Accueil > Culture > Cinéma > Mercredi cinéma : "Sport de filles" de Patricia Mazuy avec Marina Hands, Josiane Balasko, Bruno Ganz
Restez informés
Inscrivez-vous
aux newsletters du Journal !
Je m'inscris

Mercredi cinéma : "Sport de filles" de Patricia Mazuy avec Marina Hands, Josiane Balasko, Bruno Ganz

Publié le : 25-01-2012

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

Sport de filles de Patricia MazuyZoom nouveauté : "Sport de filles" de Patricia Mazuy

L'histoire
Révoltée par la vente du cheval d’obstacle qu’on lui avait promis, Gracieuse, cavalière surdouée, claque la porte de l’élevage qui l’employait.
Elle redémarre à zéro en acceptant de rentrer comme palefrenière dans le haras de dressage qui jouxte la ferme de son père. La propriétaire, Joséphine de Silène, y exploite d’une main de fer la renommée internationale d’un entraineur allemand, Franz Mann, ancien champion cynique et usé dont les riches cavalières du monde entier se disputent le savoir – mais aussi le regard !
Ce microcosme de pouvoir et d’argent n’attend pas Gracieuse qui n’a pour seules richesses que son talent, son caractère bien trempé et surtout sa rage d’y arriver. Branchée sur 100 000 volts, prête à affronter Franz Mann lui-même et tous les obstacles – jusqu’à se mettre hors-la-loi, elle poursuit son unique obsession : avoir un cheval pour elle, qu’elle emmènerait au sommet …
Un film de  Patricia Mazuy avec Marina Hands, Josiane Balasko, Bruno Ganz…

>> Vendredi 27 janvier : rencontre avec la réalisatrice Patricia Mazuy au cinéma "Les Toiles" à Saint-Gratien (Le Forum place François Truffaut – Tél : 01 34 17 17 18)

 

Bonus : propos de Patricia Mazuy, réalisatrice du film

Quelles sont les origines du film ?
En 2004, pendant le montage de mon dernier long métrage "Basse Normandie", coréalisé avec Simon Reggiani, le producteur Gilles Sandoz était venu nous donner un coup de main. Il nous avait fait part de son souhait de faire un film avec nous. « J’aimerais que vous alliez aussi loin dans la fiction que ce que vous avez fait dans le documentaire ! » avait-il dit.
Simon lui a alors proposé trois idées, dont un film équestre baptisé "Sport de filles". Simon part toujours du réel pour écrire. Ainsi, à l’époque, nous vivions dans une ferme avec des chevaux. Et le personnage de Gracieuse ressemble à celui de Simon au début de "Basse Normandie", un cavalier en quête d’un entraîneur.
La première étape a été de féminiser ce personnage. L’histoire est devenue celle d’une jeune femme qui, de par son statut social, n’a pas le droit de devenir championne de dressage et qui se bat pour y parvenir.
Le personnage de Franz Mann, lui, est directement inspiré de Patrick Le Rolland, célèbre cavalier et dresseur, qui a inspiré et accompagné l’écriture de "Sport de filles". C’est un ancien champion, un immense cavalier. Il a été, Marina Handsdans les années soixante-dix, l’un des plus jeunes écuyers du Cadre Noir de Saumur qui regroupe l’élite des cavaliers français. Malheureusement, son esprit rebelle était peu compatible avec la discipline équestre et le fonctionnariat, il a donc quitté Saumur pour faire du business avec sa compagne. Lui en qualité d’entraîneur, tandis qu’elle gérait leur domaine en Belgique et la vente des chevaux.
A l’époque, si quelqu’un voulait obtenir les services de Patrick, il fallait d’abord passer par elle, et en général, lui acheter un cheval. Patrick était totalement dépendant d’elle. Quand il l’a quittée, il n’a pas eu un centime. Cette histoire peut paraître hallucinante à quelqu’un qui ne connaît pas le monde de l’équitation, pourtant elle est assez commune. D’ailleurs, lorsque nous avons fait lire le script à Marina Hands, elle-même ancienne cavalière, elle connaissait beaucoup d’histoires similaires.

"Sport de filles" décrit d’ailleurs très bien la cruauté du monde équestre, fait de rapports de domination et d’humiliation…
C’est un milieu très hiérarchisé où l’on trouve aussi bien de vieilles familles aristocrates que des nouveaux riches, à l’image du personnage qu’incarne Josiane Balasko, qui exploite le talent d’entraîneur de Franz Mann qui lui est totalement soumis.
Les chevaux de compétition coûtent très cher, cela créé des rapports très violents entre les gens. Il y a d’un côté la fascination pour l’animal, sa puissance, sa beauté, de l’autre sa valeur marchande qui oblige les propriétaires à faire du commerce. Ainsi, au tout début du film, on voit Gracieuse assister impuissante à la vente de la jument dont elle s’est toujours occupée et qui lui semblait promise. Sa propriétaire reçoit une offre qu’elle ne peut pas refuser et elle vend le cheval. Gracieuse ne comprend pas, elle se sent trahie. C’est cruel mais c’est comme ça que ça se passe... Le monde de l’équitation est un milieu avec ses castes : d’un côté les palefreniers, les grooms, puis les cavaliers, les entraîneurs, les compétiteurs et les propriétaires...
Lorsque je suis allée avec Caroline Champetier et Matthieu de la Mortière tourner le plan de "Franz Mann jeune", Josiane Balaskodans le haras où travaille Matthias Alexander Rath, dans les abords de Francfort, je me souviens avoir été transplantée dans un autre monde. Comme de se retrouver dans le décor de la fête immense du début dans "Fanny et Alexandre", et au mur du salon collectif où ils organisaient l’arbre de Noël pour le personnel, surplombant directement un manège, il y avait un Braque, un Picasso, un Renoir... en vrai ! Je n’avais jamais vu ça. Pour le cinéma c’est un super terrain, c’est une métaphore entière du monde. D’ailleurs l’idée de départ de Simon pour "Sport de filles" était de faire une sorte de "Règle du jeu" dans le monde du cheval.

En tant que fille de paysan, Gracieuse ne peut donc pas espérer devenir compétitrice de haut niveau…
D’ailleurs, quand elle quitte son travail, après la vente de « son » cheval, son père ne comprend pas son geste. Son rôle à elle est de courber l’échine, de rester à sa place. Il lui donne l’ordre d’aller proposer ses services chez la riche propriétaire du domaine voisin. Il est d’ailleurs prêt à louer ses terres pour cela, et pour un paysan : « quand c’est loué, c’est plus chez toi ». C’est très moyenâgeux comme situation ! Gracieuse, cette fille qui rêve d’être championne, part s’occuper des jeunes chevaux de Joséphine de Silène. Elle s’organise ensuite pour parvenir à ses fins. Nous assistons à la préparation de son hold-up, sauf qu’à la place d’une valise remplie de billets c’est un cheval ! Si le spectateur ne sait pas du tout ce qu’elle va faire, il pressent que le personnage lui, le sait. On regarde ses moindres faits et gestes, c’est de l’action pure.

Parlez-nous du dressage, une discipline a priori moins connue du grand public que le saut d’obstacle…
Avec le saut d’obstacle, les choses sont assez simples : la barre tombe ou pas. Tout est dans le résultat. Le dressage est beaucoup plus métaphysique. Rien ne se voit, ni ne doit se voir, le cavalier doit faire corps avec le cheval; c’est très dur physiquement. Cela devient pour le champion une quête obsessionnelle vers une certaine perfection. Les grands cavaliers de dressage sont comparables aux grands danseurs. C’est toute la question du beau. Il était donc intéressant de voir une petite paysanne se dire: « Je vais devenir championne de dressage ! » car la question qui se pose alors est : « Aura-t-elle accès au beau ? En a-t-elle le droit ? »
Cette quête implique une solitude absolue. Gracieuse semble se refuser au monde qui l’entoure…
Sa passion pour le dressage la remplit totalement. Lorsque son prétendant lui dit: « Tu n’aimes que les chevaux, tu n’aimes pas les gens », elle lui répond : « Tu ne peux pas savoir ce que c’est quand on amène un cheval au bout, tout ce qu’il te donne… ». Il y avait une phrase, finalement coupée au montage, où elle Marina Handsajoutait : «…On est les rois du monde ! ». Il y a un côté : « Je vous emmerde ! ». Gracieuse est un personnage arrogant, sauvage, farouchement indépendant… Ce n’est pas un personnage auquel on s’identifie. Une fille qui ne veut pas de mec mais un cheval, c’est rigolo ! Je la vois plutôt comme une sorte de Terminator, une créature héroïque. Même si on lui coupe les bras et les jambes, elle continuera son combat. Ce n’est pas une fille comme les autres.

Le prénom de Gracieuse apparaît donc totalement décalé…
Un producteur m’avait dit : « Vous avez remarqué que la fille a un nom de jument ! ». Je trouvais justement drôle qu’avec son mauvais caractère, elle ait un prénom comme celui-là. C’est un personnage burlesque.
Gracieuse fonce dans le tas, se cogne, tombe, se relève, recommence. Elle est monomaniaque.

La majorité des personnages ont l’air de fonctionner de la sorte, prêts à tout pour réussir…
Ils ont tous des objectifs précis et n’ont aucune raison d’être gentils avec les autres pour y arriver. Au contraire, tous les personnages ont de bonnes raisons pour faire des coups tordus. "Sport de filles" est avant tout un film de situations, pas du tout psychologique. C’est ce que j’aime au cinéma. Voir des personnages autour d’une table discuter de leurs états d’âme, je crois que je ne saurais pas le faire. Là, à chaque fois, il y avait des situations extrêmement concrètes, des actes à filmer. Par exemple l’histoire de priorité entre Susan et la championne, là, ces deux femmes se disputent le regard du même homme. Et cet enjeu de possession devient financier à la minute suivante, quand Gracieuse monte le cheval pour la première fois devant Franz. Son seul objectif est d’embrouiller sa compagne sur la valeur financière du cheval, et pour ça il n’a aucun scrupule à instrumentaliser Gracieuse comme si elle n’était qu’un simple outil. Les situations étaient une sorte de billard à trois bandes perpétuel, mais toujours très concret, lorsque Franz Mann était en jeu.

La structure du film change de point de vue en cours de route. Nous entrons dans cette histoire avec Gracieuse puis s’opère un basculement et nous passons du côté de Franz…
Nous entrons de l’autre côté du miroir ! Gracieuse et Franz se ressemblent.
Ce sont tous les deux des prolétaires qui ont un rapport vrai au cheval. Gracieuse va réveiller cette passion chez lui. J’aime ce basculement, c’est un mouvement binaire, très rock’n’roll. Toutefois, dans la première partie, Franz existe quand même, sauf qu’il ne regarde pas du tout Gracieuse. Les deux personnages n’ont aucun contact entre eux. Lui ne s’intéresse qu’au cheval et ne voit jamais la cavalière. Le personnage de Franz est toutefois plus complexe car il est dans la dernière partie de sa vie.

Comment avez-vous choisi Marina Hands pour le rôle de Gracieuse ?
La priorité était que l’actrice qui allait incarner ce personnage sache très bien monter à cheval. Sinon ça n’aurait pas marché. Avec le dressage on ne peut pas tricher. Il fallait également qu’elle ait la passion pour le cheval, dans une vérité personnelle qui lui soit indispensable, et qu’elle soit capable en tant qu’actrice de pouvoir le donner à voir. N’étant pas cavalière moi-même, j’aurais été incapable de lui transmettre cette passion. C’était vrai aussi pour les autres actrices : Amanda Harlech, qui incarne Susan, la cliente américaine amoureuse de Franz, et Isabel Karajan qui joue Alice, la championne.
Marina est donc venue nous voir Simon et moi en Normandie. C’était en 2006, elle venait de finir le tournage de "lady Chatterley", encore à peine en montage. Nous sommes allés la chercher à la gare de Bayeux. Elle n’était pas peignée, j’ai tout de suite aimé son côté sauvage. Quand nous l’avons vue sur un cheval, avec sa grande taille, elle était impressionnante. Ça nous a plu.
Nous l’avons présentée presque un an plus tard à Patrick Le Rolland pour qu’il juge son niveau à l’occasion d’un stage organisé par Simon et moi. C’était à Saumur, et Patrick était alors « hébergé » dans les écuries de Jean Teulère, champion olympique de concours complet à Athènes (en échange du prêt de ses installations, Patrick Le Rolland aidait Jean Teulère au dressage). Patrick n’a pas dit grand-chose : « Elle a du boulot ». Bien-sûr, Bruno GanzMarina, à l’origine, était une cavalière d’obstacles, pas de dressage. Sa position sur le cheval était donc différente. C’était comme demander à une danseuse contemporaine de préparer un ballet classique. Il a donc fallu qu’elle s’entraîne. Cette progression faisait de toute façon partie du parcours de son personnage et nous avons d’ailleurs repris cet élément dans le film. C’est Marina qui a rendu le film possible. C’est une très bonne actrice et une très bonne cavalière. Elle était prête dès le départ et a vraiment attendu que le film soit possible.

Et Bruno Ganz ?
Au départ, le personnage était un français qui devait avoir une gouaille à la Gabin, un peu comme Le Rolland et d’autres gens de chevaux, à la fois laconique et avec quelques blagues sèches. Puis pour différentes raisons nous avons changé certains éléments du script, dont la nationalité du personnage. Nous cherchions donc un acteur allemand. C’est Gilles Sandoz qui m’a proposé Bruno Ganz, qu’il adorait comme acteur. Moi aussi je l’aimais beaucoup, mais je ne le trouvais pas drôle. Or je voulais donner une dimension comique au personnage. J’ai d’abord refusé, jusqu’à ce qu’Antoinette Boulat et Gilles me montrent "Pain, tulipes et comédie", une pure comédie italienne dans laquelle il incarnait un garçon de café et où il était très drôle. Ça m’a convaincu ! Il a juste fallu qu’il se familiarise avec le langage assez cru de son personnage. Car dans la vie Bruno parle un français très châtié. C’est pour l’aider à durcir son langage, afin qu’il ait quelques outils d’acteur pour se transformer en homme de sport et d’extérieur, en pensant à Raoul Coutard, que je lui ai fait appeler les cavalières « mon petit chat ».
Je dois remercier ici François Bégaudeau, qui a effectué un travail de consultant sur le scénario et a beaucoup aidé Bruno dans la compréhension de la langue. Bruno m’a avoué qu’à l’instar de Gracieuse, il a lui aussi voulu faire du cheval plus jeune, mais venant d’une famille pauvre ce n’était pas possible. Cette histoire l’a d’autant plus touché.

Josiane Balasko est également étonnante en propriétaire très autoritaire…
C’est une actrice sublime. Elle a accepté le film sans me rencontrer alors qu’elle avait deux tournages en cours. Elle m’a juste appelé après la lecture du scénario pour me dire : « ça va être complexe ma cocotte ! ». Je voulais une actrice qui ait du raffinement même dans la gadoue. Le modèle de ce personnage c’est Cruella dans Les 101 Dalmatiens". Il fallait également que le spectateur croit d’emblée au couple formé par cette femme et Franz car cela fait 30 ans qu’ils sont ensemble, qu’elle l’exploite et qu’il accepte cette soumission. Josiane à côté de Bruno, pour moi, c’était comme certains couples, tellement différents qu’ils ont l’air indestructibles.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Et si on vivait tous ensemble ?" de Stéphane Robelin
"Parlez-moi de vous" de Pierre Pinaud
"Une nuit" de Philippe Lefebvre
"Une vie meilleure" de Cédric Kahn
"La délicatesse" de David et Stéphane Foenkinos
"Des vents contraires" de Jalil Lespert

"Toutes nos envies" de Philippe Lioret
"Polisse" de Maïwenn 

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

Sport de filles de Patricia MazuyZoom nouveauté : "Sport de filles" de Patricia Mazuy

L'histoire
Révoltée par la vente du cheval d’obstacle qu’on lui avait promis, Gracieuse, cavalière surdouée, claque la porte de l’élevage qui l’employait.
Elle redémarre à zéro en acceptant de rentrer comme palefrenière dans le haras de dressage qui jouxte la ferme de son père. La propriétaire, Joséphine de Silène, y exploite d’une main de fer la renommée internationale d’un entraineur allemand, Franz Mann, ancien champion cynique et usé dont les riches cavalières du monde entier se disputent le savoir – mais aussi le regard !
Ce microcosme de pouvoir et d’argent n’attend pas Gracieuse qui n’a pour seules richesses que son talent, son caractère bien trempé et surtout sa rage d’y arriver. Branchée sur 100 000 volts, prête à affronter Franz Mann lui-même et tous les obstacles – jusqu’à se mettre hors-la-loi, elle poursuit son unique obsession : avoir un cheval pour elle, qu’elle emmènerait au sommet …
Un film de  Patricia Mazuy avec Marina Hands, Josiane Balasko, Bruno Ganz…

>> Vendredi 27 janvier : rencontre avec la réalisatrice Patricia Mazuy au cinéma "Les Toiles" à Saint-Gratien (Le Forum place François Truffaut – Tél : 01 34 17 17 18)

 

Bonus : propos de Patricia Mazuy, réalisatrice du film

Quelles sont les origines du film ?
En 2004, pendant le montage de mon dernier long métrage "Basse Normandie", coréalisé avec Simon Reggiani, le producteur Gilles Sandoz était venu nous donner un coup de main. Il nous avait fait part de son souhait de faire un film avec nous. « J’aimerais que vous alliez aussi loin dans la fiction que ce que vous avez fait dans le documentaire ! » avait-il dit.
Simon lui a alors proposé trois idées, dont un film équestre baptisé "Sport de filles". Simon part toujours du réel pour écrire. Ainsi, à l’époque, nous vivions dans une ferme avec des chevaux. Et le personnage de Gracieuse ressemble à celui de Simon au début de "Basse Normandie", un cavalier en quête d’un entraîneur.
La première étape a été de féminiser ce personnage. L’histoire est devenue celle d’une jeune femme qui, de par son statut social, n’a pas le droit de devenir championne de dressage et qui se bat pour y parvenir.
Le personnage de Franz Mann, lui, est directement inspiré de Patrick Le Rolland, célèbre cavalier et dresseur, qui a inspiré et accompagné l’écriture de "Sport de filles". C’est un ancien champion, un immense cavalier. Il a été, Marina Handsdans les années soixante-dix, l’un des plus jeunes écuyers du Cadre Noir de Saumur qui regroupe l’élite des cavaliers français. Malheureusement, son esprit rebelle était peu compatible avec la discipline équestre et le fonctionnariat, il a donc quitté Saumur pour faire du business avec sa compagne. Lui en qualité d’entraîneur, tandis qu’elle gérait leur domaine en Belgique et la vente des chevaux.
A l’époque, si quelqu’un voulait obtenir les services de Patrick, il fallait d’abord passer par elle, et en général, lui acheter un cheval. Patrick était totalement dépendant d’elle. Quand il l’a quittée, il n’a pas eu un centime. Cette histoire peut paraître hallucinante à quelqu’un qui ne connaît pas le monde de l’équitation, pourtant elle est assez commune. D’ailleurs, lorsque nous avons fait lire le script à Marina Hands, elle-même ancienne cavalière, elle connaissait beaucoup d’histoires similaires.

"Sport de filles" décrit d’ailleurs très bien la cruauté du monde équestre, fait de rapports de domination et d’humiliation…
C’est un milieu très hiérarchisé où l’on trouve aussi bien de vieilles familles aristocrates que des nouveaux riches, à l’image du personnage qu’incarne Josiane Balasko, qui exploite le talent d’entraîneur de Franz Mann qui lui est totalement soumis.
Les chevaux de compétition coûtent très cher, cela créé des rapports très violents entre les gens. Il y a d’un côté la fascination pour l’animal, sa puissance, sa beauté, de l’autre sa valeur marchande qui oblige les propriétaires à faire du commerce. Ainsi, au tout début du film, on voit Gracieuse assister impuissante à la vente de la jument dont elle s’est toujours occupée et qui lui semblait promise. Sa propriétaire reçoit une offre qu’elle ne peut pas refuser et elle vend le cheval. Gracieuse ne comprend pas, elle se sent trahie. C’est cruel mais c’est comme ça que ça se passe... Le monde de l’équitation est un milieu avec ses castes : d’un côté les palefreniers, les grooms, puis les cavaliers, les entraîneurs, les compétiteurs et les propriétaires...
Lorsque je suis allée avec Caroline Champetier et Matthieu de la Mortière tourner le plan de "Franz Mann jeune", Josiane Balaskodans le haras où travaille Matthias Alexander Rath, dans les abords de Francfort, je me souviens avoir été transplantée dans un autre monde. Comme de se retrouver dans le décor de la fête immense du début dans "Fanny et Alexandre", et au mur du salon collectif où ils organisaient l’arbre de Noël pour le personnel, surplombant directement un manège, il y avait un Braque, un Picasso, un Renoir... en vrai ! Je n’avais jamais vu ça. Pour le cinéma c’est un super terrain, c’est une métaphore entière du monde. D’ailleurs l’idée de départ de Simon pour "Sport de filles" était de faire une sorte de "Règle du jeu" dans le monde du cheval.

En tant que fille de paysan, Gracieuse ne peut donc pas espérer devenir compétitrice de haut niveau…
D’ailleurs, quand elle quitte son travail, après la vente de « son » cheval, son père ne comprend pas son geste. Son rôle à elle est de courber l’échine, de rester à sa place. Il lui donne l’ordre d’aller proposer ses services chez la riche propriétaire du domaine voisin. Il est d’ailleurs prêt à louer ses terres pour cela, et pour un paysan : « quand c’est loué, c’est plus chez toi ». C’est très moyenâgeux comme situation ! Gracieuse, cette fille qui rêve d’être championne, part s’occuper des jeunes chevaux de Joséphine de Silène. Elle s’organise ensuite pour parvenir à ses fins. Nous assistons à la préparation de son hold-up, sauf qu’à la place d’une valise remplie de billets c’est un cheval ! Si le spectateur ne sait pas du tout ce qu’elle va faire, il pressent que le personnage lui, le sait. On regarde ses moindres faits et gestes, c’est de l’action pure.

Parlez-nous du dressage, une discipline a priori moins connue du grand public que le saut d’obstacle…
Avec le saut d’obstacle, les choses sont assez simples : la barre tombe ou pas. Tout est dans le résultat. Le dressage est beaucoup plus métaphysique. Rien ne se voit, ni ne doit se voir, le cavalier doit faire corps avec le cheval; c’est très dur physiquement. Cela devient pour le champion une quête obsessionnelle vers une certaine perfection. Les grands cavaliers de dressage sont comparables aux grands danseurs. C’est toute la question du beau. Il était donc intéressant de voir une petite paysanne se dire: « Je vais devenir championne de dressage ! » car la question qui se pose alors est : « Aura-t-elle accès au beau ? En a-t-elle le droit ? »
Cette quête implique une solitude absolue. Gracieuse semble se refuser au monde qui l’entoure…
Sa passion pour le dressage la remplit totalement. Lorsque son prétendant lui dit: « Tu n’aimes que les chevaux, tu n’aimes pas les gens », elle lui répond : « Tu ne peux pas savoir ce que c’est quand on amène un cheval au bout, tout ce qu’il te donne… ». Il y avait une phrase, finalement coupée au montage, où elle Marina Handsajoutait : «…On est les rois du monde ! ». Il y a un côté : « Je vous emmerde ! ». Gracieuse est un personnage arrogant, sauvage, farouchement indépendant… Ce n’est pas un personnage auquel on s’identifie. Une fille qui ne veut pas de mec mais un cheval, c’est rigolo ! Je la vois plutôt comme une sorte de Terminator, une créature héroïque. Même si on lui coupe les bras et les jambes, elle continuera son combat. Ce n’est pas une fille comme les autres.

Le prénom de Gracieuse apparaît donc totalement décalé…
Un producteur m’avait dit : « Vous avez remarqué que la fille a un nom de jument ! ». Je trouvais justement drôle qu’avec son mauvais caractère, elle ait un prénom comme celui-là. C’est un personnage burlesque.
Gracieuse fonce dans le tas, se cogne, tombe, se relève, recommence. Elle est monomaniaque.

La majorité des personnages ont l’air de fonctionner de la sorte, prêts à tout pour réussir…
Ils ont tous des objectifs précis et n’ont aucune raison d’être gentils avec les autres pour y arriver. Au contraire, tous les personnages ont de bonnes raisons pour faire des coups tordus. "Sport de filles" est avant tout un film de situations, pas du tout psychologique. C’est ce que j’aime au cinéma. Voir des personnages autour d’une table discuter de leurs états d’âme, je crois que je ne saurais pas le faire. Là, à chaque fois, il y avait des situations extrêmement concrètes, des actes à filmer. Par exemple l’histoire de priorité entre Susan et la championne, là, ces deux femmes se disputent le regard du même homme. Et cet enjeu de possession devient financier à la minute suivante, quand Gracieuse monte le cheval pour la première fois devant Franz. Son seul objectif est d’embrouiller sa compagne sur la valeur financière du cheval, et pour ça il n’a aucun scrupule à instrumentaliser Gracieuse comme si elle n’était qu’un simple outil. Les situations étaient une sorte de billard à trois bandes perpétuel, mais toujours très concret, lorsque Franz Mann était en jeu.

La structure du film change de point de vue en cours de route. Nous entrons dans cette histoire avec Gracieuse puis s’opère un basculement et nous passons du côté de Franz…
Nous entrons de l’autre côté du miroir ! Gracieuse et Franz se ressemblent.
Ce sont tous les deux des prolétaires qui ont un rapport vrai au cheval. Gracieuse va réveiller cette passion chez lui. J’aime ce basculement, c’est un mouvement binaire, très rock’n’roll. Toutefois, dans la première partie, Franz existe quand même, sauf qu’il ne regarde pas du tout Gracieuse. Les deux personnages n’ont aucun contact entre eux. Lui ne s’intéresse qu’au cheval et ne voit jamais la cavalière. Le personnage de Franz est toutefois plus complexe car il est dans la dernière partie de sa vie.

Comment avez-vous choisi Marina Hands pour le rôle de Gracieuse ?
La priorité était que l’actrice qui allait incarner ce personnage sache très bien monter à cheval. Sinon ça n’aurait pas marché. Avec le dressage on ne peut pas tricher. Il fallait également qu’elle ait la passion pour le cheval, dans une vérité personnelle qui lui soit indispensable, et qu’elle soit capable en tant qu’actrice de pouvoir le donner à voir. N’étant pas cavalière moi-même, j’aurais été incapable de lui transmettre cette passion. C’était vrai aussi pour les autres actrices : Amanda Harlech, qui incarne Susan, la cliente américaine amoureuse de Franz, et Isabel Karajan qui joue Alice, la championne.
Marina est donc venue nous voir Simon et moi en Normandie. C’était en 2006, elle venait de finir le tournage de "lady Chatterley", encore à peine en montage. Nous sommes allés la chercher à la gare de Bayeux. Elle n’était pas peignée, j’ai tout de suite aimé son côté sauvage. Quand nous l’avons vue sur un cheval, avec sa grande taille, elle était impressionnante. Ça nous a plu.
Nous l’avons présentée presque un an plus tard à Patrick Le Rolland pour qu’il juge son niveau à l’occasion d’un stage organisé par Simon et moi. C’était à Saumur, et Patrick était alors « hébergé » dans les écuries de Jean Teulère, champion olympique de concours complet à Athènes (en échange du prêt de ses installations, Patrick Le Rolland aidait Jean Teulère au dressage). Patrick n’a pas dit grand-chose : « Elle a du boulot ». Bien-sûr, Bruno GanzMarina, à l’origine, était une cavalière d’obstacles, pas de dressage. Sa position sur le cheval était donc différente. C’était comme demander à une danseuse contemporaine de préparer un ballet classique. Il a donc fallu qu’elle s’entraîne. Cette progression faisait de toute façon partie du parcours de son personnage et nous avons d’ailleurs repris cet élément dans le film. C’est Marina qui a rendu le film possible. C’est une très bonne actrice et une très bonne cavalière. Elle était prête dès le départ et a vraiment attendu que le film soit possible.

Et Bruno Ganz ?
Au départ, le personnage était un français qui devait avoir une gouaille à la Gabin, un peu comme Le Rolland et d’autres gens de chevaux, à la fois laconique et avec quelques blagues sèches. Puis pour différentes raisons nous avons changé certains éléments du script, dont la nationalité du personnage. Nous cherchions donc un acteur allemand. C’est Gilles Sandoz qui m’a proposé Bruno Ganz, qu’il adorait comme acteur. Moi aussi je l’aimais beaucoup, mais je ne le trouvais pas drôle. Or je voulais donner une dimension comique au personnage. J’ai d’abord refusé, jusqu’à ce qu’Antoinette Boulat et Gilles me montrent "Pain, tulipes et comédie", une pure comédie italienne dans laquelle il incarnait un garçon de café et où il était très drôle. Ça m’a convaincu ! Il a juste fallu qu’il se familiarise avec le langage assez cru de son personnage. Car dans la vie Bruno parle un français très châtié. C’est pour l’aider à durcir son langage, afin qu’il ait quelques outils d’acteur pour se transformer en homme de sport et d’extérieur, en pensant à Raoul Coutard, que je lui ai fait appeler les cavalières « mon petit chat ».
Je dois remercier ici François Bégaudeau, qui a effectué un travail de consultant sur le scénario et a beaucoup aidé Bruno dans la compréhension de la langue. Bruno m’a avoué qu’à l’instar de Gracieuse, il a lui aussi voulu faire du cheval plus jeune, mais venant d’une famille pauvre ce n’était pas possible. Cette histoire l’a d’autant plus touché.

Josiane Balasko est également étonnante en propriétaire très autoritaire…
C’est une actrice sublime. Elle a accepté le film sans me rencontrer alors qu’elle avait deux tournages en cours. Elle m’a juste appelé après la lecture du scénario pour me dire : « ça va être complexe ma cocotte ! ». Je voulais une actrice qui ait du raffinement même dans la gadoue. Le modèle de ce personnage c’est Cruella dans Les 101 Dalmatiens". Il fallait également que le spectateur croit d’emblée au couple formé par cette femme et Franz car cela fait 30 ans qu’ils sont ensemble, qu’elle l’exploite et qu’il accepte cette soumission. Josiane à côté de Bruno, pour moi, c’était comme certains couples, tellement différents qu’ils ont l’air indestructibles.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Et si on vivait tous ensemble ?" de Stéphane Robelin
"Parlez-moi de vous" de Pierre Pinaud
"Une nuit" de Philippe Lefebvre
"Une vie meilleure" de Cédric Kahn
"La délicatesse" de David et Stéphane Foenkinos
"Des vents contraires" de Jalil Lespert

"Toutes nos envies" de Philippe Lioret
"Polisse" de Maïwenn 

Partager cette page :

Vous appréciez le Journal de François ? Soutenez-le ! Merci.

Retourner à la page d'accueil - Retourner à la page "Cinéma"

Vous appréciez le Journal de François ? Soutenez-le ! Merci.

Retourner à la page d'accueil Retourner à la page "Cinéma"


Déposer un commentaire
0 commentaire(s)

Filtre anti-spam

Aucun commentaire

Informations Newsletter
  • Inscrivez-vous aux newsletters du Journal :
    "Agenda du week-end" et "Infos de proximité"
Contact
11 allée du Clos Laisnées, 95120 Ermont
06 89 80 56 28