A Saint-Leu, Isabelle Barbot nous fait découvrir son métier : doreuse !

Les 5 et 6 avril prochains ont lieu les Journées Européennes des Métiers d'Art. A cette occasion, à Saint-Leu-la-Forêt, 4 créateurs ont décidé d'ouvrir la porte de leurs ateliers. Avant ce rendez-vous incontournable, je vous propose au cours de ce mois de mars de faire connaissance avec ces artisans qui méritent d'être découverts et soutenus dans leur démarche.

Après avoir rencontré Tanja, créatrice de patchworks personnalisés, Eva vitrailliste et Denis menuisier, j'ai pris la direction de l'atelier Isadorure où m'attendait la doreuse Isabelle Barbot. Pleins feux sur ce métier d'art méconnu qui mérite d'être redécouvert !

Doreuse, c'est un métier rare ?
C'est vrai, c''est un métier d'art qui tend à disparaître. Dans le Val d'Oise, nous étions quatre quand j'ai débuté. Aujourd'hui, je ne suis pas sûre qu'on soit encore deux !
Pour ma part, je fais deux métiers que je qualifierais de complémentaires : la dorure, la restauration et l'encadrement.
En ce qui concerne la dorure, c'est une technique d'ornement. Il existe des CAP qui préparent aux métiers de doreur. Mais la dorure, c'est la phase finale du travail. Avant cela, il y a la phase de restauration et de préparation à la dorure. Et c'est valable pour tous les objets sur lesquels on travaille : les cadres, les tours de glace, les statues, les sièges, les ornements muraux etc.

Quels sont les personnes qui font appel à vos services ?
Les personnes viennent souvent me voir pour savoir SI des cadres abimés méritent d'être restaurés ou bien ils ne sont pas contents d'un encadrement mal fait. Ce sont des personnes qui ont reçu un héritage ou qui ont chiné dans les brocantes ou sur internet. Le site Ebay recèle encore quelques trésors.
Je travaille aussi avec les antiquaires qui participent aux grandes foires comme celles de Bastille à Paris ou bien celles de Chantilly ou Reims. Ils m'apportent leurs objets afin que je les restaure pour être ensuite vendus.

En quoi consiste précisément l'étape de restauration ?
La restauration c'est, si j'ose dire, refaire tout ce qui manque. Par exemple, pour une glace d'ornement que j'ai reçue récemment, je dois resculpter un ornement en bois. Je ne suis pas sculpteur sur bois, je réalise que les petites pièces en bois, sinon je fais appel à un professionnel. Quand on restaure du plâtre, on rebouche pour retrouver les lignes d'origine.
La déontologie dans ce métier, c'est de restaurer en bois ce qui est en bois et si c'est du plâtre on restaure en plâtre.

Après la restauration, comment applique-t-on l'or ?
Pas si vite ! Il y a encore une étape indispensable à respecter. Il faut appliquer au pinceau "l'assiette" rouge composée d'argile avec de la colle de peau de lapin. On appelle ce revêtement l'assiette car il est appelé à accueillir les feuilles d'or comme l'assiette accueille les aliments.
Ensuite, une fois l'assiette posée, elle sèche. On la fait briller et elle est prête à recevoir la feuille d'or. Et attention, on ne peut manipuler la feuille d'or avec les mains sinon il se désagrège. Par conséquent on dépose la feuille du carnet d'or sans la toucher sur un coussin à dorer et ensuite on peut la couper et l'appliquer avec une pince spéciale sur le cadre ou autre surface à dorer. Tous les morceaux se chevauchent afin qu'aucune surface ne soit oubliée. Ensuite, avec ma pierre d'agate, je fais briller l'or mais pas de manière uniforme. Souvent les parties saillantes sont brillantes et celles plus intérieures restent mates.
Ensuite mon travail consiste à accélérer le vieillissement !  Je m'explique : je dois redonner un aspect ancien à un objet restauré. Les clients veulent généralement que l'on voie l'assiette (de teinte rouge), qu'on aperçoive les chevauchements des feuilles d'or. Sinon, c'est trop clinquant ! C'est une question de culture. Ici, l''œil est habitué à voir une dorure usée. Il n'y a que dans les pays du Moyen Orient ou Proche Orient que l'on souhaite du clinquant car c'est dans la culture de ces pays.
Amusez-vous à regarder les cadres dorés dans les musées : on voit très souvent les chevauchements des feuilles d'or. On voit donc que cela a été fait avec de l'or fin. Ce n'est pas de la peinture !

Utilisez-vous plusieurs types d'or ?
C'est vrai, il existe plusieurs feuilles d'or de différents carats. En général, l'or de restauration est à 23 carats. Mais si c'est un "or jaune", j'applique une feuille à 18 carats, plus fine, qu'on ne peut pas trop user car elle est plus fragile. Les feuilles d'or de restauration, plus épaisses, sont plus faciles à travailler.

Pour tous ceux qui aimeraient devenir doreur, quelles sont les qualités requises ?
C'est de moins en moins demandé en apprentissage ! Aujourd'hui, c'est plutôt l'ébénisterie, la restauration de tableaux… Pour ma part, après mon CAP, j'ai appris le métier chez un doreur.
Pour faire ce métier, je dirais qu'il faut évidemment être manuel, très très méticuleux et aimer travailler dans la poussière. En effet, c'est paradoxal : pour appliquer l'or, il faut une extrême propreté sinon la feuille ne tient pas mais toutes les étapes précédentes entrainent beaucoup de poussière !!

Vous travaillez plus la dorure sur bois ou sur plâtre ?
Je travaille de plus en plus le plâtre.  La majorité des cadres sont en plâtre. N'oubliez pas que depuis 1860, c'est le plâtre qui a été utilisé. C'est à cette date que l'on a commencé à fabriquer de façon industrielle et que la déco est arrivée d'abord chez les bourgeois puis s'est démocratisée dans tous les foyers.
Mais la technique reste la même que ce soit sur le bois ou le plâtre. Et ce que l'on ne sait pas toujours, il faut toujours du plâtre sur le bois sinon la feuille d'or n'accroche pas. Parfois des gens se trouvent déçus en apercevant la couche fine de plâtre sur le cadre en bois ! C'est la même chose sous les grandes peintures décoratives à la mode pendant l'époque napoléonienne.

Enfin, qu'attendez-vous des Journées Européennes des Métiers d'Art ?
Un moment de partage ! Lors des journées "Tout feu tout flamme", le public aime découvrir mon métier car j'ouvre aussi à cette occasion mon atelier.
Les 5 et 6 avril, je serai accompagné d'une amie qui est restauratrice de tableaux. Nous effectuerons des démonstrations de nos métiers.

Rendez-vous est pris pour ce premier week-end d'avril ! Merci à Isabelle pour sa disponibilité et ses explications très intéressantes.

Contact : Isadorrure 38 rue du Général Leclerc Saint-Leu-la-Forêt. Tél : 0139600726