Les dialogues de Moritz : "La lucidité"

Pendant trois ans, Moritz, le célèbre chat de Gérard Pouettre, est intervenu régulièrement dans le Journal de François pour nous délivrer avec humour son point de vue sur ce monde qui l'entoure.
Aujourd'hui notre écrivain saint-loupien nous partage les dialogues de Moritz avec un certain Fagus… un hêtre ! Quelle drôle d'idée !
A travers leurs discussions, ils nous invitent à déambuler dans l'univers des valeurs… Et comme toujours, le lecteur retrouve l'humour et la sagesse de Gérard Pouettre !
Bonne lecture !

Episodes précédents et aujourd'hui : la lucidité (illustration : Marine Gauvain)

Lucidité

- Moritz : J’aime bien ta formule optimiste mais lucide mais j’ai besoin d’une recette pour la mettre en oeuvre. Et je voudrais bien savoir pourquoi tu serais particulièrement lucide.
- Fagus : Ce n’est pas une recette, c’est une compétence comme disent les humains. Tu me diras qu’une compétence ça s’acquiert et il n’y a pas d’école des hêtres. Mais notre avantage, c’est que ce sont les conditions naturelles dans lesquelles on grandit qui nous la donne.
- Donc je dois réfléchir sur mon histoire, mes expériences de la vie pour savoir si je suis lucide.
- Oui, c’est ça qui te permettra de prendre de la distance, de ne pas rester dans l’émotionnel. Pour nous les arbres cette question est réglée, il parait que nous n’avons pas d’émotions ; on se contenterait de ressentir.
- Je suis peut-être un chat trop émotif. Au moindre événement, mes pupilles changent de forme. J’ai un peu la tremblote. Mais je vais me ressaisir grâce à mon sixième sens de perception légendaire.
- A chacun ses outils de lucidité. Ce sont mes vibrations qui permettent d’analyser les situations et de renvoyer des réponses à mes visiteurs. L’autre jour, une femme s’est présentée, enthousiaste. Elle me serre dans ses bras, longuement, lascivement, puis soudain elle s’écarte. Elle venait de se rendre compte qu’en m’étreignant, elle ne voyait rien d’autre que mon tronc et mes vibrations ont semé le trouble. L’amour rend aveugle, murmura-t-elle, je dois m’interroger sur mes relations amoureuses, ne pas tomber dans le premier piège. Elle était devenue lucide.
- Comment se fait-il que sans lui parler, et sans même pouvoir miauler comme moi, tu l’es conduit sur ce chemin ? Moi, lorsque je sens de la tension chez mes proches, je les calme avec mon ronronnement, ma douceur mais ça ne dure pas très longtemps.
- Moi, je me contente d’être ; je ne suis pas perturbé par les préoccupations humaines. Bien sûr, je suis amoureux du soleil, de l’eau, de l’air mais ils ne le savent pas donc ça ne m’engage à rien. Et puis je ne possède rien donc je ne dois rien à personne.
- Je suis une espèce hybride par rapport à toi. J’ai un peu de ta sagesse mais ma proximité avec les humains est une limite pour que je les aide à se poser les bonnes questions.
- Chacun à sa place. Mais nous avons tous les deux le pouvoir de transmettre de la lucidité aux humains. Sans nous, ils ne retrouveront pas l’état d’esprit nécessaire pour retrouver le sens de la vie.
- Le sens de la vie ! Rien que ça.

A suivre...