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Mercredi cinéma : "Ce qui nous lie" de Cédric Klapisch avec Pio Marmaï, Ana Girardot, François Civil.

Publié le : 14-06-2017

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien (ugc) - Enghien (centre des arts),  Franconville - Montmorency - Saint-Gratien - Taverny et les séances à Ermont (mardi-mercredi)
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône - Cormeilles-en-Parisis (dimanche)

 

CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischSortie de la semaine (14 juin 2017) : "Ce qui nous lie" de Cédric Klapisch

L'histoire
Jean a quitté sa famille et sa Bourgogne natale il y a dix ans pour faire le tour du monde. En apprenant la mort imminente de son père, il revient dans la terre de son enfance. Il retrouve sa sœur, Juliette, et son frère, Jérémie.
Leur père meurt juste avant le début des vendanges.
En l’espace d’un an, au rythme des saisons qui s’enchaînent, ces trois jeunes adultes vont retrouver ou réinventer leur fraternité, s’épanouissant et mûrissant en même temps que le vin qu’ils fabriquent.
Un film de Cédric Klapisch avec Pio Marmaï, Ana Girardot, François Civil, Jean-Marc Roulot, Maria Valverde, Yamée Couture...

>> Bande annonce

 

Bonus : propos de Cédric Klapisch, réalisateur du film

Après "Casse-tête chinois", film urbain tourné à New York, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire "Ce qui nous lie", ce film du terroir ?
D’abord, il faut savoir que j’ai failli faire ce film avant "Casse-tête chinois". J’ai eu l’envie de faire un film sur le vin dès 2010. Cette année-là, j’ai contacté les quelques vignerons que je connaissais. Je n’avais jamais assisté à des vendanges et j’étais curieux de voir comment ça se passait.
Je me disais – sans savoir pourquoi – qu’il y avait quelque chose à faire autour de tout ça. Jean-Marc Roulot a accepté que je vienne faire des photos pendant ses vendanges.
CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischÀ la suite de ça, je me suis dit qu’il fallait que j’observe précisément le changement des paysages en liaison avec le passage des saisons.
Pendant les six mois qui ont suivi, j’ai fait des allers et retours en Bourgogne, pour trouver un arbre. L’arbre idéal pour pouvoir raconter le passage du temps et le cycle des saisons. J’ai rencontré un photographe qui connaissait bien le vignoble bourguignon, Michel Baudoin. C’est lui qui m’a aidé dans mes recherches. Finalement on s’est mis d’accord sur deux cerisiers : l’un à Meursault et l’autre à Pommard. Après il a fallu trouver le bon cadrage, le bon objectif, la bonne heure pour les photographier. Michel a accepté de se prêter au jeu et pendant un an il a été photographié chaque semaine ces deux arbres (à chaque fois à la même heure)… Chaque fois, il prenait une photo et il enregistrait un film d’une minute. Il a donc fait 52 photos/plans de ces deux arbres au milieu des vignes.
Sans savoir exactement quoi, je sentais en regardant ces photos, qu’il y avait une matière à faire un film. En 2011, je suis retourné voir les vendanges mais contrairement à l’année précédente, il faisait gris, il avait beaucoup plu et les raisins étaient beaucoup moins beaux. J’ai pu juger directement à quel point ce monde viticole était lié aux aléas de la météo.
Finalement, cette année-là, en 2011, j’ai décidé de mettre en production "Casse-tête chinois" parce qu’on a jugé avec Bruno Levy (producteur), que c’était le bon moment par rapport aux acteurs, presque 10 ans après 'les poupées russes" …
Trois ans plus tard, quand j’ai eu fini "Casse-tête chinois", je me suis demandé si je devais reprendre ce film sur le vin.
Ce qui est dingue, c’est que durant les trois années consacrées à "Casse-tête chinois", il y a eu chaque année des épisodes de grêle en Bourgogne et les récoltes ont été particulièrement pourries ! En fait le film n’aurait pratiquement pas été faisable durant cette période.

Que représente le vin pour vous ?
Inutile de tourner autour du pot, clairement le vin pour moi, c’est mon père. J’ai connu le vin par mon père – qui ne boit pratiquement que du Bourgogne. Quand j’ai commencé à boire (vers 17-18 ans) il me faisait goûter ses vins… C’est grâce à lui que j’ai eu cet apprentissage. Jusqu’à il y a peu de temps il nous emmenait en Bourgogne mes sœurs et moi faire des dégustations dans des caves. C’était une sorte de rituel, une fois tous les deux ans à peu près… Quand j’avais 23 ans et que je faisais mes études à New York, j’ai été serveur dans un restaurant français. On devait être une quinzaine de serveurs et je me suis rendu compte que j’étais le seul qui savait conseiller un vin. Les serveurs américains me demandaient « mais comment tu arrives à faire la différence entre un Côtes-du-Rhône et un Bordeaux ? ». Je me suis rendu compte à ce moment-là que le vin était une culture… Pour la littérature, on le sait, il faut lire pour connaître et différencier des pensées et des auteurs. Dans le vin, il faut boire pour identifier des terroirs et distinguer des saveurs…
J’étais conscient que c’était mon père qui m’avait transmis cette culture du vin et cet intérêt pour la Bourgogne. Donc le vin pour moi a été assez vite associé à l’idée de la transmission. Je sentais intuitivement que si je voulais faire un film sur le vin c’était parce que j’avais envie de parler de la famille. Ce que l’on hérite de ses parents, ce CE QUI NOUS LIE de Cédric Klapischque l’on transmet à ses enfants.
Le choix de la Bourgogne me paraissait évident, même si j’avais entretemps « découvert » d’autres terroirs, notamment le Bordeaux. En Bourgogne, les exploitations sont en général, plus familiales. Dans le Bordelais, les surfaces sont beaucoup plus grandes et la plupart du temps les domaines se sont industrialisés au point d’être gérés parfois par de grands groupes financiers. La problématique du film aurait été complètement différente.
D’une certaine façon, le choix d’une autre région viticole française (Alsace, Languedoc, Côtes-du-Rhône, Beaujolais etc…) aurait développé des thématiques bien différentes…

La famille est souvent présente dans vos films. En revanche, c’est la première fois que vous filmez la nature…
C’est très étrange, c’est en tournant au milieu des vignes. Je n’avais pas réalisé que, jusque-là, je n’avais fait que des films dans des villes. Avant "ce qui nous lie", je n’avais filmé que des gens dans des rues et des immeubles… Que ce soit à Paris, à Londres, à Saint-Pétersbourg, à Barcelone ou à New York, c’est le même film que je faisais. J’essayais à chaque fois de déceler le rapport entre un urbanisme particulier et la psychologie des gens. Mais là, au bout de onze films, j’ai eu un besoin de changer, d’aller voir ailleurs… et de me tourner vers la nature…
De la même manière que je ne peux pas rester un an à Paris sans jamais aller à la campagne ou à la mer, j’ai ressenti la nécessité de filmer quelque chose que je n’avais jamais filmé auparavant. Ce besoin de nature a été plus fort que moi. Je ne sais pas si c’est lié à mon âge mais je pense que ça s’accompagne aussi d’un tournant sociologique que je ressens aujourd’hui.
Le rapport des gens des villes à l’agriculture ou à la nourriture est en train de changer. Ce n’est pas juste un phénomène de mode. Les gens des villes ont beaucoup plus besoin d’atténuer les frontières entre le monde urbain et la campagne.
Le documentaire "Demain" parle très bien de ça.
Le fait qu’on vive beaucoup dans la virtualité nous amène finalement à vouloir retrouver un rapport concret aux choses. On a sans doute un ras le bol de l’éloignement que provoque la virtualité. Il y a un nouvel intérêt pour la cuisine (et le vin) qui pour moi raconte ce retour à des choses plus directes ou plus essentielles.

"Ce qui nous lie", rassemble beaucoup de sujets différents…
Comme le vin. Qu’est-ce que contient un verre de vin ?
Il y a là-dedans un terroir, c’est à dire la combinaison d’un climat particulier, un ensoleillement, une pluviométrie, avec la géologie d’un sol. Chaque élément va donner une odeur, une saveur, une densité particulière à ce vin.
CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischIl y a également des éléments liés à l’intervention humaine, le choix du type de viticulture, les méthodes de vinification. C’est fascinant de voir qu’à Meursault il y a une centaine de propriétaires différents et il y a vraiment une centaine de façons « d’interpréter » ce terroir. Quand un vigneron signe une bouteille, c’est comme quand un réalisateur signe un film. Il y a une notion d’auteur.
C’est tout ça qu’on retrouve dans un verre de vin… Cette complexité-là. Il y a du temps et de l’espace, de l’histoire et de la géographie.
Le mariage de l’homme et de la nature. Il fallait absolument que le film raconte tout ça… C’est un monde très sophistiqué.
C’est pour cette raison que j’avais envie de parler du vin. Dans le film on suit la fabrication du vin pendant un an. En parallèle, on suit pendant plus de 10 ans la vie d’une famille de vignerons. J’essaie de mettre les deux en relation. Suivre les cycles de la nature et les étapes de l’évolution de trois individus. On est enfant, puis adulte, puis parent… Est-ce que ces changements humains, ces étapes de la vie peuvent être comparables aux saisons pour la nature ?

Dans "Ce qui nous lie", vous avez effectivement non seulement filmé la nature, mais aussi les saisons…
Il a fallu convaincre Bruno Levy de tourner sur un an. Lui, en termes de production, aurait préféré que le tournage se déroule sur deux saisons et pas sur quatre. Mais je lui ai dit que ça ne marcherait pas, qu’il fallait respecter le cycle entier de la nature. On ne pouvait pas tricher : les belles couleurs de l’automne, elles n’existent que pendant 15 jours. Il faut tourner pendant cette période, sinon c’est impossible. Idem pour les vendanges : on ne sait en général que deux semaines avant quand elles vont avoir lieu, et sur un domaine comme celui de Jean-Marc Roulot, elles durent une semaine à 10 jours les bonnes années. Ana qui foule le raisin dans les cuves, on ne peut filmer ça que pendant 4-5 jours. On est revenus tourner une journée en janvier parce qu’il avait neigé… Idem pour le printemps : les arbres fruitiers ont des fleurs pendant à peine une semaine… Les vignes retrouvent leurs grandes feuilles vertes en à peine trois semaines… Tout le film s’est fait à l’envers : au lieu que ce soit nous qui décidions des dates, c’est vraiment la nature qui a décidé du calendrier du tournage.

C’était facile d’obtenir que les comédiens soient disponibles sur un an ?
Oui. Finalement c’est comme pour une série télé, sauf qu’au lieu de leur dire vous signez pour trois saisons – même si là aussi on parlait de saisons (rires) – vous dites on va tourner les vendanges fin août-début septembre ; ensuite en automne, vers fin octobre, quand les feuilles sont jaunes-rouges ; en hiver en décembre-janvier ; puis au printemps en mai ou en juin. En fait c’est comme s’ils faisaient 4 tournages différents. Et à partir du moment où on leur a dit est-ce que vous êtes libres trois semaines à ces 4 périodes-là, ils nous ont dit d’accord. Ça a été assez simple à résoudre, d’autant qu’Ana, Pio et François étaient très très enthousiastes à l’idée de faire le film. Je crois que pour ça, ils ont refusé d’autres films ou réussi à intercaler d’autres projets dans les trous…

CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischQu’est-ce qui vous a séduit chez Ana Girardot ?
J’avais hésité à prendre Ana sur "Ma part du gâteau". Même si j’ai eu besoin de la revoir en casting, je n’ai pas été étonné de la choisir pour "ce qui nous lie".
J’avais bien vu que c’était une grande actrice et qu’il ne fallait pas la « rater »… J’ai pu vérifier durant le tournage de "Ce qui nous lie" que je ne m’étais pas trompé. Ana est une actrice qui a un potentiel gigantesque. C’est une femme qui peut faire de la comédie, être glamour ou être simple. Là, elle joue une viticultrice mais si on lui met un short et qu’on lui demande de conduire un tracteur, malgré son côté glamour, elle ne fait pas « mannequin qui conduit un tracteur ». Elle a une palette de jeu qui est dingue : dans l’émotion, dans la comédie, dans le rapport avec les hommes - c’est super beau le rapport qu’elle a avec ses deux frères, comment elle se confronte à la masculinité. L’ADN de ce personnage est lié à cette problématique : comment une fille très féminine existe en tant que femme dans un monde d’hommes ? Et elle fait ça magnifiquement bien. Ana a étudié aux États-Unis : elle a à la fois le goût du naturalisme et du « lâché prise » à la française et à la fois un côté « pro » et une technique maîtrisée américaine. Et j’avoue que le mélange des deux est assez beau à regarder.

Et comment voyez-vous Pio Marmaï, qui donne vraiment l’impression d’avoir été taillé pour le rôle ?
Pio est ce qu’on appelle, un acteur « habité », et comme pour Ana, on sent qu’il n’a sans doute pas encore offert au spectateur toute l’étendue de son potentiel. Avec son coté beau gosse, il peut facilement jouer « le gendre idéal », le mec gentil, sympa attachant auquel on peut tous s’identifier. Moi, j’avais envie d’utiliser ça, mais aussi de pousser le côté rebelle, sombre ou dingue qu’il a aussi en lui.
Je voulais qu’on sente qu’il est toujours en ébullition à l’intérieur… Dans le film il a un côté instable. C’est un jeune adulte qui est ouvert à tout parce qu’il n’a pas encore de certitudes. Il ne s’est pas encore trouvé. Ce côté « en mouvement » me touche beaucoup. Mais il a malgré tout un côté très solide et « ancré ». Je voulais aussi qu’il ait ce côté massif et costaud, qui fait que, lorsqu’il ramasse une motte de terre, ça ne sonne pas faux.
(extrait dossier de presse)

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien (ugc) - Enghien (centre des arts),  Franconville - Montmorency - Saint-Gratien - Taverny et les séances à Ermont (mardi-mercredi)
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône - Cormeilles-en-Parisis (dimanche)

 

CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischSortie de la semaine (14 juin 2017) : "Ce qui nous lie" de Cédric Klapisch

L'histoire
Jean a quitté sa famille et sa Bourgogne natale il y a dix ans pour faire le tour du monde. En apprenant la mort imminente de son père, il revient dans la terre de son enfance. Il retrouve sa sœur, Juliette, et son frère, Jérémie.
Leur père meurt juste avant le début des vendanges.
En l’espace d’un an, au rythme des saisons qui s’enchaînent, ces trois jeunes adultes vont retrouver ou réinventer leur fraternité, s’épanouissant et mûrissant en même temps que le vin qu’ils fabriquent.
Un film de Cédric Klapisch avec Pio Marmaï, Ana Girardot, François Civil, Jean-Marc Roulot, Maria Valverde, Yamée Couture...

>> Bande annonce

 

Bonus : propos de Cédric Klapisch, réalisateur du film

Après "Casse-tête chinois", film urbain tourné à New York, qu’est-ce qui vous a donné envie de faire "Ce qui nous lie", ce film du terroir ?
D’abord, il faut savoir que j’ai failli faire ce film avant "Casse-tête chinois". J’ai eu l’envie de faire un film sur le vin dès 2010. Cette année-là, j’ai contacté les quelques vignerons que je connaissais. Je n’avais jamais assisté à des vendanges et j’étais curieux de voir comment ça se passait.
Je me disais – sans savoir pourquoi – qu’il y avait quelque chose à faire autour de tout ça. Jean-Marc Roulot a accepté que je vienne faire des photos pendant ses vendanges.
CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischÀ la suite de ça, je me suis dit qu’il fallait que j’observe précisément le changement des paysages en liaison avec le passage des saisons.
Pendant les six mois qui ont suivi, j’ai fait des allers et retours en Bourgogne, pour trouver un arbre. L’arbre idéal pour pouvoir raconter le passage du temps et le cycle des saisons. J’ai rencontré un photographe qui connaissait bien le vignoble bourguignon, Michel Baudoin. C’est lui qui m’a aidé dans mes recherches. Finalement on s’est mis d’accord sur deux cerisiers : l’un à Meursault et l’autre à Pommard. Après il a fallu trouver le bon cadrage, le bon objectif, la bonne heure pour les photographier. Michel a accepté de se prêter au jeu et pendant un an il a été photographié chaque semaine ces deux arbres (à chaque fois à la même heure)… Chaque fois, il prenait une photo et il enregistrait un film d’une minute. Il a donc fait 52 photos/plans de ces deux arbres au milieu des vignes.
Sans savoir exactement quoi, je sentais en regardant ces photos, qu’il y avait une matière à faire un film. En 2011, je suis retourné voir les vendanges mais contrairement à l’année précédente, il faisait gris, il avait beaucoup plu et les raisins étaient beaucoup moins beaux. J’ai pu juger directement à quel point ce monde viticole était lié aux aléas de la météo.
Finalement, cette année-là, en 2011, j’ai décidé de mettre en production "Casse-tête chinois" parce qu’on a jugé avec Bruno Levy (producteur), que c’était le bon moment par rapport aux acteurs, presque 10 ans après 'les poupées russes" …
Trois ans plus tard, quand j’ai eu fini "Casse-tête chinois", je me suis demandé si je devais reprendre ce film sur le vin.
Ce qui est dingue, c’est que durant les trois années consacrées à "Casse-tête chinois", il y a eu chaque année des épisodes de grêle en Bourgogne et les récoltes ont été particulièrement pourries ! En fait le film n’aurait pratiquement pas été faisable durant cette période.

Que représente le vin pour vous ?
Inutile de tourner autour du pot, clairement le vin pour moi, c’est mon père. J’ai connu le vin par mon père – qui ne boit pratiquement que du Bourgogne. Quand j’ai commencé à boire (vers 17-18 ans) il me faisait goûter ses vins… C’est grâce à lui que j’ai eu cet apprentissage. Jusqu’à il y a peu de temps il nous emmenait en Bourgogne mes sœurs et moi faire des dégustations dans des caves. C’était une sorte de rituel, une fois tous les deux ans à peu près… Quand j’avais 23 ans et que je faisais mes études à New York, j’ai été serveur dans un restaurant français. On devait être une quinzaine de serveurs et je me suis rendu compte que j’étais le seul qui savait conseiller un vin. Les serveurs américains me demandaient « mais comment tu arrives à faire la différence entre un Côtes-du-Rhône et un Bordeaux ? ». Je me suis rendu compte à ce moment-là que le vin était une culture… Pour la littérature, on le sait, il faut lire pour connaître et différencier des pensées et des auteurs. Dans le vin, il faut boire pour identifier des terroirs et distinguer des saveurs…
J’étais conscient que c’était mon père qui m’avait transmis cette culture du vin et cet intérêt pour la Bourgogne. Donc le vin pour moi a été assez vite associé à l’idée de la transmission. Je sentais intuitivement que si je voulais faire un film sur le vin c’était parce que j’avais envie de parler de la famille. Ce que l’on hérite de ses parents, ce CE QUI NOUS LIE de Cédric Klapischque l’on transmet à ses enfants.
Le choix de la Bourgogne me paraissait évident, même si j’avais entretemps « découvert » d’autres terroirs, notamment le Bordeaux. En Bourgogne, les exploitations sont en général, plus familiales. Dans le Bordelais, les surfaces sont beaucoup plus grandes et la plupart du temps les domaines se sont industrialisés au point d’être gérés parfois par de grands groupes financiers. La problématique du film aurait été complètement différente.
D’une certaine façon, le choix d’une autre région viticole française (Alsace, Languedoc, Côtes-du-Rhône, Beaujolais etc…) aurait développé des thématiques bien différentes…

La famille est souvent présente dans vos films. En revanche, c’est la première fois que vous filmez la nature…
C’est très étrange, c’est en tournant au milieu des vignes. Je n’avais pas réalisé que, jusque-là, je n’avais fait que des films dans des villes. Avant "ce qui nous lie", je n’avais filmé que des gens dans des rues et des immeubles… Que ce soit à Paris, à Londres, à Saint-Pétersbourg, à Barcelone ou à New York, c’est le même film que je faisais. J’essayais à chaque fois de déceler le rapport entre un urbanisme particulier et la psychologie des gens. Mais là, au bout de onze films, j’ai eu un besoin de changer, d’aller voir ailleurs… et de me tourner vers la nature…
De la même manière que je ne peux pas rester un an à Paris sans jamais aller à la campagne ou à la mer, j’ai ressenti la nécessité de filmer quelque chose que je n’avais jamais filmé auparavant. Ce besoin de nature a été plus fort que moi. Je ne sais pas si c’est lié à mon âge mais je pense que ça s’accompagne aussi d’un tournant sociologique que je ressens aujourd’hui.
Le rapport des gens des villes à l’agriculture ou à la nourriture est en train de changer. Ce n’est pas juste un phénomène de mode. Les gens des villes ont beaucoup plus besoin d’atténuer les frontières entre le monde urbain et la campagne.
Le documentaire "Demain" parle très bien de ça.
Le fait qu’on vive beaucoup dans la virtualité nous amène finalement à vouloir retrouver un rapport concret aux choses. On a sans doute un ras le bol de l’éloignement que provoque la virtualité. Il y a un nouvel intérêt pour la cuisine (et le vin) qui pour moi raconte ce retour à des choses plus directes ou plus essentielles.

"Ce qui nous lie", rassemble beaucoup de sujets différents…
Comme le vin. Qu’est-ce que contient un verre de vin ?
Il y a là-dedans un terroir, c’est à dire la combinaison d’un climat particulier, un ensoleillement, une pluviométrie, avec la géologie d’un sol. Chaque élément va donner une odeur, une saveur, une densité particulière à ce vin.
CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischIl y a également des éléments liés à l’intervention humaine, le choix du type de viticulture, les méthodes de vinification. C’est fascinant de voir qu’à Meursault il y a une centaine de propriétaires différents et il y a vraiment une centaine de façons « d’interpréter » ce terroir. Quand un vigneron signe une bouteille, c’est comme quand un réalisateur signe un film. Il y a une notion d’auteur.
C’est tout ça qu’on retrouve dans un verre de vin… Cette complexité-là. Il y a du temps et de l’espace, de l’histoire et de la géographie.
Le mariage de l’homme et de la nature. Il fallait absolument que le film raconte tout ça… C’est un monde très sophistiqué.
C’est pour cette raison que j’avais envie de parler du vin. Dans le film on suit la fabrication du vin pendant un an. En parallèle, on suit pendant plus de 10 ans la vie d’une famille de vignerons. J’essaie de mettre les deux en relation. Suivre les cycles de la nature et les étapes de l’évolution de trois individus. On est enfant, puis adulte, puis parent… Est-ce que ces changements humains, ces étapes de la vie peuvent être comparables aux saisons pour la nature ?

Dans "Ce qui nous lie", vous avez effectivement non seulement filmé la nature, mais aussi les saisons…
Il a fallu convaincre Bruno Levy de tourner sur un an. Lui, en termes de production, aurait préféré que le tournage se déroule sur deux saisons et pas sur quatre. Mais je lui ai dit que ça ne marcherait pas, qu’il fallait respecter le cycle entier de la nature. On ne pouvait pas tricher : les belles couleurs de l’automne, elles n’existent que pendant 15 jours. Il faut tourner pendant cette période, sinon c’est impossible. Idem pour les vendanges : on ne sait en général que deux semaines avant quand elles vont avoir lieu, et sur un domaine comme celui de Jean-Marc Roulot, elles durent une semaine à 10 jours les bonnes années. Ana qui foule le raisin dans les cuves, on ne peut filmer ça que pendant 4-5 jours. On est revenus tourner une journée en janvier parce qu’il avait neigé… Idem pour le printemps : les arbres fruitiers ont des fleurs pendant à peine une semaine… Les vignes retrouvent leurs grandes feuilles vertes en à peine trois semaines… Tout le film s’est fait à l’envers : au lieu que ce soit nous qui décidions des dates, c’est vraiment la nature qui a décidé du calendrier du tournage.

C’était facile d’obtenir que les comédiens soient disponibles sur un an ?
Oui. Finalement c’est comme pour une série télé, sauf qu’au lieu de leur dire vous signez pour trois saisons – même si là aussi on parlait de saisons (rires) – vous dites on va tourner les vendanges fin août-début septembre ; ensuite en automne, vers fin octobre, quand les feuilles sont jaunes-rouges ; en hiver en décembre-janvier ; puis au printemps en mai ou en juin. En fait c’est comme s’ils faisaient 4 tournages différents. Et à partir du moment où on leur a dit est-ce que vous êtes libres trois semaines à ces 4 périodes-là, ils nous ont dit d’accord. Ça a été assez simple à résoudre, d’autant qu’Ana, Pio et François étaient très très enthousiastes à l’idée de faire le film. Je crois que pour ça, ils ont refusé d’autres films ou réussi à intercaler d’autres projets dans les trous…

CE QUI NOUS LIE de Cédric KlapischQu’est-ce qui vous a séduit chez Ana Girardot ?
J’avais hésité à prendre Ana sur "Ma part du gâteau". Même si j’ai eu besoin de la revoir en casting, je n’ai pas été étonné de la choisir pour "ce qui nous lie".
J’avais bien vu que c’était une grande actrice et qu’il ne fallait pas la « rater »… J’ai pu vérifier durant le tournage de "Ce qui nous lie" que je ne m’étais pas trompé. Ana est une actrice qui a un potentiel gigantesque. C’est une femme qui peut faire de la comédie, être glamour ou être simple. Là, elle joue une viticultrice mais si on lui met un short et qu’on lui demande de conduire un tracteur, malgré son côté glamour, elle ne fait pas « mannequin qui conduit un tracteur ». Elle a une palette de jeu qui est dingue : dans l’émotion, dans la comédie, dans le rapport avec les hommes - c’est super beau le rapport qu’elle a avec ses deux frères, comment elle se confronte à la masculinité. L’ADN de ce personnage est lié à cette problématique : comment une fille très féminine existe en tant que femme dans un monde d’hommes ? Et elle fait ça magnifiquement bien. Ana a étudié aux États-Unis : elle a à la fois le goût du naturalisme et du « lâché prise » à la française et à la fois un côté « pro » et une technique maîtrisée américaine. Et j’avoue que le mélange des deux est assez beau à regarder.

Et comment voyez-vous Pio Marmaï, qui donne vraiment l’impression d’avoir été taillé pour le rôle ?
Pio est ce qu’on appelle, un acteur « habité », et comme pour Ana, on sent qu’il n’a sans doute pas encore offert au spectateur toute l’étendue de son potentiel. Avec son coté beau gosse, il peut facilement jouer « le gendre idéal », le mec gentil, sympa attachant auquel on peut tous s’identifier. Moi, j’avais envie d’utiliser ça, mais aussi de pousser le côté rebelle, sombre ou dingue qu’il a aussi en lui.
Je voulais qu’on sente qu’il est toujours en ébullition à l’intérieur… Dans le film il a un côté instable. C’est un jeune adulte qui est ouvert à tout parce qu’il n’a pas encore de certitudes. Il ne s’est pas encore trouvé. Ce côté « en mouvement » me touche beaucoup. Mais il a malgré tout un côté très solide et « ancré ». Je voulais aussi qu’il ait ce côté massif et costaud, qui fait que, lorsqu’il ramasse une motte de terre, ça ne sonne pas faux.
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