Ciné-patrimoine : quand Jean Gabin et Danielle Delorme tournent sur les bords de Seine à Herblay !

Ciné-patrimoine : nouveau rendez-vous avec Claude Schwab, ermontois et cinéphile invétéré. Il nous invite à découvrir les célèbres films tournés dans notre Vallée de Montmorency.
Aujourd'hui, "Voici le temps des assassins" tourné en partie sur les bords de Seine à Herblay, avec Jean Gabin et Danielle Delorme formidables.

Je vous propose aujourd'hui une petite promenade sur les bords de la Seine, plus précisément quai du Génie à Herblay en nous intéressant plus particulièrement à un film de Julien Duvivier : "Voici le temps des assassins" (1956).
André Chatelin (Jean Gabin) est un restaurateur du quartier des Halles à Paris : cela permet quelques beaux plans sur les anciens pavillons de Baltard, hélas détruits en 1970.
Notons au passage la très habile transition entre décors naturels et reconstitution en studio due au chef décorateur Robert Gys.
Au fil des ans, le restaurant de Chatelin ("Au Rendez-vous des innocents") a acquis une belle renommée et il affiche complet midi et soir : il faut impérativement réserver si l'on veut une table ! Le patron est apprécié de tout le monde, il a le coeur sur la main ce qui ne l'empêche pas de conduire son affaire avec autorité et un indéniable savoir-faire.
Dès le début du film apparaît une très jeune fille Catherine au visage d'ange mais à l'âme bien noire (Danièle Delorme qui était à deux doigts de refuser le rôle, effrayée par la méchanceté du personnage). Elle n'est autre que la fille de l'ancienne épouse d'André Chatelin (Lucienne Bogaert) et les deux femmes ont ourdi une sombre machination pour se venger du restaurateur et s'accaparer ses économies. Chatelin tombe dans le piège et aveuglé par la beauté de Catherine, il épouse celle qui a l'âge d'être sa fille. Le couple part en week-end à Lagny chez Madame Chatelin mère qui tient là-bas une "petite guinguette".
Hé non ! vous l'avez deviné, nous ne sommes pas à Lagny : cette auberge "Au repos du pêcheur" se trouve quai du Génie à Herblay.
Dans la première séquence située dans la guinguette, on danse, on taquine le goujon mais il n'en sera pas de même à la fin du film quand André Chatelin aura enfin les yeux déssillés, ayant découvert le véritable visage de celle qu'il a peut-être un peu trop vite épousée.
Il ne reste plus rien aujourd'hui du bâtiment qui a été remplacé dans les années 70/80 par deux superbes villas idéalement situées face au fleuve, mais dans certains plans du film nous retrouvons l'embarcadère (celui du bac aujourd'hui) et la longue ligne de peupliers sur la rive opposée (voir photos). La route bitumée n'existait pas encore : il y avait seulement un chemin de halage sur lequel va se dérouler une des scènes les plus dramatiques du film.
L'aubergiste est interprétée par Germaine Kerjean qui, née en 1893, n'avait pourtant que 10 ans de plus que Jean Gabin, son fils dans le film. Ne manquez pour rien au monde la scène où, munie d'un fouet de cocher, elle frappe Catherine avec un sadisme non dissimulé !
Mais je ne vous en dis pas plus, vous encourageant à emprunter le délicieux chemin qui longe la Seine entre Herblay et la Frette. Les peintres ne s'y sont pas trompés et les tableaux représentant ce paysage sont nombreux : Marquet, Signac, Maximilien Luce....
Et bien entendu je vous incite aussi à revoir sans modération "Voici le temps des assassins" avec la belle photo d'Armand Thirard (collaborateur habituel de Duvivier), la musique de Jean Wiener, l'interprétation toujours impeccable de Gabin, les intéressants personnages campés par Danièle Delorme et Gérard Blain sans oublier deux des grandes "méchantes" du cinéma français : Lucienne Bogaert et Germaine Kerjean... Noir, c'est noir !
« Duvivier a tourné 57 films, j'en ai vu 23 et j'en ai aimé 8. De tous "Voici le temps des assasins" me semble le meilleur » disait François Truffaut, cité par Serge Toubiana et Antoine de Baeque.

Petit bonus : les bords de Seine à Herblay ont aussi accueilli Sacha Guitry et Jacques Fieschi. C'est face à l'Hostellerie du Passeur, devenue aujourd'hui la Maison du Passeur, que Sacha Guitry fait se rencontrer l'Empereur (Raymond Pellegrin) et le tsar Alexandre dans son "Napoléon" (1955). La scène est censée se passer à Tilsitt sur le Niemen, mais nous sommes désormais habitués à ces "petites facéties " spatiales.
D'autre part, la superbe villa mauresque à l'autre angle du quai et de la rue du Val est la demeure habitée par Maguy (Nathalie Baye) dans "Le Californien" de Jacques Fieschi (2006)