L'association de Franconville "Les enfants du Nil" de plus en plus sollicitée en Egypte !

A chaque fois que l'on parle de l'Egypte, impossible de ne pas penser à tous les bénévoles de l'association "Les Enfants du Nil" de Franconville : ils viennent en aide aux enfants de Haute Egypte et ne sont pas près d'arrêter leurs actions humanitaires.
J'ai souhaité faire le point avec Suzon Pironet, la présidente de l'association. Elle a un regard objectif sur la situation égyptienne qui mérite attention.

Suzon, il ya deux ans, vous étiez au Caire lors de la chute de Moubarak. En juin, vous  étiez en Egypte juste avant le renversement de Mohamed Morsi. Vous attendiez-vous à ce dernier événement ?
Tout d'abord, je tiens à préciser que je ne veux pas parler de politique. Je reste libre de mes pensées, je fais de l'humanitaire c'est tout.
En effet, j'étais jusqu'au 30 juin en Egypte et je le savais que cela allait arriver. Ca se fomentait depuis des mois et des mois. Partout on m'en parlait, que ce soit au Caire, à Hurghada, à Louxor. Pendant un an, après la chute de Moubarak, cela a été très difficile avec un pseudo parlement. Mais quand Mohamed Morsi est arrivé, l'Egypte "est descendue" : j'ai assisté aux queues de 100 voitures pour de l'essence à des stations non ravitaillées (l'essence était vendue parfois au marché noir !. Puis il y a des coupures d''électricité, de gaz. J'arrivais dans un restaurant et l'on me disait gentiment « Suzon on ne peut plus te faire à manger ! »). Même les denrées de base comme le riz, l'huile, le pain, le  sucre sont devenues très très chères.

Dans les campagnes, beaucoup de personnes disent que les Egyptiens vivent mieux ?
Dans les campagnes les gens vivent mieux s'ils ont des bons légumes qu'ils cultivent avec de l'eau (pas de coupures d'eau constatées) mais si vous avez des animaux comment faites-vous pour les nourrir ?
On ne peut pas parler de famine…  pas encore même s'ils ont augmenté la viande et le poisson de 50%. Un kg de viande coute 3 euros et quand on sait que le salaire moyen est de 80 à 100 euros….  Pour information, une infirmière gagne 60 euros !
Enfin, en juin, pour info, il y avait 90 % de chômeurs à Louxor. Plus de touristes !

A votre avis, comment la situation va évoluer ?
Je n'en sais rien, je ne suis pas devin ! Les Egyptiens veulent simplement la démocratie, la laïcité. Pendant 45 ans, jamais ils ne descendaient dans la rue. Maintenant ils le peuvent. Cela fait deux fois qu'ils le font. On a dit que c'était un putsch d'état mais non ! C'est le peuple qui a appelé l'armée à l'aide. Ils ont élu un président mais ils sont arrivés à un point de non retour. Tout augmente tout s'arrête… Mohamed Morsi a été arrêté le 3 juillet. Le 5 juillet l'essence est revenue comme par hasard… Qui tient le robinet, je ne le sais pas et je ne veux pas le savoir…

Comment jugez-vous les médias français qui relatent les événements d'Egypte ?
Dans l'ensemble, ils ne disent pas tout. J'ai la chance de comprendre l'arabe et d'être connectée sur des sites qui donnent un aperçu global de la situation. C'est comme cela que je sais qu'il n'y a aucun risque pour moi et les bénévoles qui m'accompagnent lors des livraisons de médicaments et matériels scolaires.
Aujourd'hui, la Syrie a zappé l'Egypte à la "une" de l'actualité… Cela est "très français" comme réaction… Enfin, pour terminer sur le sujet, j'ai reçu d'une personne que je ne connais pas,  un mail intitulé tout simplement "Qui êtes-vous pour nous juger ?". Un beau texte que je publierai dans le journal de l'association.

Vos livraisons de médicaments deviennent chaque jour de plus en plus importantes compte tenu des événements ?
C'est maintenant plus que jamais que l'association doit agir et continuer à aider la population de Haute Egypte. Ils ont besoin de plus en plus de médicaments car ils n'ont pas d'argent pour s'en procurer. En effet, si vous avez de l'argent, vous pouvez en Egypte vous faire soigner, acheter des médicaments mais sinon, il n'y a pas de solutions.
Les femmes veulent accoucher à domicile car il faut payer pour accoucher à l'hôpital !
Ahmed, notre correspondant permanent de l'association en Egypte, a même marchandé un prix car sa sœur et sa belle sœur avaient besoin en même temps d'une césarienne. Il a demandé un prix pour deux césariennes comme sur le marché !
Concernant l'école, elle non plus, n'est pas gratuite. Il faut pour eux des blouses, du matériel scolaire etc.

A ce sujet, pouvez-vous nous rappeler le rôle du parrainage d'enfants qu'ont initié "Les enfants du Nil" ?
Aujourd'hui les adhérents de l'association parrainent 18 enfants à Garagos. Je le rappelle il n'y a pas d'école publique. Chaque adhérent s'engage sur 6 ans à prendre en charge la scolarité d'un enfant âgé de 6 à 12 ans : c'est 120 euros par an et cela paie ses frais de scolarité, son costume, son  repas du midi et son transport. Au bout de 6 ans, ils sortiront en sachant lire et écrire. Après 12 ans, je me refuse de poursuivre le parrainage car je n'ai pas la possibilité de vérifier dans cinquante lieux différents si les enfants sont bien scolarisés.
Chaque enfant parrainé doit être vacciné. Je demande une photo, son lieu de naissance et tout son carnet de vaccination. Le directeur de l'école de Garagos est une personne remarquable qui accueille sans aucun problème, dans son établissement, coptes set musulmans. Il a toujours les papiers de ses enfants  et des remerciements pour chaque famille. J'invite vraiment tous ceux qui souhaitent parrainer un enfant à prendre contact avec l'association !

Restons dans le domaine scolaire : "Les enfants du Nil" construisent une deuxième école maternelle après une première expérience difficile.
En effet, l'association s'est lancée dans la construction d'une deuxième école maternelle en tirant les leçons de notre première expérience. En effet, après l'avoir financée et construite, nous avons transmis notre première école à une association égyptienne. Malheureusement, à chaque fois que je viens, je la vois se dégrader et la nursery a disparu… Cela me fait mal au cœur, ça m désole. Cette nouvelle école s'appellera l'école "Les enfants du Nil" et restera, avec l'aide d'Ahmed, gérée par l'association !

Enfin, Suzon, si vous aviez des moyens supplémentaires, que feriez-vous ?
Un hôpital ! (dit-elle sans hésitation). Ils en ont tant besoin. Un hôpital pour une appendicite ou pour accoucher gratuitement ! Pas un grand hôpital mais un hôpital dans le village pour des petites interventions propres et gratuites avec du personnel compétent. Rendez-vous compte qu'actuellement, pour un gros diabète, on réalise des amputations facilement évitables. On ne fait pas d'analyse, ils mettent tout le monde à l'insuline ! C'est grave le pancréas ne fonctionne plus.  Cela entraîne aussi de graves problèmes de vue dès l'âge de 30 ans !
Enfin, dans la situation actuelle, je dois tirer un grand coup de chapeau aux sœurs infirmières. De vraies saintes ! Malheureusement, elles ne bénéficient que de la formation égyptienne. Il faudrait être sur place et rester un peu plus longtemps pour mieux les former. Mais l'association ne peut  pas répondre à toutes les demandes et honorer des interventions médicales. Il faudrait toujours plus…

Grand merci à Suzon pour cet éclairage sur la situation égyptienne et sur les actions menées par l'association.

Contact : Association "Les enfants du Nil" : site internet et adresse mail.