Les dialogues de Moritz : "L'équilibre"

Pendant trois ans, Moritz, le célèbre chat de Gérard Pouettre, est intervenu régulièrement dans le Journal de François pour nous délivrer avec humour son point de vue sur ce monde qui l'entoure.
Aujourd'hui notre écrivain saint-loupien nous partage les dialogues de Moritz avec un certain Fagus… un hêtre ! Quelle drôle d'idée !
A travers leurs discussions, ils nous invitent à déambuler dans l'univers des valeurs… Et comme toujours, le lecteur retrouve l'humour et la sagesse de Gérard Pouettre !
Bonne lecture !

Episodes précédents et aujourd'hui : l'équilibre (illustration : Marine Gauvain)

Equilibre

- Fagus : Qu’est-ce que tu fais là-haut Moritz ?
- Moritz : Je teste ma proprioception.
- C’est-à-dire ?
- C’est mon sixième sens ; il parait même qu’on en a sept. Celui-là concerne mon sens exceptionnel de l’équilibre. C’est bien ce dont on devait parler aujourd’hui.
- Je t’entendrais mieux si tu descendais.
- Oui mais ma présence là-haut correspond à une définition : je suis en équilibre, je suis sur un fil ; si je fais un mouvement, je perds mon premier équilibre et il faut donc que j’en cherche un autre sinon c’est la chute.
- Ah ! je vois. Tandis que moi qui suis immobile, je dois être équilibré. Il parait que c’est le fruit d’une recherche intérieure qui me donne la liberté que je ne peux pas avoir de l’extérieur. Si je n’avais pas cette force intérieure, je ne pourrais pas résister aux éléments déchainés.
- Tu n’aurais pas quelques racines japonaises dans tout ton réseau souterrain ? Ils sont des spécialistes de la recherche de l’équilibre intérieur. On va faire un test. J’ai un cousin japonais qui vit dans un bar à chats. Il a entendu des gens qui inventaient des poèmes et il m’a dit que ça contribuait à leur équilibre de vie.
- Tu ne vas tout de même pas me faire déclamer un poème ?
- Non, mieux que ça ! On va en inventer. Tu te rappelles des haïkus qu’une de tes visiteuses avait récité en ton honneur ?
- Oui, ça m’avait ému.
- Et bien on va créer nos haïkus, avec notre monde à nous. Je commence :
Ecureuil agile
Propulsé au gré du vent
Sans ouvrir ses ailes.
A toi.
- Je vais me moquer un peu de toi.
Soleil rose couchant
Aveugle les yeux du chat
Mulot détendu.
- Ca va. Ce n’est pas si méchant. Un haïku est toujours bienveillant. Ecoute :
Chaque jour un bourgeon
Quand atteindra-t-il le ciel
L’horizon sourit.
- Si c’est de moi que tu parles je ne suis pas si ambitieux. J’en ai un autre pour toi :
Chat noir aux aguets
Pie haineuse au bec hurlant
Averse bienfaisante.
- Tu vois que tu es poète ! C’est un vrai concours. J’en essaye un autre :
Tronc en carapace
Coulées de sève silencieuses
Vie dissimulée.
- C’est mon dernier. Ca fera trois partout !
Griffes au bout des branches
Branches greffées au bout des pattes
Chat hêtre ou Hêtre chat.
- Tu me ferais presque ronronner. Quelle délicatesse. Tu es vraiment un ami.

A suivre...