Les dialogues de Moritz : "Le  sens de la vie"  

Pendant trois ans, Moritz, le célèbre chat de Gérard Pouettre, est intervenu régulièrement dans le Journal de François pour nous délivrer avec humour son point de vue sur ce monde qui l'entoure.
Aujourd'hui notre écrivain saint-loupien nous partage les dialogues de Moritz avec un certain Fagus… un hêtre ! Quelle drôle d'idée !
A travers leurs discussions, ils nous invitent à déambuler dans l'univers des valeurs… Et comme toujours, le lecteur retrouve l'humour et la sagesse de Gérard Pouettre !
Bonne lecture !

Episodes précédents et aujourd'hui : le sens de la vie (illustration : Marine Gauvain)

Le sens de la vie

- Moritz : Tu n’y allais pas un peu fort hier en prétendant que les humains perdaient le sens de la vie ?
- Fagus : Je vais essayer de te le prouver. 
- Il faut d’abord que tu m’expliques ce que tu entends par là.
- Il y a plusieurs sens du mot sens. Toi tu penses avoir six sens. Mais est-ce que ces sens t’aident à mener ta vie dans le bon sens ? Ce qui sous-entend qu’il y a un mauvais sens, un sens sans issue ou même un sens interdit.
- Tu me donnes la migraine, ce qui est exceptionnel pour un chat. Si on peut partir dans tous les sens, tu dois m’indiquer vers lequel il faut aller.
- Suite à notre discussion d’hier, la première question est : quelle signification les hommes d’aujourd’hui donnent-ils à leur vie et la deuxième vers quel avenir veulent-ils aller ? Sachant que ça aura des conséquences sur nous.
- Tu veux dire que mon sort à moi Moritz dépendrait de la réponse à ces deux questions. Tu me fais peur !
- Imagine que le climat continue à suivre la mauvaise pente, comment tu supporterais la canicule, ou les inondations ? Et pourtant tu es moins exposé que ceux qui dépendent totalement des éléments naturels.
- Tu me donnes des conséquences négatives ; tu penses donc qu’ils vont dans le mauvais sens.
- Pas tous. Il n’y a qu’à observer comment ils utilisent leurs sens. Il y a ceux qui ne regardent que devant eux les yeux sur leur téléphone, ceux qui courent dans les bois et passent près de moi avec leurs écouteurs sur la tête, ceux qui ne veulent même pas toucher la terre par peur de se salir. Et puis heureusement, il y a ceux qui lèvent les yeux vers le ciel, ceux qui tournent autour de moi comme s’ils me vénéraient, qui aspirent l’air de la forêt comme une drogue bienfaisante.
- Et les seconds ont plus le sens de la vie que les premiers ? C’est quoi ton indicateur ?
- Les seconds sont plus proches de la nature ; les premiers s’en éloignent de plus en plus : ils vont en sens inverse de la vie.
- Alors moi aussi il faut que je m’en rapproche ; je ne mène pas du tout la même vie que toi… mais je ne vais pas retourner à l’état sauvage. Et puis le sens de la vie n’a pas toujours été le même ; pour nous les chats au Moyen-âge, le sens de la vie c’était la survie.
- Bien sûr ! Pas de retour en arrière mais pas de fuite en avant, un sens nouveau. Et je voudrais bien que nous les arbres on ait notre mot à dire pour orienter les humains. S’ils ne tiennent pas compte de notre sensibilité aux éléments naturels, ça n’aura pas de sens.
- Je ne t’aurais pas pris pour un être sensible ; j’ai hâte de le découvrir.

A suivre...