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Pierre Lecut raconte l'aventure "Grain de Sable", son association qui agit au Niger, et lance un appel !

Publié le : 19-01-2015

PIERRE LECUT président de GRAIN DE SABLEQuand on évoque la famille Lecut à Ermont, on pense tout de suite à la librairie, la presse, la papèterie située au centre de la ville d'Ermont. C'est vrai que depuis 1938, trois générations se sont succédé pour animer le magasin.
En ce qui concerne Pierre Lecut, né en 1942, il a suivi des études de comptabilité et a vite repris l'activité de son père en 1968. Mais il se rappelle de ses tournées qu'il effectuait dès l'âge de 14-15 ans pour livrer la presse à Ermont, Saint-Prix… En effet, quand un porteur manquait, son père n'hésitait pas à venir le chercher dans son lit pour faire la tournée qui commençait à 4h du matin ! Un dur travail... mais il ne s'est jamais plaint. « Il fallait le faire, on ne se posait pas de questions, mais c'est vrai que je n'ai pas bénéficié de l'éducation, des études que j'aurais souhaitées"» confesse-t-il, même s'il est très reconnaissant envers ses parents.
Ce bref rappel permet ainsi de mieux comprendre l'action que Pierre Lecut a initiée au Niger auprès des populations rurales pour favoriser l'éducation et la scolarisation des enfants. Je l'ai rencontré pour évoquer avec passion l'Afrique, le désert, et évidemment son association "Grain de Sable" qui agit au Niger depuis plus de 20 ans !

En préparant cette rencontre pour évoquer l'action de "Grain de Sable" au Niger, je dois vous avouer que j'ai consulté internet pour replacer avec précision ce pays sur la carte de l'Afrique. N'est-ce pas le signe que ce continent reste encore méconnu et souvent oublié.
CARTE NIGER dans l'AFRIQUELe Niger c'est une ancienne colonie française devenue État indépendant en 1960. Avant, en Afrique de l'Ouest, il y avait des pays comme le Burkina, le Niger ou le Mali avec d'autres appellations…
Après, il y a des ethnologues, des géographes qui ont travaillé sur des frontières hypothétiques de l'Afrique avec toutes les erreurs qu'elles comportent.
Au niveau géographique, on distingue facilement deux régions au Niger : au Nord, c'est le désert et au Sud, c'est 90% de la population. Toute la population se concentre à cet endroit.
Au Nord, ce sont les Toubous, les Peuls, et les Touaregs, des ethnies très influentes à l'intérieur du Niger car ces populations sont considérées comme les premières poplations nomades d'Afrique.
Aujourd'hui au Niger, on compte 17 millions d'habitants. Mais d'ici 2050, la population de l'Afrique va doubler, il ne faut pas l'oublier ! Le  continent africain aura l'ampleur asiatique avec des ressources qui vont se tarir comme le pétrole par exemple.
Pour revenir à votre question, l'Afrique est-elle laissée pour compte ? Avant, j'étais comme vous, puis j'ai découvert, petit à petit, l'évolution du peuple touareg. Un peuple qui s'est opposé à l'armée française pendant très longtemps en lui donnant du fil à retordre dans certaines zones.

ACCUEIL JARDIN D'ENFANTS à SKAFETQuel a été l'élément déclencheur pour la création de votre association "Grain de Sable" ?
Ce sont mes 50 ans ! Je voulais les fêter mais je n'avais pas envie de subir les contraintes familiales. Je suis un peu marginal pour certaines choses ! Je me suis dit : je vais fêter mes 50 ans dans le désert, lieu  que je ne connaissais pas !  J'en parle à un copain qui me propose : «Si tu veux, je connais quelqu'un qui peut t'organiser le voyage. » Et c'est comme ça que j'ai rencontré Mano Dayak qui m'a concocté mon voyage dans le désert.
17 amis m'ont accompagné. Aucun d'entre nous ne savait ce qu'il allait découvrir !
Nous sommes partis en février 1992, au début de la rébellion. Mano Dayak m'avait dit : « Il n'y aura pas de problème pour toi et tes copains. Tu peux me faire confiance. » J’ai découvert là-bas que c'était lui le responsable de la rébellion touarègue ! Et on était donc sous la protection des rebelles touaregs pendant la dizaine de jours passés là-bas ! Le jour où l'on est rentré en France, une double page est parue dans "Le monde" sur la rébellion touarègue. L'épouse d'un copain m'a fait vivement savoir que nous étions fous d'être allés là-bas dans ces conditions !
Dès notre retour en 1992, on a crée "Grain de Sable". Ce sont des copains qui ont voulu  tout de suite créer une association pour rassembler toutes nos forces. On ne savait pas encore exactement ce qu'on allait faire.
Puis en 1995 Mano Dayak est décédé dans un accident d'avion qui ressemblait plus ou moins à un attentat (le pilote et le reporter de VSD qui l'accompagnaient sont morts aussi) : il allait au Burkina pour signer un accord de paix entre l'armée du Niger et la rébellion touarègue !
Mano Dayak voulait monter un projet d'éducation, de création d'écoles dans le désert.
En 1996, on a donc repris son idée : il souhaitait créer des écoles nomades dans la vallée de Tidène pour les populations rurales. L'éducation et la scolarisation étaient des priorités pour lui et pour "Grain de Sable" par la suite.

LOGO GRAIN DE SABLEPierre Lecut et la magie du désert
Dans le désert, j'y suis retourné 4 fois mais la zone était hyper-contrôlée par la rébellion et maintenant par les jihadistes.
Côté paysage, le désert est un peu surréaliste. Le désert est souvent représenté comme une étendue de vagues de sable, comme la mer. Sur la partie du Haut-Ténéré, les dunes sont les plus grandes du monde.
Mais le désert, c'est moitié roches, moitié sable… C'est beau sans être beau, difficile à qualifier… c'est lunaire. En effet, dans certaines zones, vous avez l'impression d'être sur la Lune telle que l'on nous l'a représentée !
Je suis donc un inconditionnel du désert mais encore plus un inconditionnel… des Touaregs !

Quelles sont les actions concrètes de "Grain de Sable" au Niger ?
Au départ, en 1996, nous avions quatre écoles que nous faisions évoluer tant bien que mal… Une des écoles a fermé car le chef du village voulait négocier la valeur des enfants : nous avons évidemment refusé ! Puis l'état nigérien a repris en main d'autres écoles et nous nous sommes donc concentrés sur celle de Sakafat, l'école la plus éloignée de la vallée de Tidène et la plus éloignée d'Agadez.
Au début, il y avait une tribu, aujourd'hui une quinzaine sont présentes là-bas. Ce sont plus de 120 jardins qui ont vu le jour. La vallée a pris un essor considérable et aujourd'hui ce sont 80 gosses qui vont à l'école dans ce milieu rural.
Notre action s'est ensuite développée car les enfants grandissent : il faut les envoyer au collège et au lycée… Il a fallu acheter une maison pour l'hébergement en ville, à Agadez.
Les enfants vont maintenant au lycée et ont des cours de renforcement en français.
Nous avons 50 « gosses » au lycée entre la seconde et terminale et on accueille ces enfants sur une proposition de l'éducation nationale de la région d'Agadez au niveau secondaire.
Ce ne sont pas  des « gosses de nantis » mais des enfants qui veulent apprendre. Je le rappelle, notre action est faite pour favoriser l'accès à l'école aux enfants qui viennent des régions très rurales éloignées d'Agadez.
Ils sont accueillis pour 3 ans, hébergés dans des chambres de deux ou trois lits avec douches à disposition et ils sont nourris.

Hébergement Garçons Comment arrivez-vous à gérer toutes ces actions depuis la France ?
Nous avons embauché une douzaine de personnes sur place dont évidemment un directeur de centre avec qui nous travaillons en étroite collaboration. C'est un Touareg qui m'aide à respecter les "habitudes" de la communauté touarègue. En effet, je ne les respecte pas toujours et il me rappelle à l'ordre gentiment : « Pierre, il faut que je te parle…, Pierre, il y a des choses à ne pas faire…» !
Quant aux élèves, ils savent qu'ils sont des élèves "Grain de Sable". C'est un label de nouvelle communauté. A leur arrivée, ils sont divisés sur leurs origines et aussitôt je nivelle ces différences par le bas : « Vous venez tous du ventre de votre mère ! » Cela les faire rire ! « Maintenant vous êtes dans le centre d'hébergement "Grain de Sable" et vous allez faire des études, respecter vos copains d'origine différentes…» Pendant trois ans, il y a un mixage des jeunes, une évolution fantastique.
Depuis deux ans, ces enfants qui ont le bac vont en faculté à Niamey et souhaitent une aide de "Grain de Sable". J'ai accédé à leur demande afin qu'ils ne dorment plus dans la rue ! Nous avons loué une maison pour une "ambassade" (lieu de vie) où ils se regroupent.
Enfin, depuis trois ans, nous avons ouvert un centre d'hébergement pour les filles avec le même esprit et le même label "Grain de Sable".
En retour, nous avons reçu des témoignages formidables qui nous confortent dans notre action. Par exemple, cet élève qui a suivi les cours dans une école "Grain de Sable" et aujourd'hui il est infirmier et va s'occuper du centre de santé du village.

centre hebergement des fillesVous avez évoqué le centre d'hébergement des filles. Quelle place ont-elles dans le système scolaire au Niger ?
Scolariser des filles au Niger n'est pas simple. Il faut savoir que c'est très rare pour les filles de passer le bac ; les filles là-bas, « c'est d'habitude fait pour garder les chèvres ! ».
Je vous confie cette anecdote véridique qui illustre bien les difficultés rencontrées : l'association a racheté deux mariages ! En effet, une famille avait besoin d'argent et avait promis sa fille à un monsieur. La fille affolée m'a appelé : « Président,  (c'est comme cela qu'on m'appelle là-bas en tant que président de l'association),  je ne veux pas me marier ». J'ai aussitôt contacté le père de la famille qui m'a dit avoir déjà reçu la dot et n'avoir pas le choix car la famille rencontrait des problèmes d'argent ! Il m'a fallu de nombreuses discussions, les fameuses palabres africaines, pour mettre en avant les règles et enfin… racheter le mariage ! La fille s'est trouvée libérée et les parents ne peuvent pas la remarier car tout le monde est maintenant au courant.  Cet épisode s'est renouvelé une fois.

Toutes ces actions ont évidemment un coût. Comment financez-vous ces centres "Grain de Sable" ?
Il faut parler des parrainages !  En effet, comme je vous l'ai dit, nous avons du personnel et des frais de fonctionnement.. Pour 2015, le budget prévisionnel de l'association est de 66000 euros.

Ce n'est pas énorme par rapport à toutes vos actions menées !
C'est vrai mais il faut le transposer à l'Afrique et, de plus, on fait à l'économie : pas d'investissements (ils ont été réalisés), que des frais de fonctionnement.
Nous payons les salariés, les professeurs pour les cours de renforcement, les manuels et fournitures scolaires et les soins courants, nous nourrissons les enfants et évidemment on réalise l'entretien des locaux. C'est le directeur de chaque centre qui gère le quotidien.
Le  financement est toujours difficile à trouver ! Une bonne nouvelle est tout de même venue fin 2014. Nous avons rencontré la première Dame du Niger, le Docteur Malika Issoufou Mahamadou, qui consciente de notre travail de qualité envers les enfants, va nous aider par une participation alimentaire bienvenue, qui équivaut à un quart du budget nourriture de "Grain de Sable".
On respire un peu mieux… on a gagné quelques euros.  Mais nous avons besoin de plus de parrainages et d'adhérents.

A ce sujet, combien d'adhérents compte l'association "Grain de Sable ?
Aujourd'hui, il y a 250 adhérents et une cinquantaine de parrains.
Chaque adhérent paie une cotisation entre 50 et 150 euros et le parrainage est de l'ordre de 350 euros par an (déductibles des impôts) . Evidemment je lance un appel pour que de nouveaux parrains nous rejoignent.
"Grain de Sable" est vraiment l'affaire de tous : c'est grâce au petit "grain de sable" apporté par tous, que l'association poursuit chaque année son action.
Quelques donateurs  nous aident aussi énormément. Parmi ceux-ci, une association de Versailles "Enfance Meurtrie" qui vient en aide aux enfants en difficulté en Roumanie, au Sénégal et donc au Niger au travers de "Grain de Sable".

Quand vous regardez votre action au Niger depuis plus de 20 ans, vous devez être fier de l'évolution de l'association ?
Fierté ? Je ne dirais pas fier car ce n'est pas dans mon tempérament. D'autre part, je ne suis pas un "humanitaire". Je le suis "par obligation" car l'association œuvre au Niger. Mais je suis surtout un individu qui a découvert un peuple touareg, une autre civilisation que j'ai aimée : tous les gens qui ont fait le parcours avec moi sont exactement dans la même optique. Il n'y a rien de comparable avec ce qu'on vit en France.
Lorsque la deuxième rébellion est arrivée,  beaucoup de gens se sont désengagés sur injonction du gouvernement. Pour ma part, j'y suis retourné. Je me sentais un peu protégé par les touaregs rebelles. Aujourd'hui, ils sont reconnaissants de l'action de "Grain de Sable".

Pierre LecutDans l'édito d'un bulletin d'information de votre association, vous réfléchissez au futur de celle-ci et vous évoquez votre devoir de transmission.
Pour mes 70 ans, l'année dernière, je me suis posé cette question : tu franchis un nouveau cap dans ta vie, il faut absolument des réponses à tout ce que tu fais… En effet, à 70 ans il faut penser : ce que vous avez fait doit être transmis... J'ai eu ce souci pour mon entreprise (la librairie) et donc pour "Grain de sable", mon "bébé" que j'ai mis au monde il y a 20 ans… En effet, j'ai la responsabilité morale d'une cinquantaine de jeunes qui étudient à Agadez… Aujourd'hui, nous sommes quatre responsables de l'association qui avons tous entre 65 et 72 ans et nous sommes tous dans le même état d'esprit… Il faut absolument trouver des gens motivés par les buts de "Grain de Sable" pour poursuivre l'action sur le terrain.
Bref, je le répète, nous avons besoin de nouveaux adhérents, de nouveaux parrains et de personnes motivées pour poursuivre une aventure extraordinaire… Si vous êtes intéressés, n'hésitez pas à  contacter l'association !

Grain de Sable - bulletins d'information

Grand merci à Pierre pour toute cette solidarité et cette passion partagée.

Contact : site internet de Grain de Sable

 

PIERRE LECUT président de GRAIN DE SABLEQuand on évoque la famille Lecut à Ermont, on pense tout de suite à la librairie, la presse, la papèterie située au centre de la ville d'Ermont. C'est vrai que depuis 1938, trois générations se sont succédé pour animer le magasin.
En ce qui concerne Pierre Lecut, né en 1942, il a suivi des études de comptabilité et a vite repris l'activité de son père en 1968. Mais il se rappelle de ses tournées qu'il effectuait dès l'âge de 14-15 ans pour livrer la presse à Ermont, Saint-Prix… En effet, quand un porteur manquait, son père n'hésitait pas à venir le chercher dans son lit pour faire la tournée qui commençait à 4h du matin ! Un dur travail... mais il ne s'est jamais plaint. « Il fallait le faire, on ne se posait pas de questions, mais c'est vrai que je n'ai pas bénéficié de l'éducation, des études que j'aurais souhaitées"» confesse-t-il, même s'il est très reconnaissant envers ses parents.
Ce bref rappel permet ainsi de mieux comprendre l'action que Pierre Lecut a initiée au Niger auprès des populations rurales pour favoriser l'éducation et la scolarisation des enfants. Je l'ai rencontré pour évoquer avec passion l'Afrique, le désert, et évidemment son association "Grain de Sable" qui agit au Niger depuis plus de 20 ans !

En préparant cette rencontre pour évoquer l'action de "Grain de Sable" au Niger, je dois vous avouer que j'ai consulté internet pour replacer avec précision ce pays sur la carte de l'Afrique. N'est-ce pas le signe que ce continent reste encore méconnu et souvent oublié.
CARTE NIGER dans l'AFRIQUELe Niger c'est une ancienne colonie française devenue État indépendant en 1960. Avant, en Afrique de l'Ouest, il y avait des pays comme le Burkina, le Niger ou le Mali avec d'autres appellations…
Après, il y a des ethnologues, des géographes qui ont travaillé sur des frontières hypothétiques de l'Afrique avec toutes les erreurs qu'elles comportent.
Au niveau géographique, on distingue facilement deux régions au Niger : au Nord, c'est le désert et au Sud, c'est 90% de la population. Toute la population se concentre à cet endroit.
Au Nord, ce sont les Toubous, les Peuls, et les Touaregs, des ethnies très influentes à l'intérieur du Niger car ces populations sont considérées comme les premières poplations nomades d'Afrique.
Aujourd'hui au Niger, on compte 17 millions d'habitants. Mais d'ici 2050, la population de l'Afrique va doubler, il ne faut pas l'oublier ! Le  continent africain aura l'ampleur asiatique avec des ressources qui vont se tarir comme le pétrole par exemple.
Pour revenir à votre question, l'Afrique est-elle laissée pour compte ? Avant, j'étais comme vous, puis j'ai découvert, petit à petit, l'évolution du peuple touareg. Un peuple qui s'est opposé à l'armée française pendant très longtemps en lui donnant du fil à retordre dans certaines zones.

ACCUEIL JARDIN D'ENFANTS à SKAFETQuel a été l'élément déclencheur pour la création de votre association "Grain de Sable" ?
Ce sont mes 50 ans ! Je voulais les fêter mais je n'avais pas envie de subir les contraintes familiales. Je suis un peu marginal pour certaines choses ! Je me suis dit : je vais fêter mes 50 ans dans le désert, lieu  que je ne connaissais pas !  J'en parle à un copain qui me propose : «Si tu veux, je connais quelqu'un qui peut t'organiser le voyage. » Et c'est comme ça que j'ai rencontré Mano Dayak qui m'a concocté mon voyage dans le désert.
17 amis m'ont accompagné. Aucun d'entre nous ne savait ce qu'il allait découvrir !
Nous sommes partis en février 1992, au début de la rébellion. Mano Dayak m'avait dit : « Il n'y aura pas de problème pour toi et tes copains. Tu peux me faire confiance. » J’ai découvert là-bas que c'était lui le responsable de la rébellion touarègue ! Et on était donc sous la protection des rebelles touaregs pendant la dizaine de jours passés là-bas ! Le jour où l'on est rentré en France, une double page est parue dans "Le monde" sur la rébellion touarègue. L'épouse d'un copain m'a fait vivement savoir que nous étions fous d'être allés là-bas dans ces conditions !
Dès notre retour en 1992, on a crée "Grain de Sable". Ce sont des copains qui ont voulu  tout de suite créer une association pour rassembler toutes nos forces. On ne savait pas encore exactement ce qu'on allait faire.
Puis en 1995 Mano Dayak est décédé dans un accident d'avion qui ressemblait plus ou moins à un attentat (le pilote et le reporter de VSD qui l'accompagnaient sont morts aussi) : il allait au Burkina pour signer un accord de paix entre l'armée du Niger et la rébellion touarègue !
Mano Dayak voulait monter un projet d'éducation, de création d'écoles dans le désert.
En 1996, on a donc repris son idée : il souhaitait créer des écoles nomades dans la vallée de Tidène pour les populations rurales. L'éducation et la scolarisation étaient des priorités pour lui et pour "Grain de Sable" par la suite.

LOGO GRAIN DE SABLEPierre Lecut et la magie du désert
Dans le désert, j'y suis retourné 4 fois mais la zone était hyper-contrôlée par la rébellion et maintenant par les jihadistes.
Côté paysage, le désert est un peu surréaliste. Le désert est souvent représenté comme une étendue de vagues de sable, comme la mer. Sur la partie du Haut-Ténéré, les dunes sont les plus grandes du monde.
Mais le désert, c'est moitié roches, moitié sable… C'est beau sans être beau, difficile à qualifier… c'est lunaire. En effet, dans certaines zones, vous avez l'impression d'être sur la Lune telle que l'on nous l'a représentée !
Je suis donc un inconditionnel du désert mais encore plus un inconditionnel… des Touaregs !

Quelles sont les actions concrètes de "Grain de Sable" au Niger ?
Au départ, en 1996, nous avions quatre écoles que nous faisions évoluer tant bien que mal… Une des écoles a fermé car le chef du village voulait négocier la valeur des enfants : nous avons évidemment refusé ! Puis l'état nigérien a repris en main d'autres écoles et nous nous sommes donc concentrés sur celle de Sakafat, l'école la plus éloignée de la vallée de Tidène et la plus éloignée d'Agadez.
Au début, il y avait une tribu, aujourd'hui une quinzaine sont présentes là-bas. Ce sont plus de 120 jardins qui ont vu le jour. La vallée a pris un essor considérable et aujourd'hui ce sont 80 gosses qui vont à l'école dans ce milieu rural.
Notre action s'est ensuite développée car les enfants grandissent : il faut les envoyer au collège et au lycée… Il a fallu acheter une maison pour l'hébergement en ville, à Agadez.
Les enfants vont maintenant au lycée et ont des cours de renforcement en français.
Nous avons 50 « gosses » au lycée entre la seconde et terminale et on accueille ces enfants sur une proposition de l'éducation nationale de la région d'Agadez au niveau secondaire.
Ce ne sont pas  des « gosses de nantis » mais des enfants qui veulent apprendre. Je le rappelle, notre action est faite pour favoriser l'accès à l'école aux enfants qui viennent des régions très rurales éloignées d'Agadez.
Ils sont accueillis pour 3 ans, hébergés dans des chambres de deux ou trois lits avec douches à disposition et ils sont nourris.

Hébergement Garçons Comment arrivez-vous à gérer toutes ces actions depuis la France ?
Nous avons embauché une douzaine de personnes sur place dont évidemment un directeur de centre avec qui nous travaillons en étroite collaboration. C'est un Touareg qui m'aide à respecter les "habitudes" de la communauté touarègue. En effet, je ne les respecte pas toujours et il me rappelle à l'ordre gentiment : « Pierre, il faut que je te parle…, Pierre, il y a des choses à ne pas faire…» !
Quant aux élèves, ils savent qu'ils sont des élèves "Grain de Sable". C'est un label de nouvelle communauté. A leur arrivée, ils sont divisés sur leurs origines et aussitôt je nivelle ces différences par le bas : « Vous venez tous du ventre de votre mère ! » Cela les faire rire ! « Maintenant vous êtes dans le centre d'hébergement "Grain de Sable" et vous allez faire des études, respecter vos copains d'origine différentes…» Pendant trois ans, il y a un mixage des jeunes, une évolution fantastique.
Depuis deux ans, ces enfants qui ont le bac vont en faculté à Niamey et souhaitent une aide de "Grain de Sable". J'ai accédé à leur demande afin qu'ils ne dorment plus dans la rue ! Nous avons loué une maison pour une "ambassade" (lieu de vie) où ils se regroupent.
Enfin, depuis trois ans, nous avons ouvert un centre d'hébergement pour les filles avec le même esprit et le même label "Grain de Sable".
En retour, nous avons reçu des témoignages formidables qui nous confortent dans notre action. Par exemple, cet élève qui a suivi les cours dans une école "Grain de Sable" et aujourd'hui il est infirmier et va s'occuper du centre de santé du village.

centre hebergement des fillesVous avez évoqué le centre d'hébergement des filles. Quelle place ont-elles dans le système scolaire au Niger ?
Scolariser des filles au Niger n'est pas simple. Il faut savoir que c'est très rare pour les filles de passer le bac ; les filles là-bas, « c'est d'habitude fait pour garder les chèvres ! ».
Je vous confie cette anecdote véridique qui illustre bien les difficultés rencontrées : l'association a racheté deux mariages ! En effet, une famille avait besoin d'argent et avait promis sa fille à un monsieur. La fille affolée m'a appelé : « Président,  (c'est comme cela qu'on m'appelle là-bas en tant que président de l'association),  je ne veux pas me marier ». J'ai aussitôt contacté le père de la famille qui m'a dit avoir déjà reçu la dot et n'avoir pas le choix car la famille rencontrait des problèmes d'argent ! Il m'a fallu de nombreuses discussions, les fameuses palabres africaines, pour mettre en avant les règles et enfin… racheter le mariage ! La fille s'est trouvée libérée et les parents ne peuvent pas la remarier car tout le monde est maintenant au courant.  Cet épisode s'est renouvelé une fois.

Toutes ces actions ont évidemment un coût. Comment financez-vous ces centres "Grain de Sable" ?
Il faut parler des parrainages !  En effet, comme je vous l'ai dit, nous avons du personnel et des frais de fonctionnement.. Pour 2015, le budget prévisionnel de l'association est de 66000 euros.

Ce n'est pas énorme par rapport à toutes vos actions menées !
C'est vrai mais il faut le transposer à l'Afrique et, de plus, on fait à l'économie : pas d'investissements (ils ont été réalisés), que des frais de fonctionnement.
Nous payons les salariés, les professeurs pour les cours de renforcement, les manuels et fournitures scolaires et les soins courants, nous nourrissons les enfants et évidemment on réalise l'entretien des locaux. C'est le directeur de chaque centre qui gère le quotidien.
Le  financement est toujours difficile à trouver ! Une bonne nouvelle est tout de même venue fin 2014. Nous avons rencontré la première Dame du Niger, le Docteur Malika Issoufou Mahamadou, qui consciente de notre travail de qualité envers les enfants, va nous aider par une participation alimentaire bienvenue, qui équivaut à un quart du budget nourriture de "Grain de Sable".
On respire un peu mieux… on a gagné quelques euros.  Mais nous avons besoin de plus de parrainages et d'adhérents.

A ce sujet, combien d'adhérents compte l'association "Grain de Sable ?
Aujourd'hui, il y a 250 adhérents et une cinquantaine de parrains.
Chaque adhérent paie une cotisation entre 50 et 150 euros et le parrainage est de l'ordre de 350 euros par an (déductibles des impôts) . Evidemment je lance un appel pour que de nouveaux parrains nous rejoignent.
"Grain de Sable" est vraiment l'affaire de tous : c'est grâce au petit "grain de sable" apporté par tous, que l'association poursuit chaque année son action.
Quelques donateurs  nous aident aussi énormément. Parmi ceux-ci, une association de Versailles "Enfance Meurtrie" qui vient en aide aux enfants en difficulté en Roumanie, au Sénégal et donc au Niger au travers de "Grain de Sable".

Quand vous regardez votre action au Niger depuis plus de 20 ans, vous devez être fier de l'évolution de l'association ?
Fierté ? Je ne dirais pas fier car ce n'est pas dans mon tempérament. D'autre part, je ne suis pas un "humanitaire". Je le suis "par obligation" car l'association œuvre au Niger. Mais je suis surtout un individu qui a découvert un peuple touareg, une autre civilisation que j'ai aimée : tous les gens qui ont fait le parcours avec moi sont exactement dans la même optique. Il n'y a rien de comparable avec ce qu'on vit en France.
Lorsque la deuxième rébellion est arrivée,  beaucoup de gens se sont désengagés sur injonction du gouvernement. Pour ma part, j'y suis retourné. Je me sentais un peu protégé par les touaregs rebelles. Aujourd'hui, ils sont reconnaissants de l'action de "Grain de Sable".

Pierre LecutDans l'édito d'un bulletin d'information de votre association, vous réfléchissez au futur de celle-ci et vous évoquez votre devoir de transmission.
Pour mes 70 ans, l'année dernière, je me suis posé cette question : tu franchis un nouveau cap dans ta vie, il faut absolument des réponses à tout ce que tu fais… En effet, à 70 ans il faut penser : ce que vous avez fait doit être transmis... J'ai eu ce souci pour mon entreprise (la librairie) et donc pour "Grain de sable", mon "bébé" que j'ai mis au monde il y a 20 ans… En effet, j'ai la responsabilité morale d'une cinquantaine de jeunes qui étudient à Agadez… Aujourd'hui, nous sommes quatre responsables de l'association qui avons tous entre 65 et 72 ans et nous sommes tous dans le même état d'esprit… Il faut absolument trouver des gens motivés par les buts de "Grain de Sable" pour poursuivre l'action sur le terrain.
Bref, je le répète, nous avons besoin de nouveaux adhérents, de nouveaux parrains et de personnes motivées pour poursuivre une aventure extraordinaire… Si vous êtes intéressés, n'hésitez pas à  contacter l'association !

Grain de Sable - bulletins d'information

Grand merci à Pierre pour toute cette solidarité et cette passion partagée.

Contact : site internet de Grain de Sable

 

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3 commentaire(s)

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serge mohamed - Il y a 8 ans
Du courage pierre pour toutes vos oeuvres.Npus avons perdu vos contacts depuis que nous vous avions soummis le dossier de la creation d 'un centre d'hebergemment des jeunes ecoliers a agadez.on etait au lycee , nous avons eu la chance de vous rencontrer depuis mais nous vous felicitons pour la realisation de ce projet qui est toujours operationnel.
courage
Idrissa - Il y a 9 ans
Cet article est très expressif et cette action a tout le mérite d'être soutenue si on sait combien le Niger en a besoin.
Fse - Il y a 9 ans
Très bel article et très belle oeuvre ! C'est une association à soutenir. Bravo !
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