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Maria Sharapova fait confiance à deux Eaubonnais ! Rencontre avec Benoit Mauguin et Benoit Allet.

Publié le : 07-09-2015

BENOIT MAUGUIN et BENOIT ALLET de Match PointMaria Sharapova à la "une" du Journal de François ! Jamais je n'aurais pensé mettre la célèbre tenniswoman à l'honneur en écrivant un article sur la Vallée de Montmorency ! Et pourtant c'est chose faite en rencontrant Benoit Mauguin et Benoit Allet, qui gèrent le magasin spécialisé tennis "Match Point", situé au cœur de la ville d'Eaubonne. En effet, outre le magasin, ils sont aux petits soins pour Maria Sharapova car Benoit Mauguin est le cordeur officiel de la joueuse russe ! Il parcourt la planète en étant présent auprès de la championne sur tous les grands tournois qu'elle dispute.
Cela méritait bien une montée au filet pour rencontrer les deux Benoit !

 

Benoit et Benoit, comment s'est déroulée votre rencontre ?
Benoit Mauguin : On s'est  rencontrés sur… des terrains de tennis au club de Soisy-sous-Montmorency. Pas très original ! Nous avions des parcours similaires avec un peu d'avance pour moi car nous avons deux ans d'écart (29 ans pour l'un et 27 pour l'autre). Nos études nous ont menés vers une licence STAPS, une formation à tout ce qui touche aux métiers du sport puis un master en lien également avec ce milieu.

Benoit Allet au cordage Et commet avez-vous découvert cette activité de cordage ?
Benoit Mauguin : J''ai démarré mon activité de "cordeur" auprès des joueurs professionnels, un peu par hasard… C'était pour faire un peu d'argent de poche : j'ai travaillé dans une boutique spécialisée et aussi à Decathlon pour financer mes études, puis, un ami à moi cherchait des personnes pour compléter son équipe pour Roland Garros. Il était en charge du service cordage pour l'ensemble des joueurs présents aux Internationaux de France de Tennis de Roland Garros. J'étais là pour assister les cordeurs sur place : grosso modo, je faisais l'accueil des joueurs, les prises en charge, je facilitais au maximum les prestations. C'est comme cela que j'ai mis les pieds dans ce monde. Ensuite j'ai appelé Benoit qui a aussi intégré l'équipe. Mais, à ce moment-là, nous n'avions aucune ambition particulière.
Benoit Allet : En tant que joueur de tennis passionné, c'était surtout l'occasion de rencontrer des joueurs pro…  C'était bon pour l'expérience, c'était clinquant mais côté salaire, c'était presque du bénévolat !

Mais vous avez tout de même persévéré ?
Benoit Mauguin : J'ai pu concilier mes études et une petite activité avec la société Tecnifibre qui mettait son service cordage en place pour différents tournois (Metz, Monaco, Moscou, Paris Bercy…). Ces cinq ou six tournois coïncidaient avec mes dates de vacances, cela me permettait de me familiariser avec ce monde et de me faire connaître. C'est un petit milieu quand on s'attelle au matériel des pros….
Au fur et à mesure, je me suis aperçu que l'approche qui était proposée au gotha du tennis mondial me semblait "amateur". Je me disais, si j'étais amené à le faire moi-même, je le ferais différemment… j'ai gardé cela à l'esprit.
A la fin de mes études, sans proposition d'embauche très intéressante  j'ai continué le cordage au sein de plusieurs sociétés : cela m'a permis de voyager, de découvrir le monde. Puis j'ai été contacté par une société qui proposait une prestation personnalisée pour une douzaine de joueurs : elle proposait de mettre à disposition un staff qui va les accompagner sur les plus  Benoit...  et ses raquettes !grands tournois de l'année. Les cordages seront toujours effectués par la même personne sur la même machine. Par ce programme, des incertitudes pour le joueur étaient gommées. J'ai eu la chance d'animer ces prestations pendant 4 ans. C'est dans ces conditions que j'ai fait la connaissance entre autres de Maria Sharapova.

Avant d'aborder votre travail avec la joueuse russe, comment vous est venue l'idée de créer à Eaubonne un magasin spécialisé tennis destiné au "grand public" ?
Benoit Mauguin : A la fin de ma collaboration avec cette société,  j'avais envie d'un projet plus personnel sur lequel je puisse basculer assez rapidement. C'est ainsi qu'est née l'idée du magasin en septembre 2012. Avec Benoit, on en parlait puis cela nous plaisait bien de pouvoir travailler ensemble. Comme nous sommes originaires de Margency et Saint-Prix, le site d'Eaubonne s'est vite imposé pour la proximité.
Benoit Allet : Je finissais ses études et je l'ai rejoint. J'avais eu aussi une expérience de vente dans le haut de gamme sur la vente de cycles et de textiles. Il nous a semblé opportun de faire bénéficier de notre expérience à un public plus large. Nous apportons beaucoup de conseils, indépendamment de la vente. C'est notre force. Je dirais pour résumer : c'est du haut de gamme ultra spécialisé offert à tous, même au débutant. Nos prestations ne sont pas forcément coûteuses.
Benoit Mauguin : Le but c'est que le client en magasin puisse se faire plaisir et optimiser son matériel. Peu importe son niveau tennistique et son budget. Après presque deux ans, nous sommes fiers de notre résultat au sein du magasin. Le bouche à oreille fonctionne très bien.

Pour des personnes non averties au monde du tennis, pouvez-vous nous dire ce que représente l'importance du cordage dans une raquette ?
Benoit Allet : Comment définir l'importance du cordage ? Pour commencer, parlons de la nature du cordage. Il en existe deux : le cordage naturel réalisé en boyau naturel (intestin de bœuf) et le cordage synthétique.
cordage de la raquette (photo matchpoint)Le tiers des joueurs pros continuent à corder "les montants" (cordes disposées verticalement) avec des boyaux naturels pour bénéficier d'un maximum d'élasticité. Mais compte tenu du prix, il est rare que nous cordions en magasin des raquettes en boyau naturel.
Côté cordage synthétique, il en existe deux types : les monofilaments, plus rigides qui offrent plus de contrôle sur la balle, et les multifilaments qui conservent le mieux leur tension.
Chaque joueur opte selon ses souhaits pour tel ou tel type de cordage.
En ce qui concerne la tension de ce cordage, cela tourne en moyenne autour de 24 kg mais cela peut aller jusqu'à 30 kg pour certains joueurs et 20 kg pour d'autres. Il faut avoir à l'esprit que plus une tension de cordage est élevée, plus le joueur aura le contrôle de ses coups mais avec moins de puissance. Bref, plus on met du poids, plus il faut de la force. C'est le même principe que pour un lance pierre. Plus de puissance et moins de contrôle... c'est le principe des vases communicants.
Benoit Mauguin : Le cordage d'une raquette peut vite devenir coûteux et cela freine parfois certains qui vont au plus économique. Mais malheureusement cela entraine ensuite des douleurs et des blessures au niveau des bras.
Le type de cordage et la tension sont donc les deux éléments principaux à tenir compte. Mais il y a aussi plein d'autres critères auxquels il faut penser lors du choix d'une raquette : la taille du tamis, le profilage de la raquette (plus il est fin, moins il est stable…), la rigidité du matériel, le grip (plus ou moins fin)...
Pour revenir aux tensions, depuis que j'ai commencé à faire ce métier, les tensions ont chuté… En effet, les cordages synthétiques sont arrivés, il y a une préparation de la raquette (photo matchpoint)quinzaine d'années, avec Gustavo Kuerten qui gagne Roland-Garros. Du coup, tous les joueurs ont découvert un nouveau cordage, un nouveau bruit ! Ils ont, au départ, conservé leurs tensions habituelles avec un cordage plus rigide… Des désagréments, des blessures sont vite survenus. Ils se sont rendu compte que cela donnait énormément de contrôle mais qu'il fallait frapper très très fort… et, au fur et à mesure, les tensions notamment celles des monofilaments ont sérieusement baissé.

Merci pour ces explications techniques très claires. Mais on ne peut pas évoquer le cordage d'une raquette sans parler de votre outil de travail à vous deux.
Benoit Allet : Il existe de nombreux types de machine à corder. Nous en avons une, "haut de gamme" avec un réglage de la tension de manière électronique, au 1/10 de kg près.
Elle pèse environ 80 kg et coûte plus de 9000 dollars ! Peu de machines assurent une précision extreme compatible avec le niveau d’exigence requis au niveau professionnel. Il nous faut donc trouver un moyen pour disposer de ce type de machine à chaque étape de notre programme. L’organisation logistique est la partie la plus compliquée à mettre en place car nous travaillons à l’échelle internationale. Mais nous pouvons compter sur de nombreux soutiens de la part des équipementiers qui nous permettent de solutionner cette partie et continuer à réaliser nos prestations dans les meilleures conditions.

Benoit Mauguin avec Maria SharapovaBenoit, revenons à ta collaboration avec Maria Sharapova. Comment a-t-elle commencé ?
Benoit Mauguin : Maria faisait partie du groupe de joueuses qui était géré par la société dans laquelle je travaillais. Et la connexion s'est tout de suite réalisée. Elle a de suite adhéré à mon discours car je n'étais pas toujours en phase avec mon patron de l'époque… Et quand j'ai décidé de partir en solo, le choix a été rapide car j'étais auprès d'elle depuis 4 ans. Elle ne se voyait pas changer de cordeur.

Maria Sharapova a disputé en juillet le tournoi de Wimbledon en atteignant les demi-finales. Quelle est ta journée type lors d'un tel tournoi ?
Benoit Mauguin : Je serais tenté de dire qu'il n'y a pas de journée type. Il faut être toujours sur le qui-vive.
Je travaille depuis mon lieu de résidence, un hôtel ou une maison que l'on loue. Nous ne sommes pas autorisés à avoir la machine sur place. Je rappelle qu'il y a un service officiel destiné à tous les joueurs et que nous, nous offrons une prestation "sur mesure" pour quelques joueurs dont Maria Sharapova. A Wimbledon, je me suis aussi occupé des cordages de Feliciano Lopez et Bethanie Mattek-Sands.
J'ai évidemment mon accréditation pour faire mes allers et retours, j'ai accès à tous les endroits du tournoi, pour récupérer ou pour livrer les raquettes. Je passe beaucoup de temps sur le tournoi pour la moindre demande urgente…
wimbledon (photo matchoint)Pour Maria, il lui faut en général, pour l'entrainement, deux ou trois raquettes fraîchement cordées la veille au soir ou tôt le matin. Pour un entrainement cela n'est pas très grave mais Maria a la démarche d'être véritablement dans des conditions de match même quand elle s'entraine. Je fais donc trois raquettes pour l'entrainement.
Après chaque match, Maria vide son sac : je récupère toutes ses raquettes, j'enlève tout et je refais toues les raquettes, qu'elles aient servi ou non. En effet, il y a une déformation mécanique, la tension va chuter un tout petit peu même si la raquette n'a pas été utilisée.
Pour revenir à ta question sur la journée-type, je me lève donc en général vers 5h-6h, pour finaliser une série de raquettes. Il faut compter environ trois raquettes cordées par heure puis une demi-heure pour la pose des grips, des étiquettes, les logos.
Je vais donc partir à 10h livrer les raquettes.
Avec Maria, l'organisation est très précise. Tout l'entourage de la joueuse me prévient des horaires d'entrainements, des rendez-vous ou des informations sur le match du lendemain. Je sais à chaque fois où elle va se situer afin que je m'organise côté logistique.
Avec d'autres joueurs, c'est moins évident car ils ont un tempérament moins rigoureux. Il n'est pas rare que je récupère les raquettes à 23h30 à l'hôtel du joueur ! Il faut que je m'adapte au tempérament latin ! (rires)

Avez-vous eu des remarques d'un joueur suite à une défaite ?
Benoit Mauguin: Il faut être clair, nous ne les faisons pas gagner mais en se trompant, on peut les faire perdre ! Mais je n'ai jamais eu de retour négatif d'un joueur suite à un match perdu. Heureusement ! Mais nous n'avons aucune incidence sur les performances d'un joueur. Voici une petite anecdote qui te montrera que l'importance de la préparation d'une raquette n'est pas encore toujours perçue par tous.

Benoit avec Marin CilicDes références pour Benoit !
Il est modeste mais, en tant que cordeur il peut se targuer d'avoir "gagner" des tournois du Grand Chelem avec évidemment Maria Sharapova et Vika Azarenka mais aussi Marin Cilic lors de le l'US Open 2014 (photo)
Il est aussi le cordeur officiel de Felician Lopez qui a été 12e mondial. Enfin, n'oublions pas qu'il a souvent travaillé pour un certain Andy Roddick, numéro 1 mondial dans les années 2000.

Vika Azarenka a gagné l'Open d'Australie en 2012 en me faisant corder uniquement 8 raquettes dont 3 neuves pour 7 matches joués. De plus, il faisait très chaud ! Une vraie hérésie pour moi. A cette époque, la joueuse biélorusse n'apportait aucune attention à son outil de travail qu'est la raquette. Comme quoi, nous n'influons pas sur les performances !
Entre cette victoire et le moment où l'on a commencé à travailler ensemble de manière régulière, cela a pris deux ans. Petit à petit, elle s'est rendu compte que garder la même raquette pendant tout le tournoi n'était pas l'idéal. Aujourd'hui, elle refait même ses grips régulièrement !

Les joueurs tiennent-ils compte de leur adversaire quand ils optent pour telle ou telle tension de cordage ?
Benoit Mauguin : Je milite pour qu'on ne s'adapte pas à l'adversaire. C'est ma conviction personnelle. Seule exception bien connue : Tomas Berdych a une peur bleue de Gilles Simon, sa bête noire ! A chaque fois qu'il joue Simon, le Tchèque descend d'un demi-kilo sa tension de raquette pour avoir plus de puissance afin de le déborder plus facilement !

Quelle est ton meilleur souvenir de ta collaboration avec Maria ?
Benoit Mauguin : Là où j'ai vraiment compris l'impact de notre participation, pas seulement pour corder mais aussi pour recommander les tensions et aider les choix du sportif et du coach.
A Cincinnati en 2010 : en quarts de finale, Maria joue pour la première fois la nuit. Et donc, généralement, dans ca cas on descend un petit peu la tension. Mais là, à 19h30, dans le désert, il fait encore très chaud… et je l'informe de mon avis : mieux vaut garder la même tension. Je lui ai mis le doute mais son coach et elle ont décidé de baisser la tension. Elle me confie tout de même : « Fais-moi deux raquettes de secours au cas où… ».
Au cours du match, elle se rend compte que j'avais raison ! J'étais dans les tribunes lorsqu'elle m'a demandé d'aller corder en urgence deux raquettes. Comme elle en avait déjà deux qui étaient préparées, j'avais 40 mn maximum pour corder deux nouvelles raquettes à mon hôtel. Je crois que le chauffeur de la voiture, mise à dispo par le tournoi, a effectué quelques excès de vitesse !
Ensuite je suis retourné dans les tribunes pour la fin du match. Et là, elle prend une des deux raquettes que je venais de corder. Elle joue une balle de break et il y a une annonce litigieuse… Elle demande la vidéo et la balle est bonne... elle touche la ligne de seulement 2 mm. Et là elle me regarde et me fait un clin d'œil ! Ce jour-là, c'est moi qui ai marqué un point avec Maria !
Apres le match qu'elle gagne, elle vient me dire : « On aurait du t'écouter… »
A la fin du tournoi, une surprise m'attendait : j'ai effectué le transfert Cincinnati-New York dans le jet privé de Maria avec tout son staff. Cela a été une expérience sympa : je ne suis pas sûr de remonter un jour dans un jet !

Vous n'échapperez pas à la question : pourquoi n'effectuez-vous pas de prestations pour les Français ?
Benoit Mauguin : On a souvent été proches de travailler avec Jo (Tsonga) et Gaël (Monfils) mais cela ne s'est pas fait. Par contre, lors des tournois, j'apprécie leurs présences et il n'est pas rare qu'avec eux je sorte au restaurant ou que je fasse des concours de playstation !
Les Français ont aussi une culture différente : avoir un staff très important ne les intéresse pas, ils préfèrent une équipe minimaliste, contrairement aux Américains par exemple.
Benoit Allet : Enfin, évidemment, nous connaissons bien Adrian Mannarino ! Il est passé récemment au magasin. Il reste très attaché à notre région, il est né à Soisy et a joué à Eaubonne. Nous suivons avec attention sa carrière. A 29 ans, il réalise sa meilleure saison et atteint le 27e rang mondial ! Chapeau !

boutique matchpointPour terminer, quels sont vos projets ?
Benoit Mauguin : Actuellement je vais seul sur les tournois pendant que Benoit reste au magasin pour accueillir les clients et réaliser les cordages demandés. Mais notre prochain objectif est de pouvoir être tous les deux présents sur les tournois afin de prendre en charge quelques joueurs supplémentaires.
Benoit Allet : En décembre, nous assurerons ensemble le cordage de tous les participants à l'exhibition IPTL qui a lieu en Asie. Par conséquent, nous sommes à la recherche d'une troisième personne pour travailler avec nous et assurer le travail au magasin lorsque nous sommes sur des tournois. Avis aux amateurs mais nous sommes très conscients que l'on doit trouver une personne de confiance, en phase avec nos objectifs.

Ah j'allais oublier : l'enseigne "Match point" c'est un clin d'œil à Woody Allen ?

Benoit Mauguin : Exactement ! "Match Point" est un de mes films préférés ! Même si, dans le film, ils jouent mal au tennis, ils sont tellement raides !!

Grand merci aux deux Benoit pour leur disponibilité et si, un jour, Maria Sharapova vient à Eaubonne, n'oubliez pas le Journal de François !

Magasin "Match Point"
36 rue Gabriel Péri 95600 Eaubonne
Tél : 01 77 02 68 66
contact@tennismatchpoint.com
Horaire d'ouverture : Lundi de 14h30 à 19h30, du mardi au vendredi de 10h à 13h et de 14h30 à 19h30, le samedi de 9h à 19h.

 

BENOIT MAUGUIN et BENOIT ALLET de Match PointMaria Sharapova à la "une" du Journal de François ! Jamais je n'aurais pensé mettre la célèbre tenniswoman à l'honneur en écrivant un article sur la Vallée de Montmorency ! Et pourtant c'est chose faite en rencontrant Benoit Mauguin et Benoit Allet, qui gèrent le magasin spécialisé tennis "Match Point", situé au cœur de la ville d'Eaubonne. En effet, outre le magasin, ils sont aux petits soins pour Maria Sharapova car Benoit Mauguin est le cordeur officiel de la joueuse russe ! Il parcourt la planète en étant présent auprès de la championne sur tous les grands tournois qu'elle dispute.
Cela méritait bien une montée au filet pour rencontrer les deux Benoit !

 

Benoit et Benoit, comment s'est déroulée votre rencontre ?
Benoit Mauguin : On s'est  rencontrés sur… des terrains de tennis au club de Soisy-sous-Montmorency. Pas très original ! Nous avions des parcours similaires avec un peu d'avance pour moi car nous avons deux ans d'écart (29 ans pour l'un et 27 pour l'autre). Nos études nous ont menés vers une licence STAPS, une formation à tout ce qui touche aux métiers du sport puis un master en lien également avec ce milieu.

Benoit Allet au cordage Et commet avez-vous découvert cette activité de cordage ?
Benoit Mauguin : J''ai démarré mon activité de "cordeur" auprès des joueurs professionnels, un peu par hasard… C'était pour faire un peu d'argent de poche : j'ai travaillé dans une boutique spécialisée et aussi à Decathlon pour financer mes études, puis, un ami à moi cherchait des personnes pour compléter son équipe pour Roland Garros. Il était en charge du service cordage pour l'ensemble des joueurs présents aux Internationaux de France de Tennis de Roland Garros. J'étais là pour assister les cordeurs sur place : grosso modo, je faisais l'accueil des joueurs, les prises en charge, je facilitais au maximum les prestations. C'est comme cela que j'ai mis les pieds dans ce monde. Ensuite j'ai appelé Benoit qui a aussi intégré l'équipe. Mais, à ce moment-là, nous n'avions aucune ambition particulière.
Benoit Allet : En tant que joueur de tennis passionné, c'était surtout l'occasion de rencontrer des joueurs pro…  C'était bon pour l'expérience, c'était clinquant mais côté salaire, c'était presque du bénévolat !

Mais vous avez tout de même persévéré ?
Benoit Mauguin : J'ai pu concilier mes études et une petite activité avec la société Tecnifibre qui mettait son service cordage en place pour différents tournois (Metz, Monaco, Moscou, Paris Bercy…). Ces cinq ou six tournois coïncidaient avec mes dates de vacances, cela me permettait de me familiariser avec ce monde et de me faire connaître. C'est un petit milieu quand on s'attelle au matériel des pros….
Au fur et à mesure, je me suis aperçu que l'approche qui était proposée au gotha du tennis mondial me semblait "amateur". Je me disais, si j'étais amené à le faire moi-même, je le ferais différemment… j'ai gardé cela à l'esprit.
A la fin de mes études, sans proposition d'embauche très intéressante  j'ai continué le cordage au sein de plusieurs sociétés : cela m'a permis de voyager, de découvrir le monde. Puis j'ai été contacté par une société qui proposait une prestation personnalisée pour une douzaine de joueurs : elle proposait de mettre à disposition un staff qui va les accompagner sur les plus  Benoit...  et ses raquettes !grands tournois de l'année. Les cordages seront toujours effectués par la même personne sur la même machine. Par ce programme, des incertitudes pour le joueur étaient gommées. J'ai eu la chance d'animer ces prestations pendant 4 ans. C'est dans ces conditions que j'ai fait la connaissance entre autres de Maria Sharapova.

Avant d'aborder votre travail avec la joueuse russe, comment vous est venue l'idée de créer à Eaubonne un magasin spécialisé tennis destiné au "grand public" ?
Benoit Mauguin : A la fin de ma collaboration avec cette société,  j'avais envie d'un projet plus personnel sur lequel je puisse basculer assez rapidement. C'est ainsi qu'est née l'idée du magasin en septembre 2012. Avec Benoit, on en parlait puis cela nous plaisait bien de pouvoir travailler ensemble. Comme nous sommes originaires de Margency et Saint-Prix, le site d'Eaubonne s'est vite imposé pour la proximité.
Benoit Allet : Je finissais ses études et je l'ai rejoint. J'avais eu aussi une expérience de vente dans le haut de gamme sur la vente de cycles et de textiles. Il nous a semblé opportun de faire bénéficier de notre expérience à un public plus large. Nous apportons beaucoup de conseils, indépendamment de la vente. C'est notre force. Je dirais pour résumer : c'est du haut de gamme ultra spécialisé offert à tous, même au débutant. Nos prestations ne sont pas forcément coûteuses.
Benoit Mauguin : Le but c'est que le client en magasin puisse se faire plaisir et optimiser son matériel. Peu importe son niveau tennistique et son budget. Après presque deux ans, nous sommes fiers de notre résultat au sein du magasin. Le bouche à oreille fonctionne très bien.

Pour des personnes non averties au monde du tennis, pouvez-vous nous dire ce que représente l'importance du cordage dans une raquette ?
Benoit Allet : Comment définir l'importance du cordage ? Pour commencer, parlons de la nature du cordage. Il en existe deux : le cordage naturel réalisé en boyau naturel (intestin de bœuf) et le cordage synthétique.
cordage de la raquette (photo matchpoint)Le tiers des joueurs pros continuent à corder "les montants" (cordes disposées verticalement) avec des boyaux naturels pour bénéficier d'un maximum d'élasticité. Mais compte tenu du prix, il est rare que nous cordions en magasin des raquettes en boyau naturel.
Côté cordage synthétique, il en existe deux types : les monofilaments, plus rigides qui offrent plus de contrôle sur la balle, et les multifilaments qui conservent le mieux leur tension.
Chaque joueur opte selon ses souhaits pour tel ou tel type de cordage.
En ce qui concerne la tension de ce cordage, cela tourne en moyenne autour de 24 kg mais cela peut aller jusqu'à 30 kg pour certains joueurs et 20 kg pour d'autres. Il faut avoir à l'esprit que plus une tension de cordage est élevée, plus le joueur aura le contrôle de ses coups mais avec moins de puissance. Bref, plus on met du poids, plus il faut de la force. C'est le même principe que pour un lance pierre. Plus de puissance et moins de contrôle... c'est le principe des vases communicants.
Benoit Mauguin : Le cordage d'une raquette peut vite devenir coûteux et cela freine parfois certains qui vont au plus économique. Mais malheureusement cela entraine ensuite des douleurs et des blessures au niveau des bras.
Le type de cordage et la tension sont donc les deux éléments principaux à tenir compte. Mais il y a aussi plein d'autres critères auxquels il faut penser lors du choix d'une raquette : la taille du tamis, le profilage de la raquette (plus il est fin, moins il est stable…), la rigidité du matériel, le grip (plus ou moins fin)...
Pour revenir aux tensions, depuis que j'ai commencé à faire ce métier, les tensions ont chuté… En effet, les cordages synthétiques sont arrivés, il y a une préparation de la raquette (photo matchpoint)quinzaine d'années, avec Gustavo Kuerten qui gagne Roland-Garros. Du coup, tous les joueurs ont découvert un nouveau cordage, un nouveau bruit ! Ils ont, au départ, conservé leurs tensions habituelles avec un cordage plus rigide… Des désagréments, des blessures sont vite survenus. Ils se sont rendu compte que cela donnait énormément de contrôle mais qu'il fallait frapper très très fort… et, au fur et à mesure, les tensions notamment celles des monofilaments ont sérieusement baissé.

Merci pour ces explications techniques très claires. Mais on ne peut pas évoquer le cordage d'une raquette sans parler de votre outil de travail à vous deux.
Benoit Allet : Il existe de nombreux types de machine à corder. Nous en avons une, "haut de gamme" avec un réglage de la tension de manière électronique, au 1/10 de kg près.
Elle pèse environ 80 kg et coûte plus de 9000 dollars ! Peu de machines assurent une précision extreme compatible avec le niveau d’exigence requis au niveau professionnel. Il nous faut donc trouver un moyen pour disposer de ce type de machine à chaque étape de notre programme. L’organisation logistique est la partie la plus compliquée à mettre en place car nous travaillons à l’échelle internationale. Mais nous pouvons compter sur de nombreux soutiens de la part des équipementiers qui nous permettent de solutionner cette partie et continuer à réaliser nos prestations dans les meilleures conditions.

Benoit Mauguin avec Maria SharapovaBenoit, revenons à ta collaboration avec Maria Sharapova. Comment a-t-elle commencé ?
Benoit Mauguin : Maria faisait partie du groupe de joueuses qui était géré par la société dans laquelle je travaillais. Et la connexion s'est tout de suite réalisée. Elle a de suite adhéré à mon discours car je n'étais pas toujours en phase avec mon patron de l'époque… Et quand j'ai décidé de partir en solo, le choix a été rapide car j'étais auprès d'elle depuis 4 ans. Elle ne se voyait pas changer de cordeur.

Maria Sharapova a disputé en juillet le tournoi de Wimbledon en atteignant les demi-finales. Quelle est ta journée type lors d'un tel tournoi ?
Benoit Mauguin : Je serais tenté de dire qu'il n'y a pas de journée type. Il faut être toujours sur le qui-vive.
Je travaille depuis mon lieu de résidence, un hôtel ou une maison que l'on loue. Nous ne sommes pas autorisés à avoir la machine sur place. Je rappelle qu'il y a un service officiel destiné à tous les joueurs et que nous, nous offrons une prestation "sur mesure" pour quelques joueurs dont Maria Sharapova. A Wimbledon, je me suis aussi occupé des cordages de Feliciano Lopez et Bethanie Mattek-Sands.
J'ai évidemment mon accréditation pour faire mes allers et retours, j'ai accès à tous les endroits du tournoi, pour récupérer ou pour livrer les raquettes. Je passe beaucoup de temps sur le tournoi pour la moindre demande urgente…
wimbledon (photo matchoint)Pour Maria, il lui faut en général, pour l'entrainement, deux ou trois raquettes fraîchement cordées la veille au soir ou tôt le matin. Pour un entrainement cela n'est pas très grave mais Maria a la démarche d'être véritablement dans des conditions de match même quand elle s'entraine. Je fais donc trois raquettes pour l'entrainement.
Après chaque match, Maria vide son sac : je récupère toutes ses raquettes, j'enlève tout et je refais toues les raquettes, qu'elles aient servi ou non. En effet, il y a une déformation mécanique, la tension va chuter un tout petit peu même si la raquette n'a pas été utilisée.
Pour revenir à ta question sur la journée-type, je me lève donc en général vers 5h-6h, pour finaliser une série de raquettes. Il faut compter environ trois raquettes cordées par heure puis une demi-heure pour la pose des grips, des étiquettes, les logos.
Je vais donc partir à 10h livrer les raquettes.
Avec Maria, l'organisation est très précise. Tout l'entourage de la joueuse me prévient des horaires d'entrainements, des rendez-vous ou des informations sur le match du lendemain. Je sais à chaque fois où elle va se situer afin que je m'organise côté logistique.
Avec d'autres joueurs, c'est moins évident car ils ont un tempérament moins rigoureux. Il n'est pas rare que je récupère les raquettes à 23h30 à l'hôtel du joueur ! Il faut que je m'adapte au tempérament latin ! (rires)

Avez-vous eu des remarques d'un joueur suite à une défaite ?
Benoit Mauguin: Il faut être clair, nous ne les faisons pas gagner mais en se trompant, on peut les faire perdre ! Mais je n'ai jamais eu de retour négatif d'un joueur suite à un match perdu. Heureusement ! Mais nous n'avons aucune incidence sur les performances d'un joueur. Voici une petite anecdote qui te montrera que l'importance de la préparation d'une raquette n'est pas encore toujours perçue par tous.

Benoit avec Marin CilicDes références pour Benoit !
Il est modeste mais, en tant que cordeur il peut se targuer d'avoir "gagner" des tournois du Grand Chelem avec évidemment Maria Sharapova et Vika Azarenka mais aussi Marin Cilic lors de le l'US Open 2014 (photo)
Il est aussi le cordeur officiel de Felician Lopez qui a été 12e mondial. Enfin, n'oublions pas qu'il a souvent travaillé pour un certain Andy Roddick, numéro 1 mondial dans les années 2000.

Vika Azarenka a gagné l'Open d'Australie en 2012 en me faisant corder uniquement 8 raquettes dont 3 neuves pour 7 matches joués. De plus, il faisait très chaud ! Une vraie hérésie pour moi. A cette époque, la joueuse biélorusse n'apportait aucune attention à son outil de travail qu'est la raquette. Comme quoi, nous n'influons pas sur les performances !
Entre cette victoire et le moment où l'on a commencé à travailler ensemble de manière régulière, cela a pris deux ans. Petit à petit, elle s'est rendu compte que garder la même raquette pendant tout le tournoi n'était pas l'idéal. Aujourd'hui, elle refait même ses grips régulièrement !

Les joueurs tiennent-ils compte de leur adversaire quand ils optent pour telle ou telle tension de cordage ?
Benoit Mauguin : Je milite pour qu'on ne s'adapte pas à l'adversaire. C'est ma conviction personnelle. Seule exception bien connue : Tomas Berdych a une peur bleue de Gilles Simon, sa bête noire ! A chaque fois qu'il joue Simon, le Tchèque descend d'un demi-kilo sa tension de raquette pour avoir plus de puissance afin de le déborder plus facilement !

Quelle est ton meilleur souvenir de ta collaboration avec Maria ?
Benoit Mauguin : Là où j'ai vraiment compris l'impact de notre participation, pas seulement pour corder mais aussi pour recommander les tensions et aider les choix du sportif et du coach.
A Cincinnati en 2010 : en quarts de finale, Maria joue pour la première fois la nuit. Et donc, généralement, dans ca cas on descend un petit peu la tension. Mais là, à 19h30, dans le désert, il fait encore très chaud… et je l'informe de mon avis : mieux vaut garder la même tension. Je lui ai mis le doute mais son coach et elle ont décidé de baisser la tension. Elle me confie tout de même : « Fais-moi deux raquettes de secours au cas où… ».
Au cours du match, elle se rend compte que j'avais raison ! J'étais dans les tribunes lorsqu'elle m'a demandé d'aller corder en urgence deux raquettes. Comme elle en avait déjà deux qui étaient préparées, j'avais 40 mn maximum pour corder deux nouvelles raquettes à mon hôtel. Je crois que le chauffeur de la voiture, mise à dispo par le tournoi, a effectué quelques excès de vitesse !
Ensuite je suis retourné dans les tribunes pour la fin du match. Et là, elle prend une des deux raquettes que je venais de corder. Elle joue une balle de break et il y a une annonce litigieuse… Elle demande la vidéo et la balle est bonne... elle touche la ligne de seulement 2 mm. Et là elle me regarde et me fait un clin d'œil ! Ce jour-là, c'est moi qui ai marqué un point avec Maria !
Apres le match qu'elle gagne, elle vient me dire : « On aurait du t'écouter… »
A la fin du tournoi, une surprise m'attendait : j'ai effectué le transfert Cincinnati-New York dans le jet privé de Maria avec tout son staff. Cela a été une expérience sympa : je ne suis pas sûr de remonter un jour dans un jet !

Vous n'échapperez pas à la question : pourquoi n'effectuez-vous pas de prestations pour les Français ?
Benoit Mauguin : On a souvent été proches de travailler avec Jo (Tsonga) et Gaël (Monfils) mais cela ne s'est pas fait. Par contre, lors des tournois, j'apprécie leurs présences et il n'est pas rare qu'avec eux je sorte au restaurant ou que je fasse des concours de playstation !
Les Français ont aussi une culture différente : avoir un staff très important ne les intéresse pas, ils préfèrent une équipe minimaliste, contrairement aux Américains par exemple.
Benoit Allet : Enfin, évidemment, nous connaissons bien Adrian Mannarino ! Il est passé récemment au magasin. Il reste très attaché à notre région, il est né à Soisy et a joué à Eaubonne. Nous suivons avec attention sa carrière. A 29 ans, il réalise sa meilleure saison et atteint le 27e rang mondial ! Chapeau !

boutique matchpointPour terminer, quels sont vos projets ?
Benoit Mauguin : Actuellement je vais seul sur les tournois pendant que Benoit reste au magasin pour accueillir les clients et réaliser les cordages demandés. Mais notre prochain objectif est de pouvoir être tous les deux présents sur les tournois afin de prendre en charge quelques joueurs supplémentaires.
Benoit Allet : En décembre, nous assurerons ensemble le cordage de tous les participants à l'exhibition IPTL qui a lieu en Asie. Par conséquent, nous sommes à la recherche d'une troisième personne pour travailler avec nous et assurer le travail au magasin lorsque nous sommes sur des tournois. Avis aux amateurs mais nous sommes très conscients que l'on doit trouver une personne de confiance, en phase avec nos objectifs.

Ah j'allais oublier : l'enseigne "Match point" c'est un clin d'œil à Woody Allen ?

Benoit Mauguin : Exactement ! "Match Point" est un de mes films préférés ! Même si, dans le film, ils jouent mal au tennis, ils sont tellement raides !!

Grand merci aux deux Benoit pour leur disponibilité et si, un jour, Maria Sharapova vient à Eaubonne, n'oubliez pas le Journal de François !

Magasin "Match Point"
36 rue Gabriel Péri 95600 Eaubonne
Tél : 01 77 02 68 66
contact@tennismatchpoint.com
Horaire d'ouverture : Lundi de 14h30 à 19h30, du mardi au vendredi de 10h à 13h et de 14h30 à 19h30, le samedi de 9h à 19h.

 

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