"Les chroniques de Moritz" : De la place… mais chacun dans son coin.

Nouvelles réflexions de Moritz sur le futur technologique qui se dessine devant lui. Grâce à Gérard Pouettre (écriture) et Jean-Marie Brochard (illustration) qui veillent sur lui, Moritz nous propose une nouvelle fois un regard original sur le monde des humains qui l'entoure.

De la place… mais chacun dans son coin.

Moritz apprécie les médias qui lui permettent d’être informé de l’état du monde. Mais sa réaction est mitigée à la lecture d’un titre récent : « Les français ont la tête dans le casque ». Il admet que cet accessoire est une incitation à lire des livres, à écouter des podcasts, à se cultiver mais voit deux problèmes : d’abord l’inconfort, Moritz ne voudrait pas coincer sa tête et ses deux fragiles oreilles dans ce carcan ; ensuite l’isolement : un chat ne peut pas être coupé des bruits environnants et l’homme peut-il l’être… même quand il court dans une forêt ? C’est bizarre.

Toutefois ces technologies de la communication ont un avantage. Elles sont maintenant toutes miniaturisées donc elles ne posent plus de problème de place et on peut les porter sur soi. Sur LCP (La Chaine Pliable) Moritz a vu un appareil qui permettra de gagner encore de la place : le smartphone pliable, mais l’objectif de l’innovation est surtout d’avoir un écran deux fois plus grand… ou plutôt deux fois moins petit.
Et dans la revue Mediachat, Moritz a découvert le nouveau téléviseur enroulable. Là aussi petite place, et grand écran. Mais pas très pratique pour lui, il ne pourra pas le dérouler tout seul.
Dans cette société pliable, que faire de toute la place libérée ? Rentrer son nouveau vélo électrique dans son appartement ? Ce marché est en pleine expansion, la transition écologique l’amplifie et voilà un nouvel objet qu’il faudra bien mettre à l’abri quelque part.
Quelques années plus tard, si cette innovation confirme son utilité, on aura même bientôt sa moto volante. On pourra décoller de son balcon, en se méfiant de ne pas entrer en collision avec un des multiples drônes qui envahiront le ciel. Même les toits deviendront dangereux pour les chats.

Moritz se demande à quoi ressemblera un intérieur rempli de ces technologies, des plus petites aux plus grosses ? On sait qu’il a l’âme scandinave, alors il est inquiet de cette invasion. Que deviendrait le confort douillet à la danoise dans une habitation remplie de machines ? Avec toutes ces ondes et ces sons mécaniques, il aurait plutôt envie de s’enfuir.
D’autant plus qu’une fois le casque sur la tête, le smartphone allumé et le téléviseur déroulé, chacun sera isolé. A quoi cela servira-t-il de miauler ou de ronronner si personne n’entend. L’intuition de Moritz est confirmée par une étude de la revue Casque…Ouille ! qui montre que les nouvelles technologies déstabilisent la famille. Le téléphone est regardé 221 fois et touché 2600 fois par jour en moyenne, le rêve de tous les chats, qui n’en demanderaient même pas autant ! Françoise Dolto doit se retourner dans sa tombe, attristée par cette dénaturation des relations familiales.

Il y a peut-être un moyen de s’en sortir proposé par le nouveau magazine Psychologie Machine : dans le futur on pourrait voir les machines pleurer. L’intelligence artificielle permettra peut-être de les humaniser si on leur implante un système de valeurs et non un simple programme. La machine pourrait alors devenir un animal social, comme nous, et réhumaniser les relations familiales. Quel renversement de situation, se dit Moritz, un peu méfiant tout de même : et si on arrivait à faire ronronner les machines ? Non, on ne trouvera pas mieux que le chat comme animal social !