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La langue des signes à l'honneur avec "La famille Bélier" !

Publié le : 22-12-2014

LA FAMILLE BELEIR d'Eric LartigauL'excellent film d'Eric Lartigau met à l'honneur la famille Bélier où tout le monde est sourd sauf Paula âgée de 16 ans. Elle est une interprète indispensable à ses parents au quotidien, notamment pour l’exploitation de la ferme familiale.

En découvrant ce film, j'ai eu aussitôt envie de remettre à l'honneur l'association Vo Sourds 95 qui œuvre dans le Val d'Oise pour aider les personnes sourdes et malentendantes dans leur vie quotidienne, professionnelle mais aussi dans leurs démarches administratives et privées.
Puis nous nous retrouverons les témoignages des acteurs du film "La Famille Bélier", Karin Viard, François Damien et Louane Emera au sujet de la Langue des Signes Française.

 

L'association VO SOURDS 95 favorise la rencontre des communautés sourdes et entendantes !

Je vous propose donc de partir à la rencontre d'Elodie et Catherine Ivandekics, respectivement présidente et secrétaire entendantes de l'association, qui m'ont reçu chaleureusement afin de m'expliquer les nombreuses activités de "VO SOURDS 95" (interview publiée en 2013)

VO SOURDS 95Sur la page d'accueil du site internet VO SOURDS 95 (Version Originale SOURDS Val d'Oise), l'association se donne pour but d'aider les personnes sourdes et malentendantes dans leur vie quotidienne, professionnelle mais aussi dans leurs démarches administratives et privées. Mais elle promet aussi aux communautés sourde et entendante une rencontre entre deux cultures. 

 

Catehrine et Elodie IvandekicsQuestion toute simple pour débuter : comment tout a commencé ? Quel fut de déclic ?
Elodie : Je dirais que tout a commencé dans le métro ! J'ai rencontré un couple de sourds et je ne connaissais rien de leur communauté, je n'avais jamais eu de contact avec des sourds. Eux communiquaient et moi j'étais spectatrice ! C'était incroyable ! Je me suis renseigné et j'ai décidé d'"entrer dans leur monde" en apprenant la langue des signes. Plus tard, une fois que j'ai appris leur langue, j'ai compris qu'ils étaient vraisemblablement en train de se disputer fortement !
Bref, j'ai suivi un cursus de langues à la fac et une formation très intensive à l'Ecole Française de Langue de Signes. Cette formation restera pour moi une étape importante de ma vie.
La première semaine de formation, je rentrais et je pleurais ! Dur d'entrer dans un monde où règne le silence. De 9h à 18h, imaginez un prof sourd qui s'exprime en langue des signes, des élèves entendants qui ne comprennent rien, un silence total dans la salle. Jamais je ne pensais tenir le coup ! Mais en réfléchissant, on se dit que c'est la situation que vivent quotidiennement les sourds ! Puis, progressivement, on prend contact avec la langue, on progresse comme pour l'apprentissage d'une nouvelle langue étrangère.
Aujourd'hui je travaille à EIDC (Ecole Intégrée Danielle Casanova) d'Argenteuil qui inclut des sourds et malentendants dans des "classes dites normales". Je traduis les cours et les échanges entre les profs et les élèves.

Et comment est venue par la suite l'idée de l'association ?
Catherine : Il existe des associations de sourds pour les sourds. Au contraire, nous souhaitions créer une association qui crée un pont entre les entendants et les sourds, que les deux communautés se rencontrent. C'est ainsi que VO SOURDS 95 a vu le jour avec Elodie comme présidente entendante.
La première année, nous étions onze, surtout des entendants. Aujourd'hui, cinq ans plus tard, l'association compte 83 adhérents, 57 sourds et 37 entendants. En tant que secrétaire, je ne m'imaginais pas ne pas communiquer à mon tour avec les sourds et j'a idonc à mon tour appris la Langue des Signes Française (LSF) grâce à l'association. En effet, elle propose un cursus pour apprendre la LSF. C'est une heure et demie par semaine, en soirée afin que tout le monde puisse venir.  C'est un plaisir d'apprendre une nouvelle langue dans un cadre convivial.  C'est une détente, il n'y a pas de notes ! La première année, on acquiert beaucoup de vocabulaire avec l'aide d'images, de BD, puis des bouts de phrases, puis petit à petit on découvre la syntaxe etc. La LSF est une vraie langue à part entière. On découvre que les expressions du visage sont très importantes : par exemple, avec le visage, on peut exprimer un éléphant content, un éléphant triste, etc.

Mais les cours de LSF ne sont pas les seules activités de l'association…
Elodie : En effet, les cours que l'on vient d'évoquer pour le public entendant se passent à Domont dans une salle prêtée gentiment par la mairie, de 19h30 à 21h.
Mais l'association propose aussi une sortie culturelle ou ludique par mois : visite de musée, de châteaux, loto, crêpe party, rallye pédestre etc.
Tous les adhérents sont invités et à chaque fois une trentaine viennent et cela donne des rencontres extraordinaires. En général, certains sourds (ceux qui le peuvent) font l'effort d'oraliser et les entendants signent ! C'est un peu le monde à l'envers. Les sourds parlent et signent en même temps : c'est les mains avant tout, la voix est en plus pour ceux qui pratiquent la LSF
Catherine : Lors d'un rallye pédestre organisé l'année dernière, une entendante ne pratiquant pas la LSF s'est retrouvée dans un groupe composé uniquement de sourds. Elle les appelait, ils n'entendaient rien, elle courait après eux pour leur indiquer un chemin… Elle s'en rappelle encore de cette expérience : elle a simplement vécu ce que eux vivent tous les jours !

Enfin, vous avez mis en place un service interface de rendez-vous ?
Elodie : En effet, on propose aux personnes sourdes qui ont besoin d'un rendez-vous de les accompagner pour les aider. Cela peut être un rendez-vous chez un notaire,  chez le médecin ou tout simplement avec une institutrice pour les réunions de rentrée. Ils prennent rendez-vous avec moi par sms ou email. Et je les accompagne dans leurs démarches. C'est plus un accompagnement que de la traduction pure et simple. Ce service payant est réservé à nos adhérents : ils apprécient tout simplement une aide concrète d'une personne de confiance. N'oublions pas que nous entendants, nous avons des informations qui nous parviennent "naturellement" à nos oreilles (radio, télé, conversations…) ; pour les sourds, il faut qu'ils aillent toujours chercher l'info.
Dans les prochains mois – c'est un scoop que je vous livre – j'aimerais mettre en place un centre de relais pour les sourds. La personne malentendante m'appelle via skype par exemple et de mon côté j'appelle la personne désirée et je traduis en simultanée. Cela permettrait à la personne avec handicap d'avoir une conversation normale avec un de ses proches par exemple.  Je servirais dans ce cas simplement d'interprète en LSF afin que la surdité ne soit plus un handicap insurmontable à l'échange.

Zoom sur la Langue des Signe Française (LSF)
L'Abbé de l'Epée a créé au XVIIIe siècle le premier institut consacré aux jeunes sourds et a eu l'idée d'une nouvelle langue. Mais c'est aux Etats Unis que la Langue des Signes a continué à se développer. En effet, en 1880, au congrès de Milan où l’immense majorité des participants est entendante,  on décrète l’abandon de la langue des signes dans l’enseignement. Trois raisons sont invoquées : la LSF n’est pas une vraie langue, elle ne permet pas de parler de Dieu, et les signes empêchent les sourds de bien respirer, ce qui favorise la tuberculose. Cette interdiction dure près de cent ans, pendant lesquels les professeurs sont entendants et utilisent exclusivement la méthode oraliste. Cependant, malgré l’interdiction de signer en classe, la LSF ne disparaît pas, les sourds se la transmettant de génération en génération, la plupart du temps pendant la récréation. (source wikipedia)
C'est seulement en1991 que la loi Fabius favorise le choix d’une éducation bilingue pour les sourds : LSF et le français écrit et oral !

Quand on parle des sourds, c'est un terme général. Mais il y a plusieurs types de surdité qu'il faut prendre en compte ?
Elodie : Vous avez raison, aucune surdité n'est identique. La surdité peut être génétique ou subvenir à tout âge suite à une maladie comme une méningite.
Pour faire simple, il y a ceux qui n'entendent rien (sourds profonds), ceux qui entendent encore un peu grâce à une prothèse auditive ou bien grâce à un implant. Pour certains, ils comprennent en lisant sur les lèvres, d'autres grâce à la Langue des Signes, d'autres utilisent le LPC, le Langage Parlé Complété qui "accompagne" l'oral en retranscrivant les syllabes avec la main au niveau du visage. Le LPC est moins utilisé et plus mécanique mais sert à certaines personnes pour "compléter" leur oralisation.
Dans notre association, nous avons choisi de privilégier la LSF qui n'est malheureusement pas apprise systématiquement par les sourds.
Quand les deux parents sont sourds, la Langue des signes (LSF) est utilisée. Mais quand une personne sourde vit dans une famille d'entendants, elle apprend souvent à oraliser et à lire sur les lèvres. Certains sourds apprennent la LSF très tard selon qu'ils aient suivi un cursus scolaire normal ou non, selon la volonté des familles etc. Et je vais vous surprendre : la communauté sourde souhaite que l'on arrête le dépistage précoce de la surdité !

En effet c'est surprenant comme position ?
Elodie : Une loi de 2005 préconise le dépistage automatique de la surdité au bout de deux ou trois jours. C'est plutôt bien si tout va bien mais un traumatisme peut apparaître si, au bout de trois jours, le parent apprend que son enfant est sourd. Sentiment de rejet, de culpabilisation et cela fait parfois des dégâts psychologiques.
Autre sujet délicat : l'implant proposé comme solution réparatrice pour que l'enfant ne soit pas sourd. Tout à l'heure, je vous parlais des prothèses auditives qui corrigent partiellement l'audition ; certains "cils" présents dans l'oreille sont détériorés et donc les sons qui sont entendus dans cette zone ne sont plus retranscrits : la prothèse va, en fait, remplacer cette perte là. La prothèse malheureusement amplifie tous les sons mais reste une aide appréciée.
L'implant c'est autre chose : pour simplifier, tous vos cils auditifs de l'oreille sont détruits (actifs et inactifs)  et deux bases sont implantées dont une reliée au cerveau avec un fil électrique. Outre les grosses contraintes imposées par l'implant (éviter certains sports, précautions à prendre pour la douche ou en cas d'orage..) il ne faut jamais oublier le fait que parfois l'implant ne fonctionne pas. Malgré tout, de nombreux enfants sourds dépistés à la naissance sont aujourd'hui implantés. Et implantés ne veut pas dire 100% entendants !
Et la communauté sourde s'inquiète. Les sourds ont une culture, des artistes sourds. Ils ont besoin de modèles sourds. C'est la base pour eux. Je dirais même que c'est une question d'identité.

Enfin avez-vous l'impression que le regard des autres envers les sourds, ces personnes avec handicap, évolue ?
Catherine : Le regard évolue mais cela reste toujours particulier. J'accompagnais récemment une adhérente sourde chez Truffaut et dans les allées du magasin, nous signions pour communiquer et les gens offraient des regards plus surpris que méchants et souvent ne savaient pas quelle attitude adopter.
Elodie : Je me rappelle aussi d'une anecdote qui fait mal : j'étais en compagnie de sourds au Futuroscope et je "signais" avec eux. Le monsieur derrière moi a dit à ses enfants "Il y a même des singes au Futuroscope. Ils vont nous faire perdre du temps à se faire comprendre". Je me suis retourné et je lui ai dit : "Pardon ? " Il a baissé les yeux honteusement devant ses enfants en comprenant sa bêtise !

Grand merci à Catherine et Elodie pour leur grande disponibilité et leur grand cœur !

Contact : Association VO SOURDS 95 vosourds95@free.fr - Tél : 06 82 24 62 15

 

Bonus : propos de Karin Viard, François Damiens et Louane Emera,  acteurs du film "La famille Bélier".

Propos de Karin Viard

CLA FAMILLE BELEIR d'Eric Lartigau'était un défi incroyable de camper une femme sourde…
C’était très difficile ! Je crois que l’un des plus beaux compliments que j’ai reçus, c’est de la part d’Alexeï, notre coach pour la langue des signes, quand il m’a dit « les sourds vont t’adorer ». J’avais une grande responsabilité vis-à-vis des sourds et malentendants et une vraie volonté de ne pas les trahir. Ça a créé une grande tension chez moi. Je ne voulais pas qu’ils se disent que j’étais dans le jeu et dans l’imitation et pas dans la sincérité.

Vous avez un coach moldave pour vous aider dans l'apprentissage de la langue des signes…
François a travaillé avec Fabienne, une coach belge qui lui a appris la langue des signes française. De mon côté, je travaillais avec Alexeï, un professeur d’origine moldave. Je dois dire que je suis assez impressionnée par Alexeï, il a une capacité d’adaptation extraordinaire. D’un pays à l’autre les langues des signes sont différentes, elles n’ont pas la même grammaire, pas la même façon de poser les temps – et lui, en cinq ans, a appris la langue des signes française et est devenu professeur de cette même langue. Cette curiosité incroyable qu’il ressent pour le monde des entendants, il me l’a transmise pour l’univers des sourds.

Cet apprentissage a du être difficile
Difficile mais c’est génial ! Apprendre en six mois une nouvelle langue est une expérience incroyable. Quand on n’a plus la voix pour se faire comprendre et s’exprimer, on utilise son expression, et son corps. Les sourds et malentendants développent dans leur mode d’expression certaines capacités que n’ont pas les entendants, comme une grande mobilité des mains et des poignets. Il y avait donc des mouvements d’enchaînements des signes très rapides et très précis à apprendre. C’était difficile mais tellement excitant... Depuis, j’ai beaucoup perdu.

Qu'est-ce que la langue des signes apporte dans la caractérisation des personnages ?
Ce que je trouve amusant avec la langue des signes, c’est qu’elle révèle quelque chose de soi qui nous échappe : François présente un côté un peu rustre, pataud, qui est très touchant. Quant à mon personnage, à l’inverse, elle est très rapide, elle a un tempérament quasiment hystérique, nerveux, et assez exalté, et je pense au fond que ça correspond à une part de l’intimité de leur couple. Privé de voix, de parole, on découvre autre chose de soi-même – bien ou pas bien, peu importe. Chez François, c’est une timidité profonde avec un sentiment de malaise qui s’exprime. Cette sincérité très forte, rendue possible par la langue des signes, permet à ce couple de très bien fonctionner.

 

Propos de François Damiens

CLA FAMILLE BELEIR d'Eric Lartigauomment s'est passé votre apprentissage de la langue des signes ?
J’ai commencé ma formation en Belgique avec une coach, Fabienne, elle-même en rapport avec Alexeï, le professeur LSF (Lange des Signes Française) qui travaillait sur le film. Cet apprentissage a duré 3 à 4 mois. Elle parlait souvent avec Alexeï des mots qui étaient différents d’un pays à l’autre. J’ai appris les rudiments en langue des signes, puis mes répliques en langue des signes. Il fallait aussi connaître les répliques des autres en langue des signes pour pouvoir communiquer. Car il était important, pour nous tous, que les signes soient les plus justes possible.

C'est un exercice difficile ?
Oui ! Car la construction des phrases est très différente du français. Nos personnages n’étaient pas censés entendre les sons et les bruits, et on a donc commencé à s’exercer avec des boules Quiès, puis on les a enlevées. Il y avait pas mal de paramètres à intégrer, et du coup on a multiplié les répétitions pour être au point. On n’était jamais détendus, car notre marge d’improvisation était très limitée, et tout cela nous a demandé beaucoup de concentration. Il faut dire que ce n’est pas du tout naturel pour moi de m’exprimer avec des signes : en général, j’oublie que je joue et j’improvise... Cette fois, je ne pouvais pas faire de pirouettes et retomber sur mes pattes ! Je devais être très attentif aux répliques de Karin et connaître parfaitement mon texte.
Le contact avec les sourds a été très enrichissant pour moi : j’étais heureux de passer du temps avec eux. On pourrait croire que ce sont eux qui sont un peu gênés lorsqu’ils sont entourés d’entendants, mais en fait c’est l’inverse !

 

Propos de Louane Emera

LA FAMILLE BELEIR d'Eric LartigauQu'est-ce qui vous a plu dans cette expérience ?
C’était avant tout une chance incroyable. C’était également un gros challenge car je n’avais jamais pris de cours de comédie, j’ai fait un an de théâtre au collège sans même jouer le spectacle de fin d’année ! Ça a été beaucoup de travail pour moi mais également un bel apprentissage. L’ambiance d’un tournage est très enrichissante. Et puis j’ai adoré apprendre la langue des signes. Je suis une littéraire, à la base, et ce qui me plaît le plus au lycée ce sont les langues étrangères, ce n’est donc pas étonnant ! Malgré tout avec la langue des signes c’était très différent, c’est une langue peu pratiquée puisqu’elle n’est utilisée que par les sourds et malentendants, mais c’est une langue magnifique qui véhicule beaucoup d’émotions. Elle m’a permis d’entrer en contact avec des gens formidables, je pense notamment à mon professeur de LSF, Alexeï, et à Jennifer, la traductrice. Ils m’ont appris énormément de choses.
(extrait dossier de presse)

LA FAMILLE BELEIR d'Eric LartigauL'excellent film d'Eric Lartigau met à l'honneur la famille Bélier où tout le monde est sourd sauf Paula âgée de 16 ans. Elle est une interprète indispensable à ses parents au quotidien, notamment pour l’exploitation de la ferme familiale.

En découvrant ce film, j'ai eu aussitôt envie de remettre à l'honneur l'association Vo Sourds 95 qui œuvre dans le Val d'Oise pour aider les personnes sourdes et malentendantes dans leur vie quotidienne, professionnelle mais aussi dans leurs démarches administratives et privées.
Puis nous nous retrouverons les témoignages des acteurs du film "La Famille Bélier", Karin Viard, François Damien et Louane Emera au sujet de la Langue des Signes Française.

 

L'association VO SOURDS 95 favorise la rencontre des communautés sourdes et entendantes !

Je vous propose donc de partir à la rencontre d'Elodie et Catherine Ivandekics, respectivement présidente et secrétaire entendantes de l'association, qui m'ont reçu chaleureusement afin de m'expliquer les nombreuses activités de "VO SOURDS 95" (interview publiée en 2013)

VO SOURDS 95Sur la page d'accueil du site internet VO SOURDS 95 (Version Originale SOURDS Val d'Oise), l'association se donne pour but d'aider les personnes sourdes et malentendantes dans leur vie quotidienne, professionnelle mais aussi dans leurs démarches administratives et privées. Mais elle promet aussi aux communautés sourde et entendante une rencontre entre deux cultures. 

 

Catehrine et Elodie IvandekicsQuestion toute simple pour débuter : comment tout a commencé ? Quel fut de déclic ?
Elodie : Je dirais que tout a commencé dans le métro ! J'ai rencontré un couple de sourds et je ne connaissais rien de leur communauté, je n'avais jamais eu de contact avec des sourds. Eux communiquaient et moi j'étais spectatrice ! C'était incroyable ! Je me suis renseigné et j'ai décidé d'"entrer dans leur monde" en apprenant la langue des signes. Plus tard, une fois que j'ai appris leur langue, j'ai compris qu'ils étaient vraisemblablement en train de se disputer fortement !
Bref, j'ai suivi un cursus de langues à la fac et une formation très intensive à l'Ecole Française de Langue de Signes. Cette formation restera pour moi une étape importante de ma vie.
La première semaine de formation, je rentrais et je pleurais ! Dur d'entrer dans un monde où règne le silence. De 9h à 18h, imaginez un prof sourd qui s'exprime en langue des signes, des élèves entendants qui ne comprennent rien, un silence total dans la salle. Jamais je ne pensais tenir le coup ! Mais en réfléchissant, on se dit que c'est la situation que vivent quotidiennement les sourds ! Puis, progressivement, on prend contact avec la langue, on progresse comme pour l'apprentissage d'une nouvelle langue étrangère.
Aujourd'hui je travaille à EIDC (Ecole Intégrée Danielle Casanova) d'Argenteuil qui inclut des sourds et malentendants dans des "classes dites normales". Je traduis les cours et les échanges entre les profs et les élèves.

Et comment est venue par la suite l'idée de l'association ?
Catherine : Il existe des associations de sourds pour les sourds. Au contraire, nous souhaitions créer une association qui crée un pont entre les entendants et les sourds, que les deux communautés se rencontrent. C'est ainsi que VO SOURDS 95 a vu le jour avec Elodie comme présidente entendante.
La première année, nous étions onze, surtout des entendants. Aujourd'hui, cinq ans plus tard, l'association compte 83 adhérents, 57 sourds et 37 entendants. En tant que secrétaire, je ne m'imaginais pas ne pas communiquer à mon tour avec les sourds et j'a idonc à mon tour appris la Langue des Signes Française (LSF) grâce à l'association. En effet, elle propose un cursus pour apprendre la LSF. C'est une heure et demie par semaine, en soirée afin que tout le monde puisse venir.  C'est un plaisir d'apprendre une nouvelle langue dans un cadre convivial.  C'est une détente, il n'y a pas de notes ! La première année, on acquiert beaucoup de vocabulaire avec l'aide d'images, de BD, puis des bouts de phrases, puis petit à petit on découvre la syntaxe etc. La LSF est une vraie langue à part entière. On découvre que les expressions du visage sont très importantes : par exemple, avec le visage, on peut exprimer un éléphant content, un éléphant triste, etc.

Mais les cours de LSF ne sont pas les seules activités de l'association…
Elodie : En effet, les cours que l'on vient d'évoquer pour le public entendant se passent à Domont dans une salle prêtée gentiment par la mairie, de 19h30 à 21h.
Mais l'association propose aussi une sortie culturelle ou ludique par mois : visite de musée, de châteaux, loto, crêpe party, rallye pédestre etc.
Tous les adhérents sont invités et à chaque fois une trentaine viennent et cela donne des rencontres extraordinaires. En général, certains sourds (ceux qui le peuvent) font l'effort d'oraliser et les entendants signent ! C'est un peu le monde à l'envers. Les sourds parlent et signent en même temps : c'est les mains avant tout, la voix est en plus pour ceux qui pratiquent la LSF
Catherine : Lors d'un rallye pédestre organisé l'année dernière, une entendante ne pratiquant pas la LSF s'est retrouvée dans un groupe composé uniquement de sourds. Elle les appelait, ils n'entendaient rien, elle courait après eux pour leur indiquer un chemin… Elle s'en rappelle encore de cette expérience : elle a simplement vécu ce que eux vivent tous les jours !

Enfin, vous avez mis en place un service interface de rendez-vous ?
Elodie : En effet, on propose aux personnes sourdes qui ont besoin d'un rendez-vous de les accompagner pour les aider. Cela peut être un rendez-vous chez un notaire,  chez le médecin ou tout simplement avec une institutrice pour les réunions de rentrée. Ils prennent rendez-vous avec moi par sms ou email. Et je les accompagne dans leurs démarches. C'est plus un accompagnement que de la traduction pure et simple. Ce service payant est réservé à nos adhérents : ils apprécient tout simplement une aide concrète d'une personne de confiance. N'oublions pas que nous entendants, nous avons des informations qui nous parviennent "naturellement" à nos oreilles (radio, télé, conversations…) ; pour les sourds, il faut qu'ils aillent toujours chercher l'info.
Dans les prochains mois – c'est un scoop que je vous livre – j'aimerais mettre en place un centre de relais pour les sourds. La personne malentendante m'appelle via skype par exemple et de mon côté j'appelle la personne désirée et je traduis en simultanée. Cela permettrait à la personne avec handicap d'avoir une conversation normale avec un de ses proches par exemple.  Je servirais dans ce cas simplement d'interprète en LSF afin que la surdité ne soit plus un handicap insurmontable à l'échange.

Zoom sur la Langue des Signe Française (LSF)
L'Abbé de l'Epée a créé au XVIIIe siècle le premier institut consacré aux jeunes sourds et a eu l'idée d'une nouvelle langue. Mais c'est aux Etats Unis que la Langue des Signes a continué à se développer. En effet, en 1880, au congrès de Milan où l’immense majorité des participants est entendante,  on décrète l’abandon de la langue des signes dans l’enseignement. Trois raisons sont invoquées : la LSF n’est pas une vraie langue, elle ne permet pas de parler de Dieu, et les signes empêchent les sourds de bien respirer, ce qui favorise la tuberculose. Cette interdiction dure près de cent ans, pendant lesquels les professeurs sont entendants et utilisent exclusivement la méthode oraliste. Cependant, malgré l’interdiction de signer en classe, la LSF ne disparaît pas, les sourds se la transmettant de génération en génération, la plupart du temps pendant la récréation. (source wikipedia)
C'est seulement en1991 que la loi Fabius favorise le choix d’une éducation bilingue pour les sourds : LSF et le français écrit et oral !

Quand on parle des sourds, c'est un terme général. Mais il y a plusieurs types de surdité qu'il faut prendre en compte ?
Elodie : Vous avez raison, aucune surdité n'est identique. La surdité peut être génétique ou subvenir à tout âge suite à une maladie comme une méningite.
Pour faire simple, il y a ceux qui n'entendent rien (sourds profonds), ceux qui entendent encore un peu grâce à une prothèse auditive ou bien grâce à un implant. Pour certains, ils comprennent en lisant sur les lèvres, d'autres grâce à la Langue des Signes, d'autres utilisent le LPC, le Langage Parlé Complété qui "accompagne" l'oral en retranscrivant les syllabes avec la main au niveau du visage. Le LPC est moins utilisé et plus mécanique mais sert à certaines personnes pour "compléter" leur oralisation.
Dans notre association, nous avons choisi de privilégier la LSF qui n'est malheureusement pas apprise systématiquement par les sourds.
Quand les deux parents sont sourds, la Langue des signes (LSF) est utilisée. Mais quand une personne sourde vit dans une famille d'entendants, elle apprend souvent à oraliser et à lire sur les lèvres. Certains sourds apprennent la LSF très tard selon qu'ils aient suivi un cursus scolaire normal ou non, selon la volonté des familles etc. Et je vais vous surprendre : la communauté sourde souhaite que l'on arrête le dépistage précoce de la surdité !

En effet c'est surprenant comme position ?
Elodie : Une loi de 2005 préconise le dépistage automatique de la surdité au bout de deux ou trois jours. C'est plutôt bien si tout va bien mais un traumatisme peut apparaître si, au bout de trois jours, le parent apprend que son enfant est sourd. Sentiment de rejet, de culpabilisation et cela fait parfois des dégâts psychologiques.
Autre sujet délicat : l'implant proposé comme solution réparatrice pour que l'enfant ne soit pas sourd. Tout à l'heure, je vous parlais des prothèses auditives qui corrigent partiellement l'audition ; certains "cils" présents dans l'oreille sont détériorés et donc les sons qui sont entendus dans cette zone ne sont plus retranscrits : la prothèse va, en fait, remplacer cette perte là. La prothèse malheureusement amplifie tous les sons mais reste une aide appréciée.
L'implant c'est autre chose : pour simplifier, tous vos cils auditifs de l'oreille sont détruits (actifs et inactifs)  et deux bases sont implantées dont une reliée au cerveau avec un fil électrique. Outre les grosses contraintes imposées par l'implant (éviter certains sports, précautions à prendre pour la douche ou en cas d'orage..) il ne faut jamais oublier le fait que parfois l'implant ne fonctionne pas. Malgré tout, de nombreux enfants sourds dépistés à la naissance sont aujourd'hui implantés. Et implantés ne veut pas dire 100% entendants !
Et la communauté sourde s'inquiète. Les sourds ont une culture, des artistes sourds. Ils ont besoin de modèles sourds. C'est la base pour eux. Je dirais même que c'est une question d'identité.

Enfin avez-vous l'impression que le regard des autres envers les sourds, ces personnes avec handicap, évolue ?
Catherine : Le regard évolue mais cela reste toujours particulier. J'accompagnais récemment une adhérente sourde chez Truffaut et dans les allées du magasin, nous signions pour communiquer et les gens offraient des regards plus surpris que méchants et souvent ne savaient pas quelle attitude adopter.
Elodie : Je me rappelle aussi d'une anecdote qui fait mal : j'étais en compagnie de sourds au Futuroscope et je "signais" avec eux. Le monsieur derrière moi a dit à ses enfants "Il y a même des singes au Futuroscope. Ils vont nous faire perdre du temps à se faire comprendre". Je me suis retourné et je lui ai dit : "Pardon ? " Il a baissé les yeux honteusement devant ses enfants en comprenant sa bêtise !

Grand merci à Catherine et Elodie pour leur grande disponibilité et leur grand cœur !

Contact : Association VO SOURDS 95 vosourds95@free.fr - Tél : 06 82 24 62 15

 

Bonus : propos de Karin Viard, François Damiens et Louane Emera,  acteurs du film "La famille Bélier".

Propos de Karin Viard

CLA FAMILLE BELEIR d'Eric Lartigau'était un défi incroyable de camper une femme sourde…
C’était très difficile ! Je crois que l’un des plus beaux compliments que j’ai reçus, c’est de la part d’Alexeï, notre coach pour la langue des signes, quand il m’a dit « les sourds vont t’adorer ». J’avais une grande responsabilité vis-à-vis des sourds et malentendants et une vraie volonté de ne pas les trahir. Ça a créé une grande tension chez moi. Je ne voulais pas qu’ils se disent que j’étais dans le jeu et dans l’imitation et pas dans la sincérité.

Vous avez un coach moldave pour vous aider dans l'apprentissage de la langue des signes…
François a travaillé avec Fabienne, une coach belge qui lui a appris la langue des signes française. De mon côté, je travaillais avec Alexeï, un professeur d’origine moldave. Je dois dire que je suis assez impressionnée par Alexeï, il a une capacité d’adaptation extraordinaire. D’un pays à l’autre les langues des signes sont différentes, elles n’ont pas la même grammaire, pas la même façon de poser les temps – et lui, en cinq ans, a appris la langue des signes française et est devenu professeur de cette même langue. Cette curiosité incroyable qu’il ressent pour le monde des entendants, il me l’a transmise pour l’univers des sourds.

Cet apprentissage a du être difficile
Difficile mais c’est génial ! Apprendre en six mois une nouvelle langue est une expérience incroyable. Quand on n’a plus la voix pour se faire comprendre et s’exprimer, on utilise son expression, et son corps. Les sourds et malentendants développent dans leur mode d’expression certaines capacités que n’ont pas les entendants, comme une grande mobilité des mains et des poignets. Il y avait donc des mouvements d’enchaînements des signes très rapides et très précis à apprendre. C’était difficile mais tellement excitant... Depuis, j’ai beaucoup perdu.

Qu'est-ce que la langue des signes apporte dans la caractérisation des personnages ?
Ce que je trouve amusant avec la langue des signes, c’est qu’elle révèle quelque chose de soi qui nous échappe : François présente un côté un peu rustre, pataud, qui est très touchant. Quant à mon personnage, à l’inverse, elle est très rapide, elle a un tempérament quasiment hystérique, nerveux, et assez exalté, et je pense au fond que ça correspond à une part de l’intimité de leur couple. Privé de voix, de parole, on découvre autre chose de soi-même – bien ou pas bien, peu importe. Chez François, c’est une timidité profonde avec un sentiment de malaise qui s’exprime. Cette sincérité très forte, rendue possible par la langue des signes, permet à ce couple de très bien fonctionner.

 

Propos de François Damiens

CLA FAMILLE BELEIR d'Eric Lartigauomment s'est passé votre apprentissage de la langue des signes ?
J’ai commencé ma formation en Belgique avec une coach, Fabienne, elle-même en rapport avec Alexeï, le professeur LSF (Lange des Signes Française) qui travaillait sur le film. Cet apprentissage a duré 3 à 4 mois. Elle parlait souvent avec Alexeï des mots qui étaient différents d’un pays à l’autre. J’ai appris les rudiments en langue des signes, puis mes répliques en langue des signes. Il fallait aussi connaître les répliques des autres en langue des signes pour pouvoir communiquer. Car il était important, pour nous tous, que les signes soient les plus justes possible.

C'est un exercice difficile ?
Oui ! Car la construction des phrases est très différente du français. Nos personnages n’étaient pas censés entendre les sons et les bruits, et on a donc commencé à s’exercer avec des boules Quiès, puis on les a enlevées. Il y avait pas mal de paramètres à intégrer, et du coup on a multiplié les répétitions pour être au point. On n’était jamais détendus, car notre marge d’improvisation était très limitée, et tout cela nous a demandé beaucoup de concentration. Il faut dire que ce n’est pas du tout naturel pour moi de m’exprimer avec des signes : en général, j’oublie que je joue et j’improvise... Cette fois, je ne pouvais pas faire de pirouettes et retomber sur mes pattes ! Je devais être très attentif aux répliques de Karin et connaître parfaitement mon texte.
Le contact avec les sourds a été très enrichissant pour moi : j’étais heureux de passer du temps avec eux. On pourrait croire que ce sont eux qui sont un peu gênés lorsqu’ils sont entourés d’entendants, mais en fait c’est l’inverse !

 

Propos de Louane Emera

LA FAMILLE BELEIR d'Eric LartigauQu'est-ce qui vous a plu dans cette expérience ?
C’était avant tout une chance incroyable. C’était également un gros challenge car je n’avais jamais pris de cours de comédie, j’ai fait un an de théâtre au collège sans même jouer le spectacle de fin d’année ! Ça a été beaucoup de travail pour moi mais également un bel apprentissage. L’ambiance d’un tournage est très enrichissante. Et puis j’ai adoré apprendre la langue des signes. Je suis une littéraire, à la base, et ce qui me plaît le plus au lycée ce sont les langues étrangères, ce n’est donc pas étonnant ! Malgré tout avec la langue des signes c’était très différent, c’est une langue peu pratiquée puisqu’elle n’est utilisée que par les sourds et malentendants, mais c’est une langue magnifique qui véhicule beaucoup d’émotions. Elle m’a permis d’entrer en contact avec des gens formidables, je pense notamment à mon professeur de LSF, Alexeï, et à Jennifer, la traductrice. Ils m’ont appris énormément de choses.
(extrait dossier de presse)

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