ce que vous avez construit un passé à son personnage ?
Je savais qu’elle était pharmacienne à Paris, tout en vivant en banlieue. On ne le sait pas vraiment mais moi je me suis raconté qu’elle était une simple employée de la pharmacie. Pendant les répétitions, on a imaginé sa relation avec Ahmad : comment ils s’étaient rencontrés, et aussi qui était mon Le Passé d'Asghar Farhadipremier mari avec qui j’ai eu deux enfants. Et puis aussi comment Ahmad et Marie s’étaient quittés, on a même joué ces scènes de rupture. On a imaginé qu’ils s’étaient quittés par Skype. Ahmad était parti en disant « Voilà, je reviens » et il n’était jamais revenu. C’était important pour moi de jouer ces scènes : il s’est construit quelque chose entre Ali, qui joue Ahmad, et moi. Je pouvais le regarder dans les yeux, rire avec lui, pleurer, il faisait partie de mon quotidien. On a construit aussi le passé du personnage que joue Tahar. Par exemple, on a fait un exercice assez intéressant où Asghar nous demandait, face caméra, de raconter qui était la femme de Samir. Je l’avais décrite physiquement. Après Tahar avait fait la même chose par la suite. Une image de cette femme s’est construite peu à peu…

Le scénario précise qu’il y a eu un épisode compliqué, qu’Ahmad a été dépressif pendant longtemps… Avez-vous parlé de cette période, imaginé ces moments ?
Non. Asghar parle souvent des immigrés, il dit souvent que la culture iranienne est très différente de la nôtre, et que souvent les Iraniens qui viennent en France n’arrivent pas à se faire à notre mode de vie. Ils dépriment et retournent chez eux. Je pense que le personnage d’Ahmad, c’est un peu ça. C’est quelqu’un qui essaye de s’intégrer dans une nouvelle société, dans une nouvelle vie, qui tombe vraiment amoureux. Mais à un moment donné, c’est trop dur et il préfère rentrer chez lui. Marie a compris ce qui était arrivé à Ahmad. Si elle lui en veut, c’est parce qu’il n’a pas eu le courage de le lui dire en face. On sent dans son cinéma qu’Asghar croit plus en la femme qu’en l’homme, qu’il trouve les femmes plus fortes, plus expressives.

L’histoire est universelle, mais est-ce qu’elle dit quelque chose de la France d’aujourd’hui ?
Non, pas particulièrement. Elle dit quelque chose du monde d’aujourd’hui. Des relations compliquées entre les êtres humains, des situations dans lesquelles ils peuvent se retrouver, qui sont parfois complètement absurdes. Mais en fait Asghar aime bien poser des questions, mettre les gens dans certaines situations, mais ne comptez pas sur lui pour donner des réponses ou des solutions. Et c’est cela qui fonctionne dans son cinéma !

Le Passé d'Asghar FarhadiC’est votre personnage qui a en quelque sorte la charge de provoquer des émotions, alors que les personnages masculins sont plus fuyants, ou plus lâches…
Effectivement, Marie est toujours dans l’action. C’est elle qui pose les questions qui fâchent, et qui attend les réponses. Mais je ne l’ai pas tellement ressenti, en tant qu’actrice, parce que la méthode de tournage d’Asghar est très particulière, très méticuleuse : le tournage était très long, il nous arrivait de faire cinq plans par jour, quand, sur un autre film, on peut en faire quinze. Tout est à la fois dilué et très précis.

Comment tenir le personnage, quand on travaille ainsi, fragment par fragment ?

C’est à cela qu’ont servi les répétitions et puis la confiance totale que j’ai en Asghar. Il peut être vraiment très, très précis, certaines scènes sont mises en place comme un ballet. Par exemple, il nous disait : « Alors Bérénice, tu vas faire ça, tu vas aller là, à ce moment-là tu vas parler, tu vas bouger dans cette direction-là. Et toi, Tahar, quand elle aura parlé, tu vas bouger par ici. » Et il faisait tous mes gestes, puis ceux de Tahar, puis nos dialogues, sans les jouer. Au début, cela peut être assez perturbant. On se dit : « Mais où est-ce que je vais, moi, trouver ma place ?» Mais en fait, tout ne se passe pas toujours comme il l’a montré, il indique juste un chemin. C’est sa façon de nous aider, de dire : « Voilà, je vous donne un chemin pour que vous vous sentiez aimés, aidés, regardés, mais après vous faites ce que vous voulez ». Et moi j’adore ça. C’est un manipulateur, mais sans aucune perversité.

Asghar Farhadi ne parle pas français. Qu’est-ce que cela changeait sur le plateau ?
Pendant les deux mois de préparation, on a vraiment eu le temps de s’habituer à la personne qui traduisait, Arash. Il a fait un travail extraordinaire, en traduisant tout. Quand Asghar nous disait : « J’aimerais que tu ailles à gauche, heu non, pardon, j’aimerais que tu ailles à droite », Arash répétait : « J’aimerais que tu ailles à gauche, heu non, pardon, j’aimerais que tu ailles à droite. » Il est devenu la voix d’Asghar. Au début c’était assez déroutant et au fur et à mesure je n’avais même pas l’impression qu’Asghar ne parlait pas français. Et puis, Asghar est tellement expressif, il fait tellement de gestes, je n’ai même pas besoin qu’Arash traduise, je sais déjà où il veut aller.
(extrait dossier de presse)

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

Le Passé d'Asghar FarhadiZoom nouveauté : "Le passé" d'Asghar Farhadi  (attention : sortie vendredi 17 mai - film présenté au festival de Cannes)

L'histoire
Après quatre années de séparation, Ahmad arrive à Paris depuis Téhéran, à la demande de Marie, son épouse française, pour procéder aux formalités de leur divorce. Lors de son bref séjour, Ahmad découvre la relation conflictuelle que Marie entretient avec sa fille, Lucie. Les efforts d’Ahmad pour tenter d’améliorer cette relation lèveront le voile sur un secret du passé.
Un film d'Asghar Farhadi avec Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa, Pauline Burlet, Elyes Aguis…

 

Bonus : propos de Bérénice Béjo, actrice principale du film


Quelle a été votre première impression en recevant le scénario du "Passé" ?
Je l’ai reçu après un mois d’attente. J’avais rencontré Asghar, j’étais partie en vacances à l’étranger et j’ai attendu de savoir s’il allait me donner ou pas le scénario, me proposer ou pas le rôle. Quand je l’ai reçu, je l’ai pris comme un bijou, un objet inespéré que j’avais beaucoup de chance d’avoir entre les mains. J’ai retrouvé tout ce que j’avais aimé dans ses films précédents. Une atmosphère, des personnages qui ne sont pas d’une seule couleur, qui gardent toujours une part de mystère, une histoire complexe qui ne cesse de faire changer d’avis celui qui en est le témoin. J’ai fini le scénario enchantée.

Le Passé d'Asghar FarhadiComment s’était passée cette première rencontre ?
On s’était vus deux heures avant que je prenne l’avion, et je n’ai jamais fait des essais comme ceux-là ! Asghar essayait de trouver quelque chose dans mon visage, je ne savais pas quoi. Alors il m’a mis des cotons dans la bouche, il m’a foncé le front, il a travaillé sur les commissures de mes lèvres. Au point que je disais à la maquilleuse : « Mais si il veut à ce point changer mon visage, autant qu’il prenne quelqu’un d’autre ».
On s’est à peine parlé, le jour des essais. Un tout petit peu du personnage. Et quand on s’est quitté, je ne savais quasiment rien.

Quand il parlait du personnage, que disait-il ?

« C’est une femme qui a deux enfants, qui est amoureuse d’un homme qui a un enfant et qui doit divorcer d’un autre homme. » Il m‘avait demandé : « Et toi, tu as des enfants ? » « Oui, deux, mon compagnon en a deux aussi ; je suis mère de quatre enfants une semaine sur deux ». C’était une façon de lui dire : « Ce que vous me racontez, je le ressens et je peux peut-être trouver un écho dans ma vie pour que ça fonctionne à l’image. »

Le Passé d'Asghar FarhadiAsghar Farhadi tient beaucoup à organiser des répétitions avant ses tournages. Combien de temps ont-elles duré ?
Deux mois. On se retrouvait environ trois ou quatre fois par semaine, parfois aussi le samedi et on répétait entre quatre et cinq heures. C’est une chose que je n’avais jamais faite, et qui doit s’approcher d’une préparation de comédien de théâtre, un travail de troupe.
Asghar nous faisait faire des exercices pendant une demi-heure, on marchait autour de la salle, on courait, on se détendait, on faisait des abdos ! Et c’était toujours lui qui nous montrait les exercices, c’était bien lui le chef de la troupe. Après on lisait le scénario, on a parfois un peu improvisé autour. Et on était toujours tous là même quand la scène ne nous concernait pas. A la fin j’étais de plus en plus impatiente : j’avais envie de tourner, d’autant que les demandes d’Asghar devenaient de plus en plus précises.

Vous aviez peur de cette précision, en amont du tournage ?
J’avais surtout peur de me fatiguer du texte, de l’histoire... Et quand on a commencé le tournage, j’avais l’impression d’avoir déjà joué le film ! Au cinéma, le tout premier montage que propose le monteur immédiatement après le tournage s’appelle « l’ours ». Et bien, c’est comme si j’avais moi-même fait cet « ours » ! Quand on est comédien, on a peur parfois de manquer de spontanéité, mais je me suis rendue compte que c’est à force de travail qu’on devient le plus spontané. On connaît tellement le personnage que les choses nous échappent.

Le Passé d'Asghar FarhadiDu coup, comment s’est passé le tournage ?
Asghar l’a rendu facile. Je n’ai jamais été en souffrance, j’ai toujours joué Marie comme une évidence parce que je la connaissais par coeur. Je ne dis pas qu’il n’y avait pas de moments de doute, des moments où l’on refaisait des prises, où l’on cherchait tous ensemble, mais tous les gestes, toutes les scènes, je les ai vécus de l’intérieur. Parfois le soir, je disais : « Je ne comprends pas, j’ai l’impression que c’est venu trop naturellement ». C’est ce que Asghar voulait en fait : que je n’intellectualise jamais le personnage, que je le vive toujours de l’intérieur.

Est-ce que Marie vous ressemble ?

Ah, pas du tout. C’est intéressant, d’ailleurs : je tournais des scènes où Asghar me demandait telle ou telle choses et je me disais « Mais ce n’est tellement pas moi ! » à aucun moment je n’aurais réagi comme Marie réagit. Quel bonheur pour un acteur de jouer si facilement un personnage à l’opposé de lui-même !

Que saviez-vous de Marie au début des répétitions ? Est-ce que vous avez construit un passé à son personnage ?
Je savais qu’elle était pharmacienne à Paris, tout en vivant en banlieue. On ne le sait pas vraiment mais moi je me suis raconté qu’elle était une simple employée de la pharmacie. Pendant les répétitions, on a imaginé sa relation avec Ahmad : comment ils s’étaient rencontrés, et aussi qui était mon Le Passé d'Asghar Farhadipremier mari avec qui j’ai eu deux enfants. Et puis aussi comment Ahmad et Marie s’étaient quittés, on a même joué ces scènes de rupture. On a imaginé qu’ils s’étaient quittés par Skype. Ahmad était parti en disant « Voilà, je reviens » et il n’était jamais revenu. C’était important pour moi de jouer ces scènes : il s’est construit quelque chose entre Ali, qui joue Ahmad, et moi. Je pouvais le regarder dans les yeux, rire avec lui, pleurer, il faisait partie de mon quotidien. On a construit aussi le passé du personnage que joue Tahar. Par exemple, on a fait un exercice assez intéressant où Asghar nous demandait, face caméra, de raconter qui était la femme de Samir. Je l’avais décrite physiquement. Après Tahar avait fait la même chose par la suite. Une image de cette femme s’est construite peu à peu…

Le scénario précise qu’il y a eu un épisode compliqué, qu’Ahmad a été dépressif pendant longtemps… Avez-vous parlé de cette période, imaginé ces moments ?
Non. Asghar parle souvent des immigrés, il dit souvent que la culture iranienne est très différente de la nôtre, et que souvent les Iraniens qui viennent en France n’arrivent pas à se faire à notre mode de vie. Ils dépriment et retournent chez eux. Je pense que le personnage d’Ahmad, c’est un peu ça. C’est quelqu’un qui essaye de s’intégrer dans une nouvelle société, dans une nouvelle vie, qui tombe vraiment amoureux. Mais à un moment donné, c’est trop dur et il préfère rentrer chez lui. Marie a compris ce qui était arrivé à Ahmad. Si elle lui en veut, c’est parce qu’il n’a pas eu le courage de le lui dire en face. On sent dans son cinéma qu’Asghar croit plus en la femme qu’en l’homme, qu’il trouve les femmes plus fortes, plus expressives.

L’histoire est universelle, mais est-ce qu’elle dit quelque chose de la France d’aujourd’hui ?
Non, pas particulièrement. Elle dit quelque chose du monde d’aujourd’hui. Des relations compliquées entre les êtres humains, des situations dans lesquelles ils peuvent se retrouver, qui sont parfois complètement absurdes. Mais en fait Asghar aime bien poser des questions, mettre les gens dans certaines situations, mais ne comptez pas sur lui pour donner des réponses ou des solutions. Et c’est cela qui fonctionne dans son cinéma !

Le Passé d'Asghar FarhadiC’est votre personnage qui a en quelque sorte la charge de provoquer des émotions, alors que les personnages masculins sont plus fuyants, ou plus lâches…
Effectivement, Marie est toujours dans l’action. C’est elle qui pose les questions qui fâchent, et qui attend les réponses. Mais je ne l’ai pas tellement ressenti, en tant qu’actrice, parce que la méthode de tournage d’Asghar est très particulière, très méticuleuse : le tournage était très long, il nous arrivait de faire cinq plans par jour, quand, sur un autre film, on peut en faire quinze. Tout est à la fois dilué et très précis.

Comment tenir le personnage, quand on travaille ainsi, fragment par fragment ?

C’est à cela qu’ont servi les répétitions et puis la confiance totale que j’ai en Asghar. Il peut être vraiment très, très précis, certaines scènes sont mises en place comme un ballet. Par exemple, il nous disait : « Alors Bérénice, tu vas faire ça, tu vas aller là, à ce moment-là tu vas parler, tu vas bouger dans cette direction-là. Et toi, Tahar, quand elle aura parlé, tu vas bouger par ici. » Et il faisait tous mes gestes, puis ceux de Tahar, puis nos dialogues, sans les jouer. Au début, cela peut être assez perturbant. On se dit : « Mais où est-ce que je vais, moi, trouver ma place ?» Mais en fait, tout ne se passe pas toujours comme il l’a montré, il indique juste un chemin. C’est sa façon de nous aider, de dire : « Voilà, je vous donne un chemin pour que vous vous sentiez aimés, aidés, regardés, mais après vous faites ce que vous voulez ». Et moi j’adore ça. C’est un manipulateur, mais sans aucune perversité.

Asghar Farhadi ne parle pas français. Qu’est-ce que cela changeait sur le plateau ?
Pendant les deux mois de préparation, on a vraiment eu le temps de s’habituer à la personne qui traduisait, Arash. Il a fait un travail extraordinaire, en traduisant tout. Quand Asghar nous disait : « J’aimerais que tu ailles à gauche, heu non, pardon, j’aimerais que tu ailles à droite », Arash répétait : « J’aimerais que tu ailles à gauche, heu non, pardon, j’aimerais que tu ailles à droite. » Il est devenu la voix d’Asghar. Au début c’était assez déroutant et au fur et à mesure je n’avais même pas l’impression qu’Asghar ne parlait pas français. Et puis, Asghar est tellement expressif, il fait tellement de gestes, je n’ai même pas besoin qu’Arash traduise, je sais déjà où il veut aller.
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