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Mercredi cinéma : "L'exercice de l'Etat" de Pierre Schoeller avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman

Publié le : 26-10-2011

Programme de la semaine des cinémas de la Vallée de Montmorency :
Enghien - Franconville - Saint-Gratien - Taverny et les séances du mercredi de Ermont
Autres cinémas proches : Epinay-sur-Seine - Saint-Ouen l'Aumône

 

L'exercice de l'état de Pierre SchoellerZoom nouveauté : "L'exercice de l'état" de Pierre Schoeller

L'histoire
Le ministre des Transports Bertrand Saint-Jean est réveillé en pleine nuit par son directeur de cabinet. Un car a basculé dans un ravin. Il y va, il n’a pas le choix.
Ainsi commence l’odyssée d’un homme d’Etat dans un monde toujours plus complexe et hostile. Vitesse, lutte de pouvoirs, chaos, crise économique… Tout s’enchaîne et se percute. Une urgence chasse l’autre. A quels sacrifices les hommes sont-ils prêts ? Jusqu’où tiendront-ils ?… L’État dévore ceux qui le servent.
Un film de Pierre Schoeller avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Didier Bezace…

 

Bonus : propos de Pierre Schoeller, réalisateur du film

Pourquoi avoir choisi de raconter la vie d’un cabinet ministériel, heure par heure ?
La genèse du projet remonte à 8 ans, avant "Versailles". D’emblée, je voulais mettre de côté la conquête du pouvoir et les questions de politique partisane, le bal des égos, les luttes intestines, les petites phrases… pour me concentrer sur la pratique du pouvoir, l’État, à travers ceux qui l’incarnent et s’y vouent. Cette puissance du cabinet est d’abord une puissance de travail. L’enquête m’a confirmé leur côté « athlètes des dossiers » qui bossent sous une pression constante. Tout est affaire de vitesse. À aucun prix, il ne faut ralentir le ministre, mais au contraire toujours le porter et l’encourager. Le nourrir de positivité. Les collaborateurs les plus proches font un gros travail de training positif, surtout quand le patron prend un coup : « Vous avez été formidable », « C’est exactement ce qu’il fallait dire »… Cela participe de la déréalisation qui entoure les hauts responsables.

Olivier Gourmet et Michel BlancAvez-vous écrit le scénario en pensant à des acteurs en particulier ?
D’abord j’écris et ensuite je vais aux comédiens. Pour la distribution, on a beaucoup cherché. Un casting est fait de rencontres. Michel Blanc par exemple... Un directeur de cabinet, c’est un rôle qu’il voulait jouer depuis longtemps. Ce qui l’intéressait dans le personnage, c’était sa sérénité, sa stabilité. Gilles incarne la permanence, l’autorité mais aussi les racines. Les murs et les fondations. Ce qui reste de l’État, et restera. Il est à la fois mentor, conseiller et éminence grise. Le dircab forme un couple avec le ministre. Ce sont deux personnages complémentaires. L’un fait l’autre, et réciproquement. Ils sont les deux faces d’une même pensée.

Et comment avez-vous choisi Olivier Gourmet pour le rôle central du ministre ?
Au scénario, le rôle était immense, et il me fallait un acteur d’exception, dans son engagement, dans sa palette émotionnelle et la simplicité humaine. Et que tout cela passe d’abord par l’incarnation, le corps. Filmer la politique, mais à condition de le faire sur les humeurs. Ce ministre, je voulais qu’il ait une implication viscérale, un ressenti. Montrer ses nausées, ses ivresses, ses coups de colère comme ses accès de tendresse. C’est toujours le corps qu’on suit. D’où l’ouverture par un rêve érotique qui se traduit par un sexe dressé. Saint-Jean bande, saigne, jouit, s’enivre, rit… Il est dans la vie. Et pour jouer tout cela, Olivier Gourmet est le comédien parfait. Olivier rend humain un homme sous pression, presque halluciné, qui doit survivre, affronter la presse, être ferme et cruel, car il y a le combat, les duels, des coups de griffe, des humiliations, bref la vie ordinaire de la Vème... J’ai dit à Olivier : « Il faut que tu sois Marlon Brando ». Et il m’a répondu avec un rire : « D’accord mais j’ai besoin de toi ! ». Et en plus il fallait que la combinaison du casting prenne. On a fait un pari avec Olivier et Michel, qui n’avaient jamais tourné ensemble, qui viennent de paysages cinématographiques différents. Je n’ai pas fait d’essais. Chacun était le personnage.

Et le personnage de la conseillère en communication, Pauline ? Comment s’est passée la rencontre avec Zabou Breitman ?
Zabou fut une alliée précieuse. Le scénario était dense, beaucoup de personnages, des scènes de groupe, une vitesse de récit, un flux de dialogues ponctué de moments davantage portés sur le spectaculaire. Il fallait vraiment une comédienne qui ait un sens aigu de la mise en scène pour se glisser dans la peau de Pauline. Zabou, avec beaucoup de finesse et d’humour, a su porter ce regard lucide, chirurgical sur le ministre. Elle est la seule à dire la vérité à cet homme, sa faille. D’ailleurs elle manque d’y laisser son poste…
Avec Zabou, on a beaucoup travaillé en lisant le scénario. Elle a rendu vivant certains moments trop techniques, grâce à des pures trouvailles comme par exemple le détail des bas qu’elle change dans la voiture.

Olivier Gourmet et Zabou BreitmanPourquoi avoir confié le rôle de Martin Kuypers, le chômeur qui devient le chauffeur du ministre, à Sylvain Deblé, un comédien non professionnel ?
Pour Kuypers, je voulais un visage que l’on n’avait jamais vu. Kuypers incarne les sentiments cachés, mêlés, parfois confus ou contradictoires qu’on éprouve envers notre classe politique. Son silence est d’abord une méfiance, une protection. Et cela devait se produire sans calcul, avec la plus grande sincérité. Si c’était joué, c’était foutu. Sylvain Deblé a été au-delà de mes espérances. Par exemple, dans la scène de rendez-vous au cabinet, Sylvain impose d’emblée sa présence face à un Michel Blanc qui, entre nous, est un sacré capteur d’image. Cette densité qu’a donnée Sylvain à Kuypers nous a tous impressionnés sur le plateau. Et puis par moments, c’était vraiment comique… Si ce chômeur concède la moindre portion de lui-même à ce ministre, il est cuit. Bouffé tout crû. Kuypers prend les 4 semaines de stage, mais pas plus. Évidemment l’histoire le contredira.

Le film n’est pas dénué de spectaculaire. C’est peu courant de voir une cascade comme celle-là. Pouvez-vous nous en dire un mot, même si vous préférez en garder la complète surprise ?
Comme dit Saint-Jean, il faut « stupéfier, créer un effet de souffle » ! La scène dont vous parlez a comme une valeur de châtiment. Elle est à mettre en résonance avec une des répliques : « Le peuple est méfiant, et le peuple a toujours le droit à la méfiance puisqu’il n’a pas le pouvoir. »

Pourquoi avoir opté pour le ministère des Transports ?
L’une des premières intuitions du film, c’était un homme qui dort et que l’on réveille brutalement pour lui annoncer un accident de car, des morts, des enfants… Il passe de la tranquillité à une scène de chaos. Incarner la parole publique, apporter les premières réponses à cette tragédie, trouver les mots justes… Dès les premières minutes, le spectateur est projeté dans quelque chose de viscéral. Je crois que c’est Jospin qui racontait qu’ils avaient fait évacuer 200.000 personnes pour faire déminer une bombe enfouie, et qu’il a attendu toute la nuit pour connaître le dénouement. L’État ne dort jamais. Voilà comment Saint-Jean a hérité des Transports, à cause de cet accident de car… Par ailleurs, cela m’intéressait que le personnage du ministre ne soit pas une figure régalienne. On évite les grands questionnements de la Justice ou de l’Intérieur. On peut tout inventer avec un ministre des Transports !

Michel BlancJustement, aviez-vous un modèle d’homme politique en tête en écrivant le scénario ?
J’avais plutôt des anti-modèles. Je voulais éviter le cynique, ne pas faire de Saint-Jean un pur manœuvrier – d’ailleurs ceux-là ne durent pas longtemps. Éviter par ailleurs le juste qui suit un idéal, au point d’être prêt à s’éloigner des responsabilités. Je voulais ausculter un vrai animal politique, et je crois que Saint-Jean en est un. Il n’est pas là par hasard, il a un don pour le métier, même s’il a encore des choses à apprendre. Mais la vraie difficulté, du scénario au tournage, l’obsession constante, c’était pour moi d’inventer des caractères, des personnalités politiques qui se suffisent à elles-mêmes. Saint-Jean, Gilles, Peralta, le Président…J’espère qu’ils nous font oublier untel ou untel. "L'exercice de l'état" n’est pas un film à clefs, ni à références.

Si je comprends bien, c’est la même logique de ne pas avoir rattaché Saint-Jean à un parti clairement défini ?
Exactement. Oublions pendant 1h50 les questions de droite et de gauche. Regardons le pouvoir, ses rituels et ses humeurs la sueur, le sang, la libido. Et aussi cette permanence de l’État. On y croise aussi notre propre rapport à la démocratie, ce divorce grandissant entre eux et nous.
Au fur et à mesure du tournage, m’est venue une petite pensée récurrente, obsédante, que je gardais pour moi-même : Et oui, dans ces cabinets ministériels, ils tiennent une partie de nos vies entre leurs mains. Cela vaut peut-être le coup de s’intéresser à ce qui s’y passe.

Olivier GourmetD’où vient le principe des textos et alertes en superposition sur l’écran ?
J’aimais bien l’idée que l’écran soit phagocyté par une avalanche de mots. Comme la plupart d’entre nous, ces serviteurs de l’État subissent la même urgence, la même dépendance technologique. Le smartphone a accéléré encore plus la circulation des infos. Ces SMS qui surgissent en plein dialogue, c’est une autre image de cet omni-pouvoir du verbe. Il est constamment là. Le verbe, c’est le sang de l’État, un flux permanent. D’autre part, un ministre ne se résume pas exactement à un homme. On fabrique à Bertrand Saint-Jean de la parole, de l’action, des positions. Et ce « on », c’est le cabinet. Il y a la figure du ministre, et l’homme qui l’incarne. Le ministre, un peu comme un masque grec, est une figure que l’on vient habiter. Le cabinet le fournit sans cesse en argumentaires. Même la ligne politique du ministre Saint-Jean est une élaboration commune entre Bertrand Saint-Jean et son fidèle Gilles. Cela peut renvoyer à des questions sur la responsabilité individuelle. Le pouvoir, que l’on voudrait réduire à la figure du chef, ne devient-il pas plus complexe, encore plus fuyant, quand on pense à ce collectif qui est derrière lui et le génère ?

Et que symbolise le rêve du début ?
Ce rêve est venu très tôt. Qu’on le souhaite ou non, la politique demeure un lieu d’hommes. Le récit allait subir cette omniprésence virile. Les figures féminines existent, mais elles gravitent autour du récit, que ce soit la femme du ministre, les collaboratrices ou la femme de Kuypers… Le rêve est comme l’annonce de cette domination masculine, par une antiphrase : cette femme nue, cette Eve, nous introduit dans le cerveau d’un homme. Qui est-elle ?... C’est peut-être Marianne, symbole de la République. Ce peut-être Saint-Jean lui-même avalé par la charge et les dorures. Ou d’une façon plus générale, la figure d’Eros, avant l’irruption de Thanatos, la mort, anticipation de l’accident de car. L’alarme inconsciente… Enfin ce prologue était pour moi une manière de poser ce qui me tenait sans doute le plus à cœur : la pratique du pouvoir est d’abord une excitation, une tension toute physique, un démon, un diable au corps avant d’être une affaire de langage. Saint-Jean, le corps qui parle, avant de savoir si on est dans le discours, le mensonge ou la vérité.

Vous présentez "L'exercice de l'Etat" comme le deuxième volet, après "Versailles", d’une trilogie. En quoi consiste-t-elle ?
"Versailles" est un film sur les privilèges, du point de vue des exclus. À contrario, "L'exercice de l'Etat" est un film sur la figure du pouvoir, et aussi sur une certaine impuissance française du politique. On y rencontre le désamour du peuple envers ses dirigeants. L’ivresse de la fonction, et par moments la déprime du personnel politique. C’est une chose dont on parle peu, mais le malaise des membres de cabinets, qui se demandent à quoi ils servent et s’ils ne seraient pas plus utiles dans le privé, est profond. Selon moi, cette impuissance des hommes politiques repose moins sur leurs compétences que sur leur incapacité à avoir une prise sur la complexité d’un monde toujours plus rapide. Voilà pour les deux premiers volets. Quant au troisième, il devrait porter sur la Révolution française, la Terreur, 1793, mais je ne peux vous en dire beaucoup plus parce qu’il n’y a encore rien d’écrit.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Polisse" de Maïwenn
 "The artist" de Michel Hazanavicius
"Le skylab" de Julie Delpy
"Un heureux événement" de Rémy Bezançon
"L'apollonide" de René Bonello
"Et maintenant on va où ?" de Nadine Labaki
"Habemus papam" de Nanni Moretti
"La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli


Je souhaite que, vous aussi, vous partagiez vos émotions et vos coups de cœur ciné. Envoyez vos critiques de films par mail (contact@journaldefrancois.fr ). Elles seront publiées dans le Journal !
Mercredi cinéma, c’est votre rendez-vous !

 

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L'exercice de l'état de Pierre SchoellerZoom nouveauté : "L'exercice de l'état" de Pierre Schoeller

L'histoire
Le ministre des Transports Bertrand Saint-Jean est réveillé en pleine nuit par son directeur de cabinet. Un car a basculé dans un ravin. Il y va, il n’a pas le choix.
Ainsi commence l’odyssée d’un homme d’Etat dans un monde toujours plus complexe et hostile. Vitesse, lutte de pouvoirs, chaos, crise économique… Tout s’enchaîne et se percute. Une urgence chasse l’autre. A quels sacrifices les hommes sont-ils prêts ? Jusqu’où tiendront-ils ?… L’État dévore ceux qui le servent.
Un film de Pierre Schoeller avec Olivier Gourmet, Michel Blanc, Zabou Breitman, Didier Bezace…

 

Bonus : propos de Pierre Schoeller, réalisateur du film

Pourquoi avoir choisi de raconter la vie d’un cabinet ministériel, heure par heure ?
La genèse du projet remonte à 8 ans, avant "Versailles". D’emblée, je voulais mettre de côté la conquête du pouvoir et les questions de politique partisane, le bal des égos, les luttes intestines, les petites phrases… pour me concentrer sur la pratique du pouvoir, l’État, à travers ceux qui l’incarnent et s’y vouent. Cette puissance du cabinet est d’abord une puissance de travail. L’enquête m’a confirmé leur côté « athlètes des dossiers » qui bossent sous une pression constante. Tout est affaire de vitesse. À aucun prix, il ne faut ralentir le ministre, mais au contraire toujours le porter et l’encourager. Le nourrir de positivité. Les collaborateurs les plus proches font un gros travail de training positif, surtout quand le patron prend un coup : « Vous avez été formidable », « C’est exactement ce qu’il fallait dire »… Cela participe de la déréalisation qui entoure les hauts responsables.

Olivier Gourmet et Michel BlancAvez-vous écrit le scénario en pensant à des acteurs en particulier ?
D’abord j’écris et ensuite je vais aux comédiens. Pour la distribution, on a beaucoup cherché. Un casting est fait de rencontres. Michel Blanc par exemple... Un directeur de cabinet, c’est un rôle qu’il voulait jouer depuis longtemps. Ce qui l’intéressait dans le personnage, c’était sa sérénité, sa stabilité. Gilles incarne la permanence, l’autorité mais aussi les racines. Les murs et les fondations. Ce qui reste de l’État, et restera. Il est à la fois mentor, conseiller et éminence grise. Le dircab forme un couple avec le ministre. Ce sont deux personnages complémentaires. L’un fait l’autre, et réciproquement. Ils sont les deux faces d’une même pensée.

Et comment avez-vous choisi Olivier Gourmet pour le rôle central du ministre ?
Au scénario, le rôle était immense, et il me fallait un acteur d’exception, dans son engagement, dans sa palette émotionnelle et la simplicité humaine. Et que tout cela passe d’abord par l’incarnation, le corps. Filmer la politique, mais à condition de le faire sur les humeurs. Ce ministre, je voulais qu’il ait une implication viscérale, un ressenti. Montrer ses nausées, ses ivresses, ses coups de colère comme ses accès de tendresse. C’est toujours le corps qu’on suit. D’où l’ouverture par un rêve érotique qui se traduit par un sexe dressé. Saint-Jean bande, saigne, jouit, s’enivre, rit… Il est dans la vie. Et pour jouer tout cela, Olivier Gourmet est le comédien parfait. Olivier rend humain un homme sous pression, presque halluciné, qui doit survivre, affronter la presse, être ferme et cruel, car il y a le combat, les duels, des coups de griffe, des humiliations, bref la vie ordinaire de la Vème... J’ai dit à Olivier : « Il faut que tu sois Marlon Brando ». Et il m’a répondu avec un rire : « D’accord mais j’ai besoin de toi ! ». Et en plus il fallait que la combinaison du casting prenne. On a fait un pari avec Olivier et Michel, qui n’avaient jamais tourné ensemble, qui viennent de paysages cinématographiques différents. Je n’ai pas fait d’essais. Chacun était le personnage.

Et le personnage de la conseillère en communication, Pauline ? Comment s’est passée la rencontre avec Zabou Breitman ?
Zabou fut une alliée précieuse. Le scénario était dense, beaucoup de personnages, des scènes de groupe, une vitesse de récit, un flux de dialogues ponctué de moments davantage portés sur le spectaculaire. Il fallait vraiment une comédienne qui ait un sens aigu de la mise en scène pour se glisser dans la peau de Pauline. Zabou, avec beaucoup de finesse et d’humour, a su porter ce regard lucide, chirurgical sur le ministre. Elle est la seule à dire la vérité à cet homme, sa faille. D’ailleurs elle manque d’y laisser son poste…
Avec Zabou, on a beaucoup travaillé en lisant le scénario. Elle a rendu vivant certains moments trop techniques, grâce à des pures trouvailles comme par exemple le détail des bas qu’elle change dans la voiture.

Olivier Gourmet et Zabou BreitmanPourquoi avoir confié le rôle de Martin Kuypers, le chômeur qui devient le chauffeur du ministre, à Sylvain Deblé, un comédien non professionnel ?
Pour Kuypers, je voulais un visage que l’on n’avait jamais vu. Kuypers incarne les sentiments cachés, mêlés, parfois confus ou contradictoires qu’on éprouve envers notre classe politique. Son silence est d’abord une méfiance, une protection. Et cela devait se produire sans calcul, avec la plus grande sincérité. Si c’était joué, c’était foutu. Sylvain Deblé a été au-delà de mes espérances. Par exemple, dans la scène de rendez-vous au cabinet, Sylvain impose d’emblée sa présence face à un Michel Blanc qui, entre nous, est un sacré capteur d’image. Cette densité qu’a donnée Sylvain à Kuypers nous a tous impressionnés sur le plateau. Et puis par moments, c’était vraiment comique… Si ce chômeur concède la moindre portion de lui-même à ce ministre, il est cuit. Bouffé tout crû. Kuypers prend les 4 semaines de stage, mais pas plus. Évidemment l’histoire le contredira.

Le film n’est pas dénué de spectaculaire. C’est peu courant de voir une cascade comme celle-là. Pouvez-vous nous en dire un mot, même si vous préférez en garder la complète surprise ?
Comme dit Saint-Jean, il faut « stupéfier, créer un effet de souffle » ! La scène dont vous parlez a comme une valeur de châtiment. Elle est à mettre en résonance avec une des répliques : « Le peuple est méfiant, et le peuple a toujours le droit à la méfiance puisqu’il n’a pas le pouvoir. »

Pourquoi avoir opté pour le ministère des Transports ?
L’une des premières intuitions du film, c’était un homme qui dort et que l’on réveille brutalement pour lui annoncer un accident de car, des morts, des enfants… Il passe de la tranquillité à une scène de chaos. Incarner la parole publique, apporter les premières réponses à cette tragédie, trouver les mots justes… Dès les premières minutes, le spectateur est projeté dans quelque chose de viscéral. Je crois que c’est Jospin qui racontait qu’ils avaient fait évacuer 200.000 personnes pour faire déminer une bombe enfouie, et qu’il a attendu toute la nuit pour connaître le dénouement. L’État ne dort jamais. Voilà comment Saint-Jean a hérité des Transports, à cause de cet accident de car… Par ailleurs, cela m’intéressait que le personnage du ministre ne soit pas une figure régalienne. On évite les grands questionnements de la Justice ou de l’Intérieur. On peut tout inventer avec un ministre des Transports !

Michel BlancJustement, aviez-vous un modèle d’homme politique en tête en écrivant le scénario ?
J’avais plutôt des anti-modèles. Je voulais éviter le cynique, ne pas faire de Saint-Jean un pur manœuvrier – d’ailleurs ceux-là ne durent pas longtemps. Éviter par ailleurs le juste qui suit un idéal, au point d’être prêt à s’éloigner des responsabilités. Je voulais ausculter un vrai animal politique, et je crois que Saint-Jean en est un. Il n’est pas là par hasard, il a un don pour le métier, même s’il a encore des choses à apprendre. Mais la vraie difficulté, du scénario au tournage, l’obsession constante, c’était pour moi d’inventer des caractères, des personnalités politiques qui se suffisent à elles-mêmes. Saint-Jean, Gilles, Peralta, le Président…J’espère qu’ils nous font oublier untel ou untel. "L'exercice de l'état" n’est pas un film à clefs, ni à références.

Si je comprends bien, c’est la même logique de ne pas avoir rattaché Saint-Jean à un parti clairement défini ?
Exactement. Oublions pendant 1h50 les questions de droite et de gauche. Regardons le pouvoir, ses rituels et ses humeurs la sueur, le sang, la libido. Et aussi cette permanence de l’État. On y croise aussi notre propre rapport à la démocratie, ce divorce grandissant entre eux et nous.
Au fur et à mesure du tournage, m’est venue une petite pensée récurrente, obsédante, que je gardais pour moi-même : Et oui, dans ces cabinets ministériels, ils tiennent une partie de nos vies entre leurs mains. Cela vaut peut-être le coup de s’intéresser à ce qui s’y passe.

Olivier GourmetD’où vient le principe des textos et alertes en superposition sur l’écran ?
J’aimais bien l’idée que l’écran soit phagocyté par une avalanche de mots. Comme la plupart d’entre nous, ces serviteurs de l’État subissent la même urgence, la même dépendance technologique. Le smartphone a accéléré encore plus la circulation des infos. Ces SMS qui surgissent en plein dialogue, c’est une autre image de cet omni-pouvoir du verbe. Il est constamment là. Le verbe, c’est le sang de l’État, un flux permanent. D’autre part, un ministre ne se résume pas exactement à un homme. On fabrique à Bertrand Saint-Jean de la parole, de l’action, des positions. Et ce « on », c’est le cabinet. Il y a la figure du ministre, et l’homme qui l’incarne. Le ministre, un peu comme un masque grec, est une figure que l’on vient habiter. Le cabinet le fournit sans cesse en argumentaires. Même la ligne politique du ministre Saint-Jean est une élaboration commune entre Bertrand Saint-Jean et son fidèle Gilles. Cela peut renvoyer à des questions sur la responsabilité individuelle. Le pouvoir, que l’on voudrait réduire à la figure du chef, ne devient-il pas plus complexe, encore plus fuyant, quand on pense à ce collectif qui est derrière lui et le génère ?

Et que symbolise le rêve du début ?
Ce rêve est venu très tôt. Qu’on le souhaite ou non, la politique demeure un lieu d’hommes. Le récit allait subir cette omniprésence virile. Les figures féminines existent, mais elles gravitent autour du récit, que ce soit la femme du ministre, les collaboratrices ou la femme de Kuypers… Le rêve est comme l’annonce de cette domination masculine, par une antiphrase : cette femme nue, cette Eve, nous introduit dans le cerveau d’un homme. Qui est-elle ?... C’est peut-être Marianne, symbole de la République. Ce peut-être Saint-Jean lui-même avalé par la charge et les dorures. Ou d’une façon plus générale, la figure d’Eros, avant l’irruption de Thanatos, la mort, anticipation de l’accident de car. L’alarme inconsciente… Enfin ce prologue était pour moi une manière de poser ce qui me tenait sans doute le plus à cœur : la pratique du pouvoir est d’abord une excitation, une tension toute physique, un démon, un diable au corps avant d’être une affaire de langage. Saint-Jean, le corps qui parle, avant de savoir si on est dans le discours, le mensonge ou la vérité.

Vous présentez "L'exercice de l'Etat" comme le deuxième volet, après "Versailles", d’une trilogie. En quoi consiste-t-elle ?
"Versailles" est un film sur les privilèges, du point de vue des exclus. À contrario, "L'exercice de l'Etat" est un film sur la figure du pouvoir, et aussi sur une certaine impuissance française du politique. On y rencontre le désamour du peuple envers ses dirigeants. L’ivresse de la fonction, et par moments la déprime du personnel politique. C’est une chose dont on parle peu, mais le malaise des membres de cabinets, qui se demandent à quoi ils servent et s’ils ne seraient pas plus utiles dans le privé, est profond. Selon moi, cette impuissance des hommes politiques repose moins sur leurs compétences que sur leur incapacité à avoir une prise sur la complexité d’un monde toujours plus rapide. Voilà pour les deux premiers volets. Quant au troisième, il devrait porter sur la Révolution française, la Terreur, 1793, mais je ne peux vous en dire beaucoup plus parce qu’il n’y a encore rien d’écrit.
(extrait dossier de presse)

 

Autres films toujours à l'affiche :

"Polisse" de Maïwenn
 "The artist" de Michel Hazanavicius
"Le skylab" de Julie Delpy
"Un heureux événement" de Rémy Bezançon
"L'apollonide" de René Bonello
"Et maintenant on va où ?" de Nadine Labaki
"Habemus papam" de Nanni Moretti
"La guerre est déclarée" de Valérie Donzelli


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