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Rencontre avec Boris Lojkine autour de son film "Hope"

HOPE de Boris LojkineSéverine Rocaboy et son équipe des "Toiles" de Saint-Gratien accueillent Boris Lojnik pour son film "Hope". Une occasion de découvrir la vie et le rêve des migrants africains. Un film-événement à ne pas manquer !
Mardi 3 février 2015 à 20h30 – Cinéma Les Toiles place François Truffaut Saint-Gratien - Prévente à la caisse du cinéma dès le mercredi 28 janvier 2015.

Zoom sur "Hope" de Boris Lojkine

L'histoire
En route vers l’Europe, Hope rencontre Léonard. Elle a besoin d’un protecteur, il n’a pas le cœur de l’abandonner. Dans un monde hostile où chacun doit rester avec les siens, ils vont tenter d’avancer ensemble, et de s’aimer.
Un film de Boris Lojkine avec Justin Wang, Endurance Newton, Dieudonné Bertrand Balo’o.

 

Bande-annonce du film

Bande-annonce de HOPE de Boris Lojkine

 

Bonus : propos de Boris Lojkine, réalisateur du film.

Pourquoi ce sujet ?
Raconter ma vie ou celle des gens de mon milieu ne m’intéresse pas. Cela ne me donne aucun désir de cinéma. J’ai besoin d’aventure, d’un souffle. Ce qui m’intéresse, c’est de raconter des vies traversées par quelque chose de plus grand qu’elles, que ce soient les vies marquées par la guerre de mes deux HOPE de Boris Lojkinedocumentaires tournés au Vietnam, ou bien ici, dans "Hope", les vies emportées par la grande vague de la migration.
L’aventure a changé de camp. Elle n’est plus du côté des Européens explorant des contrées sauvages. Le temps des Indiana Jones est révolu ! Les aventuriers d’aujourd’hui, ce sont les hommes et les femmes qui, du Sud, partent à la conquête du Nord. Quand les migrants racontent leurs voyages, ils parlent d’espaces immenses peuplés de bandits, de contrées inconnues aux mœurs étranges. Ils déploient une géographie héroïque qui n’est pas la géographie objective des atlas. Leurs aventures semblent appartenir à un autre temps. Et pourtant ces gens appartiennent bien à notre monde. La preuve : ils s’échouent sur nos côtes.

Pourquoi avoir choisi d'aborder ce sujet par la fiction ?
Je suis venu au cinéma par le documentaire, après dix ans de philosophie. Faire un film, pour moi, c’est toujours raconter le monde, et de préférence sa face cachée, le Sud, celle qui est la moins racontée.
Il y avait déjà dans mes documentaires une envie de fiction, une dimension romanesque en tout cas. Il n’y avait donc qu’un pas à franchir, la fiction était le prolongement naturel de mon envie de cinéma. Ce que je cherche dans mes films, c’est de faire éprouver au spectateur une empathie pour des personnages qui de prime abord semblent très loin de lui. A cet égard, la fiction permet d’aller plus loin, elle propose une expérience émotionnelle plus directe. Mais pour autant je ne veux pas oublier ce que j’ai appris dans le documentaire qui a été pour moi une formidable école de vie, d’humilité et de regard.

Comment avez-vous procédé à l'écriture du scénario ?
J’ai d’abord lu tout ce qu’on pouvait trouver sur le sujet, des enquêtes de journalistes, des récits de migrants, des rapports d’ONG, des articles d’ethnologues. J’ai trouvé des photos, des reportages, des bouts de films… ça m’a donné une matière énorme à partir de laquelle j’ai commencé à écrire. J’ai construit un scénario classique, avec une dramaturgie serrée, des rebondissements, du suspense. Mais quand je suis allé sur le terrain, je me suis rendu compte que j’étais à côté du réel. Ce que je voyais ne cadrait pas avec ce que j’avais raconté. Alors j’ai tout réécrit, parce qu’on ne fait pas un film HOPE de Boris Lojkinesur un sujet pareil pour raconter des choses fausses.
Le processus a donc été long, mais je ne le regrette pas, car il me fallait ces deux dimensions. D’une part la recherche documentaire, pour amener dans le film tout un réel riche, surprenant, inédit. Mais aussi une vraie écriture de fiction qui nous décolle du documentaire et puisse nous emporter.

On découvre dans votre film un monde communautaire que l'on n'avait jamais vu.
C’est ce qui m’a le plus frappé lorsque j’ai commencé à faire du terrain, cette dimension incroyablement communautaire de la migration. Vus de chez nous, les migrants sont tous des Africains, on les met tous dans le même sac. Mais eux font bien la distinction : ils se voient comme Camerounais, Sénégalais, Nigérians, Congolais, Ivoiriens.... Quand ils se croisent, ils s’identifient tout de suite. Par la langue évidemment, mais également par l’apparence.
Sur la route, les communautés ne se mélangent pas. Chacune a son organisation propre. Dans chaque ville étape, par exemple Tamanrasset, la première ville algérienne sur la route après la traversée du Sahara, vous allez trouver un ghetto camerounais, un ghetto nigérian, un ghetto guinéen, etc... Chacun reste avec les siens. Malheur à celui qui se trompe de porte ! Chaque ghetto est très bien organisé, avec un « gouvernement » dirigé par un « chairman », avec un « « ommissaire », un « secrétaire général », des « policiers ». Le chairman est le chef de la communauté, il rend la justice et maintient l’ordre, un peu comme un chef de village traditionnel, mais souvent il se mue en bandit mafieux, il rançonne ceux qui passent entre ses mains, abuse des femmes. Ce monde des ghettos est un monde terrible, un monde souterrain qui a ses lois propres. J’ai essayé d’en faire comprendre le fonctionnement car c’est sur cette toile de fond que l’histoire que je raconte prend son sens.

Votre film se mue lentement en une histoire d'amour…
Ce qui a tout changé, dans mon chemin vers ce film, c’est ma rencontre avec des femmes migrantes.  J’avais beaucoup lu sur la condition des femmes sur la route, mais rien qui m’ait préparé à ce que j’ai ressenti en parlant directement avec elles. Toutes ces femmes avaient, d’une manière ou d’une autre, connu la prostitution. Et toutes étaient profondément blessées, certaines même complètement détruites. Elles m’ont bouleversé. Après ça, vous ne pouvez plus compatir avec un migrant qui vous dit, comme je l’ai souvent entendu, que la route est plus dure pour les hommes, parce que « les femmes, elles, peuvent toujours se débrouiller ».
Le film raconte donc le problème qu’une femme, Hope, pose à un homme, qui au départ n’est pas meilleur qu’un autre, mais qui va devoir, à cause de cette femme, pour cette femme, puiser dans les ressources de son humanité.
Est-ce une histoire d’amour ? Sans doute, mais ce n’est pas une histoire de coup de foudre ou de passion. Il n’y aurait eu aucun sens à plaquer un schéma romantique sur un monde où il n’a pas cours. Pendant les deux tiers du film, Léonard et Hope parlent plus d’argent que de sentiments. Ils s’accrochent l’un à l’autre sans le désirer. Et ce n’est peut-être qu’à la fin, lorsque le film s’achève, qu’on peut se dire qu’on a vu un film d’amour.
Pour moi, cela fait tout l’intérêt de cette histoire d’amour. Que ce couple ne ressemble à aucun autre, que leurs gestes miment si peu la romance attendue. C’est ce qui me touche chez eux.

Pourquoi ce titre, "Hope" ?
C’est d’abord le nom de l’héroïne. Si ce n’était pas un prénom courant au Nigéria, je n’aurais jamais appelé mon film ainsi. Mais l’espoir est aussi ce qui structure ce monde de la migration. Sans le rêve d’une autre vie, sans cette mythologie de l’Eldorado européen, personne ne partirait.
Certes nous savons que ce qui les attend ici n’est pas une vie facile, que l’Europe n’est pas réellement un paradis. Mais on ne peut pas voir les choses de manière purement économique. Les Africains qui prennent la route se considèrent comme des « aventuriers » qui « sortent du pays pour se chercher ». Ce n’est pas la misère qui les pousse. Mais le sentiment que là où ils sont, rien ne peut se passer, que le temps s’y déroule immobile, loin HOPE de Boris Lojkinedu centre. Dans notre monde globalisé, Yaoundé est une sorte de province, une périphérie. On n’y meurt pas de faim. Mais si vous voulez conquérir votre destin, accomplir quelque chose, alors il faut prendre la route. Voilà pourquoi aucune barrière ne peut les décourager. On ne peut pas empêcher un jeune homme entreprenant de vouloir vivre sa vie.

Comment avez-vous choisi les comédiens ?

Il n’y a pas un seul comédien professionnel dans le film. Tous les interprètes sont des vrais migrants qui n’avaient jamais joué. Bien sûr, c’est un choix qui implique un risque, ce n’est pas très rassurant pour la production, mais je crois que c’était le seul possible. Tous ces acteurs apportent une authenticité que je n’aurais pu obtenir autrement. Ils sont arrivés sur le tournage avec leur vécu, leur gestuelle inimitable. Et bien sûr avec leurs langues : le « francamerounais », le « broken english » des Nigérians, l’argot de la route, des expressions que je n’aurais jamais pu inventer. A travers toutes ces langues (il y en a neuf dans le film), on entend vraiment l’Afrique d’aujourd’hui, l’Afrique des grandes métropoles, de la rue, des quartiers pauvres.
Pour trouver Léonard, j’ai écumé les ghettos camerounais de Rabat. Pour Hope, ça a été encore plus compliqué, car la plupart des Nigérianes au Maroc ne sont pas libres, elles ont des « patrons ». J’ai frayé avec les maquereaux et tous les dimanches j’allais dans les églises nigérianes clandestines, avec la complicité des pasteurs. Tout le casting a été une plongée dans les bas-fonds de la migration.
Justin et Endurance qui jouent les premiers rôles dégagent une émotion qui m’a séduit tout de suite. Justin est un timide, son visage exprime beaucoup d’intériorité. Endurance est à la fois dure, comme ces femmes africaines qui ne s’en laissent plus compter, et en même temps elle a quelque chose d’enfantin, qui peut être très désarmant. Pour jouer les rôles secondaires, je voulais des personnes qui sachent vraiment ce qu’est la violence, qui ne l’abordent pas comme des acteurs. Parmi les interprètes, on a des bandits, d’anciens trafiquants, des aventuriers de tous poils. Le faussaire Monopoly a vraiment été faussaire et le chairman nigérian a vraiment été chairman à Tamanrasset.

HOPE de Boris LojkineQue sont devenus les acteurs ?
Pour la plupart, ils sont encore au Maroc, même si certains commencent à arriver clandestinement en Europe... Grâce à l’argent gagné sur le tournage, Justin est retourné au Cameroun. Il voulait revoir sa mère qu’il n’avait pas vue depuis l’adolescence, et refaire ses papiers d’identité. Aujourd’hui il veut retourner légalement au Maroc et ouvrir un petit commerce de produits africains.
Endurance a envoyé l’argent qu’elle a gagné à sa famille au Nigeria et vit toujours dans le faubourg de Casablanca où je l’ai rencontrée. Chaque fois que je lui parle au téléphone, elle me dit qu’il n’y a rien pour elle au Maroc, qu’elle va prendre un zodiac pour l’Europe... C’est effrayant !
Dès le début de notre relation, je leur ai dit que je n’avais pas le pouvoir de changer leur vie, que ce n’était qu’une expérience... mais bien sûr je me sens une responsabilité. C’est un souci permanent. Alors, avec mes maigres moyens, je fais ce que je peux.
(extrait dossier de presse)

HOPE de Boris LojkineSéverine Rocaboy et son équipe des "Toiles" de Saint-Gratien accueillent Boris Lojnik pour son film "Hope". Une occasion de découvrir la vie et le rêve des migrants africains. Un film-événement à ne pas manquer !
Mardi 3 février 2015 à 20h30 – Cinéma Les Toiles place François Truffaut Saint-Gratien - Prévente à la caisse du cinéma dès le mercredi 28 janvier 2015.

Zoom sur "Hope" de Boris Lojkine

L'histoire
En route vers l’Europe, Hope rencontre Léonard. Elle a besoin d’un protecteur, il n’a pas le cœur de l’abandonner. Dans un monde hostile où chacun doit rester avec les siens, ils vont tenter d’avancer ensemble, et de s’aimer.
Un film de Boris Lojkine avec Justin Wang, Endurance Newton, Dieudonné Bertrand Balo’o.

 

Bande-annonce du film

Bande-annonce de HOPE de Boris Lojkine

 

Bonus : propos de Boris Lojkine, réalisateur du film.

Pourquoi ce sujet ?
Raconter ma vie ou celle des gens de mon milieu ne m’intéresse pas. Cela ne me donne aucun désir de cinéma. J’ai besoin d’aventure, d’un souffle. Ce qui m’intéresse, c’est de raconter des vies traversées par quelque chose de plus grand qu’elles, que ce soient les vies marquées par la guerre de mes deux HOPE de Boris Lojkinedocumentaires tournés au Vietnam, ou bien ici, dans "Hope", les vies emportées par la grande vague de la migration.
L’aventure a changé de camp. Elle n’est plus du côté des Européens explorant des contrées sauvages. Le temps des Indiana Jones est révolu ! Les aventuriers d’aujourd’hui, ce sont les hommes et les femmes qui, du Sud, partent à la conquête du Nord. Quand les migrants racontent leurs voyages, ils parlent d’espaces immenses peuplés de bandits, de contrées inconnues aux mœurs étranges. Ils déploient une géographie héroïque qui n’est pas la géographie objective des atlas. Leurs aventures semblent appartenir à un autre temps. Et pourtant ces gens appartiennent bien à notre monde. La preuve : ils s’échouent sur nos côtes.

Pourquoi avoir choisi d'aborder ce sujet par la fiction ?
Je suis venu au cinéma par le documentaire, après dix ans de philosophie. Faire un film, pour moi, c’est toujours raconter le monde, et de préférence sa face cachée, le Sud, celle qui est la moins racontée.
Il y avait déjà dans mes documentaires une envie de fiction, une dimension romanesque en tout cas. Il n’y avait donc qu’un pas à franchir, la fiction était le prolongement naturel de mon envie de cinéma. Ce que je cherche dans mes films, c’est de faire éprouver au spectateur une empathie pour des personnages qui de prime abord semblent très loin de lui. A cet égard, la fiction permet d’aller plus loin, elle propose une expérience émotionnelle plus directe. Mais pour autant je ne veux pas oublier ce que j’ai appris dans le documentaire qui a été pour moi une formidable école de vie, d’humilité et de regard.

Comment avez-vous procédé à l'écriture du scénario ?
J’ai d’abord lu tout ce qu’on pouvait trouver sur le sujet, des enquêtes de journalistes, des récits de migrants, des rapports d’ONG, des articles d’ethnologues. J’ai trouvé des photos, des reportages, des bouts de films… ça m’a donné une matière énorme à partir de laquelle j’ai commencé à écrire. J’ai construit un scénario classique, avec une dramaturgie serrée, des rebondissements, du suspense. Mais quand je suis allé sur le terrain, je me suis rendu compte que j’étais à côté du réel. Ce que je voyais ne cadrait pas avec ce que j’avais raconté. Alors j’ai tout réécrit, parce qu’on ne fait pas un film HOPE de Boris Lojkinesur un sujet pareil pour raconter des choses fausses.
Le processus a donc été long, mais je ne le regrette pas, car il me fallait ces deux dimensions. D’une part la recherche documentaire, pour amener dans le film tout un réel riche, surprenant, inédit. Mais aussi une vraie écriture de fiction qui nous décolle du documentaire et puisse nous emporter.

On découvre dans votre film un monde communautaire que l'on n'avait jamais vu.
C’est ce qui m’a le plus frappé lorsque j’ai commencé à faire du terrain, cette dimension incroyablement communautaire de la migration. Vus de chez nous, les migrants sont tous des Africains, on les met tous dans le même sac. Mais eux font bien la distinction : ils se voient comme Camerounais, Sénégalais, Nigérians, Congolais, Ivoiriens.... Quand ils se croisent, ils s’identifient tout de suite. Par la langue évidemment, mais également par l’apparence.
Sur la route, les communautés ne se mélangent pas. Chacune a son organisation propre. Dans chaque ville étape, par exemple Tamanrasset, la première ville algérienne sur la route après la traversée du Sahara, vous allez trouver un ghetto camerounais, un ghetto nigérian, un ghetto guinéen, etc... Chacun reste avec les siens. Malheur à celui qui se trompe de porte ! Chaque ghetto est très bien organisé, avec un « gouvernement » dirigé par un « chairman », avec un « « ommissaire », un « secrétaire général », des « policiers ». Le chairman est le chef de la communauté, il rend la justice et maintient l’ordre, un peu comme un chef de village traditionnel, mais souvent il se mue en bandit mafieux, il rançonne ceux qui passent entre ses mains, abuse des femmes. Ce monde des ghettos est un monde terrible, un monde souterrain qui a ses lois propres. J’ai essayé d’en faire comprendre le fonctionnement car c’est sur cette toile de fond que l’histoire que je raconte prend son sens.

Votre film se mue lentement en une histoire d'amour…
Ce qui a tout changé, dans mon chemin vers ce film, c’est ma rencontre avec des femmes migrantes.  J’avais beaucoup lu sur la condition des femmes sur la route, mais rien qui m’ait préparé à ce que j’ai ressenti en parlant directement avec elles. Toutes ces femmes avaient, d’une manière ou d’une autre, connu la prostitution. Et toutes étaient profondément blessées, certaines même complètement détruites. Elles m’ont bouleversé. Après ça, vous ne pouvez plus compatir avec un migrant qui vous dit, comme je l’ai souvent entendu, que la route est plus dure pour les hommes, parce que « les femmes, elles, peuvent toujours se débrouiller ».
Le film raconte donc le problème qu’une femme, Hope, pose à un homme, qui au départ n’est pas meilleur qu’un autre, mais qui va devoir, à cause de cette femme, pour cette femme, puiser dans les ressources de son humanité.
Est-ce une histoire d’amour ? Sans doute, mais ce n’est pas une histoire de coup de foudre ou de passion. Il n’y aurait eu aucun sens à plaquer un schéma romantique sur un monde où il n’a pas cours. Pendant les deux tiers du film, Léonard et Hope parlent plus d’argent que de sentiments. Ils s’accrochent l’un à l’autre sans le désirer. Et ce n’est peut-être qu’à la fin, lorsque le film s’achève, qu’on peut se dire qu’on a vu un film d’amour.
Pour moi, cela fait tout l’intérêt de cette histoire d’amour. Que ce couple ne ressemble à aucun autre, que leurs gestes miment si peu la romance attendue. C’est ce qui me touche chez eux.

Pourquoi ce titre, "Hope" ?
C’est d’abord le nom de l’héroïne. Si ce n’était pas un prénom courant au Nigéria, je n’aurais jamais appelé mon film ainsi. Mais l’espoir est aussi ce qui structure ce monde de la migration. Sans le rêve d’une autre vie, sans cette mythologie de l’Eldorado européen, personne ne partirait.
Certes nous savons que ce qui les attend ici n’est pas une vie facile, que l’Europe n’est pas réellement un paradis. Mais on ne peut pas voir les choses de manière purement économique. Les Africains qui prennent la route se considèrent comme des « aventuriers » qui « sortent du pays pour se chercher ». Ce n’est pas la misère qui les pousse. Mais le sentiment que là où ils sont, rien ne peut se passer, que le temps s’y déroule immobile, loin HOPE de Boris Lojkinedu centre. Dans notre monde globalisé, Yaoundé est une sorte de province, une périphérie. On n’y meurt pas de faim. Mais si vous voulez conquérir votre destin, accomplir quelque chose, alors il faut prendre la route. Voilà pourquoi aucune barrière ne peut les décourager. On ne peut pas empêcher un jeune homme entreprenant de vouloir vivre sa vie.

Comment avez-vous choisi les comédiens ?

Il n’y a pas un seul comédien professionnel dans le film. Tous les interprètes sont des vrais migrants qui n’avaient jamais joué. Bien sûr, c’est un choix qui implique un risque, ce n’est pas très rassurant pour la production, mais je crois que c’était le seul possible. Tous ces acteurs apportent une authenticité que je n’aurais pu obtenir autrement. Ils sont arrivés sur le tournage avec leur vécu, leur gestuelle inimitable. Et bien sûr avec leurs langues : le « francamerounais », le « broken english » des Nigérians, l’argot de la route, des expressions que je n’aurais jamais pu inventer. A travers toutes ces langues (il y en a neuf dans le film), on entend vraiment l’Afrique d’aujourd’hui, l’Afrique des grandes métropoles, de la rue, des quartiers pauvres.
Pour trouver Léonard, j’ai écumé les ghettos camerounais de Rabat. Pour Hope, ça a été encore plus compliqué, car la plupart des Nigérianes au Maroc ne sont pas libres, elles ont des « patrons ». J’ai frayé avec les maquereaux et tous les dimanches j’allais dans les églises nigérianes clandestines, avec la complicité des pasteurs. Tout le casting a été une plongée dans les bas-fonds de la migration.
Justin et Endurance qui jouent les premiers rôles dégagent une émotion qui m’a séduit tout de suite. Justin est un timide, son visage exprime beaucoup d’intériorité. Endurance est à la fois dure, comme ces femmes africaines qui ne s’en laissent plus compter, et en même temps elle a quelque chose d’enfantin, qui peut être très désarmant. Pour jouer les rôles secondaires, je voulais des personnes qui sachent vraiment ce qu’est la violence, qui ne l’abordent pas comme des acteurs. Parmi les interprètes, on a des bandits, d’anciens trafiquants, des aventuriers de tous poils. Le faussaire Monopoly a vraiment été faussaire et le chairman nigérian a vraiment été chairman à Tamanrasset.

HOPE de Boris LojkineQue sont devenus les acteurs ?
Pour la plupart, ils sont encore au Maroc, même si certains commencent à arriver clandestinement en Europe... Grâce à l’argent gagné sur le tournage, Justin est retourné au Cameroun. Il voulait revoir sa mère qu’il n’avait pas vue depuis l’adolescence, et refaire ses papiers d’identité. Aujourd’hui il veut retourner légalement au Maroc et ouvrir un petit commerce de produits africains.
Endurance a envoyé l’argent qu’elle a gagné à sa famille au Nigeria et vit toujours dans le faubourg de Casablanca où je l’ai rencontrée. Chaque fois que je lui parle au téléphone, elle me dit qu’il n’y a rien pour elle au Maroc, qu’elle va prendre un zodiac pour l’Europe... C’est effrayant !
Dès le début de notre relation, je leur ai dit que je n’avais pas le pouvoir de changer leur vie, que ce n’était qu’une expérience... mais bien sûr je me sens une responsabilité. C’est un souci permanent. Alors, avec mes maigres moyens, je fais ce que je peux.
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1 commentaire(s)

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Osdoit Poussy - Il y a 9 ans
Bonjour,
Grace à une amie, je découvre votre journal et je suis ravie .
Bravo pour votre dossier sur Hope et votre analyse du livre Marathon .
Un seul bémol, j'aurai aimé un lien qui m'envoie qur le cinéma "Les Toile" .
Merci et bonne continuation
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