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"A l'ombre du Baobab" : Jeannine Dion-Guérin, poétesse de Montmorency, dévoile sa correspondance avec Léopold Sédar Senghor.

Publié le : 07-05-2018

A L'OMBRE DU BAOBAB de Jeannine Dion-GuérinRappelez-vous : en 2015, le Journal de François mettait à l'honneur Jeannine Dion-Guérin, la célèbre poétesse de Montmorency, née en 1933 à Sannois. Lors de l'interview (voir bonus ci-dessous), elle évoquait sa vie, Vincent Van Gogh et… Léopold Sédar Senghor. Elle nous annonçait l'écriture de son prochain livre "A l'ombre du Baobab" consacré à sa relation épistolaire avec l'écrivain devenu le premier Président de la République du Sénégal.
Promesse tenue : Jeannine Dion-Guérin nous offre aujourd'hui un récit sensible où elle se livre en nous dévoilant cette correspondance poétique avec Léopold Sédar Senghor qui a "changé sa vie". Le livre est marqué d'une sincérité qui touche le lecteur. Pour contextualiser son récit, l'auteure n'hésite pas à décrire son propre parcours atypique qui l'emmènera jusqu'au Prix européen francophone de poésie Léopold Sédar Senghor. L'homme de lettres africain était un chantre de la Négritude et Jeannine Dion-Guérin, dans son livre, s'assume « dans sa peau de négresse blanche » !
Enfin laissons le dernier mot à Henri Arphang Senghor, le doyen de la famille et ancien ambassadeur du Sénégal qui a soutenu notre chère poétesse dans l'écriture de ce livre : « J'ai cru utile de l'encourager à écrire ce livre qui interroge le mot "Différence", ce mot qui permet de distinguer une entité d'une autre, mot plus souvent employé pour diviser que pour unir… Le récit de la rencontre poétique avec Senghor que nous fait Jeannine Dion-Guérin dans un envoûtant climat de familiarité, confirme ce terrain apaisé où s'affirme avec vigueur la quête d'une nouvelle connaissance de la pensée poétique et humaniste d'un des pères fondateurs de la Francophonie. »

A lire aussi : "Confidences d’une « Étoile de l’Aube » dans la senghorienne nuit du baobab", excellentes notes de lecture de Nathalie Cousin.

"A l'ombre du baobab, rencontre du poète Léopold Sédar Senghor" de Jeannine Dion-Guérin – Editions Edinter – 254 pages – 20 €.

 

Bonus interview de Jeannine Dion-Guérin, parue dans le Journal de François en 2015

Jeannine Dion-Guérin évoque sa vie, Vincent Van Gogh, Léopold Sédar Senghor : rencontre émouvante à Enghien avec une femme exceptionnelle !

Jeannine Dion-GuérinFemme de lettres, poète, comédienne, conférencière, animatrice de radio française. C'est ainsi qu'est présentée Jeannine Dion-Guérin, née à Sannois en 1933 sur la fiche wikipedia qui lui est consacrée.
A l'occasion de la sortie de son  livre-CD et d'un nouveau recueil de poésie, je suis parti à Enghien, à sa rencontre pour un échange très riche. L'évocation de sa correspondance poétique avec Léopold Sédar Senghor, membre de l'Académie Française et ancien Président de la République du Sénégal restera un moment très émouvant.

 

Jeannine, avez-vous toujours été attirée par la poésie ?
La poésie, cela a toujours été "mon truc". J'ai écrit depuis l'adolescence. J'avais un carnet et je notais des citations, des réflexions mais je ne savais pas encore où la poésie allait m'emmener…
En activité, j'étais institutrice, j'avais mes deux enfants, la famille et les hommes qui, à cette époque, se laissaient vivre à la maison… Je n'avais pas le temps. Dès que mes enfants ont été élevés, cela m'a repris… J''ai fait un stage poésie d'une journée, proposé par l'Education Nationale : je me rappelle très bien que mon poème a été lu… et voilà c'était parti ! Le soir même, j'en écrivais un deuxième etc… J'ai réagi de la même manière que les enfants qui découvrent un nouveau jeu ! J'étais motivée !

Vous élèves étaient réceptifs à votre poésie ?
C'est vrai, les petits, je les ai initiés à la poésie. J'ai tenté de leur ouvrir les yeux, d'avoir une vision plus décalée de ce qu'on voit directement. Le point de départ pour les enfants, c'est leur motivation pour écrire et pour apprendre à écrire. C'est ce que l'on ne comprend pas actuellement avec toutes les réformes engagées, il n'y a qu'une seule chose à la base : la curiosité et le plaisir d'apprendre.
J'abordais souvent la nature. A cette époque, il y avait Cousteau et la défense de la mer, et plus particulièrement des baleines et des bébés phoques. On regardait l'émission de Cousteau et après on l'exploitait. C'était passionnant. Autre exemple de projet motivant : nous avons monté une chorale avec les enfants qui ont écrit les textes des chansons. On les a même enregistrées dans un studio !

Vous étiez en avance sur votre temps ?
J'ai beaucoup pleuré car cela m'a valu de nombreux ennuis. J'étais une indépendante, je ne demandais pas cinquante permissions avant de tenter quelque chose et cela a toujours été mal ressenti…
Aujourd'hui, je viens de fêter mes 82 ans et je peux dire que jusqu'à maintenant j'ai travaillé pour les autres. Je suis originaire de Sannois, j'ai été institutrice puis directrice d'école maternelle, je me suis lancée dans de nombreux projets… que ce soit à Montmorency ou bien à Frépillon où j'ai eu ma direction. Vous noterez que Frépillon, ce n'est pas loin d'Auvers…

Vincent Van GoghEvoquer Auvers, cela nous amène tout naturellement à un certain Vincent Van Gogh...
Exactement. Les "choses" se sont faites cinq ans avant de prendre ma retraite : j'ai participé à l'hommage à Van Gogh réalisé à l'occasion du centenaire de sa mort, en 1990. J'ai voulu introduire de la poésie dans le système car Van Gogh était un poète. Il n'écrivait pas mais il le déplorait. S'il avait eu à choisir, il aurait préféré écrire. Je possède un livre, en anglais où sont reproduits des textes poétiques qu'il envoyait à son frère Théo quand celui-ci était plus jeune et se trouvait en pension. En fait, c'est aussi un témoignage sur les poètes de son temps (comme François Coppée). C'était très intéressant et c'est pourquoi  j'ai introduit de la poésie dans le "projet Van Gogh" qui a été soutenu par le Conseil Général du Val d'Oise.

Cette manifestation se fera, grâce à vous, sous le haut patronage de Léopold Sédar Senghor. Racontez-nous comment vous est venue cette belle idée ?
J'étais encore directrice de l'Ecole maternelle et il y avait une biennale de poésie qui se déroulait… à Marrakech. J'ai osé demander un congé pour m'y rendre ! Un inspecteur m'a approchée et a vu comment je travaillais. Il a soutenu ma candidature et je suis partie à Marrakech d'où j'ai ramené, bien sûr, plein de choses pour les enfants.
Leopold Sedar SenghorM. Léopold Sédar Senghor était le président de ce Congrès et a fait une entrée très émouvante. En effet, il avait perdu deux de ses fils dans des conditions tragiques et le second peu de temps avant le Congrès. J'ai vu alors un homme dévasté mais qui a assuré sa parole et j'ai vécu un moment extraordinaire. Jorge Luis Borges, l'écrivain argentin aveugle est monté sur scène au bras de sa secrétaire. Senghor est allé vers lui et Borges l'a pris dans ses bras et lui a dit cela : « Attends que je te touche. » Imaginez Borges un peu comme les sculptures de Giacometti, tout en longueur avec son regard bleu délavé qui se baladait un peu partout et l'autre qui était noir un peu corpulent, terreux, grisâtre en raison de ce qu'il venait de se passer : c'était un moment d'une poésie folle. Cette rencontre fera partie de mon prochain livre où je raconte ces souvenirs et bien d'autres.
A la suite de cela, j'ai été ébloui par la parole universelle de Senghor. Et ensuite, je suis partie à fond dans ce projet poétique international et dans l’anthologie d’art "Vincent, de la toile au poème", réalisés en 1990 pour le centenaire de la mort de Van Gogh. Et j'ai eu l'idée de proposer à M Senghor de placer cette manifestation sous son haut patronage. Et… il a accepté ma proposition ! Ensuite s'en est suivie une correspondance poétique.
Cela ne m'a pas donné la grosse tête mais plutôt de la confiance en moi. Et sans doute avais-je besoin de reconnaissance. D'autant plus que j'ai été orpheline de père et de mère très jeune. Je pense qu'il fallait que je fasse pousser des racines. Maintenant j'ai ces racines pour mes enfants. Tout ce que j'ai fait m'a valu ensuite une grande reconnaissance que je n'ai pas cherchée et qui est venue vers moi. C'est cela qui est beau et que je raconte dans mon prochain livre que j'ai intitulé "A l'ombre du baobab", l'arbre mythique de l'Afrique qui fait de l'ombre, l'arbre à palabres. Mon livre sera construit avec les réponses événementielles que Senghor m'a envoyées.

L'avez-vous rencontré un jour ?
Evidemment, c'est un regret de ne pas l'avoir rencontré et, en même temps, c'est peut-être pour cela que notre relation épistolaire s'est centrée sur la poésie et qu'elle est  devenue porteuse pour moi. Vous savez, il y a l'amour et le désir et quelquefois quand on fait durer le désir c'est plus fort que l'amour !

Aujourd'hui vous continuer à écrire des poèmes quotidiennement ?
Je suis comme les chèvres : je broute l'herbe qui me vient sous les pieds au lieu de m'occuper de mes vieux enfants !
Jeannine Dion GuérinJ'ai été institutrice, j'ai représenté la poésie pendant quinze ans lors des spectacles de cabaret du Théâtre de l'Aventure à Ermont, j'ai écrit une quinzaine de recueils de poésie, je participe à la radio IdFM en animant une émission mensuelle "En vers et avec tous". Aujourd'hui, à 82 ans,  je me calme ! Je veux m'engager plus profondément pour l'humain. Je veux me mouiller pour changer carrément la situation que l'humain vit actuellement. Il faut que la joie demeure derrière les pleurs, il y a de la joie à être sur terre…
Bref, pour répondre à votre question, je travaille tous les jours mais je n'écris pas obligatoirement de manière quotidienne. De plus, quand j'écris un texte, je le laisse "reposer" six mois et ensuite, je fais des corrections, je fais des coupes… il faut que cela aille directement au but !

En tant que poétesse, vous vous sentez différente ?

Oh non ! Je me sens totalement dans le bain, j'aime les gens et les gens m'aiment, il me semble. La poésie est ouverte sur l'extérieur. Le poème c'est un oignon, le poète déshabille l'oignon, enlève une peau, et encore une, puis apparaît la chair puis le germe. Pour chacun d'entre nous, il faut une vie pour trouver son germe à soi ! Par contre la parole du poète c'est une parole universelle basée sur l'humain, la nature, sur ce qui nous fait vivre. Simplement c'est l'oignon qui n'est pas le même ! Il existe des oignons peinture, des oignons tricot, des oignons comédie…  L'art sous toutes ses formes est en général la base des racines… pour pouvoir ensuite développer l'arbre.

Dernière petite question rituelle : qu'est-ce qui vous touche ou vous plait actuellement dans l'univers artistique ?

L'actualité en général me touche beaucoup, comme le cas de ces migrants qui arrivent en Europe. Je suis une accro à la radio ! Je me sens d'ici et maintenant, je suis encore curieuse… même à 82 ans ! Par exemple j'aime des jeunes chanteurs comme Julien Doré ou Renan Luce qui ont cette graine de poésie en eux !

Grand merci à Jeannine Dion-Guérin pour cette formidable rencontre.

A L'OMBRE DU BAOBAB de Jeannine Dion-GuérinRappelez-vous : en 2015, le Journal de François mettait à l'honneur Jeannine Dion-Guérin, la célèbre poétesse de Montmorency, née en 1933 à Sannois. Lors de l'interview (voir bonus ci-dessous), elle évoquait sa vie, Vincent Van Gogh et… Léopold Sédar Senghor. Elle nous annonçait l'écriture de son prochain livre "A l'ombre du Baobab" consacré à sa relation épistolaire avec l'écrivain devenu le premier Président de la République du Sénégal.
Promesse tenue : Jeannine Dion-Guérin nous offre aujourd'hui un récit sensible où elle se livre en nous dévoilant cette correspondance poétique avec Léopold Sédar Senghor qui a "changé sa vie". Le livre est marqué d'une sincérité qui touche le lecteur. Pour contextualiser son récit, l'auteure n'hésite pas à décrire son propre parcours atypique qui l'emmènera jusqu'au Prix européen francophone de poésie Léopold Sédar Senghor. L'homme de lettres africain était un chantre de la Négritude et Jeannine Dion-Guérin, dans son livre, s'assume « dans sa peau de négresse blanche » !
Enfin laissons le dernier mot à Henri Arphang Senghor, le doyen de la famille et ancien ambassadeur du Sénégal qui a soutenu notre chère poétesse dans l'écriture de ce livre : « J'ai cru utile de l'encourager à écrire ce livre qui interroge le mot "Différence", ce mot qui permet de distinguer une entité d'une autre, mot plus souvent employé pour diviser que pour unir… Le récit de la rencontre poétique avec Senghor que nous fait Jeannine Dion-Guérin dans un envoûtant climat de familiarité, confirme ce terrain apaisé où s'affirme avec vigueur la quête d'une nouvelle connaissance de la pensée poétique et humaniste d'un des pères fondateurs de la Francophonie. »

A lire aussi : "Confidences d’une « Étoile de l’Aube » dans la senghorienne nuit du baobab", excellentes notes de lecture de Nathalie Cousin.

"A l'ombre du baobab, rencontre du poète Léopold Sédar Senghor" de Jeannine Dion-Guérin – Editions Edinter – 254 pages – 20 €.

 

Bonus interview de Jeannine Dion-Guérin, parue dans le Journal de François en 2015

Jeannine Dion-Guérin évoque sa vie, Vincent Van Gogh, Léopold Sédar Senghor : rencontre émouvante à Enghien avec une femme exceptionnelle !

Jeannine Dion-GuérinFemme de lettres, poète, comédienne, conférencière, animatrice de radio française. C'est ainsi qu'est présentée Jeannine Dion-Guérin, née à Sannois en 1933 sur la fiche wikipedia qui lui est consacrée.
A l'occasion de la sortie de son  livre-CD et d'un nouveau recueil de poésie, je suis parti à Enghien, à sa rencontre pour un échange très riche. L'évocation de sa correspondance poétique avec Léopold Sédar Senghor, membre de l'Académie Française et ancien Président de la République du Sénégal restera un moment très émouvant.

 

Jeannine, avez-vous toujours été attirée par la poésie ?
La poésie, cela a toujours été "mon truc". J'ai écrit depuis l'adolescence. J'avais un carnet et je notais des citations, des réflexions mais je ne savais pas encore où la poésie allait m'emmener…
En activité, j'étais institutrice, j'avais mes deux enfants, la famille et les hommes qui, à cette époque, se laissaient vivre à la maison… Je n'avais pas le temps. Dès que mes enfants ont été élevés, cela m'a repris… J''ai fait un stage poésie d'une journée, proposé par l'Education Nationale : je me rappelle très bien que mon poème a été lu… et voilà c'était parti ! Le soir même, j'en écrivais un deuxième etc… J'ai réagi de la même manière que les enfants qui découvrent un nouveau jeu ! J'étais motivée !

Vous élèves étaient réceptifs à votre poésie ?
C'est vrai, les petits, je les ai initiés à la poésie. J'ai tenté de leur ouvrir les yeux, d'avoir une vision plus décalée de ce qu'on voit directement. Le point de départ pour les enfants, c'est leur motivation pour écrire et pour apprendre à écrire. C'est ce que l'on ne comprend pas actuellement avec toutes les réformes engagées, il n'y a qu'une seule chose à la base : la curiosité et le plaisir d'apprendre.
J'abordais souvent la nature. A cette époque, il y avait Cousteau et la défense de la mer, et plus particulièrement des baleines et des bébés phoques. On regardait l'émission de Cousteau et après on l'exploitait. C'était passionnant. Autre exemple de projet motivant : nous avons monté une chorale avec les enfants qui ont écrit les textes des chansons. On les a même enregistrées dans un studio !

Vous étiez en avance sur votre temps ?
J'ai beaucoup pleuré car cela m'a valu de nombreux ennuis. J'étais une indépendante, je ne demandais pas cinquante permissions avant de tenter quelque chose et cela a toujours été mal ressenti…
Aujourd'hui, je viens de fêter mes 82 ans et je peux dire que jusqu'à maintenant j'ai travaillé pour les autres. Je suis originaire de Sannois, j'ai été institutrice puis directrice d'école maternelle, je me suis lancée dans de nombreux projets… que ce soit à Montmorency ou bien à Frépillon où j'ai eu ma direction. Vous noterez que Frépillon, ce n'est pas loin d'Auvers…

Vincent Van GoghEvoquer Auvers, cela nous amène tout naturellement à un certain Vincent Van Gogh...
Exactement. Les "choses" se sont faites cinq ans avant de prendre ma retraite : j'ai participé à l'hommage à Van Gogh réalisé à l'occasion du centenaire de sa mort, en 1990. J'ai voulu introduire de la poésie dans le système car Van Gogh était un poète. Il n'écrivait pas mais il le déplorait. S'il avait eu à choisir, il aurait préféré écrire. Je possède un livre, en anglais où sont reproduits des textes poétiques qu'il envoyait à son frère Théo quand celui-ci était plus jeune et se trouvait en pension. En fait, c'est aussi un témoignage sur les poètes de son temps (comme François Coppée). C'était très intéressant et c'est pourquoi  j'ai introduit de la poésie dans le "projet Van Gogh" qui a été soutenu par le Conseil Général du Val d'Oise.

Cette manifestation se fera, grâce à vous, sous le haut patronage de Léopold Sédar Senghor. Racontez-nous comment vous est venue cette belle idée ?
J'étais encore directrice de l'Ecole maternelle et il y avait une biennale de poésie qui se déroulait… à Marrakech. J'ai osé demander un congé pour m'y rendre ! Un inspecteur m'a approchée et a vu comment je travaillais. Il a soutenu ma candidature et je suis partie à Marrakech d'où j'ai ramené, bien sûr, plein de choses pour les enfants.
Leopold Sedar SenghorM. Léopold Sédar Senghor était le président de ce Congrès et a fait une entrée très émouvante. En effet, il avait perdu deux de ses fils dans des conditions tragiques et le second peu de temps avant le Congrès. J'ai vu alors un homme dévasté mais qui a assuré sa parole et j'ai vécu un moment extraordinaire. Jorge Luis Borges, l'écrivain argentin aveugle est monté sur scène au bras de sa secrétaire. Senghor est allé vers lui et Borges l'a pris dans ses bras et lui a dit cela : « Attends que je te touche. » Imaginez Borges un peu comme les sculptures de Giacometti, tout en longueur avec son regard bleu délavé qui se baladait un peu partout et l'autre qui était noir un peu corpulent, terreux, grisâtre en raison de ce qu'il venait de se passer : c'était un moment d'une poésie folle. Cette rencontre fera partie de mon prochain livre où je raconte ces souvenirs et bien d'autres.
A la suite de cela, j'ai été ébloui par la parole universelle de Senghor. Et ensuite, je suis partie à fond dans ce projet poétique international et dans l’anthologie d’art "Vincent, de la toile au poème", réalisés en 1990 pour le centenaire de la mort de Van Gogh. Et j'ai eu l'idée de proposer à M Senghor de placer cette manifestation sous son haut patronage. Et… il a accepté ma proposition ! Ensuite s'en est suivie une correspondance poétique.
Cela ne m'a pas donné la grosse tête mais plutôt de la confiance en moi. Et sans doute avais-je besoin de reconnaissance. D'autant plus que j'ai été orpheline de père et de mère très jeune. Je pense qu'il fallait que je fasse pousser des racines. Maintenant j'ai ces racines pour mes enfants. Tout ce que j'ai fait m'a valu ensuite une grande reconnaissance que je n'ai pas cherchée et qui est venue vers moi. C'est cela qui est beau et que je raconte dans mon prochain livre que j'ai intitulé "A l'ombre du baobab", l'arbre mythique de l'Afrique qui fait de l'ombre, l'arbre à palabres. Mon livre sera construit avec les réponses événementielles que Senghor m'a envoyées.

L'avez-vous rencontré un jour ?
Evidemment, c'est un regret de ne pas l'avoir rencontré et, en même temps, c'est peut-être pour cela que notre relation épistolaire s'est centrée sur la poésie et qu'elle est  devenue porteuse pour moi. Vous savez, il y a l'amour et le désir et quelquefois quand on fait durer le désir c'est plus fort que l'amour !

Aujourd'hui vous continuer à écrire des poèmes quotidiennement ?
Je suis comme les chèvres : je broute l'herbe qui me vient sous les pieds au lieu de m'occuper de mes vieux enfants !
Jeannine Dion GuérinJ'ai été institutrice, j'ai représenté la poésie pendant quinze ans lors des spectacles de cabaret du Théâtre de l'Aventure à Ermont, j'ai écrit une quinzaine de recueils de poésie, je participe à la radio IdFM en animant une émission mensuelle "En vers et avec tous". Aujourd'hui, à 82 ans,  je me calme ! Je veux m'engager plus profondément pour l'humain. Je veux me mouiller pour changer carrément la situation que l'humain vit actuellement. Il faut que la joie demeure derrière les pleurs, il y a de la joie à être sur terre…
Bref, pour répondre à votre question, je travaille tous les jours mais je n'écris pas obligatoirement de manière quotidienne. De plus, quand j'écris un texte, je le laisse "reposer" six mois et ensuite, je fais des corrections, je fais des coupes… il faut que cela aille directement au but !

En tant que poétesse, vous vous sentez différente ?

Oh non ! Je me sens totalement dans le bain, j'aime les gens et les gens m'aiment, il me semble. La poésie est ouverte sur l'extérieur. Le poème c'est un oignon, le poète déshabille l'oignon, enlève une peau, et encore une, puis apparaît la chair puis le germe. Pour chacun d'entre nous, il faut une vie pour trouver son germe à soi ! Par contre la parole du poète c'est une parole universelle basée sur l'humain, la nature, sur ce qui nous fait vivre. Simplement c'est l'oignon qui n'est pas le même ! Il existe des oignons peinture, des oignons tricot, des oignons comédie…  L'art sous toutes ses formes est en général la base des racines… pour pouvoir ensuite développer l'arbre.

Dernière petite question rituelle : qu'est-ce qui vous touche ou vous plait actuellement dans l'univers artistique ?

L'actualité en général me touche beaucoup, comme le cas de ces migrants qui arrivent en Europe. Je suis une accro à la radio ! Je me sens d'ici et maintenant, je suis encore curieuse… même à 82 ans ! Par exemple j'aime des jeunes chanteurs comme Julien Doré ou Renan Luce qui ont cette graine de poésie en eux !

Grand merci à Jeannine Dion-Guérin pour cette formidable rencontre.

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