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"Les Chroniques de Moritz" : il rêve de migrer à Paris...

Publié le : 05-01-2019

Moritz a commencé l'année en rêvant de rejoindre la capitale... Gérard Pouettre Gérard Pouettre (écriture) et Jean-Marie Brochard (illustration) nous offrent ce conte du nouvel an qui met en scène notre chat préféré migrant à Paris...

 

Il rêve de migrer à Paris...

MoritzDans son village, une catastrophe vient de se produire. Les habitants ont déserté, même les souris, les oiseaux. Il n’y a plus rien à manger.
Moritz n’est pas très aventurier mais en connait toutes les ruelles, sait où trouver ses herbes préférées, où est la colline qui permet d’admirer la lune et les étoiles, le toit de grange à l’abri du vent d’hiver.
A présent, le village semble abandonné. Les autres chats n’ont pas donné de nouvelles. Certains ont dû mourir. Plusieurs se sont terrés de peur. Doit-il se lancer à leur recherche ? Ou bien se résoudre lui aussi à quitter ses lieux d’origine ?
Son maitre, parti pour deux ou trois jours, devrait être de retour. C’est un grand voyageur mais il est toujours revenu. Maintenant Moritz en doute. La dernière fois, il lui a murmuré comme un message : « J’ai vu beaucoup de chats à Paris ; c’est une grande ville agitée et pourtant ils sont tout à fait à l’aise. »
Moritz ignore où se situe Paris, pourtant sa décision est prise. Il quitte son territoire. C’est le départ immédiat pour des routes inconnues et probablement dangereuses.
En effet, après quelques kilomètres, des aboiements menaçants résonnent. Un campement de chiens n’est pas loin. Il parvient à masquer sa peur tout en rasant le sol. Heureusement, un étang se profile au bout d’un chemin de traverse. En s’approchant, Moritz voit des poissons frétiller dans l’eau claire. Il est prêt à plonger dans les roseaux pour s’y cacher avec eux.
Mais c’était une fausse alerte. Il veut aller à Paris, voir les dessins de Monsieur Chat à la Gare du Nord et boire au bar à chats dans le quartier du Marais, ou un autre. Son maitre en avait parlé et avait même ajouté : « ça m’a fait du bien de retrouver des chats. » Un peu plus loin sur le côté de la route, une cour de ferme. Des miaulements aigus lui écorchent l’oreille. Plusieurs familles de chats sont dans la cour, tous tigrés. Dès qu’ils le voient s’approcher, les adultes l’entourent d’un air menaçant après avoir dissimulé leurs petits. Moritz est le seul chat noir. « Tu es l’incarnation du diable ; sors d’ici ! » lui crient-ils. Il a déjà entendu cette légende mais arbore sa réplique naturelle : la tache blanche sous son cou. Le voilà sauvé.
La fatigue le gagne, ses pattes se raidissent, les coussinets se dessèchent, mais il ne peut s’endormir n’importe où sans danger. Au loin, dans un arbre, une cabane perchée lui rappelle l’abri que des enfants avaient bâti dans un hêtre près de chez lui, sur lequel il aimait grimper et chahuter avec les écureuils tout surpris de le trouver là.
Après quelques heures de sommeil dans les airs, il continue son chemin mais sans certitude d’aller vers Paris.
La route est bizarrement déserte. Un peu plus loin, un pont détruit git dans l’eau : impossible de franchir la rivière. Comment faire ? Un homme descend soudain jusqu’au bord pour mettre sa barque à l’eau. Moritz tourne autour de lui ; l’homme comprend qu’il veut atteindre l’autre rive. C’est un passeur. Il lui montre la grive qui picore à quelques mètres et lui ordonne de l’attraper ; c’est le prix à payer pour passer. L’homme est dur et brutal. Moritz est effrayé : il chasse rarement les oiseaux surtout les gros. Avec beaucoup de difficultés, il ramène la grive au passeur qui ricane méchamment en voyant son museau écorché et couvert de plumes. La nuit tombe ; le passeur le fait traverser en quelques minutes.
Le matin suivant, après avoir dormi au bord de prairies humides, il entend comme un orchestre et aperçoit au loin un rassemblement d’oiseaux migrateurs. C’était le début de l’hiver. Ils allaient vers une terre plus accueillante. Il ose s’avancer sur l’herbe mouillée mais au fur et à mesure, il s’enfonce jusqu’à ce que son dos soit trempé. Transi et à bout de souffle, il croit ne jamais pouvoir les atteindre. Son ventre traine dans la vase lorsqu’une oie cendrée le saisit dans son bec et le pose sur un poteau de bois sec.
Après avoir retrouvé quelques forces et nettoyé son pelage dégoulinant, Moritz fait comprendre à l’oie qu’il veut partir avec elle. Elle le prend d’abord pour un fou puis se rappelle l’histoire de Nils Holgersson, le petit garçon qui voyagea sur le dos d’une oie. Alors pourquoi pas un chat ? Moritz doit attendre patiemment que les oies décident de leur envol. Il s’agrippe sur le dos de celle qui l’a secouru en évitant d’enfoncer trop profondément ses griffes.
Là-haut, le ciel est clair, l’air est frais. Moritz est tremblant, le pelage hirsute, mais le paysage est encore plus beau que vu des arbres. Il risque de temps en temps un œil prudent pour le voir défiler à grande vitesse. Soudain, apercevant au loin un amas de constructions, de routes embouteillées, il miaule alors si fort que plusieurs oies tournent la tête et se frôlent dangereusement.
L’oie qui le porte lui fait signe qu’il n’est pas question de passer au-dessus de cette ville. Atterrir ici serait trop dangereux. Alors elle se détache du vol, pique brusquement vers un champ qui se trouve en bordure d’un parking. Moritz, surpris de la manœuvre, ferme les yeux, retient son souffle ; il craint que ses oreilles et sa queue ne se détachent de son corps. L’oie le dépose sur le champ. Consciente du risque qu’elle court, elle ne peut pas rester. Moritz aurait voulu la remercier mais ne peut qu’agiter sa patte. Elle répond par quelques coups d’ailes amicaux.
Il s’approche prudemment du parking et tend l’oreille au cas où il entendrait le mot magique : Paris. Un autocar s’arrête. Les voyageurs se précipitent dehors, probablement vers les toilettes. Sauf un qui demande au conducteur si c’est encore long. Celui-ci répond : « On est presque à Paris » puis il ouvre la soute à bagages et s’éloigne. Sans réfléchir, Moritz se faufile d’un bond puis grimpe entre les sacs.
Le car arrive rapidement au terminus. Mais comment se retrouver dans un tel chaos ?  La chance lui sourit quand le conducteur annonce : « Place du Châtelet ». Il s’étonne des illuminations qui jaillissent de tous côtés. Un éclair lui fait se souvenir que son maitre avait dit que le Bar à Chat n’était pas loin. Près d’un magasin, un attroupement attire son attention ; il tente de s’approcher. Au milieu d’un bouquet de décorations, un superbe chat jaune souriant à pleines dents est dessiné sur le mur, voilà ce que regardent les gens. Moritz est ému de cet intérêt pour les chats. Malgré sa faiblesse et le froid ambiant, il se sent capable de survivre dans cette ville. Surtout lorsqu’un couple dit : « Et si on allait au Bar à chats pour en voir de vrais ? »
Le couple emprunte de petites rues exigües. Moritz les suit mais à chaque carrefour, c’est l’angoisse. Lorsqu’ils arrivent devant le Bar, il reste caché dans un coin de porte. Le serveur leur dit qu’ils ne peuvent pas entrer sans leur chat. Ils songent à faire demi-tour, résignés, quand Moritz vient se frotter contre leurs jambes en miaulant doucement. Ils hésitent, pensant que c’est un chat du quartier. La nuit est tombée depuis longtemps. Son cœur s’accélère. Soudain, ils hèlent le garçon de café en disant : « Ca y est, nous avons retrouvé notre chat ! »
Et ils entrent dans le Bar avec Moritz dans leurs bras. Au même moment, tout le monde se met à crier : « Bonne année ». Il parait que les chats n’ont pas de larmes mais ce soir-là, les yeux de Moritz pleurent.

Moritz a commencé l'année en rêvant de rejoindre la capitale... Gérard Pouettre Gérard Pouettre (écriture) et Jean-Marie Brochard (illustration) nous offrent ce conte du nouvel an qui met en scène notre chat préféré migrant à Paris...

 

Il rêve de migrer à Paris...

MoritzDans son village, une catastrophe vient de se produire. Les habitants ont déserté, même les souris, les oiseaux. Il n’y a plus rien à manger.
Moritz n’est pas très aventurier mais en connait toutes les ruelles, sait où trouver ses herbes préférées, où est la colline qui permet d’admirer la lune et les étoiles, le toit de grange à l’abri du vent d’hiver.
A présent, le village semble abandonné. Les autres chats n’ont pas donné de nouvelles. Certains ont dû mourir. Plusieurs se sont terrés de peur. Doit-il se lancer à leur recherche ? Ou bien se résoudre lui aussi à quitter ses lieux d’origine ?
Son maitre, parti pour deux ou trois jours, devrait être de retour. C’est un grand voyageur mais il est toujours revenu. Maintenant Moritz en doute. La dernière fois, il lui a murmuré comme un message : « J’ai vu beaucoup de chats à Paris ; c’est une grande ville agitée et pourtant ils sont tout à fait à l’aise. »
Moritz ignore où se situe Paris, pourtant sa décision est prise. Il quitte son territoire. C’est le départ immédiat pour des routes inconnues et probablement dangereuses.
En effet, après quelques kilomètres, des aboiements menaçants résonnent. Un campement de chiens n’est pas loin. Il parvient à masquer sa peur tout en rasant le sol. Heureusement, un étang se profile au bout d’un chemin de traverse. En s’approchant, Moritz voit des poissons frétiller dans l’eau claire. Il est prêt à plonger dans les roseaux pour s’y cacher avec eux.
Mais c’était une fausse alerte. Il veut aller à Paris, voir les dessins de Monsieur Chat à la Gare du Nord et boire au bar à chats dans le quartier du Marais, ou un autre. Son maitre en avait parlé et avait même ajouté : « ça m’a fait du bien de retrouver des chats. » Un peu plus loin sur le côté de la route, une cour de ferme. Des miaulements aigus lui écorchent l’oreille. Plusieurs familles de chats sont dans la cour, tous tigrés. Dès qu’ils le voient s’approcher, les adultes l’entourent d’un air menaçant après avoir dissimulé leurs petits. Moritz est le seul chat noir. « Tu es l’incarnation du diable ; sors d’ici ! » lui crient-ils. Il a déjà entendu cette légende mais arbore sa réplique naturelle : la tache blanche sous son cou. Le voilà sauvé.
La fatigue le gagne, ses pattes se raidissent, les coussinets se dessèchent, mais il ne peut s’endormir n’importe où sans danger. Au loin, dans un arbre, une cabane perchée lui rappelle l’abri que des enfants avaient bâti dans un hêtre près de chez lui, sur lequel il aimait grimper et chahuter avec les écureuils tout surpris de le trouver là.
Après quelques heures de sommeil dans les airs, il continue son chemin mais sans certitude d’aller vers Paris.
La route est bizarrement déserte. Un peu plus loin, un pont détruit git dans l’eau : impossible de franchir la rivière. Comment faire ? Un homme descend soudain jusqu’au bord pour mettre sa barque à l’eau. Moritz tourne autour de lui ; l’homme comprend qu’il veut atteindre l’autre rive. C’est un passeur. Il lui montre la grive qui picore à quelques mètres et lui ordonne de l’attraper ; c’est le prix à payer pour passer. L’homme est dur et brutal. Moritz est effrayé : il chasse rarement les oiseaux surtout les gros. Avec beaucoup de difficultés, il ramène la grive au passeur qui ricane méchamment en voyant son museau écorché et couvert de plumes. La nuit tombe ; le passeur le fait traverser en quelques minutes.
Le matin suivant, après avoir dormi au bord de prairies humides, il entend comme un orchestre et aperçoit au loin un rassemblement d’oiseaux migrateurs. C’était le début de l’hiver. Ils allaient vers une terre plus accueillante. Il ose s’avancer sur l’herbe mouillée mais au fur et à mesure, il s’enfonce jusqu’à ce que son dos soit trempé. Transi et à bout de souffle, il croit ne jamais pouvoir les atteindre. Son ventre traine dans la vase lorsqu’une oie cendrée le saisit dans son bec et le pose sur un poteau de bois sec.
Après avoir retrouvé quelques forces et nettoyé son pelage dégoulinant, Moritz fait comprendre à l’oie qu’il veut partir avec elle. Elle le prend d’abord pour un fou puis se rappelle l’histoire de Nils Holgersson, le petit garçon qui voyagea sur le dos d’une oie. Alors pourquoi pas un chat ? Moritz doit attendre patiemment que les oies décident de leur envol. Il s’agrippe sur le dos de celle qui l’a secouru en évitant d’enfoncer trop profondément ses griffes.
Là-haut, le ciel est clair, l’air est frais. Moritz est tremblant, le pelage hirsute, mais le paysage est encore plus beau que vu des arbres. Il risque de temps en temps un œil prudent pour le voir défiler à grande vitesse. Soudain, apercevant au loin un amas de constructions, de routes embouteillées, il miaule alors si fort que plusieurs oies tournent la tête et se frôlent dangereusement.
L’oie qui le porte lui fait signe qu’il n’est pas question de passer au-dessus de cette ville. Atterrir ici serait trop dangereux. Alors elle se détache du vol, pique brusquement vers un champ qui se trouve en bordure d’un parking. Moritz, surpris de la manœuvre, ferme les yeux, retient son souffle ; il craint que ses oreilles et sa queue ne se détachent de son corps. L’oie le dépose sur le champ. Consciente du risque qu’elle court, elle ne peut pas rester. Moritz aurait voulu la remercier mais ne peut qu’agiter sa patte. Elle répond par quelques coups d’ailes amicaux.
Il s’approche prudemment du parking et tend l’oreille au cas où il entendrait le mot magique : Paris. Un autocar s’arrête. Les voyageurs se précipitent dehors, probablement vers les toilettes. Sauf un qui demande au conducteur si c’est encore long. Celui-ci répond : « On est presque à Paris » puis il ouvre la soute à bagages et s’éloigne. Sans réfléchir, Moritz se faufile d’un bond puis grimpe entre les sacs.
Le car arrive rapidement au terminus. Mais comment se retrouver dans un tel chaos ?  La chance lui sourit quand le conducteur annonce : « Place du Châtelet ». Il s’étonne des illuminations qui jaillissent de tous côtés. Un éclair lui fait se souvenir que son maitre avait dit que le Bar à Chat n’était pas loin. Près d’un magasin, un attroupement attire son attention ; il tente de s’approcher. Au milieu d’un bouquet de décorations, un superbe chat jaune souriant à pleines dents est dessiné sur le mur, voilà ce que regardent les gens. Moritz est ému de cet intérêt pour les chats. Malgré sa faiblesse et le froid ambiant, il se sent capable de survivre dans cette ville. Surtout lorsqu’un couple dit : « Et si on allait au Bar à chats pour en voir de vrais ? »
Le couple emprunte de petites rues exigües. Moritz les suit mais à chaque carrefour, c’est l’angoisse. Lorsqu’ils arrivent devant le Bar, il reste caché dans un coin de porte. Le serveur leur dit qu’ils ne peuvent pas entrer sans leur chat. Ils songent à faire demi-tour, résignés, quand Moritz vient se frotter contre leurs jambes en miaulant doucement. Ils hésitent, pensant que c’est un chat du quartier. La nuit est tombée depuis longtemps. Son cœur s’accélère. Soudain, ils hèlent le garçon de café en disant : « Ca y est, nous avons retrouvé notre chat ! »
Et ils entrent dans le Bar avec Moritz dans leurs bras. Au même moment, tout le monde se met à crier : « Bonne année ». Il parait que les chats n’ont pas de larmes mais ce soir-là, les yeux de Moritz pleurent.

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